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veler l'air, très-nécessaire surtout pendant l'été, est préférable aux fumigations de vinaigre et de plantes aromatiques, dont l'usage est au moins inutile avec cette précaution. Il est bon d'ajouter au bâtiment qui renferme les cabanes une galerie extérieure et ouverte, dans laquelle les lapins puissent aller prendre l'air et s'exposer au soleil: ils rentrent ensuite dans le grand commun intérieur, en passant par des trous qui sont ménagés exprès pour servir de communication. >>

De l'Éducation des lapins. — Nous empruntons encore à Silvestre les détails qui suivent et qui sont d'une exactitude parfaite : - «Chaque lapine peut donner six à sept portées par année; trois semaines après qu'elles ont mis bas on doit remettre les mères aux mâles; il faut les y laisser passer une nuit, et lorsque l'un et l'autre sont en bon état, que le mâle n'a pas plus de cinq à six ans, et la femelle de quatre à cinq, il est rare que la lapine ne soit pas remplie. Elle revient ensuite à ses petits et peut, sans inconvénient, continuer à les nourrir encore une huitaine de jours. Quelques mères font périr les jeunes lapereaux; on peut les corriger de ce défaut (qui provient souvent de la faute de la ménagère), en leur donnant abondamment à manger la nourriture qui leur est la plus agréable, en les dérangeant le moins possible, et en ne les mettant jamais au mâle que le soir; lorsqu'elles en sortent le matin, elles mangent et dorment, et elles ne maltraitent pas les petits, comme lorsqu'on les fait rentrer le soir dans leurs cabanes.

« Il ne faut faire couvrir les femelles qu'à l'âge de six mois; elles portent trente ou trente et un jours, et leurs portées sont depuis deux ou trois jusqu'à huit et dix petits; il est plus avantageux qu'elles ne soient que de cinq à six les lapereaux sont plus forts et mieux nourris; aussi quelques cultivateurs enlèvent-ils l'excédant de ce nombre dans les portées trop considérables, et ce procédé est convenable lorsque les mères sont faibles et surtout lorsqu'elles ont déjà perdu ou détruit leurs portées antérieures.

« A l'âge d'un mois les lapereaux mangent seuls, et leur mère partage avec eux sa nourriture; à six semaines ils peuvent se passer de mère et entrer dans la grande cabane qui sert de premier commun; à deux mois et demi on les lâche dans le clapier avec ceux qui sont destinés à la table. Il faut avant de les y laisser en liberté châtrer les mâles, afin qu'ils ne fatiguent pas les femelles, qu'ils ne se battent pas entre eux, et qu'ils deviennent plus gros et plus tendres à manger.

«L'opération de la castration pour les lapins est très-simple; elle se pratique en saisissant avec le pouce et les deux premiers doigts de la main gauche l'un des testicules que le lapin cherche à rentrer intérieurement. Lorsque l'opérateur est parvenu à le saisir, il fend la peau longitudinalement avec un instrument très-tranchant ; il fait sortir ensuite le corps ovale qu'il a saisi, il l'enlève et le jette; après en avoir fait autant de l'autre côté, il frotte avec un peu de saindoux la partie amputée, ou bien il fait une ligature avec

une aiguillée de fil, ou même encore il laisse agir la nature qui guérit toujours cette plaie lors qu'elle a été faite avec quelque adresse. Cette opération les dispose à grossir considérablement et donne du prix à leur peau. »>

Quoi qu'il en soit, nous devons faire observer que le plus grand nombre de nos éleveurs de la pins ne soumettent pas les mâles à la castration.

« Lorsqu'on veut garder des lapins pour faire race, reprend Silvestre, on-doit unir constamment les plus beaux individus, sans souffrir de mésalliance, et sans permettre qu'ils s'accouplent avant leur accroissement parfait, c'est-à-dire vers six ou huit mois. Pour renouveler les mères, il convient de préférer les femelles qui sont nées vers le mois de mars; elles sont alors disposées à prendre le mâle vers le commencement de novembre, et l'on est à même de vendre leur première portée dans le courant de l'hiver; on peut compter sur un produit annuel de deux cents lapereaux dans un clapier composé seulement de huit mères bien entretenues; alors, la dépense d'entretien et de nourriture en son, avoine et menus grains, peut-être évaluée à 80 francs. Ce résultat est relevé dans un établissement de ce genre dans lequel le propriétaire a écrit avec le plus grand soin les recettes, dépenses et pertes de toute espèce, attention bien rare chez la plupart de ceux qui s'occupent de cet objet. »

Ces lignes ont été écrites en 1809; partant on doit supposer que le prix de la nourriture serait plus élevé aujourd'hui qu'alors, mais comme la valeur des lapins a augmenté aussi et dans des proportions beaucoup plus considérables, il est évident que la situation n'est pas modifiée ou que si elle l'est, c'est certainement à l'avantage des éleveurs de notre époque.

Le conseil que donne Silvestre pour faire de beaux lapins et maintenir les races pures, est excellent. C'est ainsi d'ailleurs que procèdent les amateurs flamands qui se distinguent parmi tous les éleveurs et ont su atteindre chez le lapin les limites extrêmes du développement. Beaucoup, en France, s'imaginent que le monstrueux lapin des Flandres belges constitue une race particulière; c'est une erreur; c'est tout bonnement le lapin gris commun, amélioré par sélection et par un bon régime alimentaire. Vous voudrez bien remarquer d'ailleurs que le succès obtenu en Belgique, s'explique un peu par le caractère des populations. Si, dans le Hainaut et la province de Namur, l'on s'attache passionnément aux pinsons, dans d'autres provinces aux pigeons voya geurs, aux coqs de combat, aux rossignols, il ne faut pas s'étonner si, dans les Flandres Orientale et Occidentale, on se passionne également pour les lapins. Ce sont les amis du logis, et s'ils sont gros et bien faits, ils deviennent l'orgueil de la famille; nous n'exagérons pas. On les soigne, on les choie, on les montre aux visiteurs, on les réserve pour les grandes occasions. De même qu'il y a des sociétés d'encouragement pour l'éducation des pigeons, des pinsons et des rossignols, il y en a pour les lapins. Des concours ont lieu tous les ans, et les vainqueurs reçoivent des médailles.

Or, c'est à qui entrera en lice, à qui produira la plus belle bête, dans l'espoir de gagner le prix et de le suspendre à quelque joli ruban dans la partie la plus éclairée de l'habitation. Le lapin qui a remporté la médaille d'honneur n'a plus de prix. C'est un animal de luxe, de fantaisie, dont on ne se défait pas volontiers, pas plus que d'un titre honorifique; on en refuse parfois 80 fr. 100 fr. et davantage. On produit le lapin pour les concours, pour les luttes, pour la gloire, presque sans compter; on veut des animaux bien conformés et d'une taille extraordinaire, et l'on y réussit à force d'attentions et de bons soins. Le lapin des Flandres est, passez-nous l'image, le Durham de son espèce; on en a vu qui pesaient de 10 à 13 kilogrammes. Quant à ceux-là, il ne suffit plus de les prendre par les oreilles pour les soulever, il faut encore les soutenir de l'autre main par le train de derrière.

Tout lapin qui ne tient pas du phénomène, tout lapin de second et de troisième ordre, indigne des concours, indigne de sa race, est nourri le plus économiquement possible pendant quatre ou cinq mois, puis engraissé et vendu. En France, nous le trouverions assez beau, là-bas, le véritable amateur le regarde d'un œil de pitié.

C'est à ces raisons, en apparence futiles et même un peu puériles, que les Flandres belges doivent la réputation bien méritée de leurs lapins, et cette réputation a fait supposer que l'éducation de ces animaux y était entreprise par un grand nombre de cultivateurs sur une échelle très-étendue. Il n'en est rien. Si nous en jugeons par ce que nous avons vu, par les renseignements que nous avons pris sur place et à bonne source, l'éducation des lapins ne prend que très-exceptionnellement, dans la Flandre Orientale, les proportions d'une industrie régulière. On ne se rend jamais bien compte des frais de nourriture, on ne connaît pas les prix de revient, on ne sait pas au juste s'il y a perte ou profit à élever les lapins pour les livrer au revendeur. On sait seulement qu'un lapin de six mois, bien gras et bon à tuer, vaut de 2 à 3 francs, selon les temps.

A Termonde et dans les environs, l'éducation du lapin ne se fait pas en grand; les clapiers n'ont pas la moindre importance. On prend tout bonnement dans chaque ménage, un vieux coffre, une caisse de moyenne dimension, on y met un épais lit de paille et l'on y loge les lapins. Après cela, on a soin que la litière ne soit jamais humide, jamais infecte; on la renouvelle aussi souvent qu'il en est besoin, et les choses ainsi faites, le sont pour le mieux, au dire des gens de l'endroit. En été, les boîtes à lapins sont placées dans un lieu aéré; en hiver, on les rentre dans les habitations ou dans les étables, attendu que le lapin est quelque peu frileux, et que s'il résiste assez bien au froid, il en souffre néanmoins et ne se développe pas convenablement.

Les grands éleveurs de lapins, les personnes qui les nourrissent par centaines dans les clapiers, sont tellement rares dans les deux Flandres, qu'on en cite à peine quelques-uns de loin en loin. Les nombreux lapins fournis au commerce sont achetés par les marchands ambulants, et

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par très-petits lots, de maison en maison. On en remplit peu à peu de petites charrettes traînées par des chiens, puis on les réunit afin d'en faire de gros chargements pour l'Angleterre. Toujours dans les Flandres que nous citons si souvent pour modèle, la nourriture habituelle ou d'entretien des lapins consiste, pour l'été, en drêche de brasserie deux ou trois fois par jour à raison d'un demi-sabot par fois (le sabot de grandeur ordinaire sert de mesure dans la circonstance); en feuilles de choux parfaitement ressuyées, en herbe ordinaire des prés, en pelures de pommes de terre, cuites avec du son et arrondies en boulettes. Pour la nourriture d'hiver, on donne des carottes, du foin ordinaire, du foin de trèfle et des pelures de pommes de terre desséchées au grenier. En France, nous avons quelque peine à comprendre que ces pelures puissent se dessécher aisément, parce que nous les faisons très-épaisses, mais en Belgique, où l'on ne perd rien de la pomme de terre, où la pelure est mince à voir le jour à travers, on n'a pas de peine à obtenir la dessiccation.

Les substances, dont il vient d'être parlé pour la nourriture d'entretien des lapins, ne sont pas assurément les seules qui conviennent. On peut leur adjoindre les fanes de carottes, les laiterons, la plupart des herbes qui proviennent de nos sarclages, etc. Ce ne sont pas des bêtes délicates. Si, parmi les amateurs, les Flandres belges sont en renom, à cause de leurs gros lapins de concours et des efforts qu'y font les sociétés spéciales d'encouragement, il n'en est pas de même parmi les commerçants, car ceux-ci ne se contentent point de quelques exceptions. Pour l'ensemble des éducations, la France occupe à leurs yeux le premier rang. Dans toute la Normandie, et notamment à partir de Vernon jusqu'à Caen, on rencontre les plus forts lapins de France, appartenant, comme ceux des Flandres, à la race commune grise. Nos lapins normands pèsent communément de 4 à 7,5 entre l'âge de six à huit mois; et ainsi que dans le pays flamand, il y en a qui, passé un an, pèsent jusqu'à 10 et 11 kilogr.

La Picardie élève aussi beaucoup de lapins, mais ils sont un peu moins forts que ceux de la Normandie. Les Ardennes, la Lorraine et la Champagne sont ensuite les contrées où l'on rencontre le plus d'animaux de cette espèce.

Nulle part, on ne fait l'élève des lapins par colonies nombreuses; on cite comme exceptions les personnes qui en possèdent deux ou trois cents. On ne procède, en général, que par petites éducations et l'on ne cherche point à se rendre compte du prix de revient.

Il reste donc de grands progrès à réaliser dans cette petite branche de l'économie rurale.

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que l'on vend à tout âge, après avoir pris, nous assure-t-on, la précaution de leur limer les ongles qui s'allongent en même temps que les lapins vieillissent.

L'engraissement est d'autant plus rapide que le repos est plus complet et l'alimentation plus riche. Dans les Flandres, au moins chez un grand nombre de petits cultivateurs, voici de quelle manière on procède pour engraisser un lapin en quinze jours: on fixe un bout de planche contre le mur, à un mètre environ du sol, et on place l'animal sur ce bout de planche où il peut à peine se retourner. C'est là qu'on lui sert trois fois par jour et à heures fixes une nourriture copieuse qui consiste en pain de seigle avec du lait, en deux poignées de graines d'avoine, une vers midi, l'autre vers le soir, et enfin en trèfle sec, quand ce fourrage est du goût de l'animal. Le lapin, ainsi placé, ne bouge guère ou ne bouge pas, tant il a peur de tomber, et cette immobilité favorise beaucoup la production de la graisse. On le met à la gêne pour lui donner de l'embonpoint, comme on met à la gêne les vaches dans leurs loges, les oies, les canards, les dindes et les poules dans leurs cages étroites ou leurs épinettes.

Ce mode d'engraissement rapide exige une certaine attention. La nourriture dont on se sert amène parfois un état de constipation qu'il faut combattre avec un peu de nourriture verte.

L'engraissement en un mois ou cinq semaines n'offre pas cet inconvénient. On se contente de placer les lapins dans une caisse ou une loge, toujours en lieu sec, un peu chaud même et en partie obscur. On leur donne à manger trois fois par jour, à des heures très régulières, en variant le plus possible la nature du manger et en faisant alterner le sec avec le frais. Chaque fois qu'on leur sert un repas, on a bien soin d'enlever les débris du repas précédent; enfin l'on s'arrange de façon que la litière soit toujours sèche.

En somme, aussi bien pour l'élevage que pour l'engraissement des lapins, il est essentiel de les tenir en lieu sec et bien aéré, plutôt chaud que froid, de varier souvent la nourriture, de manière à ce qu'elle soit tantôt sèche et tantôt fraîche, d'éviter les feuilles et l'herbe mouillées, enfin de renouveler fréquemment la litière. La réussite dépend de ces conditions. Quand, au contraire, on ne les observe pas, l'éducation se trouve compromise, les maladies ne se font guère attendre.

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Maladies des lapins. — Les affections les plus redoutables sont la gale, le gros ventre et une maladie d'yeux. Les lapins que menace la gale, commencent par maigrir. Ils deviennent tristes et perdent l'appétit; leur corps se couvre de gale et ils périssent dans les convulsions. Le gros ventre ou la duse, comme l'on dit encore, attaque fréquemment les lapins soumis au régime trop prolongé de la nourriture verte. La maladie d'yeux frappe surtout les jeunes, vers la fin de l'allaitement, et n'est fréquente que dans les clapiers mal tenus. Toutes ces affections sont mortelles le plus souvent. Elles n'ont pas été bien étudiées.

Il faut songer à les prévenir, non à les guérir, au moins quant à présent. On les attribue toutes

à la malpropreté de la litière, à l'humidité permanente. Le régime frais, la nourriture mouillée doivent aussi figurer en ligne de compte, ainsi que nous l'avons vu. Or, du moment où nous soupçonnons les causes, nous soupçonnons les préservatifs. Si la place du clapier était toujours convenablement choisie, la litière toujours sèche, la nourriture toujours variée, il est à supposer què les lapins se porteraient bien. Enfin, si, au lieu de donner de la nourriture verte par pleine brassée à ces animaux, on la leur donnait par petite quantité et à diverses reprises, on éviterait certainement les indigestions qui en font périr un grand nombre.

Produits et usages. Le lapin nous donne sa chair et son poil. Sa chair est très-recherchée par les uns et fort dédaignée par les autres; c'est le lièvre du pauvre. Nous ne dirons pas avec Silvestre « que la chair du lapin seule fournit un bouillon presque aussi succulent et aussi considérable qu'une égale quantité de bœuf ou de mouton, et que cette viande, après avoir fourni au bouillon une partie de son suc, est encore tendre et savoureuse, et peut être accommodée de toutes les manières usitées; » c'est aller un peu loin dans la voie de l'éloge. Le lapin de clapier ne saurait faire une concurrence sérieuse aux bœufs du Cotentin et aux moutons de l'Ardenne; n'établissons pas des parallèles impossibles. La chair du lapin de garenne libre est délicieuse à notre avis, celle du lapin de garenne forcée ou close ne la vaut pas; celle enfin du lapin de clapier vaut encore moins, car elle est le produit de la servitude et d'un régime qui la rendent fade. Les engraisseurs qui élèvent des lapins de clapier pour leur consommation personnelle, ne manquent pas de leur faire manger du persil, du serpolet et diverses autres plantes aromatiques une huitaine de jours avant de les tuer. Pour notre compte, nous ne leur donnons que du persil, du trèfle sec et de l'avoine durant cette huitaine, en même temps que nous supprimons l'emploi des feuilles de choux et de navets. Quelques personnes, de suite après les avoir assommés, leur versent un petit verre de cognac dans le gosier; d'autres enfiu les vident et les frottent intérieurement avec un mélange de beurre frais, de feuilles de bois de SainteLucie et de fleurs de mélilot et de thym séchées et pulvérisées.

Il va sans dire que les éleveurs qui engraissent pour le marché ne songent point à terminer l'engraissement par un régime propre à communiquer du fumet à la chair du lapin. Nous ferons remarquer encore que, parmi les lapins de clapier, ceux de la race commune sont les meilleurs pour la table; les lapins riches leur sont très-inférieurs; ceux de la race d'Angora sont les moins estimés de tous; il est même permis de les qualifier de détestables.

Le plus grand nombre des lapins, élevés dans les Flandres belges, sont destinés à l'Angleterre; mais n'allez pas croire qu'on expédie ces animaux tout vivants de l'autre côté de la Manche. On commence par les dépouiller, les vider et les retrousser artistement à la manière des cordons

bleus, puis on les encaisse et on les embarque à Ostende. Avec les issues, le marchand de lapins en gros élève des porcs, et il a de plus l'avantage de tirer un assez beau parti des planches de ses caisses qui ont le privilége de n'être pas soumises en Angleterre aux droits de douanes, comme le sont les autres bois.

Nous avons dit précédemment que ces marchands de lapins ont l'habitude de courir les villages avec des voitures traînées par des chiens et d'acheter des lapins gras de maison en maison. Nous devons ajouter qu'ils vont également s'approvisionner dans les villes, les jours de marché aux lapins. Nous avons eu l'occasion de les voir au marché de Termonde (Flandre Orientale). Pour qui n'en a jamais vu, et nous étions alors dans ce cas, une foire aux lapins a un caractère assez original. Imaginez-vous une centaine de pauvres éleveurs, rangés sur deux lignes, debout, un vieux sac devant chacun d'eux, et au fond du vieux sac un peu de paille et de gros lapins couchés dessus, puis, à côté des sacs, des paniers remplis de jeunes; autre part, des charrettes deux fois longues comme le bras, chargées de cages toutes pleines de lapins et traînées par de gros chiens, et vous aurez une idée à peu près exacte du tableau. Ceux qui ont les lapins dans les sacs et les paniers sont les producteurs; ceux qui ont les charrettes avec les cages sont les revendeurs. Le marché commence, en été, à six heures du matin et dure rarement une heure. Le vendeur ouvre le sac, l'acheteur y plonge la main, saisit les bêtes par les oreilles, les couche à plat ventre sur son bras gauche et souffle sur le dos. Si le poil s'envole, c'est que le lapin n'a pas toutes ses aises; s'il ne s'envole pas, c'est que l'animal est plein de santé. Et, en effet, un animal maladif mue presque en tout temps. D'ailleurs, en soufflant dessus, on peut voir si le fond du poil est vif et la peau blanche. Ce sont deux bons indices. Quand le fond du poil est terne et la peau terreuse, les bêtes ont été mal nourries et se portent mal.

Nous ne connaissons pas en France de foires aux lapins; cependant l'élevage y est plus répandu qu'on ne le suppose généralement. Si, comme partout, les grands éleveurs sont très-clair-semés, les petits abondent, et l'on se ferait difficilement une idée de la quantité de lapins que l'on nourrit seulement dans le rayon de Paris.

Pour la chapellerie, le poil des lapins normands ne constitue pas la première qualité; on préfère le lapin picard, dont la nuance est d'un plus beau gris, c'est-à-dire d'un gris plus clair et dont le poil est plus fin. C'est à Beauvais et à Amiens que l'on achète surtout ces qualités. La chapellerie recherche également les lapins de la Champagne, des Ardennes, de la Lorraine et de la Bourgogne qui fournissent beaucoup moins que la Normandie et la Picardie, mais qui se recommandent presque toujours par l'excellente qualité des peaux. La | nourriture a une influence très-marquée sur la qualité de ces peaux; aussi les marchands estiment-ils particulièrement celles qui proviennent d'animaux mangeant souvent du grain et du fourrage sec. Bonne nourriture, disent-ils, bon poil et bonne chair.

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Les lapins communs du midi de la France sont tout petits et ne pèsent, sauf exception, que de 1kil,5 à 2kil,5 au plus, mais ils donnent un poil fin et d'une nuance gris clair agréable.

Le lapin d'Angora ou de ménage, dont le poil servait autrefois à faire des gants et des bas, n'a plus de raison d'être aujourd'hui. La bonneterie n'en veut plus; la chapellerie n'en veut pas davantage; enfin on l'exclut de toutes les cuisines, parce que sa chair est de très-mauvaise qualité. Le lapin riche, élevé tout d'abord, et, il y a longtemps de ceci, à Troyes et dans les environs, a été très-recherché pour fourrures naturelles à bon marché, autrement dit pour fourrures non lustrées. La chapellerie classe son poil parmi les qualités très-inférieures, parce qu'il est grossier et feutre mal. Sa chair, enfin, est très-ordinaire. La peau, néanmoins, et par cela même qu'on en fait des fourrures communes, a un prix plus élevé que celle des autres races. En 1856, les 100 peaux valaient de 150 à 175 fr., et à l'heure où nous écrivons elles sont encore à 100 et 120 fr.

La mue des lapins commence vers le 15 septembre et dure jusqu'à la fin de novembre. C'est le moment où ils fournissent le poil le plus grossier. Aussi, en admettant que 100 peaux de la race commune aient en hiver une valeur de 50 fr., elles ne vaudront plus que 36 fr. pendant la mue et, en été, de 34 à 35 fr., parce qu'à cette époque aussi la peau produit moins et est de moindre qualité. A ce compte, les lapins du Midi, dont les 100 peaux ne se payent que 15 à 16 fr., en hiver, à cause de leur petitesse, ne valent plus que 7 à 8 fr. en temps de mue et en été.

Les lapins noirs, les lapins blancs, les lapins bariolés sont de qualité inférieure comme poil et comme chair. Le poil manque de finesse et reçoit mal la teinture.

Il existe, du côté d'Angoulême, des métis provenant de l'accouplement du lièvre mâle avec la femelle du lapin commun, élevés ensemble dès leur jeunesse. Nous ne connaissons ce produit que pour l'avoir vu dans diverses expositions. Il tient beaucoup du lièvre par la couleur, et sa chair est, dit-on, excellente. Il est peu répandu, car sa peau ne se voit pas encore dans le com

merce.

Les peaux de lapin, dépouillées de leur poil, sont découpées en lanières et servent à préparer de la colle pour les peintres. Les déchets de peaux, têtes, pattes et rognures ou chiquettes sont vendus comme engrais.

Les excréments de lapins constituent également un bon engrais. P. JOIGNEAUX.

LE COBAYE (LAPIN D'INDE OU COCHON D'INDE).

On donne le nom de lapin d'Inde, cochon d'Inde, lapin du Brésil, etc., au cobaye domestique qui a pour type le cobaye aperea, animal rongeur de la famille des Caviens, que l'on trouve dans les contrées chaudes de l'Amérique méridionale.

Le cochon d'Inde, dont nous ne vous parlerons que pour mémoire, est un petit animal, dont la robe formée de plaques noires, blanches et

rousses, n'est pas désagréable. Il est très-stupide, | rencontrer dans nos campagnes, où cependant on très-malpropre et d'une fécondité remarquable. faisait peu de cas aussi de leur chair. On les réIn mâle suffit à une vingtaine de femelles; la servait pour la distraction des enfants; aujourgestation dure environ trois semaines, et chaque d'hui, ils sont presque abandonnés partout et portée est de sept ou huit petits ordinairement, personne ne les regrettera. et même souvent plus. Ces petits tettent une quinzaine de jours.

Au temps d'Olivier de Serres, on élevait les cochons d'Inde pour les manger, mais on n'en estimait point la chair fade et douceâtre, qu'il fallait relever par d'énergiques condiments. Il y a trente ou quarante ans, il n'était pas rare d'en

Dans le midi de la France, on plaçait les cochons d'Inde dans des clapiers, comme les lapins; en Bourgogne, nous les élevions assez souvent, en hiver surtout, dans les chambres chaudes de nos habitations. Peu d'animaux sont plus sensibles an froid que les cochons d'Inde. P. J.

CHAPITRE XXV

DE LA PISCICULTURE

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étangs, et leur donnèrent, en outre de la production du poisson, une valeur agricole, d'autant plus prononcée que la mise sous eau n'était qu'intermittente et par suite préparatoire à la culture facile, productive et sans engrais du sol. En effet, on pêcha les étangs tous les deux, trois ou quatre ans ; on les dessécha pour y cultiver ensuite, sans engrais, pendant un temps d'assec plus ou moins long, des céréales, qui donnèrent d'abondants produits et des fourrages recherchés. — L'aug

breux qui en résultèrent, mirent un terme à l'extension longtemps croissante des étangs, tandis que la révolution de 1789 vint, par une loi, assimiler les étangs aux marais et en prescrire le desséchement. Cette loi non exécutée, parce qu'elle était inexécutable, ne fut toutefois pas la cause de la diminution progressive des étangs, telle qu'elle a été constatée depuis lors. Elle doit plutôt être recherchée dans la disparition des motifs qui amenèrent leur création, et ensuite de quoi on ne construit aujourd'hui des étangs que dans des cas fort rares et presque exclusivement comme réservoirs d'eaux pour l'irrigation des prairies, l'alimentation des usines ou encore pour prévenir les ravages des inondations.

Historique. Les poissons, comme produit naturel, spontané des cours d'eaux, ont d'abord été le prix de l'industrie et de l'adresse de ceux qui se livraient à la pêche. Ils entrèrent avec le gibier et le produit des troupeaux, dans l'alimentation de l'homme, aussi longtemps qu'il mena une vie nomade et toute pastorale. L'augmentation de la population, son agglomération autour de certains centres mis successivement en culture, durent nécessairement diminuer cette ressource, sans toutefois donner l'idée d'y remédier par l'élevage et l'en-mentation de la population, et les besoins nomtretien des poissons dans des espaces circonscrits, au pouvoir de l'homme, ainsi que cela avait lieu pour les autres animaux domestiques. Aussi, l'agriculture ancienne ne connaissait-elle pas les étangs, et les viviers des anciens Romains, tels qu'ils sont décrits par les auteurs, semblent avoir été, avant tout, des ouvrages de luxe, destinés à la conservation des poissons pris dans la mer, dans les rivières, pour les livrer à la consommation des Lucullus d'alors, au fur et à mesure de leurs besoins. Les premiers étangs, tels que nous les connaissons aujourd'hui, paraissent avoir été établis dans les forêts. Toutefois, sous le règne de Charlemagne, il en existait déjà dans d'autres endroits. Ils paraissent n'avoir eu alors pour but que la production du poisson, que l'on regardait comme plus nécessaire que le gibier, attendu qu'il y avait 146 jours d'abstinence de viande par année et une infinité de couvents où l'on ne mangeait que du poisson. Il en résulta qu'au moyen âge il n'y avait pas de monastère, pas d'abbaye, pas de seigneur qui n'eût son étang, peuplé des poissons les plus estimés. Les gros propriétaires, les métayers encouragés par la vente avantageuse de ces habitants des eaux, établirent également des étangs parce qu'ils virent en eux un moyen de faire valoir le sol, avec peu de travail et de dépenses. Ces dernières considérations, qui avaient surtout de l'importance, alors que la population était clair-semée, la main-d'œuvre rare, contribuèrent pour beaucoup à la multiplication des

DE L'ÉTABLISSEMENT DE NOUVEAUX ÉTANGS.

Recherches préliminaires. Les étangs sont des espaces circonscrits, creusés par la nature ou par la main de l'homme, dans lesquels on retient suivant les besoins et à volonté, les eaux de pluie, de sources ou de rivières, afin d'y élever, entretenir et engraisser les poissons les plus propres à la nourriture de l'homme.

L'établissement d'un étang réclame : 1° Une eau convenable et en quantité suffisante;

2o Un sol ne permettant pas des fuites d'eaux, soit par le fond, soit par les côtés;

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