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DE LA MEDISANCE.

Je définis ainsi la médisance, une pente secrète de l'âme à penser mal de tous les hommes, laquelle se manifeste par les paroles. Et pour ce qui concerne le médisant, voici ses mœurs: si on l'interroge sur quelque autre, et que l'on lui demande quel est cet homme, il fait d'abord sa généalogie: Son père, dit-il, s'appelait Sosie', que l'on a connu dans le service et parmi les troupes sous le nom de Sosistrate; il a été affranchi depuis ce temps et reçu dans l'une des tribus de la ville': pour sa mère, c'était une noble thracienne, car les femmes de Thrace, ajoute-t-il, se piquent la plupart d'une ancienne nobiesse : celui-ci, né de si honnêtes gens, est un scélérat, et qui ne mérite que le gibet. Et retournant à la mère de cet homme qu'il peint avec de si belles couleurs: Elle est, poursuit-il, de ces femmes qui épient sur les grands chemins les jeunes gens au passage, et qui, pour ainsi dire, les enlèvent et les ravissent. Dans une compagnie où il se trouve quelqu'un qui parle mal d'une personne absente, il relève la conversation: Je suis, lui dit-il, de votre sentiment; cet homme m'est odieux, et je ne le puis souffrir: qu'il est insupportable par sa physionomie! Y a-t-il un plus grand fripon et des manières plus extravagantes? Savez-vous combien il donne à sa femme pour la dépense de chaque repas? trois oboles', et rien davantage; et croiriez-vous que, dans les rigueurs de l'hiver et au mois de décembre, il l'oblige de se laver avec de l'eau froide? Si alors quelqu'un de ceux qui l'écoutent se lève et se retire, il parle de lui presque dans les mêmes termes. Nul de ses plus familiers n'est épargné : les morts mêmes dans le tombeau ne trouvent pas un asile contre sa mauvaise langue.

DU GOUT QU'ON A POUR LES VIGIEUX

Le goût que l'on a pour les vicieux décèle un penchant au vice. Celui que ce penchant domine fréquente les condamnés politiques. Il espère par là se rendre plus habile et plus formidable. Cite-t-on devant lui quelques hommes recommandables par leurs vertus: Bah! dit-il, ils sont comme les autres; tous les hommes se ressemblent : ces vertueux sont des hypocrites. Il parle sans cesse contre les gens de bien. Attaque

1. C'était chez les Grecs un nom de valet ou d'esclave. (Note de La Bruyère.) 2. Le peuple d'Athènes était partagé en diverses tribus. (Note de La Bruyère.) 3. Cela est dit par dérision des Thraciennes, qui venaient dans la Grèce pour être servantes, et quelque chose de pis. (Note de La Bruyère.)

4. Elles tenaient hôtellerie sur les chemins publics, où elles se mêlaient d'infàme commerces. (Note de La Bruyère.)

5. Il y avait au-dessous de cette monnaie d'autres encore de moindre prix. (Note de La Bruyère.)

6. Il était défendu chez les Athéniens de parler mal des morts, par une loi de Solon, leur législateur. (Note de La Bruyère.)

t-on un citoyen pervers, il déclare qu'on le calomnie, parce qu'il est libéral et indépendant. Il concède cependant en partie ce que l'on en dit, et prétend ignorer le reste; puis il ajoute : C'est un homme d'esprit, un cœur excellent, d'une capacité rare, jouissant d'un grand crédit. Toujours favorable à l'accusé traduit devant le peuple ou devant un tribunal, il s'assied près de lui, et s'écrie: Jugez donc l'homme, et non le fait. Celui qu'on accuse est le défenseur du peuple, c'est son chien vigilant; il le garde contre les oppresseurs, et les éloigne. Qui voudra se mêler des affaires publiques, si on abandonne à leurs persécuteurs de tels citoyens? Ainsi tout malfaiteur est son client; et, patron zélé, il le protége même contre les juges. S'il est juge lui-même, il interprétera les plaidoiries d'une manière perfide. L'affection pour les scélérats est sœur de la scélératesse, et le proverbe dit vrai : Qui se ressemble, s'assemble.

DU GAIN SORDIDE.

L'homme bassement intéressé accumule avec fureur des gains sordides. Il épargne le pain dans les repas, il emprunte de l'argent à l'étranger devenu son hôte par droit d'hospitalité. S'il sert à table. Il est juste, dit-il, que le distributeur ait une portion double; et il se l'adjuge.

S'il donne son manteau à nettoyer, il en emprunte un de quelqu'un de sa connaissance, et s'en sert jusqu'à ce qu'on le redemande... Il achète secrètement l'objet que convoite un ami, pour le lui revendre bien cher. Il diminue le salaire du mattre de ses enfants, si leur maladie l'empêche de les envoyer à l'école. Au mois anthestérion, il ne les enverra pas du tout. Il y a alors tant de fêtes, qu'il lui paraît inutile de payer un mois de leçons. S'il reçoit une rétribution pour un esclave dont il a loué le travail, il exige un droit de change. Il en use de même envers l'économe qui lui rend ses comptes. S'il voyage avec ses amis, il se sert de leurs esclaves et loue le sien, sans leur donner part au profit qu'il en retire. S'il se fait chez lui un pique-nique, il met en réserve une petite partie de tout ce qu'on lui apporte, bois, lentilles, vinaigre, sel, huile de lampe Si un de ses amis se marie. ou marie sa fille, il a eu soin de projeter d'avance un voyage, et son absence le dispense du présent de noces. Enfin, il emprunte à ses amis de ces choses qu'on ne redemande pas, et qu'on ne voudrait pas reprendre.

FIN DE THÉOPHRASTE.

DES MATIÈRES CONTENUES

DANS LES CARACTÈRES DE LA BRUYÈRE.

N. B. On a fait précéder d'une croix (†) les morceaux les plus remarquables, ei
de quelque étendue, sur lesquels, d'ordinaire, MM. Ics professeurs appellent plas
particulièrement l'attention de leurs élèves.

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Athéisme. Il n'est point, 420 et suiv.
Auteur. Il faut plus que de l'esprit pour
l'être, 7. Doit être modeste, 12. - Doi:
ne point s'inquiéter des mauvais plaisants,
17.-Modèle que doit suivre un auteur né
copiste, 40.-La profession d'auteur n'en-
richit point, 310.

Avare ('). Dépense le jour de sa mort,
146.-Vie des avares, 287.

Avenir. Preuve d'un avenir, 135.
Avocat. Sa fonction, ses difficultés.
Comparé au prédicateur, 412.

-

B

BALZAC. Jugement sur ses lettres, 21
Son influence littéraire, 23.
BARON, Sous le nom de Roscius, 72.
Bâtir. Manie de bâtir, 350.

+ Bibliomane (le), 349.

Bienfaits. Ils attachent à ceux que l'or
oblige, 96.

Biens de la fortune. Leur perte casse
une affliction durable, 149.

Bon. L'homme bon, 64.

BOSSUET, sous le nom de Trophime. Son
grand mérite, 52. Comparé à Démos-
thène. Il a fait de mauvais censeurs, 410

BOURDALOUE. Son talent comme orateur
Il a fait de mauvais copistes, 440.

Bourgeois de Paris. Sa vie commode,
comparée à celle de ses ancêtres, 166.
Bravoure (le glorieux de), 333

C

Caprice (du) chez les femmes, 69. Charges (amour général pour les), 47. Chef-d'œuvre d'esprit. Ne peut guère être l'ouvrage de plusieurs, 9.

Cid (le). Accueil que reçut cet ouvrage sa naissance. Sen mérite, 18. Ciel (le). Son immensité prodigieuse et ses merveilles, 434 et suiv. Citations (la manic des), ou Hérille, 325. Cœur. Ne se donne pas toujours avec la confiance, 90. - Devrait renfermer des sources inépuisables de douleur, 91. Concilie les choses contraires, 98. est plus sociable par le cœur que par l'esprit, ibid.

On

Comédiens. Leur condition, 306. Le comédien en carrosse éclabousse Corneille à pied, 307. +Commodités (l'esclave de ses petites), ou Hermippe, 390.

+ Complaisant (le) de tout le monde, ou Celse, 60.

Compliments (des) de félicitations, 195. CONDÉ (prince de), sous le nom d'Æmile. Son portrait, 56.

Conditions (les). Leur disproportion, 147.- Charme de chaque condition, 202. – L'inégalité des conditions est dans les desseins de Dieu, 447.

Conduite. Pivots de la sage conduite, 328. Confance. On peut posséder celle de quelqu'un sans son cœur, 90.gereuse si elle n'est entière, 126.

Est dan

Connaisseurs (les faux). His usurpent l'autorité des juges, découragent les poetes et les musiciens, 28.-Leur mince savoir, 496.

Conseil. Nécessaire en affaires, quelquefoi, nuisible dans la société, 149. - II y a dans les meilleurs de quoi déplaire. Pourquoi, 328.

+ Consultation (la) médicale au temple d'Esculape, ou Irène, 264.

Content. Il est bien difficile de l'être de quelqu'un, 95.

+ Conteur (le) diffus, 104.

+ Conteur (l'impertinent), ou Arrias, 103. + Conversation (du véritable esprit de) 107 et suiv.

Coquet. L'homme coquet, 70.
Ciquette (la), ou Lise, 67.

+ Coquillages (manie des), 352. CORNEILLE (P.) Son mérite éminent 31,- Parallèle entre lui et Racine, 33. Son portrait, 322.

Cour (la). Ne pas savoir la Cour, reproche honorable. Portrait de celui qui sait la Cour. On est petit à la Cour. Vue de la province, la Cour paralt admirable, 168.

Ce qu'est la Cour aux yeux d'un honnête homme, 169.-L'air de Cour est contagieux, 170.-On se couche et on se lève à la Cour sur l'intérêt, 174. Tout est dissimulation à la Cour. Vie de Cour comparée au jeu, 491.- Tableau de la Cour, 193.-II inspire le mépris du monde, 200, La Cour et l'amour de la solitude, ibid. apprend à connaitre les faux dévots, 360. Les libertins ou les hypocrites y dominent, 424.

Courtisans. Sont exlaidis par la présence du prince, 169.-Courtisans de bas Les courtisans sont ingéétage, 171.nieux pour se dispenser d'obliger, 177. Ont deux manières de congédier les solliciteurs, 180.- Avidité des courtisans, 182. Peu osent honorer le mérite seul, 178. Le courtisan, 489 et suiv. -Le courtisan ressemble à une montre, 191. Son esclavage, 192. Voir le visage du prince est toute sa vie, 194. — Où se termine toute sa prudence et toute sa Le courtisan d'autresouplesse, 195. — fois et celui d'aujourd'hui, 359.

du courtisan, 361.

Vices

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