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et catholiquement à tout, jusques à dire, C'est du vin catholique, C'est une viande catholique, C'est un potage catholiquement faict. PHILAL. Il me souvient aussi d'avoir ouy quelques uns parlans ainsi. PHILAUS. Je ne penses pas que vous l'ayez ouy à la cour. car quant à moy, je pourres jurer n'avoir souvenance de l'avoir ouy dire à aucuns de ceux parmi lesquels j'ay accoustumé de me trouver et toutesfois vous sçavez que je me trouve en beaucoup de compagnies, et de diverses sortes. Quant à quelques galefretiers, suyvans la cour, je sçay bien que vous n'allez pas ouir leurs propos, non plus que moy. Ceci ay-je bien voulu dire, à cause de monsieur Celtophile lequel pourret penser que tout ce qu'il oit en passant parmi les rues, se dit aussi à la cour. A propos de quoy il me souvient qu'une fois à Paris, en passant par le carrefour de SaintHilaire1, j'ouy un savetier qui promettet à un

pour Herodote où H. Estienne, pour prouver que les Ecclésiastiques et principalement les Sorbonnistes sont en possession de boire beaucoup et du meilleur vin de là, dit-il, sont venus les deux proverbes, vin theologal et boire theologalement; il y a dans l'Antichoppinus une lettre adressée au ligueur Choppin où après lui avoir appris que son nom venoit de choppinare, l'auteur de cet écrit burlesque montre que choppinare est unus gradus ad Magistronostrandum in Sorbona, et tout d'une suite il nous apprend que dans les repas de cérémonie de ces Messsieurs, quando Bidellus dicit, postquam bipserunt de Hippocrate, Domini mei estis saturi? le Bedeau est obligé d'en croire Messieurs nos maîtres, lorsqu'ils répondent usque ad guttur. » Sat. Menippée, II,

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I Carrefour de S. Hilaire. La rue S. Hilaire commence rue des Sept-Voies, 2, et finit rue Jean-de-Beauvais, 33.

qui luy avet porté des souliers pour racoustrer, qu'il les racoustreret rhetoriquement. Or peut estre que quelcun se trouveret maintenant si fol qu'il promettret aussi de raccoustrer quelque chouse catholiquement au lieu de dire, Fort bien et proprement. Mais tant s'en faut que telles façons de parler aillent jusques à la cour, qu'aucunes d'icelles ne passent pas l'université de Paris non plus que Faire un argument in barocho: Item Il est meschant per omnes casus : item, Il en fait son Achilles : item, C'est un petit

Ouverte en 1115, elle fut appelée S. Hilaire parce qu'elle conduisait à l'église S. Hilaire. On l'appela ensuite Fromentel et plus tard du Puits-Certain, à cause d'un puits public établi aux frais de Robert Certain, curé de S. Hilaire. Elle reprit ensuite son premier nom. L'église S. Hilaire existait déjà au XIIe siècle. Elle fut supprimée en 1790.

Il en fait son Achilles. Cf. Apol., II, 168. « On dit il fait son Achilles d'un tel, c. son bouclier, son fort, son asseurance, son appuy, son garand. Lesquelles manieres de parler procedent ou de l'extreme prouesse qui estoit audit Achilles chevalier de Grèce, comme pour cette cause se lit aux Annales de Rome, Luc. Sicinius Dentatus avoir ésté appelé Achilles Romanus. A. Gell., liv. II, chap. 11. Ou parce qu'au siege et conqueste de Troye, les Grecs assiegeants fissent principalement estat de luy. Ou parce qu'il fut le vengeur de la mort de son grand amy, Patrocle, par celle de Hector Troyen qui l'avoit tué. Ou bien parce qu'Achille estant aussy instruit en l'art de medecine par le dit Chiron, mit en usage tant l'herbe dite Achilleos, de son nom, qui remedie aux navrures, que le verd de gris avec lequel il guerit Telephus; au moyen de quoy on le peignoit jadis avec un couteau ratissant une pointe ou fer de lance d'airain et faisant tomber la rouilleure ou verd de gris en la playe du dit Telephus, Plin., 1. 25, ch. 5. A cause desquels remedes, qui apportoient allegement et guerison aux navrés, aucuns ont voulu comme anagrammatiser son nom par ayos qui signifie douleur et λów qui signifie delivre.

volucres. Il y a aussi plusieurs mots que l'autre partie de la ville n'entend pas, si l'exposition ne luy est apportee de là. Car comment peuvent sçavoir les marchands de la rue S. Denys que c'est à dire Un juppin', Un frippon2, Un poste 3, et Postiquer? ou que c'est à dire Un galoche4, ou Un galochier? ou Un capettes? A grand' peine sçavent aucuns de ces marchans que c'est à dire Un bachelier, Un licencié et diront l'un à l'autre par admiration, Mais aga, qu'est-ce à dire cela?

Aussi celuy dont le François dit qu'il fait son Achilles, delivre de peine et d'opresse, garde et conserve celuy qui s'est mis en sa protection et sauvegarde. » Nicot.

I

Juppin, polisson, de jupper, crier. Voy. Sat. Menippée, Harangue de Rose. Cf. Rabelais, 1. 3, ch. 12.

2 Frippon signifie essentiellement gourmand, de friper au sens de manger.

3 Poste, vagabond, voy. Rabelais, Prognostic. ch. V. 4 Galoche. Ecolier portant galoche. « Il est comme galoche dedans et dehors. » Leroux de Lincy, Prov., II, 34. Ces élèves étaient dehors comme externes et dedans comme suivant les cours. Monet l'explique par «< incivil, maussade, à guise de porteur de galoches et sabots, à guise de villageois. »

s Capette. « On s'est servi de ce mot pour désigner les boursiers du collège de Montaigu. C'est vraisemblablement ce qu'entend La Roque, Orig. des Noms, p. 260, lorsqu'il explique capettes en ce sens. On lit : « Capetes du collège de Montaigu, du Mont de France, dans Favin, Th. d'honn., t. I, p. 373. Pasquier, dans ses Rech., dit : « combien que les pauvres de Montagu, que l'on appelle autrement Capetes, ne soient liés à aucun vou de religion particulière, toutesfois pour autant que, pendant leur premiere étude, ils se diversifient d'habillemens avec nous, ils faut qu'ils laissent leur cucule, lorsqu'ils veulent participer au degré de maîtrise et fassent, par ce moyen, paroistre qu'ils sont totalement séculiers. L. III, p. 293. Voy. Dict. d'Oudin. » Lacurne.

Quant est de Maistre es ars, ils en oyent bien parler et encore non pas tous. Plusieurs aussi ne sçavent pas quelle difference il y a entre le principal d'un college, et le marmiton d'un college. tellement que cestuy là qui se vantet d'avoir esté marmiton au college de Navarre, ne se fust pas mal addressé à eux. PHILAL. Pour garder l'honneur de vos compagnons courtisans, vous nous avez faict un long discours et voulez dire pour conclusion, à propos de ceste façon de parler dont monsieur Celtophile disoit avoir ouy user, qu'il-y-en a plusieurs autres, comme aussi plusieurs termes, qui ne vont pas jusques à la cour et qu'on feroit tort aux courtisans si on pensoit qu'ils en usassent veu mesme qu'aucuns ne passent point l'université de Paris. Or quant à moy, je confesse estre vray que tels traits et tels termes dont vous parlez ont pris leur naissance en l'université de Paris : mais je nie qu'ils y demeurent enfermez. car je pense au contraire qu'ils se pourmènent par toute la ville, encore qu'elle soit bien grande, voire quelquesfois vont bien jusques aux villes d'alentour, or ladessus je vous demande pourquoy ils n'iroyent pas bien aussi jusques à la cour, quand elle est pres de Paris: voire pourquoy ils ne trotteroyent parmi les courtisans quand ils les trouvent tous portez à Paris. Et quant à ces façons de parler que vous avez alleguees, comme rares, et peculieres à l'université de Paris, vous pourriez bien vous abuser. car il-y-a long temps qu'on a usé

d'autres semblables: comme à propos de ce que vous avez dict Meschant per omnes casus (qu'on appelle aussi aujourd'huy Meschant en cramoisi1) je ne trouve pas que ceste façon de parler sente plus son college que quand on dit, Il en prend ab hoc et ab hac laquelle toutesfois est fort usitee. Il y-a long temps aussi qu'on a dict en latinizant Liperquam, comme Faire du liperquam, ou Faire le liperquam au lieu de dire Luy per quem. Pareillement qu'on a dict Avoir campos : comme

1 Meschant en cramoisi. « Cramoisi, honorable, distingué, Comme le cramoisi était une couleur distinguée, on a employé ce mot pour désigner les choses distinguées ou honorables; de là on a dit paroles de soye cramoisie pour façons de parler honorables, distinguées: Grégoire de Tours parle à Chilpéric en paroles de soye cramoisie, c'est à dire avec l'honneur et révérence que l'on doit à son rọy. » Favin, Th. d'honn., t. I, p. 478. De là aussi cette expression populaire, en cramoisy, pour dire d'une façon distinguée. (Rabelais, V, 46.) » Lacurne.

Vous seriez sotte en cramoisi,
Si vous nous le donniez ainsi.
Scarron, Virg. trav., I.

«En cramoisi, pour dire tout à fait, entièrement, au suprême degré, au delà de ce qu'on peut imaginer. Ce mot est fort à la mode à Paris et ne vieillira même jamais parce qu'il a une expression très-forte.

Dans mon esprit, quoique moisi,

Et fou peut-être en cramoisi.
Scarron, Poësies.

Mais on ne s'en sert jamais que pour donner un tour plaisant et ridicule à quelque chose et on ne le peut joindre qu'à un mot de mépris ou d'injure comme fat, sot, ignorant, lait, stupide, en cramoisi. Car de dire sage, prudent, savant, spirituel et beau en cramoisi, lorsqu'on parleroit sérieusement d'une personne à qui on devroit du respect, ce seroit le mépriser ou tourner en ridicule ou passer soi-même pour tel, faute de savoir la véritable application de ce mot. » Leroux, Dict.

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