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car il prononce avec difficulté les lettres gutturales et le k. Les poumons délicats, le foie sec et chaud; les mains sillonnées d'une multitude de lignes. Il aime les choses douces comme le sucre qu'il mêle habituellement au vin. Il se délecte à respirer des odeurs réconfortantes, car il est fermement persuadé que les odeurs, pourvu qu'elles ne soient pas chaudes, ont une grande efficacité. Il ne tousse pas et éternue rarement.-Pas de catarrhe. Peu de pituite. Sputation fréquente surtout après avoir bu et quand la boisson est piquante. Ses yeux ne nagent pas dans le liquide, mais sont secs; de là résulte que sa vue, trop faible pour apercevoir les objets éloignés, n'en est que plus apte à distinguer ceux qui sont proches. -La nuit, il repose tranquillement parce qu'il se couche tard et qu'il préfère de beaucoup la veille aux travaux du matin.

» Depuis son enfance son genre de vie a été sédentaire et privé d'exercice. Dès l'âge le plus tendre, il a beaucoup lu, beaucoup médité, et la plupart du temps autodidantos (1).- Plein d'ardeur pour pénétrer plus avant que ne le fait le vulgaire et pour trouver du nouveau.

» La conversation n'a pas grand charme pour lui. Il préfère la lecture et la méditation dans la solitude. Mêlé à la conversation, il y prend part assez agréablement et aime mieux des propos gais et enjoués que le jeu et les distractions qui exigent du mouvement.

Il se fâche facilement, mais sa colère tombe aussi vite qu'elle vient.

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On ne l'a jamais vu ni trop triste ni trop gai.Sa joie et sa douleur sont modérés. Il rit plus souvent des lèvres que de la poitrine.-Timide à commencer, hardi à poursuivre.

"La faiblesse de sa vue l'empêche d'avoir une imagination très-vive. Grâce à son peu de mémoire, il s'affecte plus d'une petite circonstance présente que d'une très-importante déjà passée.

» Doué d'invention et d'un excellent jugement, il lui est facile de trouver sur le champ différentes choses, de lire, d'écrire, de traiter n'importe quel sujet intellectuel, et, s'il le faut, de le pénétrer jusqu'au fond par la méditation. D'où je conclus que son cerveau est sec et spiritueux.

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ne soit un jour ou l'autre enlevé par quelque maladie ou par la consomption du radical humide, à cause de son travail assidu, de ses trop grandes méditations et de la faiblesse de ses membres (1). » A ce portrait si naïvement et si minutieusement décrit, on peut encore ajouter quelques traits donnés dans l'Éloge de Leibnitz, par Fontenelle qui

les avait tirés d'un mémoire d'Eckhard.-L'illustre philosophe avait au sommet de la tête une loupe de la grosseur d'un œuf de pigeon; il marchait toujours courbé, la tête en avant, ce qui le faisait paraître bossu. Il ne se couchait qu'à une ou deux heures, souvent même s'endormait sur une chaise, et quand il s'éveillait il se remettait de suite au travail, « et il lui est souvent arrivé de ne point sortir. de sa chaise pendant quelques semaines. "

Atteint de la goutte et d'un ulcère à la jambe, Leibnitz voulut se soigner à sa manière; il fit usage d'un remède que lui avait enseigné un de ses amis, et une heure après succomba au milieu d'atroces douleurs, à l'âge de 70 ans, le 14 novemL. R. bre 1716.

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NOTE SUR UNE PENSÉE DE LA BRUYÈRE.

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La Bruyère a écrit, vers la fin de ce chapitre de l'Esprit, par lequel s'ouvrent les Caractères : "Un homme né chrétien et Français se trouve » contraint dans la satire : les grands sujets lui » sont défendus, il les entame quelquefois, et se détourne ensuite sur de petites choses, qu'il » relève la beauté de son génie et de son style. par On a supposé qu'il y avait là une allusion à la Bruyère lui-même et à son ouvrage, et qu'il nous faisait pénétrer dans les sous-entendus de sa pensée. On a cru que ces quelques mots nous révélaient des regrets intérieurs et des doutes profonds. (Voyez l'excellente édition de la Bruyère de M. Hémardinguer, l'Histoire de la littérature française de M. Demogeot, l'étude de M. Taine sur la Bruyère.) Mais je crois qu'il faut renoncer · à cette interprétation.

1o La Bruyère ne comprenait certainement pas ses Caractères dans le genre qu'on appelle la satire. Il avait prétendu faire un livre de philo

(1) Vereor ne morbo aliquo aut consumtione radicalishumidi aliquando abripiatur.

sophic morale, comme Théophraste, et non autre chose.

2o Il faut remarquer que cette pensée se trouvait déjà dans la première édition des Caractères, qui différait totalement, comme on sait, soit par l'étendue, soit par la composition, de l'ouvrage tel que nous le lisons aujourd'hui. C'était un tout petit livre, composé de simples pensées, de remarques courtes et générales, sans aucun de ces portraits qu'il y mit plus tard; et rien ne ressemblait moins à ce que tout le monde entendait quand on disait la satire.

3o La Bruyère ne s'est pas du tout interdit les grands sujets, et ne s'est pas contenté non plus de les entamer quelquefois. Quels plus grands sujets que ceux qui sont le fond même de tant de chapitres, des Biens de fortune, de la Cour, des Grands, du Souverain ou de la République, de l'Homme, des Esprits forts, ce dernier qui aborde la plus haute philosophie religieuse? Tout le livre est plein de vues élevées et hardies, soit sur ce qui regarde la société, soit sur ce qui tient à l'Église. Cette hardiesse, qu'il a pu se permettre comme moraliste, quoique français et chrétien, il reconnaît qu'elle n'est pas possible à la satire, et s'en plaint pour elle.

4o Pour que la Bruyère, qui paraît si libre, se trouvât contraint, il eût fallu que sa pensée allât bien loin, aussi loin que celle du XVIIIe siècle, qu'il fût révolutionnaire en politique, et incrédule en religion. Mais ce précepteur d'un prince, qui a tracé le magnifique portrait de Louis le Grand, qui a loué si pompeusement jusqu'à Monseigneur, qui poursuit Guillaume III, comme usurpateur, d'une invective si violente et si amère; cet ami de Bossuet, qui célèbre la révocation de l'édit de Nantes, et qui a écrit le chapitre des Esprits forts, n'était sans doute rien de tout cela.

5° Quoique la Bruyère sût ce qu'il valait, et ne craignît même pas de le dire, il ne se serait pas vanté pourtant si crûment, et cela à sa première édition, de relever les petites choses par la beauté de son génie. Ce n'est pas de lui qu'il a parlé.

Maintenant à qui s'applique le passage? M. Walckenaër, dans son la Bruyère, a vu la vérité, quoiqu'il ne se prononce pas assez fermement, et qu'il ne se rende pas suffisamment compte de son texte. Voici sa note: « La clef imprimée se trompe grossièrement lorsqu'elle nomme

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1o C'était nommer Boileau que de nommer la satire.

2° Boileau ne traite pas les grands sujets. C'est tout au plus s'il les entame quelquefois, comme dans les satires sur l'homme ou sur la noblesse, où il n'y a rien de bien poussé ni de bien fort. Il revient vite à Cotin. Il rime les embarras de Paris, ou le Repas ridicule.

3° Boileau dit tout, choses communes ou petites choses, excellemment et en vers achevés.

Voilà pour les faits: si je recherche maintenant quelle a été l'intention de la Bruyère, je pense qu'il a voulu faire une critique, mais aussi ménagée et aussi enveloppée que possible. Il me paraît que ce penseur, d'un esprit si avancé et si décisif, estimait que la satire de Boileau manquait d'originalité et d'audace. Ce qu'il admirait dans Boileau, c'était la verve de l'écrivain, et le relief de ses vers; il le flatte uniquement par là dans son discours à l'Académie française. Il a voulu dire cela, et le dire sans manquer de respect envers un personnage si considérable, son ami et son patron, chef reconnu du parti littéraire auquel il appartenait lui-même. Il s'en est pris, de ce qui lui paraissait manquer à Boileau, à la contrainte où se trouve, dans la satire, un homme né chrétien et Français. Voilà le sens de cette remarque, qui d'ailleurs est vraie, indépendamment de toute application particulière. Et Boileau tout le premier, quand il admirait l'énergie de Juvénal,

Soit qu'il fasse au conseil courir les sénateurs,
D'un tyran soupçonneux pâles adulateurs, etc.

a dû se dire qu'il n'était pas permis à un Français de son temps d'être un Juvénal, et de peindre de pareils tableaux d'après notre histoire.

J'ajouterai en finissant que le dernier mot qui ait été dit sur cette question est la note du la Bruyère de la Bibliothèque elzévirienne, ainsi conçue : « Il est probable que c'est encore à luimême que l'auteur fait allusion, ou à Boileau.

"

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Il est vrai que, sur ce point, M. Talbot passe volontiers condamnation; mais je suis plus exigeant, je l'avoue, et ne saurais m'accommoder des rai

collatérale de ces deux langues? Et quand bien même canis serait issu de xvwv, quelle consćquence légitime pourrait découler de là, dans le cas qui nous occupe? De ce qu'un y grec serait devenu un a, dans le prétendu passage du grec au latin, serait-ce une raison pour que, dans le passage du latin au français, pareille modification ait pu ou dû se produire?

Dire que l'i de coffinus est devenu un a dans l'italien coffano, c'est se rapprocher un peu plus de la question, mais ce n'est point encore y entrer;" c'est affirmer en principe que le français et l'italien se sont dégagés du latin de la même manière. En ce cas, pourquoi diffèrent-ils? Si leur formation avait été identique, ils se confondraient en une seule et même langue; et puisqu'ils ne se confondent pas, il ne faut pas les confondre, c'est-à-dire conclure de l'un à l'autre, surtout quand il s'agit d'une permutation de voyelles, et d'une permutation qui n'est pas très-ordinaire.

Méfions-nous des règles trop larges, des rapprochements qu'il faut aller chercher trop loin; ne comparons que ce qui est comparable, et pour nous diriger dans une contrée inconnue, ne prenons que des guides du pays.

Ce qui détourne M. Talbot d'accepter sylvalicus, c'est la terminaison de ce mot. Hic labor! C'est tout simple, pourtant, dirai-je à mon tour, et sans demander des analogies au grec. Est-ce que vo

sons dont il se contente. «Que sylvaticus produise lage ne vient pas de volaticus? Et faudra-t-il, pour

- Je

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salvaticus, dit M. Talbot, c'est tout simple. l'accorde, mais non ce qui suit : « Ménage, continue M. Talbot, a fait observer avec justesse que l'y grec de xʊùv, xuvòc, s'est changé en a pour produire canis, que de xúλığ on a calix, de uvoάw,

madeo, etc."

C'est ici le cas de dire, nego consequentiam; j'irai même plus loin que Thomas, je nie tout, à commencer par l'autorité de Ménage, bel esprit fort savant, mais auquel je ne saurais pardonner d'avoir contribué plus que personne à jeter dans le décri la science étymologique. Il faudrait l'en punir, à mon gré, en ne le citant jamais que pour se moquer de lui, et certes les occasions ne manqueraient point. Plus indulgent que moi pour ce personnage, M. Talbot n'en est payé qu'en fausse monnaie. En effet, est-ce une doctrine de bon aloi que celle qui tire canis de xvwv, madeo de μvôáw, etc.? N'a-t-on pas renoncé aujourd'hui à faire sortir le latin du grec, pour admettre seulement la parenté

en rendre compte, que j'invente la forme volivagus?

Mais, dit M. Talbot, "fanaticus a produit en italien fanatico, et non fanaggio, fanatique en français et non fanage, etc. Nous devrions donc, par analogie, de salvaticus avoir salvatico (1) et salvatique, et non point sauvage.»

A quoi je réponds: Nous avons, en effet, selvatico et salvatico, en italien. En français, nous n'avons point salvatique, mais nous avons eu volaticque, qui n'a pas tenu :

Lors respondit au Seigneur comme sage
Non estourdy, volaticque, ou ruffage.

(Légende de maistre Pierre Faifeu, p. 87.
Paris, Coustelier, 1723.)

(1) On lit salvativo dans la Correspondance, mais c'est une faute d'impression évidente, comme chemin aux nièces, pour chemin aux nuées, étymologie de cheminée, d'après La Leu (qu'il ne faut pas prendre au sérieux, soit dit en passant.)

Ce qui n'a pas empêché de naître, et des mêmes pères, en italien, selvaggio et salvaggio; en français, volage.

C'est qu'avant de raisonner ainsi, par analogie, il faut, sous peine de raisonner faux, distinguer dans les langues néolatines, mais particulièrement dans la nôtre, deux systèmes de formation, fort distincts l'un de l'autre : le premier naturel, spontané, populaire; le second artificiel, réfléchi, savant, parfois pédant.

L'un, par exemple, de caput, tire chef et chevetaine ou chievetaine (anglais, chieftain), chevet, etc.

L'autre, du même mot, tire cap (armé de pied en cap), et par suite capitaine, qu'on retrouve aussi en anglais sous la forme captain.

Tous nos adjectifs en ique sont de formation savante et secondaire; la vieille terminaison en age est populaire et primitive. De même, en italien, selvaggio (de selva) et salvaggio précèdent

selvatico et salvatico.

Volatique est, comme disait Catherinot, le doublet de volage. Volatique est mort; mais Dominique vit, et vient de Dominicus, lequel avait donné précédemment dimence, dimanche et DIMENGE, qui se termine comme sauvage (V. Roquefort). Viatique est à voyage ce que Dominique est à dimenge. Domestique est une forme savante; la forme populaire et ancienne est domesche, au midi domestge, domesge. Canonicus a produit canonique, mais n'a pas laissé, pour cela, de produire canonge et canorgue.

Les fesses, révérence parler, se tirent du latin fissus fissa! c'est un mot qui peint, c'est presque un portrait); mais jadis on les appelait nages, et le mot nages no venait point directement de nates, mais bien de naticæ (italien, natiche). Or, le rapport entre naticæ, natiche et nages, d'une part,

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de l'autre, entre sylvaticus, volaticus et sauvage, volage, est justement le même.

Où donc est la difficulté? C'est le c de sylvaticus qui devient le g de sauvage, sans qu'il soit nécessaire d'inventer salvagius. Le provençal salvatge retient le t, etc. On peut dire que l'italien le retient aussi, puisqu'il sonne à peu près comme si l'on écrivait salvatgio.

Ces droits, ces impôts indirects, qu'on appelle dans le vieux français portage, pontage, poudrage, etc., sont exprimés dans la latinité de nos

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Portaticum, pontaticum et autres sont, en réalité, des adjectifs, devant lesquels il faut sousentendre tributum, par exemple. De même pour fromage, qui s'est dit formaticum, je sous-entendrais volontiers lac, lac formaticum, lait pris dans une forme, pressi copia lactis. Et ce qui m'y autorise, c'est notre mot ramage, qui passe pour un substantif, mais qui a toujours été un adjectif. Je trouve encore dans Cotgrave (édit. de 1673) chant ramage, espervier ramage. A la différence de l'oiseau niais, qu'on prenait au nid, l'oiseau ramage, qui avait déjà pu voler et chasser, était pris sur la branche. Après avoir dit chant ramage, chant (de l'oiseau) sur la branche, on s'est contenté, par ellipse, de ramage, qui, en soi, ne réveille d'autre idée que celle d'un rameau. On ne trouve pas, que je sache, ramaticus, mais ramage le suppose, parce qu'il a été fait à l'imitation de sauvage et de volage, qui viennent, à n'en pas douter, de sylvaticus et de volalicus (1).

Je n'aurais pas songé, monsieur le directeur, à vous adresser cette petite note, s'il se fût agi purement et simplement d'une étymologie inadmissible; mais celle que propose M. Talbot soulève des questions de méthode et de doctrine auxquelles j'attache un grand prix, et si M. Talbot trouve en moi un contradicteur, c'est parce que je m'intéresse autant que lui « à ces règles de sage réserve et de prudente érudition, comme il le dit si bien, qu'il est bon de rappeler à tous ceux qui ne voient pas dans les étymologies un simple jeu d'esprit. " Veuillez agréer, ctc. F. GUESSARD.

Monsieur le directeur,

Je veux rester étranger à l'intéressante controverse que vous avez soulevée (2) sur l'authenticité

(1) Je pourrais ajouter vingt exemples de formatious. analogues je me borne à rappeler vindicare, venger (forme savante, revendiquer); judicare, juger; manducare, manger, etc., etc.

(2) Voy. la Correspondance littéraire, no 2, p. 24. Depuis la publication de mon travail, on m'a fait connaî tre

des lettres d'Abélard et d'Héloïse; mais puisqu'à cette occasion vous avez rapproché quelques dates, me permettrez-vous d'en produire et d'en discuter quelques autres? Abélard occupe une si grande place dans l'histoire de la philosophie française, son nom est si cher aux amis de la liberté, que rien de ce qui le touche ne peut être indifférent.

On n'avait encore recueilli d'autres témoignages sur le séjour d'Abélard à l'abbaye de Rhuis, que le sien et celui d'une chronique suspecte. En voici un autre. En l'année 1128, le duc Conan rend aux religieuses du Ronceray l'église de Saint-Cyr, et parmi les souscripteurs de cette restitution figure Pierre Abélard, abbé de Saint-Gildas. Comment cette pièce importante a-t-elle échappé jusqu'à ce jour à tous les biographes d'Abélard? Elle se trouve, parmi les manuscrits de la Bibliothèque impériale, dans le tome IV de la collection d'Étienne Honsseau, et dans le volume 45 des BlancsManteaux. Bien mieux, elle est imprimée tout au long dans les Preuves de l'Histoire de Bretagne, t. I, col. 558. Ainsi dom Morice l'a connue : mais en écrivant l'histoire des abbés de Saint-Gildas, il l'a complétement oubliée, et, comme il paraît, elle ne s'est pas représentée sous les yeux de M. l'abbé Tresvaux. Enregistrons ce précieux document, qu'il faut joindre aux notes savantes d'André Duchesne sur l'Epistola calamitatum.

Il est donc établi, par des preuves authentiques, qu'Abélard était à Saint-Gildas en l'année 1128. Mais en quelle année fut-il appelé par les suf

que le savant Orelli avait publié à Zurich une édition des lettres d'Abélard et d'Héloïse, avec une préface où il avait adopté et discuté l'opinion que j'ai soutenue. Vérification faite, il se trouve, du moins d'après les renseignements reçus directement de Zurich, que la publication d'Orelli se compose uniquement de deux fascicules (que j'ai sous les yeux) publiés sous le titre d'Index lectionum in academia turicensi, 1841, in-4. Ils renferment seulement l'Historia calamitatum et les quatre premières lettres des deux amants. Une page de préface figure en tête du second fascicule, et on y lit cette phrase: "Heloissa illiusque (Abelardi) epistolas mutuas, quam propter multas rationes cum aliis paullo post utriusque mortem ab amantium amico atque admiratore satim opposite ad ipsorum ingenium conscriptas arbitror. » Voilà toute la discussion à laquelle s'est livré Orelli. Je pense donc que c'est dans mon article que cette question de l'authenticité des lettres a été pour la première fois sinon émise, au moins discutée.

| frages des moines au gouvernement de ce turbulent monastère? Cela est beaucoup plus incertain.

Une série des abbés de Saint-Gildas, que nous offre le tome XII du Monasticum Benedictinum (Bibl. imp., Résidu de Saint-Germain), le fait succéder à l'abbé Guéthénoc. C'est une grave erreur. Guéthénoc est nommé, en 1161, dans un titre de Quimperlé, et en 1164, dans un titre de Marmoutiers. Il ne fut donc pas le prédécesseur d'Abélard, mais un de ses successeurs.

Dom Morice place Abélard après l'abbé Hervé, et il fixe le temps de cet Hervé de l'année 1113 à l'année 1125, ou environ. C'est donc sur le témoignage de dom Morice, confirmé d'ailleurs par celui du géographe Ogée, que M. Ch. de Rémusat raconte à l'année 1125 la mort d'Hervé et l'élection d'Abélard. Mais ce récit est absolument erroné.

Nous regrettons de le dire. L'Abélard de M. de Rémusat n'est pas seulement un des plus beaux monuments de la littérature contemporaine, et le plus habile plaidoyer qui ait été fait de notre temps en faveur du vrai péripatétisme, ou de la bonne philosophie c'est encore un ouvrage où l'on admire à bon droit la plus discrète et la plus sagace érudition. Mais il y a une erreur, comme nous allons le démontrer.

Hervé n'est signalé qu'une fois par dom Morice, dans une transaction avec l'évêque de Quimper, au sujet de l'église de Saint-Tudi. Mais dom Morice n'a certainement pas vu le titre de cette transaction. Il nous a cependant été conservé, et on le trouve dans un des plus précieux cartulaires de la Bibliothèque impériale, num. 51, fol. 7. La date seule de cette pièce nous importe. C'est un contrat fait avec Réginald, élu de Quimper, au mois d'avril 1220. Ajoutons que le même Hervé nous est connu par un autre titre, où nous le voyons, en 1218, traiter avec Geoffroi, abbé de Saint-Mélaine. Le prétendu prédécesseur d'Abélard vécut donc un siècle après lui. Agréez, etc.

Monsieur le Directeur,

B. HAURÉAU.

Dans l'Histoire d'Alfred le Grand, publiée par M. Guillaume Guizot (Bibliothèque des chemins de fer), on trouve un passage où le savant écrivain, après avoir constaté qu'Alfred eut des bijoutiers en titre et qu'on possède encore un de ses (LUD. L.) bijoux, décrit ainsi ce précieux objet : « C'est un

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