Page images
PDF
EPUB

ceux qui souffrent, et l'humilité à ceux qui sont | et qu'on s'aigrît en de vaines disputes, et il désirait dégradés; ce serait trop commode pour notre qu'on réservât toute son ardeur et toutes ses forces égoïsme. Il s'agit de tendre une main secourable pour la grande œuvre de l'amendement et du perà ceux qui sont abaissés, et de donner une part de fectionnement des âmes. notre superflu à ceux qui manquent du nécessaire. L'indigence n'attaque pas seulement le corps, mais aussi l'âme; elle produit l'ignorance, l'avilissement, la haine, la brutalité et la débauche. Pour prêcher avec efficacité le respect de soimême, il ne faut pas s'adresser à des gens en haillons que la faim tourmente, il faut que le corps soit tranquille et suffisamment pourvu. La sérénité de l'âme au milieu des souffrances physiques est un prodige qu'il serait déraisonnable d'attendre de la plupart de nos semblables.

Le corps muni de ce qui lui est nécessaire, les besoins de l'âme arrivent en foule. Il convient de les satisfaire, mais en les réglant. Il y a en nous de hautes tendances et des penchants inférieurs. Féconder en nous les germes de moralité et contenir notre égoïsme, tel est notre devoir, telle est notre destination sur cette terre. Notre âme est un terrain qu'on ne saurait laisser en friche, sans qu'il n'y pousse aussitôt une végétation sauvage et vénéneuse. Les hommes que les tentations assiégent, tombent fatalement dans le vice, s'ils ne sont relevés, soutenus et dirigés par une tutelle intelligente et une éducation continue; et c'est à ceux d'entre nous qui possèdent le savoir et l'art de bien se conduire à partager ces bienfaits avec ceux qui en sont dépourvus. Le progrès social ne peut s'accomplir que moyennant un enseignement mutuel qui embrasse toutes les classes et tous les individus.

Il est des unitairiens plus décidés, et qui soutiennent d'un ton décisif les thèses que Channing ne fit qu'indiquer. Suivant eux, la révélation ne s'est pas seulement produite par la voix des patriarches, des prophètes et de Jésus-Christ, et elle est loin d'être contenue tout entière dans la Bible. Elle y est éminemment, mais elle est aussi dans les écrits et les discours des savants et des sages de l'antiquité et des temps modernes; elle a même lieu chez tous les hommes, mais plus ou moins diminuée et obscurcie par l'ignorance, les préjugés et les passions. Elle ne peut se déployer largement et avoir toute son efficacité que par le concours intelligent et actif de tous ceux qui y sont associés. Enfin elle est essentiellement progressive, et toute découverte de la science, toute application nouvelle des principes moraux en atteste un progrès. Les lacunes qui existent encore dans la science et les imperfections qu'accuse l'ordre social montrent que, bien loin d'être arrivée à son terme, elle attend encore d'immenses développements. Ainsi l'unitairianisme présente le christianisme sous un aspect tout nouveau, il l'unit étroitement au progrès scientifique et démocratique, et le réconcilie complétement avec la philosophie du XVIIIe siècle. Mais est-ce bien par cette transaction et cette alliance que se terminera la lutte toujours subsistante et toujours animée entre les idées anciennes et les idées nouvelles, et que s'effaceront les négations et l'hostilité radicale des deux partis? L'avenir en décidera; pour nous, qui ne sommes pas prophètes, nous ne saurions offrir la solution d'un aussi grand problème.

Quoi qu'il en soit, nous applaudissons aux efforts des hommes généreux tels que Channing. Le prédicant unitairien fut un véritable saint. Sa vie entière fut consacrée à relever, à améliorer, à con

Nous venons d'énoncer la pensée dominante de l'unitairianisme. Elle a surtout un caractère moral, et Channing ne dissimule guère son intention de subordonner les questions dogmatiques à la réforme des mœurs. Il paraît croire que les croyances métaphysiques et l'interprétation des traditions historiques peuvent et doivent varier suivant le degré d'avancement et la nature individuelle des intelligences, et qu'aucune idée certaine et défini-soler, à encourager ses semblables. De sa parole tive ne pouvant être établie en pareille matière, il convient de laisser à chacun son libre arbitre, et de ne chercher l'unité de pensée et de volonté que dans la voie de la morale. Ainsi il se montrait tolérant pour ce qu'il appelait les superstitions du catholicisme, laissant au temps le soin de conjurer ces aberrations. Il ne voulait pas qu'on se dissipât

et de ses écrits sortit une source abondante d'édification qui se répandit dans toute l'Amérique. Puisse-t-elle s'épancher jusqu'à nous, percer cette dureté des consciences, dissoudre cette aridité des cœurs et secouer cette torpeur morale, qui sont les traits fâcheux de notre époque ! Le livre qui fait le sujet de cet article est inspiré par le désir

[ocr errors]

de faire pénétrer en nous le soufle vivifiant de | est leur rareté qu'on ne connaît de la plupart d'entre Channing. Aussi applaudissons-nous cordialement elles qu'un seul exemplaire payé au poids de l'or aux intentions nobles de son auteur, qui joint à dans des ventes publiques (1). Les variantes que l'élévation de son caractère un talent vraiment fournissent ces livrets, dépositaires précieux des distingué. Cet auteur est une dame anglaise, qui, premières pensées de Rabelais, ont été signalées nous dit son digne patron, ne veut ni qu'on la dans un excellent livre sorti de la plume du savant nomme, ni qu'on la loue. Sur le premier point, auteur du Manuel du libraire : Recherches sur les nous lui obéirons; sur le second, nous ne pou- éditions originales de Rabelais, 1852. vons déférer au vœu de sa modestie, car nous avons à nous acquitter d'une dette envers elle, pour le plaisir grave que nous a fait éprouver la lecture de son livre. ED. COURNAULT.

LA DERNIÈRE ÉDITION DE RABELAIS (1).

Il existe un grand nombre d'éditions de l'œuvre de l'immortel écrivain que Nodier appelle notre Homère bouffon; il n'y en a aucune qui donne satisfaction complète à la critique. Les commentaires de Le Duchat et de MM. Esmangart et Eloi Johanneau renferment beaucoup de choses inutiles; ce dernier pousse jusqu'à un excès insoutenable la manie de voir une allusion historique dans chaque ligne du texte; le travail de Delaulnaye est le fruit de longues recherches, mais les divers glossaires placés à la fin des écrits du curé de Meudon ne sauraient tenir lieu de notes mises au bas des pages destinées à fournir immédiatement au lecteur les explications dont il a besoin. Le très-volumineux commentaire de l'Allemand Regis reproduit en grande partie les investigations de ses devanciers, en y joignant de nombreux détails sur les emprunts que Rabelais a faits aux écrivains ou aux événements de l'antiquité; on ne pouvait demander à un étranger écrivant en Silésie cette connaissance intime du langage et des mœurs de la France au commencement du XVIe siècle qui est indispensable à tout interprète du Pantagruel.

D'ailleurs tous ces éditeurs, traducteurs ou commentateurs, ont reproduit des éditions qui n'ont pas donné la première rédaction du Gargantua et du Pantagruel; ce n'est que depuis fort peu d'années que les éditions primitives sont sorties de l'obscurité où elles étaient restées plongées; telle

(1) OEuvres de Rabelais, collationnées pour la première fois sur les éditions originales, accompagnées de notes nouvelles et ramenées à une orthographe qui facilite la lecture, bien que choisie dans les anciens textes, par MM. Burgaud des Marets et Rathery. Tome Ier, in-18. Paris, Firmin-Didot.

Le travail de MM. Burgaud des Marets et Rathery est fort digne d'éloges; ils ont voulu donner un Rabelais portatif, offrant un texte supérieur à celui qui avait déjà été mis sous les yeux du public et accompagné d'explications succinctes. Tel est leur but; ils l'ont atteint. Leur édition ne les dispensera pas, nous aimons à le croire, d'en publier une plus étendue et qui pourra, pour la constitution du texte, pour l'indication des variantes et pour l'interprétation, recevoir des développements qu'il a fallu s'interdire aujourd'hui.

Nous placerons ici quelques observations que nous a suggérées la lecture rapide du premier volume du nouveau Rabelais.

Les éditeurs ont mis en note au bas des pages les variantes que leur ont offertes les éditions primitives et partielles des divers livres qui forment l'épopée de maître François; ils en ont laissé de côté quelques-unes qui méritaient bien, ce nous semble, d'être signalées; c'est ainsi qu'au début du chapitre 23, livre II, ils donnent la leçon moderne: « Pantagruel ouit nouvelles que son père » Gargantua avoit esté translaté au pays des » Phées par Morgue comme fut jadis Ogier et Artus; » les éditions primitives portent : « comme » fut jadis Henoch et Helye, » leçon malsonnante qui a disparu à partir de l'édition de 1538, mais dont il fallait conserver le souvenir, d'autant plus que nul éditeur moderne n'en a connu l'existence.

[ocr errors]

A l'occasion de la généalogie de Pantagruel, livre II, chapitre 1, les nouveaux éditeurs indiquent une addition fournie par l'édition de Marnef; ils auraient pu observer que Morbin, Machara, et l'invention du jeu des gobelets, attribuée à Érix, ne sont point dans les textes primitifs.

(1) Les grandes Cronicques de Gargantua, Lyon, sans date, in-4, 1,825 fr., vente Renouard, en 1853; Pantagruel, Lyon, sans date, in-4, 660 fr., vente du prince d'Essling, no 669; Pantagruel, 1533, petit in-8 (Poitiers), 1,800 fr., vente A. Bertin, n° 1154.

nouveaux éditeurs auraient-ils pu mentionner quelques-unes de ces variantes. C'est ainsi qu'à la fin du chapitre XV du second livre, on trouvait dans l'édition de Claude Nourry cent escvs, l'auteur y substitua cent soixante mille escus, ce qui est plus original, et finit par adopter une troisième leçon encore plus rabelaisienne, cent soixante mille et neuf escus. C'est la seule qu'indiquent les nouveaux éditeurs, mais les autres étaient dignes de ne pas être passées sous silence.

Le catalogue de la magnifique librairie de Saint- | stances plus ou moins burlesques. Peut-être les Victor a fourni à MM. B. D. M. et R. l'occasion de mentionner deux variantes seulement; c'est toutefois une portion du Pantagruel que Rabelais a grandement refaite et remaniée. Ainsi que l'observe M. Brunet (Recherches, page 26), la première édition n'enregistrait que 43 articles; celle de Lyon, 1538, en offre quelques-uns de plus; l'édition de 1534 en présente 125 et celle de 1538 en donne 133; c'est également le chiffre qu'on trouve dans l'édition de Dolet; enfin, dans l'édition de Juste, 1532, le nombre des articles a été porté à 139.

La liste des professions exercées par les grands personnages qu'Epistemon vit aux enfers, présente un si grand nombre de variantes que les éditeurs nouveaux ont renoncé à les énumérer; il en est toutefois quelques-unes qui seraient dignes d'être relevées. Dans le texte primitif, c'est Jason (au lieu de Jules-César) et Pompée qui sont guoildronneurs de navires, et c'est Jules-César (et non Pyrrhus) qui est souillart de cuisine. Les quatre papes qui sont l'un escumeur de marmites, l'autre cafetier, etc., ne figurent pas dans le texte original; le roi Gadifer et le bossu de Suave exercent les métiers de papetier et de preneur de rats; il n'est pas question de deux autres pontifes venus après coup, et dans le principe c'était Ganimède qui était crieur de petits pâtés; le pape Jules lui a été substitué plus tard. « Le tors de Pedrac, grant rostisseur de saulcisses, et Darnaut, bon chanteur qui se cognoissoit fort bien accoustrer des merles,» ont été retranchés.

Nous observerons en passant que Saint-Just dans son poëme d'Organt, s'est inspiré de l'idée de Rabelais en supposant que Charlemagne assiste, dans le palais du Destin, à une métamorphose de tous les rois qui doivent lui succéder sur le trône des Gaules. Saint Louis est curé de paroisse, Philippe III un bourgeois gentilhomme:

[ocr errors][merged small][merged small]

Il nous serait facile de mentionner bien d'autres leçons que MM. B. D. M. et R. auraient pu signaler et qui, sans grossir leur volume, auraient offert un intérêt réel par la lecture de Rabelais; mais, nous le répétons, nous pensons que ces messieurs réservent pour une autre occasion tous ces détails qu'on aimera à leur devoir.

Nous n'avons pas l'intention de nous arrêter aux notes de MM. B. D. M. et R. Elles sont ce qu'elles devaient être d'après le plan adopté pour l'édition de MM. Didot; fort succinctes et claires, elles rendront de grands services aux lecteurs de maître François. Nous avons cru remarquer une erreur, qui est sans doute le résultat d'une phrase mal lue par les typographes. C'est à la page 474, lorsque Rabelais mentionne la belle et antique définition de la Divinité (intellectuelle sphère, le centre de laquelle est en chascun lieu de l'univers, la circonférence point). Les nouveaux éditeurs mettent en note: «Rabelais avait pu emprunter cette image à Gerson, qui l'a employée dans ses œuvres. Mayence, 1600, t. VII, p. 325. Quant à l'attribution qu'il en fait à Hermès Trismégiste, il avait pu être induit en erreur par le commentateur Rossali, qui affirme qu'elle est de lui. » Le volumineux commentaire du Franciscain Annibal Rosselli remplit six tomes, et pourtant il n'arrive qu'à la moitié du Pymandre du pseudo-Trismégiste; il ne parut qu'en 1630; il est donc impossible que Rabelais eût connaissance de ce travail, et qu'il se soit égaré en le suivant.

Nous nous sommes occupés depuis longtemps d'annoter l'épopée rabelaisienne, et nous désirerions bien qu'il nous fût permis de profiter de l'occasion qui se présente aujourd'hui pour insérer ici quelques lignes extraites de ce commentaire, déjà fort étendu; il aura, nous l'espérons bien, grand mérite, celui de ne jamais paraître.

un

Chap. 32. Les sept cent mille et trois philippus.

que Grandgousier donna à Marquet, équivau- | tive) petits hommes qu'engendre Pantagruel,

nous rappellent un trait consigné dans les livres sanscrits, que certes Rabelais n'avait jamais lus. D'après le Ramayana, cité par M. Creuzer (Re

draient aujourd'hui à 4,305,019 francs, ainsi que le montre un fort curieux article de M. Cartier, Sur la numismatique de Rabelais, inséré dans la Revue numismatique, 1847, p. 341. Les recher-ligions de l'antiquité, trad. de M. Guigniaut, ches de M. Cartier nous apprennent, entre autres choses, que les six vingtz quatorze millions, deux escus et demi d'or que les habitants de Besse, du Marché vieulx et autres lieux confins envoyèrent à Grandgousier (ch. 47), représenteraient aujourd'hui un milliard, 534 millions, vingt-sept francs cinquante centimes.

Vers la fin du chap. 33, Spadassin et Echephron citent un adage de Salomon et la réponse de Malcon. Une note n'aurait-elle pas été nécessaire pour expliquer qu'il s'agissait des Ditz de Salomon et Marion, célèbres au moyen âge, et dont on connaît diverses rédactions fort différentes, les unes étant sérieuses et morales, d'autres licentieuses et bouffonnes (1). Nous ajouterons que le double proverbe cité par Rabelais ne se trouve point dans la production dont nous parlons, mais il était connu en France; la première partie se trouve dans les Proverbes d'élite d'Howel, ainsi que dans la Comédie des Proverbes de Montluc (act. II, sc. 3). C'est d'ailleurs ce que M. Kemble a remarqué (Anglo-Saxon dialogues of Salomon

and Saturnus, 1848, p. 82). La note de l'édition variorum, t. III, p. 101, est un modèle d'absur

dité.

Livre II, chap. 7. Il nous serait facile de citer, d'après divers ouvrages peu connus du public, des exemples du langage que Rabelais met dans la bouche de l'écolier limousin; le Trésor des récréations, le Cabinet satyrique, l'Espadon satyrique, le Testament de Pierre du Mollet de Morestel (Lyon, 1616), une comédie de Larivey (les Morfondus), nous offriraient des passages à transcrire; nous nous bornerons à mentionner la Sage folie de Spelte (traduction de Garon), où il est dit que « l'antistite sera nèce par les exules; » et les Fantaisies de Bruscambille, où nous lisons: Le génie qui a la consuetude de gouverner mon cerebre m'a dit estre expedient pour la sanite de vos ani

mes." (Lyon, 1634, p. 106.)

46

Livre II, chap. 27. Les cinquante et trois mille (cinquante mille seulement dans l'édition primi

t.. I, p. 613), Sagara, roi d'Agodhia, avait deux
femmes; Somati, l'une d'elles, mit au monde une
citrouille, d'où sortirent à la fois soixante mille fils.
On nous saura gré sans doute de ne pas donner
plus d'étendue à ces échantillons de notre com-
mentaire rabelaisien.
G. BRUNET.

JOURNAL DU MARQUIS DE DANGEAU.

FRAGMENTS INÉDITS DU DUC DE SAINT SIMON.

La librairie Didot vient de publier plusieurs nouveaux volumes de la première édition.complète du Journal de Dangeau, édition dont l'intérêt est singulièrement augmenté par les commentaires jusqu'alors inédits de Saint-Simon. Les principales des annotations contenues dans l'un de ces volumes, qui comprend les années 1701-1702, sont relatives à Barbésieux, au président Rose, à Bontemps, l'abbé d'Aubigny, Tourville, Watteville, la maréchale de Clérembault, etc. — La plupart ne diffèrent pas essentiellement des pages que, dans ses Mémoires, l'historien a consacrées à ces personnages, et il est même assez difficile de reconnaître lequel des deux textes a été rédigé le premier. Quoi qu'il en soit, nous allons donner à nos lecteurs quelques-uns des passages qui offrent des variantes assez notables ou qui même ne se trouvent pas dans les Mémoires.

« Bontemps étoit un personnage et un homme rare dans son espèce. Son grand-père étoit chirurgien et saignoit dans Paris. Portail, grand-père du conseiller de grand'chambre, père du premier président du parlement de Paris, étoit premier chirurgien de Louis XIII, et le manqua en le saignant. Le roi, ayant besoin de l'être et en peine par qui, en parla à M. de Saint-Simon, premier gentilhomme de sa chambre et son premier écuyer, qui lui proposa Bon

(1) Voir Crapelet, Proverbes et dictons populaires; Du temps, qui l'avoit fort bien saigné. Il saigna le Roure, Analecta biblion., t. I, p. 182, etc. roi de même et continua depuis, tellement que

le roi le prit à lui, et que M. de Saint-Simon fit | avoit de l'esprit et les sentiments nobles. Son donner dans la suite une charge de premier fils, la Roche, devint premier valet de gardevalet de chambre à son fils, père de Bontemps robe, et passa à ce titre en Espagne, où il eut dont il s'agit, et qui le fut après lui. Blouin, pre- l'estampille et la confiance du roi d'Espagne, mier valet de chambre s'étant rompu le cou dans avec une modestie et un désintéressement qui la descente de Saint-Germain du côté de Ver- l'y ont soutenu avec estime et considération sailles, faute d'une barrière à un tournant de sous tous les divers gouvernements, et ne se la montagne, qu'on y mit aussitôt après, Bon- mêlant que de son fait jusqu'à sa mort, en 1733. temps eut l'intendance de Versailles, qu'il Bontemps avoit été un des témoins du mariage avoit parce que son fils étoit enfant, à qui la du roi avec Mme de Maintenon. On ne sauroit charge de premier valet de chambre fut conser- croire l'affliction générale qu'il y eut de la vée. Bontemps étoit un gros homme lourd et mort de cet homme, et le nombre de services brutal en apparence, au fond le plus humain, magnifiques qui lui furent faits à Paris et dans le plus reconnoissant, le plus serviable, le plus les provinces, sans que sa famille y eût la généreux, le plus désintéressé qui fût au moindre part. Il n'y fut pas heureux; il avoit -monde, et qui a fait mille biens et rendu ser- fait le frère de sa femme, qui s'appeloit Dubois, vices, et souvent importants, toute sa vie. Il procureur général de la cour des aides, puis étoit dans toutes les confidences du roi pour prévôt des marchands et conseiller d'État. La ses maîtresses, pour mille dépenses cachées, fille unique de Bontemps étoit belle comme le pour tous les gens à qui le roi vouloit parler, jour, et avoit épousé Lambert, président des écrire ou faire savoir quelque chose en secret; requêtes du palais; M. d'Elbeuf mit le désordre et sa fidélité étoit à toute épreuve. Cela l'avoit dans le ménage, et on la mit quelques années tellement accoutumé au secret, qu'il faisoit dans un couvent. Elle en sortit et se raccommystère des choses les plus simples; et on en moda, puis mourut avant son père, et laissa rioit. Parmi tout cela la bonté et la vertu même des enfants; elle eut deux frères; l'un mort avec une grande justice et une modestie qui premier valet de garde-robe longtemps après étoit même humilité, chose bien rare à un valet le père; l'autre premier valet de chambre, au dans un tel degré de faveur et de confiance. fils duquel le duc de Saint-Simon fit donner la Il faisoit la dépense particulière du roi pour survivance de premier valet de chambre penVersailles, pour Marly, pour les tables que le dant les premiers temps de la régence. » roi y tenoit, excepté les dernières années, que le roi retrancha fort ses tables et en fit faire la dépense comme à Versailles par la bouche et le grand maître; mais le bois, les bougies, en un mot tout le détail, et ces détails où le roi s'est plu, donnoient à Bontemps une relation continuelle et directe avec lui. Il avoit fait comme son maître, et cela même étoit un autre lien, mais en son espèce il avoit mieux rencontré que lui. Il avoit épousé une mademoiselle de la Roche sans le déclarer, qui vivoit avec lui et lui étoit précisément ce que madame de Maintenon étoit au roi; modeste, retirée, bonne, généreuse, désintéressée, aimée et considérée pour son mérite et sa vertu, elle

- « Le maréchal de Tourville s'appeloit Costentin, et du consentement des Anglois et des Hollandois le plus grand homme de mer de son temps en tout genre. Doux, modeste et un des plus braves hommes du monde, mais sans esprit quelconque que pour son métier, bien fait, et aimant les dames; un fort honnête homme aussi, et adoré dans la marine. Son père, bien gentilhomme, étoit à M. de Saint-Simon, et ce fut lui qu'il envoya au cardinal de Richelieu à la journée des dupes, lui dire que sur sa parole il vint à Versailles. Le reste de l'histoire est connue et fameuse, et nulle part si vraie que dans Levassor. Lorsque M. le Prince maria son fameux fils à la nièce du cardinal de Ri

« PreviousContinue »