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fante, portée sur ce trône par deux révolutions et la spoliation de l'héritière apparente (1), avait été assez mal avisée pour refuser la main du prince d'Aragon.

sionnée de l'illustre Frère Vincent Ferrer, nom dont les annales de l'inquisition donnent pleinement la signification politique. Le prince castillan fut donc élu, tandis qu'il restait dans les États d'Aragon trois branches légitimes de la maison royale (1). Il eut le vote de six des neuf commissaires; des six, quatre étaient ecclésiastiques, et un seul Catalan. Cette grande et riche contrée, alors à la tête de la civilisation dans le monde latin, et qui seule, entre les États aragonais, avait, pendant l'intervalle, su maintenir dans son sein le respect des lois, la marché régulière des affaires, la Catalogne se soumit, avec une prudence héroïque, à une sentence qui blessait toutes ses affections, choquait ses convictions, et dont les conséquences (éloignées, il est vrai) devaient lui être funestes. Ni les Baléares, ni la Sardaigne, ni la Sicile, ne purent obtenir d'envoyer leurs commissaires dans le tribunal d'arbitres, lequel, pourtant, devait donner un roi à ces trois États. Dans le nombre des commissaires, il n'y eut que deux magnats, et tous les deux étaient tels en raison de leur dignité ecclésiastique : l'archevêque de Tarragone et l'évêque de Huesca. Les sept autres étaient des moines ou de simples légistes; l'influence de la haute noblesse féodale, fort considérable encore dans la couronne d'Aragon, subit, dans cette occasion décisive, une éclipse totale, et cela de l'aveu même, du consentement, libre en apparence, des chefs de ce corps.

L'examen des événements qui amenèrent le compromis de Caspe et les conséquences qui en résultèrent pour l'Aragon et la Castille, est le sujet d'un mémoire couronné, en 1855, par l'Académie d'histoire de Madrid, et composé par un écrivain catalan, dont les sciences historiques peuvent beaucoup attendre, D. Florencio Janer. Ce mémoire (2) mérite l'attention la plus sérieuse. Le récit est clair, bien que l'emphase, trop naturelle aux compositions castillanes, ôte quelque chose à la force des raisonnements. Les documents qui corroborent le texte sont bien choisis et concluants. Nous ne saurions nous associer à toutes les opinions du lauréat de l'Académie espagnole; mais lui-même fournit, avec une bonne foi lumineuse, les arguments les plus solides en faveur d'une autre opinion. Évidemment quand la mort du roi d'Aragon, Don Martin (3), suivant de près celle du roi de Sicile, fils unique de ce prince (4), laissa la succession de six royaumes au hasard de la guerre civile ou à la décision des parlements, l'héritier naturel, le prétendant préférable, d'après tous les précédents historiques, aux termes de toutes les lois de famille et de toutes les règles d'État, était Don Jayme d'Aragon, comte d'Urgel. Arrière-petit-fils d'Alphonse III, époux de la sœur de Don Martin, lieutenant-général du royaume, charge que l'héritier présomptif pouvait seul obte-nimité, de respect pour la loi, d'intérêt pour le nir, il avait un droit supérieur à tous ses compétiteurs, et ses qualités personnelles n'étaient pas au-dessous de ses prétentions. Mais le duc de Peñafiel (Ferdinand) avait pour lui les armes de Castille, qu'il fit agir sans scrupule en Aragon, la faveur ouverte du clergé qui n'avait jamais accordé sincèrement sa confiance à la maison du champion de Muret (5) et de l'antagoniste de Charles d'Anjou (6) ), et surtout la partialité pas

(1) Doña Juana, fille de Henry IV. (2) Madrid, Matate et Ce, 1856.

(3) Surnommé el Humano, ce qui veut dire la pacifique. Il mourut le 31 mai 1410.

(4) Don Martin, dernier roi particulier de Sicile, mort sans postérité légitime le 25 juillet 1409.

(5) Pierre Ier.

(6) Pierre III.

On ne s'attendrait pas à trouver tant de magna

bien public, à une époque où la volonté individuelle avait encore tant d'énergie, et où l'appel aux armes était, en toutes rencontres, si puissamment sanctionné par l'opinion. Toutefois, ces exemples de générosité touchèrent peu le prétendant préféré, Don Fernando, nouveau roi d'Aragon. Ce prince, à qui ses chroniqueurs donnèrent les surnoms d'Honnête et de Juste, retint, pendant toute sa vie, et fit, après sa mort, retenir par son successeur, dans une étroite prison, à Xativa, le plus dangereux de ses compétiteurs, Jayme, comte d'Urgel (2). Le récit de la lutte inégale soutenue par ce jeune prince

(1) Celles des comtes d'Urgel, des ducs de Gandia et des comtes de Prades.

(2) Mort sans postérité, en 1430, quatorze ans après Ferdinand.

contre l'élu de Caspe, et de l'abnégation chevaleresque avec laquelle, voyant sa fortune désespérée, il s'offrit en victime pour sauver ses vassaux dévoués, ce passage du mémoire de M. Janer (1) est au nombre des morceaux les plus pathétiques et les plus instructifs qu'offrent les annales du moyen âge.

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dire du roman dans sa forme classique, usitée tout à la fois dans les contrées méridionales de la France et dans les provinces orientales de l'Espagne. Mais il ne faut pas s'exagérer la portée de cet éloge. Jamais la langue que nous venons de caractériser, et dont l'usage officiel fut entièrement abandonné au XVIe siècle, ne parvint à une véritable formation. Elle garda toujours, sous la plume même de ses écrivains les plus énergiques, tels que Ramon Montaner, quelque chose de naïf jusqu'à la puérilité, d'indécis et de mou, semblable au balbutiement de l'enfance. Sa grâce native et son ingénuité la relèvent dans la poésie, surtout la poésie légère, amoureuse et raffinée; mais quand elle est employée à des sujets plus sévères et à des narrations suivies, la faiblesse décolorée de l'expression contraste étrangement avec la netteté vigoureuse de la pensée : on dirait l'allocution d'un héros passant par la bouche d'un enfant. Le caractère de Pierre IV est loin de mériter la sym

blème favori était le poignard, et non l'épée, le

La « Chronique du roi d'Aragon, Don Pedro IV, " surnommé le Cérémonieux, écrite par lui-même," en langue limosine, avait été publiée à une époque déjà ancienne; mais on peut dire que la première édition correcte, et judicieusement revue de cette inappréciable composition, est celle que Don Antonio de Bofarull a donnée récemment à Barcelone (2), et dont l'utilité est fort accrue par la traduction castillane, fruit des veilles de cet érudit. L'intention du royal chroniqueur avait été, comme il l'annonce dans le préambule de son œuvre, « de » raconter tous les grands événements qui se sont » succédé dans sa maison durant le temps de sa vie, en commençant par ceux qui ont accompa-pathie, et même de commander l'estime. Son emgné sa naissance. » Mais appesanti par l'âge et devenu infidèle aux maximes qu'il avait si éner-poignard avec lequel il avait lacéré le titre des giquement soutenues pendant ses années de vigueur, Pierre IV d'Aragon quitta la plume, après avoir raconté les troubles de Sicile, en 1380; et l'on ne trouve rien de sa main sur les sept dernières années de son règne. Né en 1320, il avait poussé sa carrière jusqu'à l'âge de soixante-sept ans, dont son règne, d'abord nominal, et bientôt effectif, remplit cinquante et un. Ce règne fut considérable sous tous les points de vue, et Pierre « le Cérémonieux" tient une place distinguée parmi les souverains du moyen âge; très-médiocre comme capitaine, d'une valeur douteuse comme cavalier, il fut consommé dans la science du gouvernement, telle qu'on l'entendait alors: persévérant, ferme et modéré, malgré la violence innée de son caractère; comme écrivain, il est singulièrement précis, judicicux, rempli de méthode, trèssimple, et cependant, produisant beaucoup d'impression.

On peut considérer Pierre IV comme un des bons prosateurs de la langue limosine (3), c'est-à

(1) Chroniques des comtes d'Urgel, par Monfar, rapportées aux pages 95, 96 et 97 du mémoire de M. Janer. (2) Cronica de D. Pedro IV. - Barcelone, chez Alberto Frexas.

(3) Lemosi. Cette dénomination, à laquelle, parmi nous,

priviléges de l'Union; il aimait à s'entendre appeler « En Pere del Punyalet (1). » Si le nom de Pierre le Cruel ne lui est pas demeuré dans l'histoire, c'est en raison de la singulière coïncidence qui fit échoir ce nom, et mériter ce surnom de la manière la plus incontestable, aux deux contemporains du monarque aragonais, Pierre le Cruel (2) de Castille, et Pierre le Cruel de Portugal. Le roi d'Aragon fut, à quelques égards, un véritable précurseur de Louis XI. Comme le fils de Charles VII, souple et tenace, poursuivant son but à travers toute la variété des événements avec une patiente et inébranlable obstination, sachant plier, céder, attendre, et déguiser ses desseins, il parvint à rétablir l'unité du commandement suprême dans les États de la couronne aragonaise. Il dépouilla sans pitié le dernier des princes apanagés qui portât le titre royal, le seul rival qu'il eût à craindre dans l'intérieur de sa famille, Jacques de

l'usage substitue celle de langue provençale, est due à la supériorité de talent que déployèrent, au douzième siècle, âge d'or de cette poésie, Géraud Berneil, Bernard de Ventadour et d'autres trouvères limousins.

(1) Dom Pierre du Poignard.

(2) Pour distinguer celui-ci de son homonyme, Camoëns l'appelle le cruel par excellence, cruissimo.

Majorque (1); il le réduisit à la possession de Montpellier, que la protection du roi de France garantit à ce malheureux prince. Il profita de la double élection qui rendait problématiques entre deux compétiteurs les droits du pontificat suprême pour séquestrer les revenus de la cour romaine dans ses États d'Aragon, et suspendre l'exercice du pouvoir qui limitait le plus efficacement celui de sa couronne. Enfin, il affermit et régularisa la domination des Aragonais sur la Sardaigne; il prépara la réunion de la Sicile aux États de la branche aînée de la dynastie qui régnait sur cette île depuis Pierre, qui recueillit le fruit des Vêpres Siciliennes. Dans l'intérieur de sa monarchie, Pierre le Cérémonieux abolit, après de sanglantes vicissitudes, le privilége exorbitant de l'Union, dont les « ricos homes» et les communes des royaumes d'Aragon et de Valence venaient de faire un dernier et périlleux usage. La victoire, qu'une tactique adroite, bien plus que l'énergie belliqueuse ou le talent militaire, assura, dans Saragosse et Valence, à « Pedre du Poignard, fut souillée par des cruautés commises de sangfroid, et sur lesquelles le roi chroniqueur s'étend avec complaisance (2). « Il y eut des rebelles seu»lement pendus ; d'autres, comme le barbier Gonçalbo, qui m'avait chanté des vers insolents (3), » furent traînés sur la claie; d'autres, à qui je fis » boire le métal fondu de la cloche qui appelait les » membres de l'Union à leurs assemblées. » Heu

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reusement pour ses sujets et pour lui-même, Pierre eut rarement le pouvoir d'exercer de semblables barbaries. Sa prérogative, débarrassée d'un droit aussi funeste aux peuples que dangereux au monarque (l'Union n'était, chez les Aragonais, comme la confédération en Pologne, qu'une régularisation de l'insurrection, sans cesse provoquée par la clause qui la rendait légale); cette prérogative, devenue plus ferme et plus respectée, demeura pourtant contenue dans de justes bornes.

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La liberté des sujets garda de nombreuses et solides garanties; la théorie et la pratique, sur une grande échelle, de la monarchie parlementaire, trouvèrent, aux XIV et XV siècles, leur application en Aragon, tandis qu'elles n'existaient encore qu'en ébauche dans la Grande-Bretagne, et qu'en ruines dans la monarchie française.

Les notes ajoutées par D. Antonio Bofarull au texte du roi Pierre sont très-judicieuses, et contribuent essentiellement à la pleine intelligence d'un ouvrage dont l'utilité, pour étudier avec fruit un des côtés les plus intéressants de l'histoire du moyen âge, n'est surpassée par aucune autre publication. ADOLPHE DE CIRCOURT.

SIX LETTRES INÉDITES DU DUC DE SAINT-SIMON. On sait combien sont rares les lettres du duc de Saint-Simon, surtout celles où il est question de ses affaires personnelles. Aussi croyons-nous faire plaisir à nos lecteurs en leur faisant connaître les six pièces suivantes, adressées, sauf une, à M. d'Argenson, ministre de la guerre; nous en devons la communication à l'obligeance de M. le marquis d'Argenson, entre les mains duquel sont les originaux.

Nous appellerons surtout l'attention sur la troisième lettre et sur la quatrième qui sont relatives à des affaires de famille. Au moment où il

les écrivit, il ne restait plus à Saint-Simon que son second fils, le marquis de Ruffec. Son fils aîné était mort en 1746, ne laissant qu'une fille, Marie-Christine-Chrétienne, dont il est question ici, née le 7 mai 1728, et qui fut mariée le 10 décembre 1749, c'est-à-dire un mois environ après la date de la quatrième lettre, à Charles-Maurice Grimaldi, comte de Valentinois, frère cadet du prince de Monaco. L'au

teur des Mémoires eut la douleur de voir s'éteindre avec le marquis de Ruffec qui mourut un an avant lui, en 1754, le duché-pairie de Saint-Simon et la dernière branche de la maison Rouvroi-Saint-Simon.

Le duc de Saint-Simon au comte d'Argenson, ministre de la guerre.

« La Ferté, 11 avril 1745.

» Je sens, monsieur, quels doivent être les soins

d'un ministre chargé de tant de frontières importantes, de tant d'armées, et à l'ouverture d'une campagne où le Roi va marcher. Mais j'aurais aussi trop de reproches à me faire si je ne vous avertissais pas que Blaye (1) est absolument sans figure, sans vivres, sans magasins, sans pouvoir tirer un coup de canon; sans autre garnison que quatre compagnies de milices non complètes, au point qu'elles ne peuvent fournir les sentinelles ordinaires sur les remparts, et que la place n'est point à l'abri d'une escalade si quelques frégates anglaises osaient l'entreprendre, ou les religionnaires dont les assemblées sont très-nombreuses

dans ces pays-là. Vous aurez donc pour agréable d'en peser l'importance, d'y donner les ordres que vous jugerez à propos, ou possible de vous souvenir au moins que je vous en ai averti, et surtout, monsieur, qu'il ne se peut rien ajouter aux sentiments avec lesquels je suis votre trèshumble et très-obéissant serviteur.

AU MÊME.

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Paris, le 12 mai 1745 (2). "Je vous embrasse d'ici, monsieur, dans le transport de ma joie. Arriver et vaincre sans intervalle et à l'ouverture d'une campagne, quelle gloire, quel bonheur et quel champ'ouvert! Je n'ai pas pu résister au plaisir de mêler ma joie à la vôtre ni à l'indiscrétion de la témoigner moimême au Roi. Je vous adresse ici, à cachet volant, une lettre que j'ai l'honneur de lui écrire. Je me flatte que vous voudrez bien la lui présenter, et lui la recevoir en faveur de plus d'un siècle que l'on n'a vu roi de France gagner une bataille en personne. Pardonnez-moi, monsieur, cette importunité puisque personne n'est plus véritablement que moi votre, etc., etc. "

Au Roi.

» Sire, Votre Majesté vient d'acquérir un comble de gloire personnelle qui est l'unique qui ait manqué (3) au grand règne du feu roi, et d'y ajouter cet extrême bonheur d'avoir elle-même montré à Monseigneur le Dauphin, et dans un

(1) Le gouvernement de Blaye, donné par Louis XIII au duc de Saint-Simon, avait, à sa mort (1693), été accordé à son fils par Louis XIV.

(2) Deux jours après la victoire de Fontenoi.

(3) Louis XIV n'avait jamais assisté à une bataille rangée.

âge si tendre, le chemin de la victoire. Je suis, Sire, si transporté de joie que je ne puis m'empêcher de la répandre aux pieds de votre personne sacrée..

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Au comte d'Argenson, ministre de la guerre. Paris, le 2 novembre 1719. «Vous m'avez permis, Monsieur, de compter sur l'honneur de votre amitié; vous avez bien voulu m'en donner des marques. Trouvez bon que je vous en demande une essentielle et qui fera toute la consolation d'un homme qui a travaillé toute sa vie à l'établissement de sa maison et qui a la douleur de lui survivre. Les malheurs de ma famille me réduisent à une petite fille, et à la marier avec un cadet de bonne maison, mais cadet sans rang. Je vous avoue que cela me pénètre d'autant plus qu'elle aurait épousé M. de Monaco s'il n'avait pas la tête tournée de sa comédienne. Je vois ma petite fille sans rang jusqu'à la mort de mon fils, qui est d'âge à lui faire attendre longtemps sa grandesse. Je désirerais donc passionnément obtenir un brevet de duc en faveur du mariage. La naissance des deux le comporte. Cela n'a point de succession. Oserais-je dire que j'ai passé ma vie en des emplois honorables auxquels je n'ai point fait honte, ni par ma conduite depuis? Le mariage est sûr; cette grâce n'en est pas une condition. Vous êtes le seul à qui j'en ouvre mon cœur. Je vous en conjure donc, de vouloir représenter ces choses au Roi, et de les vouloir appuyer de votre crédit et de votre biendire. Ce me serait une double satisfaction de devoir cette grâce au Roi, par votre entremise, et d'en avoir toute la vie la reconnaissance dans le cœur. Le Roi fait ses grâces à qui il lui plaît. Mais je ne puis prendre sur moi l'humilité de ne m'en pas croire susceptible. J'attends donc, Monsieur, ce vrai service de vos bontés en homme qui met toute sa confiance en celles du Roi, et qui est pour jamais, Monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur. "

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ministre, pouvait demander une grâce pour quelqu'un, quoique l'expédition ne fût pas de son département. Je ne puis croire que cette seule raison ait causé le silence négatif à la proposition que vous avez bien voulu faire, et je suis très-persuadé que le canal que vous m'indiquez ne me rapporterait qu'un refus exprimé. Ainsi je me tiens pour battu, ne me repentant point d'avoir agi en père de famille et d'avoir tenté ce qui ne me peut paraître une demande déraisonnable en soi, ni qui fût au dessus de ma portée. Je vous conjure donc que ma tentative demeure de vous à moi, et d'être bien persuadé de la reconnaissance et de l'attachement véritable avec lequel je suis, etc."

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"Je n'ai pas été en peine un moment du délai de l'honneur de votre réponse, et j'ai toujours compté que votre amitié, Monsieur, espérait et attendait un moment favorable. Il m'est clair maintenant qu'il ne s'en trouvera plus pour moi. J'ai cru dans la situation où je suis, pouvoir faire rétablir ma pension de la régence, que je rendis quand j'en sortis, parce qu'alors je pouvais m'en passer, et je suis le seul qui ne l'aie pas conservée en nature, ou changée en une autre sorte de grâce. M. le contrôleur général (1) m'a témoigné en cette occasion particulière, l'humanité qu'il montre en général à tout le royaume; et j'ai été refusé, quoique pour cette fois j'aie lieu de croire que le roi avait envie de l'accorder.

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Vous êtes, Monsieur, témoin de mes deux autres refus, et je ne crois pas que vous trouviez pas une de ces trois demandes ni déraisonnable, ni au delà de ma portée et de mes besoins.

» Le roi est le maître, à qui le plus profond respect est dû, et duquel les plaintes sont odieuses. Je m'en tiendrai à ne plus m'exposer au refus, et à compter sur une disgrâce que je n'ai point méritée, et dont on ne peut dire la cause, enfin à l'importuner de ma présence encore moins que je n'ai fait. Pour vous, Monsieur, soyez bien persuadé, s'il vous plaît, que le succès ne règle point ma reconnaissance, qu'elle est sincère et tendre pour vous, ainsi que l'attachement véritable avec

(1) Machault.

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ullima linea rerum

Les anciens n'aimaient pas à contempler la mort; ils la voilaient sous des fleurs. Mais le moyen âge, accablé sous les douleurs physiques et les terreurs religieuses, se complaisait dans l'idée de la chair putréfiée et des os blanchis. Ses peintres et ses sculpteurs la prodiguèrent sous mille formes, et la fameuse Danse macabre, qui remplit tout le XVe siècle, fut le chef-d'œuvre de cette école d'effrayants réalistes. Jean Holbein, le célèbre peintre bâlois, né vers 1495, et qui mariait dans ses ouvrages l'ingénuité du gothique avec le crayon savant de la Renaissance, rajeunit ce sujet dans une suite de dessins qui furent publiés, en 1538, par les frères Trechsel, libraires de Lyon, sous le titre de Simulacres de la mort, petit livre dont la vogue immense n'est pas encore épuisée. La dernière édition française en a été donnée, il y a quelques années seulement, par feu M. Hippolyte Fortoul.

Ces représentations tragiques, dont le héros est un squelette, avaient longtemps préoccupé Holbein; car dès sa jeunesse il avait gravé pour la typographie, sous l'empire de la même idée, un alphabet de lettres initiales qu'on voit employé pour la première fois par les imprimeurs de Strasbourg et de Bâle, vers 1524, et dont le commerce employait des copies ou plutôt des contrefaçons dès l'an 1526. Cet alphabet, chef-d'œuvre

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