Et F*** luy-même avancera sa chute, Ainsi qu'un petit Prince affamé de renom Et n'a point de regret, quand sa fortune expire, Quand du plus grand des Rois, moins occupé de Mars, La Scène, plus heureuse, attiroit les regards, Nous l'avons veu cent fois, à nos Muses propice, Ou par bonté se taire, ou louer par justice, Et ne decidant point quand il falloit blâmer, Charmante modestie, adorable talent, Qui des autres vertus rend l'éclat plus brillant, Mais ce qui me paroist encor plus odieux, Et, rebelle au bon goût dont la voix le redresse, L'ame est une harmonie et s'unit à nos corps, Et de secrets ressorts chaque corde assortie Vois ce jeune Ecolier, qui du pays des Loix Il est charmé, son ame est toute dans l'oreille, « Tu l'entends (dit un sot), mon cher, et j'en atteste La grimace que fait le Marquis De Foneste. » – Quel est donc ce Marquis ? Tu ne le connois pas ? Dans les plus beaux endroits, aussi sourd qu'une roche, Il s'ennuye, il s'agite, et se laisse saisir Doucement, dira-t'on, je vous trouve terrible, Rien moins, plus d'équité se répand dans mes Vers: Lors qu'un Grand dès l'enfance est ardent à s'instruire, Par les secours, présens, la dépense, et le soin, Et, du mauvais exemple évitant le poison, Tels qu'ils sont, toutefois, ignorants, dissipez, Boileau, Toy que le Ciel, dans tes plus jeunes ans, Aux Perrains, aux Corras marque un juste mépris, (Les Petits-Maistres, 1694.) JEAN-FRANÇOIS REGNARD Jean-François Regnard naquit à Paris, le 8 février 1655, sous les piliers des Halles, près de la maison où Molière était né trentetrois ans plus tôt. Encore en bas âge, il perdit son père et fut élevé par sa mère et ses sœurs. Après des études incomplètes, le jeune homme, riche d'une part de succession considérable, fut pris du désir de voyager : il poussa jusqu'à Constantinople et revint jouer gros jeu en Italie. En 1676, accompagné d'un gentilhomme picard du même âge que lui, M. de Fercourt, il parcourut de nouveau l'Italie pendant deux ans. C'est en ce voyage qu'il rencontra, à Bologne et à Naples, M. de Prade et sa femme, dont il devait faire l'héroïne de son petit roman de La Provençale. Ayant résolu de visiter Marseille, en attendant l'occasion de passer dans le Levant, les deux compagnons s'embarquèrent à Gênes sur un navire anglais, où par un curieux hasard ils se retrouvèrent avec M. et Mme de Prade. Le navire fut attaqué par deux corsaires algériens, à la hauteur des îles d'Hyères, et les passagers furent vendus sur le marché d'Alger, après deux mois de course. Après huit autres mois de captivité, Regnard et Fercourt, achetés par le même marchand, furent délivrés moyennant une rançon de 10.000 livres. Rentrés en France, les deux voyageurs ressentirent bientôt cette « ardeur de courir » qui venait de leur valoir la chaîne et l'esclavage. Le 21 avril 1681, accompagnés d'un nommé Nicolas de Corberon, ils partirent pour le Nord, parcoururent les Pays-Bas, le Danemark et la Suède et poussèrent jusqu'en Laponie, voyage dont Regnard a laissé une intéressante relation. De retour à Stockholm, ils se rendirent en Pologne pour être présentés à Jean Sobieski, et, prenant par la Hongrie, l'Autriche et l'Allemagne, ils furent à Paris au commencement de 1682. L'année suivante, Regnard acheta une charge de trésorier au Bureau des Finances et profita de ses loisirs pour s'adonner à la poésie dramatique. Ignorant encore son véritable génie, il débuta par la tragédie de Sapor, qui fut reçue mais non représentée. Heureusement, dégoûté du tragique, il écrivit pour les Comédiens italiens, seul ou avec Dufresny, des farces comme Le Divorce, La Descente de Mezzetin aux Enfers, Arlequin, homme à bonnes fortunes, Les Chinois, La Foire Saint-Germain, etc. Mais les pièces qui l'ont rendu célèbre sont, avec le Joueur et le Légataire universel, Le Distrait, inspiré par le portrait de Ménalque dans La Bruyère, Démocrite amoureux, Le Retour Imprévu, Les Folies amoureuses et les Ménechmes. Le Légataire universel est de janvier 1708. Quoi qu'on en ait dit, le sujet n'est pas pris à la réalité, mais à une nouvelle de Marco Cadamosto de Lodi. Au temps que Boileau avait fait paraître sa Satire X, contre les Femmes, Regnard riposta par une satire contre les Maris où il traitait Boileau de critique affaibli par les ans. Celui-ci s'en vengea en insérant le nom de Regnard dans l'Epitre X de 1695, côté des noms de Sanlecque et de Bellocq. C'est alors que Regnard écrivit le Tombeau de M. Boileau-Despréaux, qui ne fut pas publié du vivant des deux poètes. On les réconcilia: Boileau supprima lc nom de Regnard de son épître et Regnard lui dédia les Ménechmes: Et pour disciple enfin si tu veux m'avouer, « Il n'est pas médiocrement gai», disait Boileau, à quelqu'un qui traitait devant lui Regnard de poète médiocre. L'auteur du Légataire mourut le 4 septembre 1709, au château de Crillon, qu'il avait acquis avec les titres de capitaine du château de Dourdan et de bailli d'épée de Hurepoix. Il faut le dire, ses quelques satires, auxquelles l'on croit que Gacon a collaboré, s'il ne les a pas faites, ne donnent pas une très haute idée de celui que Voltaire considérait comme notre second auteur comique, et si le Légataire universel eût été écrit de la même encre, il n'eût pas rendu son auteur plus célèbre que Sanlecque et Bellocq, à côté desquels Boileau le voulait ranger dans un moment d'humeur. BIBLIOGRAPHIE. Euvres, Paris, 1708, 2 vol. in-12; Euvres complètes, Paris, 1789-1790, 6 vol. in-8; Euvres, Paris, Lequien, 1819-1820, 5 vol. in-12; Euvres, Paris, Crapelet, 1822, 6 vol. in-8;- Théâtre et Euvres choisies, Paris, librairie Garnier, éd. Fournier, 2 vol. in-18, et Louis Moland, 1 vol. in-18, s. d. A CONSULTER. XXI. BEFFARA, Recherches sur la naissance et la mort de J.-Fr. Regnard. COMPAIGNON De MarchévillE, Bibliographie et Iconographie des Euvres de REGNARD, Paris, 1877. — D.-L. GILBERT, Eloge de REGNARD, Paris, 1859. SAINTE-BEUVE, Causeries du |