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ceaux de cuir, des chapeaux au rebut, des souliers crevés, de la plume de volaille, de la corne de cheval, des urines, du sang de boucherie, de l'eau de lessive que vous jetez, de l'eau de savon dont vous ne faites aucun cas, du marc de raisins, du marc de pommes et de poires, des fruits altérés, des résidus de piquette ou de râpé, et bien d'autres choses encore. Et, après cela, vous osez crier misère et nous soutenir que l'engrais manque. Mais baissez-vous donc, prenez donc une pelle, un panier ou un baquet, et ramassez. Il y a des jours où les hommes et les bêtes n'ont rien à faire aux champs; c'est le moment de préparer des composts, tantôt près de la ferme, tantôt en pleine campagne, au bout des pièces de terre, selon qu'il y a économie à s'y prendre d'une manière plutôt que de l'autre.

|tées de terre, et sur celle-ci, répandez des os brûlés et écrasés, de grosses plumes de volaille, de la paille pourrie des vieux toits, du foin avarié et du fumier de vache. Cela fait, chargez de nouveau avec de la terre, et semez sur cette terre un peu de colombine fraîche ou sèche, venant du poulailler ou du colombier; ajoutez des pailles de colza ou de navette, ou de sarrasin, si vous en avez, puis de la terre, puis de la chaux, des briques ou des tuiles pourries et broyées, du fumier de vache et de cheval par-dessus, et sur le fumier, toujours de la terre; après cela, revenez aux cendres, aux os brûlés, aux plumes, etc., comme précédemment, et jusqu'à ce que le compost ait environ un mètre et demi de hauteur, sur une longueur et une largeur indéterminées. Il va sans dire que toutes les matières indiquées pour la formation du com-

Le compost, c'est la petite providence du culti-post ne sont pas absolument indispensables. A la vateur, c'est l'engrais à bon marché, à la portée de toutes les bourses et de toutes les intelligences. Vous qui n'avez pas assez de fumier, faites des composts, encore des composts, toujours des composts. Faites-en pour tous les sols et pour toutes les récoltes. Si ce n'est point dans les usages de l'endroit, les gens riront en vous voyant à la besogne. Peu importe, vous ne serez pas les premiers dont on se sera moqué. Laissez rire; vous aurez votre tour après. Où les voisins n'auront su mettre qu'une charretée d'engrais, vous en mettrez trois ou quatre aisément, d'aussi bon que le leur, peutêtre meilleur encore, et qui ne vous aura pas coûté aussi cher. Si vous avez la bonhomie de tendre l'oreille, afin de saisir ce que Pierre ou Jacques dira de vous, vous n'aboutirez jamais; les gens qui se sentent vivre et penser doivent aller en avant, à la manière des éclaireurs, sans détourner la tête à chaque pas pour voir qui les suit et compter les traînards.

Qui dit compost dit mélange de toutes sortes de choses, bonnes séparément comme engrais, et bonnes, à plus forte raison, quand elles sont réunies en un seul tas, difficiles à utiliser séparément, faciles au contraire à employer quand elles forment un ensemble. C'est un service complet, où vous faites figurer les plats par douzaines, et où les racines des plantes trouvent nécessairement de quoi satisfaire leur appétit et leurs goûts particuliers.

Il est parfaitement établi par la pratique, aussi bien que par la science, que les plantes ne se nourrissent pas précisément les unes comme les autres, que chacune d'elles a ses préférences marquées, que, sur celle-ci, telle ou telle sorte d'engrais réussit mieux que sur celle-là. Or, il n'en coûte rien de tenir compte de ces goûts particuliers, d'assaisonner les vivres pour le contentement de la récolte, de faire des composts qui répondent le mieux possible aux besoins des plantes.

rigueur, on se contente de celles que l'on a sous la main; néanmoins, le tout vaut mieux que la partie; et plus il y a de choses différentes dans un compost, plus y a de variété, mieux il vaut. Il va sans dire que l'on n'est pas tenu de former le tas en un seul jour; on l'élève à loisir, peu à peu; mais, à chaque fois que l'on forme une couche ou deux, il faut arroser copieusement avec du purin, des eaux de savon ou de lessive. Quand le compost se trouve achevé, on y fait des trous de haut en bas, et le plus possible, avec un pieu que l'on chasse à différentes profondeurs, au moyen d'un maillet, et, les trous une fois ouverts ainsi, on borde le dessus du compost avec des gazons, de manière à former une sorte de bassin. Alors toutes les fois que l'on a des liquides fertilisants à sa disposition, on arrose abondamment, jusqu'à ce que le compost refuse. Au bout de quelques minutes, la terre s'imbibe et l'on arrose encore, et ainsi de suite, jusqu'à ce que le liquide forme flaque au-dessus du tas, et n'y pénètre plus sensiblement. Huit jours plus tard, on renouvelle la même opération, après quoi l'on abandonne le compost à lui-même sans y toucher, pendant trois ou quatre mois. Au bout de ce temps, par une journée chaude et sèche, des hommes démolissent le compost à coups de pioche, afin d'en bien mêler toutes les parties, et le laissent ainsi se ressuyer à l'air durant une semaine, avant de le charger sur les tombereaux, et de le répartir par petits tas au milieu des champs. Est-il besoin d'ajouter qu'il n'y a pas nécessité de bouleverser le compost au bout de trois ou quatre mois, et qu'il faut toujours attendre pour cela que le moment de s'en servir soit venu ?

Voulez-vous de belles et fortes racines pour la nourriture du bétail? Préparez votre compost avec du fumier de vache, du fumier de porc, des cendres vives de bois ou de tourbe, des terres de cave, des débris de démolition ou plâtras, de la terre cuite, des racines pourries, des boues de chemin, des matières fécales et de la chaux. S'il s'agis

Pour les céréales, nous avons recommandé et recommandons encore le mélange suivant:- Fai-sait d'obtenir des racines pour la nourriture de tes un lit de terre, de l'épaisseur de 15 à 20 centimètres, couvrez-le d'un mélange de fumier de vache et de fumier de cheval; ramenez de la terre sur ce fumier, puis établissez par là-dessus une bonne couche de cendres lessivées, ou de cendres de houille; recouvrez ensuite de quelques pelle

l'homme, nous vous conseillerions de supprimer les matières fécales, attendu qu'elles communiquent toujours à la plante une saveur particulière qui, sans rappeler précisément son origine, n'en est pas moins désagréable. On vous soutiendra peut-être le contraire à Paris, dans la plupart des

grandes villes, dans la Flandre française et dans les Flandres belges; après tout, qu'est-ce que cela prouvera, sinon que l'habitude est une seconde nature, et qu'on ne saurait bien juger les produits soumis à des régimes différents sans les comparer entre eux ?

Pour la culture des pommes de terre dans les terrains compactes ou de consistance moyenne, les composts ne nous paraissent pas convenables, à moins cependant que l'on ne fasse entrer dans le mélange des tiges de genêts, de bruyères, d'ajoncs, etc., qui se décomposent difficilement, et tiennent soulevée la terre qui les reçoit. N'oublions jamais que dans ces terrains compactes cu un peu consistants, il convient de fumer les pommes de terre avec des engrais longs. Mais quand nous avons affaire à des sols légers et poreux, comme ceux des Landes, de certaines parties des environs de Paris et de la Campine, par exemple, le soulèvement cesse d'être nécessaire, et les composts peuvent être utilisés avec profit. Les cultivateurs campinois, qui sont, à nos yeux, de très-habiles fabricants d'engrais, ont imaginé, pour les pommes de terre, un compost spécial, usité généralement. Il se compose de fumier d'étable très-court, de gazons, de cendres de tourbe, de matières fécales, de curures de fossés et de toutes sortes de débris végétaux. On le prépare en plein air, en tas très-longs, peu larges et terminés en toit, de façon à toujours éviter le lessivage par les eaux de pluie; on retourne deux ou trois fois ce compost avec la fourche, afin d'en bien mêler les parties, et de compléter la décomposition.

Supposons maintenant que nous avions affaire à des plantes oléagineuses, telles que colza, navette et navet, trois espèces de la même famille qui ne vivent pas de peu, et ne produisent bien qu'à la condition d'être grassement nourries. Pour préparer un compost énergique et qui flatte leur appétit, prenez du fumier de mouton et de chèvre, de la matière fécale, des intestins et de la chair d'animaux, les grosses plumes de volaille, des chiffons de laine coupés en menus morceaux, des tourteaux d'huileries, des rognures de cuir, du feutre hors d'usage, de la bourre, de la corne de cheval que vous ne payerez pas trop cher chez le maréchal ferrant, à raison de 10 à 15 centimes le kilogramme, de la chaux ou des boues calcaires de grandes routes, un peu de plâtre en poudre, des cendres vives de bois ou des cendres de tourbe, des gazons pourris, du sable de rivière et du laitier de hauts-fourneaux. La liste des substances est longue, et vous avez de quoi choisir. Employez-les toutes si vous pouvez, ou tout au moins la plus grande partie, si vous ne pouvez faire mieux; mais gardez-vous d'oublier les chiffons de laine. Nous vous les recommandons tout particulièrement, parce qu'il y a gros à parier que vous ne leur accordez pas dans votre estime la place qu'ils méritent d'y occuper. Ces loques ne sont pas rares: il s'en trouve au fond de toutes les armoires, et, presque toujours, vous les vendez à vil prix, tandis que vous devriez les garder et en tirer profit. Ne les vendez donc plus; conservez-les, et dans vos heures perdues, prenez un billot, une hache, et rognez-en des provisions.

Le compost, élevé avec de la terre et les matières que nous venons d'énumérer, sera, comme les précédents, arrosé à diverses reprises et en abondance avec les eaux de fumier, les urines, les eaux de savon, de lessive, etc.

Arrivons aux plantes tinctoriales. Les végétaux qui fournissent des couleurs à l'industrie, paraissent affectionner les terrains calcaires, et dans le nombre, nous pouvons citer, par exemple, le vinettier, la garance et la gaude. Ces végétaux, nous le reconnaissons, peuvent croître et même prospérer ailleurs que dans le calcaire. Ainsi, nous en avons la preuve avec le vinettier et la garance; mais les matières colorantes qu'ils donnent perdent de leur richesse et de leur éclat quand on les dépayse. Il semblerait que le calcaire est de rigueur. Donc, les composts destinés aux plantes tinctoriales doivent être riches en calcaire. C'est pourquoi nous conseillons de former ces composts avec du fumier d'étable, de la terre, de la chaux fusée ou de la cendre de houille, ou de la marne calcaire, des boues de routes, et d'arroser ce mélange.

Le compost qui convient tout particulièrement aux prairies artificielles, doit se composer de fumier de vache, de fumier de porc, de cendres vives, de plâtre en poudre, de chaux fusée, de suie, de mauvaises herbes, d'os brûlés, ou de noir animal et enfin de terre. Il est parfaitement inutile d'indiquer des proportions; vous mettriez un peu plus d'une substance, un peu moins d'une autre, que les résultats ne différeraient pas d'une manière sensible.

Une fois le compost établi par couches alternatives, arrosez-le copieusement avec du jus de fumier ou les liquides indiqués précédemment; puis, bouleversez-le avec la pioche quinze jours ou trois semaines avant de l'employer, afin de bien opérer le mélange et de lui donner le temps de

se ressuyer.

Pour les prairies naturelles, prenez beaucoup de fumier de porc, des pailles de colza ou de navette, des balles de grains, du sable fin, du laitier de hauts-fourneaux écrasé d'une manière quelconque, soit par des roues de voitures, soit avec un rouleau. Prenez un peu de chaux, beaucoup moins que pour le compost des prairies artificielles, un peu de plâtre, moins aussi que dans le cas précédent, du foin gâté, des bouses de vaches, beaucoup de cendres de bois ou de tourbe et de la terre légère; puis, arrosez de temps en temps. Au bout de cinq ou six mois, vous aurez un engrais excellent que vous répandrez en deux fois sur les prairies naturelles, une première fois au commencement de mars, pour favoriser le développement de la récolte principale ; une seconde fois, aussitôt cette récolte enlevée, afin de favoriser la pousse du regain.

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gétale, est retirée en même temps que le fumier et mise à part à titre de compost. Quelques-uns y mêlent du fumier proprement dit et aussi pourri que possible. C'est dans la commune de Rhéty et dans les environs que se font bien certainement les meilleurs composts pour regains. On les y prépare avec du fumier et de la terre, comme nous venons de le dire, et on les dispose en forme de tombes, de la hauteur d'un mètre et demi environ. Au moment de la fauchaison, c'est-à-dire quelque temps avant de s'en servir, on les retourne avec la fourche, on les déplace, tout en maintenant la forme qui permet à la pluie de couler sur les deux faces, et l'empêche ainsi de nuire à la fermentation. Ces tas d'engrais pour regain sont désignés dans la langue du pays sous le nom de Toemaet Mesthoop. Cette pratique, si rare ailleurs que dans la Campine, est vraiment recommandable. Nous connaissons tant de cultivateurs qui s'imaginent que l'herbe vient toute seule avec de l'eau, qui ruinent leurs prairies en enlevant chaque année le regain, sans jamais rien restituer, que nous sommes heureux de rencontrer, dans une contrée primitive, des gens protestant avec intelligence contre un pareil système.

Les cultivateurs de la Normandie, qui se connaissent en herbages, font à peu près ce qu'il faut pour les avoir beaux et bons. Ceux du Bessin et du Cotentin, notamment, accordent aux composts une attention toute particulière, et ce sont ces composts qu'ils nomment tombes. Le nom ne nous paraît pas heureux, mais l'essentiel c'est que la chose soit bonne.

La manière de fabriquer les composts, dans le Bessin et le Cotentin, ressemble beaucoup à celle de tous les pays, en ce sens qu'on utilise à cet effet les terres sans emploi, les boues de rues, les boues de villes, les gazons, les curures de fossés, le fumier de ferme et la chaux; mais elle diffère de la manière commune par quelques particularités bien raisonnées. Ainsi, quand les boues manquent, quand les cultivateurs ne trouvent point la matière première de leurs composts, ils ne restent pas à court pour autant, ils l'empruntent à la prairie même qu'ils se proposent de fumer. Vers la fin de l'automne, ils cherchent de l'œil, à l'ombre des haies ou des arbres, les parties de terrain les plus élevées, celles qui font bosse; ils les labourent en divers sens, prennent la terre labourée et s'en servent pour élever leurs tombes au commencement de l'hiver, en alternant les couches de cette terre avec des couches de fumier de ferme.

Pourquoi les cultivateurs normands font-ils plus de cas de la terre prise à l'ombre que de toute autre ? Nous allons vous le dire : c'est tout simplement parce qu'elle vaut réellement mieux. Les bêtes qui vont au pâturage recherchent le voisinage des haies et des arbres pendant les journées chaudes, s'y couchent afin de se soustraire à l'ardeur du soleil et aux tourments que leur causent les taons et les mouches. Ces places de prédilection reçoivent donc une quantité considérable de déjections solides et liquides. On ramasse, il est vrai, les premières pour les jeter sur les tombes, mais le sol qui les a reçues en conserve encore assez pour devenir très-fertile. Nous ajoutons, en

passant, que l'herbe qui en provient est un peu négligée par les vaches qui, on le sait, ne broutent pas volontiers autour de leurs bouses. Cette herbe, poussant à l'ombre, n'a pas la saveur de celle qui pousse au soleil, et l'on s'explique encore que les bêtes préfèrent celle-ci à celle-là. Il s'ensuit que lorsque le pâturage est tondu ras sur toutes ses parties découvertes, on rencontre encore de l'herbe drue et vigoureuse près des haies et sous les arbres. Elle serait parfaitement et régulièrement broutée d'ailleurs, qu'elle continuerait de végéter, de repousser, en raison de la fraîcheur qui ne lui fait jamais défaut.

Ainsi, en donnant la préférence aux terres ombragées, pour la confection des tombes, les cultivateurs normands sont assurés d'avoir les parties les mieux fumées, les mieux gazonnées et les plus riches en nitrates.

S'ils mélangent de très-bonne heure le fumier avec cette terre, c'est afin qu'il ait le temps de pourrir complétement, parce que les praticiens des herbages ont reconnu que les résultats étaient plus prompts avec le fumier bien pourri qu'avec le fumier pailleux. Cette observation ne surprendra point nos lecteurs.

Dans le courant de l'hiver, alors que le temps le permet, on recoupe les tombes à diverses reprises, autrement dit, on les bouleverse avec la houe, afin de bien opérer le mélange du fumier et de la terre; puis, dans la seconde quinzaine de janvier, en même temps que l'on procède à un dernier recoupage, on y éparpille de la chaux fuséc et plus souvent de la chaux en pierre, qui se délite assez vite.

Dans la première quinzaine de février, les tombes sont transportées par petits tas sur toute l'étendue du pâturage, puis répandues le plus uniformément possible sur le gazon.

Cette pratique est reconnue tellement avantageuse, tellement indispensable, qu'il est de rigueur, pour chaque fermier, de fabriquer des tombes et d'en couvrir ses herbages au moins une fois pendant un bail de neuf ans.

Dans le nord de la France, et autre part encore, on aperçoit, de loin en loin, au bout des champs, des mélanges de terre, de gazon et de chaux, auxquels on donne le nom de Pâtés. Ce sont des composts de la plus grande simplicité.

Avec de la vase d'étangs ressuyée et de la chaux, on prépare également de bons composts. On emploie ordinairement 1/10 de chaux et l'on a soin de rompre la masse et d'opérer le mélange deux ou trois jours après qu'il a été formé couche par couche. Si l'on attendait plus longtemps, la chaux ferait mortier et deviendrait fort difficile à pulvériser.

Avec des joncs, levés par gazons, et arrosés lit par lit avec de l'eau de chaux, on obtient, en trois ou quatre mois, un compost bien pourri. Deux mètres cubes de chaux suffisent pour une masse de quarante à cinquante mètres cubes de gazons.

Les composts ont eu leurs jours de vogue, et c'était à qui aurait l'honneur d'en avoir inventé un et d'y attacher son nom. Cette gloire trop facile à acquérir a fait son temps. Il est permis de beaucoup estimer les composts, en raison de la

diversité des vivres qui s'y trouvent, mais il faut, reconnaître très-franchement qu'il n'y a pas de mérite sérieux à en faire.

Avant d'en finir avec les composts, n'oublions pas celui du potager qui est peut-être le meilleur de tous. Pour le préparer, il faut du fumier de porc, du fumier de vache, des feuilles mortes, des mauvaises herbes, de la chaux, de la colombine, des cendres de bois, de la suie, des légumes pourris ou des débris de légumes et de la terre. Avec toutes ces substances, on forme des lits qui alternent avec la terre, et l'on a soin de toujours placer la chaux sur les débris végétaux. On arrose de temps en temps, avec de l'eau de lessive, de l'eau de savon, des eaux grasses et du purin de fumier.

exposés à rester inertes dans les années de sécheresse, tandis qu'ils réussissent ordinairement dans les années humides. Autant que possible donc, on doit les répandre par un temps pluvieux ou brumeux ou les mélanger avec des substances fraîches, avant de s'en servir.

Il y a quelques années, une question, ainsi conçue, a été soumise au congrès des sociétés savantes de France: « Les engrais pulvérulents peuvent-ils complétement remplacer les fumiers dans les cultures? Le système qui consisterait à employer presque exclusivement les engrais pluvérulents offre-t-il de grands avantages? >>

M. Payen fut prié de donner un avis. Il répondit que parmi tous les engrais du commerce, un seul, le guano, pouvait remplacer le fumier; mais il ajouta qu'il ne pensait pas que les cultivateurs eussent le moyen de se procurer du guano en quantité suffisante, et qu'il ne croyait la substitution praticable que dans le cas où il y aurait analyse de l'engrais, au fur et à mesure de son emploi. M. Payen a commis une grosse erreur. Quand

La gadoue de Paris n'est, en définitive, qu'un riche compost, où se marie et se confond tout ce qui se perd dans les rues et sur les places de la capitale. On y rencontre tout ce qu'il faut au cultivateur, et, avec cela, beaucoup de choses dont il se passerait bien, comme, par exemple, du verre cassé, des débris de vieux pots, des morceaux d'as-même les cultivateurs pourraient se procurer tout siettes, etc. Lorsqu'elle est fraîche, elle a plus d'énergie que lorsqu'elle est consumée et réduite, mais aussi, elle communique aux produits une saveur incontestablement désagréable. Il va sans dire que les amateurs de gadoue soutiennent le contraire, et de la meilleure foi du monde, tant il est vrai que le palais et l'odorat finissent par s'habituer à des choses qui, dans le principe, les révoltent.

Les engrais d'usines ou de fabrique appartiennent nécessairement aussi à la catégorie des composts. Mais il y a cette grande différence, entre les composts dont nous avons parlé précédemment et les engrais de fabrique, que les premiers sont préparés par les cultivateurs qui savent ce qu'ils y mettent, tandis que les seconds constituent une branche de commerce exploitée par des ignorants et quelquefois même par des savants qui n'entendent rien ou pas grand'chose aux opérations de l'agriculture. Malgré cela pourtant, il faut, pour rendre hommage à la vérité, reconnaître que parmi les composts qu'on nous vend sous différents noms, il s'en trouve d'assez recommandables, mais par cela même qu'il s'agit d'une marchandise, nous regrettons de ne pouvoir en cautionner aucun. Ce qui est bon aujourd'hui peut devenir mauvais d'un moment à l'autre. Question de gain. C'est aux cultivateurs à essayer des différents engrais artificiels qu'on leur propose, à s'attacher à ceux qui leur donnent les meilleurs résultats, et à s'y tenir aussi longtemps que le marchand se comporte honnêtement à leur égard. Dans ce cas particulier, les essais renouvelés offrent des garanties que n'offrent ni les recommandations des journaux ni les analyses chimiques, car les analyses et les recommandations ne sont pas toujours d'une sincérité parfaite. Pour être juste, nous devons ajouter que les essais des praticiens ne sont pas toujours non plus faits avec intelligence et qu'ils mettent souvent à la charge de l'engrais, des insuccès qui proviennent d'un emploi mal entendu. Ainsi les engrais de fabrique, alors même qu'ils sont de bonne qualité, sont

le guano nécessaire et s'entourer des garanties de l'analyse, cet engrais ne saurait remplacer le fumier; et nous en disons autant des engrais de fabrique les plus renommés.

On ne remarque pas assez que dans une question d'agriculture, il y a autre chose qu'une simple question d'analyse chimique. Dans la pratique, nous voyons les affaires autrement que dans un laboratoire.

Ainsi, par exemple, voici une terre argileuse, tenace, blanchâtre ou jaunàtre; nous fumons cette terre avec de l'engrais de ferme, nous la fumons fort, et, à la longue, nous la voyons s'ameublir, prendre une couleur foncée et se réchauffer plus aisément au soleil que dans le principe, alors que sa couleur était claire. Mais supposez qu'au lieu de nous servir de fumier, nous nous soyons servi de guano ou de quelque poudre grisâtre, les caractères physiques de notre sol n'auraient pas varié; nous n'aurions pas obtenu cette teinte brune, si précieuse et si recherchée, parce que, d'une part, elle est réchauffante, et parce que, de l'autre, elle est l'indice de cette provision d'humus qui constitue la principale richesse d'un sol. Avec les engrais du commerce, vous ne modifiez rien, n'améliorez rien et n'augmentez pas la plus-value d'un domaine. Vous semez la graine, vous semez l'engrais par-dessus; la plante s'en nourrit et n'en laisse pas de traces appréciables. Avec lefumier, au contraire, vous modifiez, vous transformez, vous doublez et quadruplez, à la longue, la valeur d'un champ. Vous répandriez des engrais du commerce durant des siècles à la même place, que vous ne feriez pas assurément, de cette place, une terre à chanvre, ou un de ces gras et riches potagers où les légumes poussent à vue d'œil.

Les plantes n'absorbent par leurs racines que des vivres dissous dans l'eau. Eh bien ! le fumier nous fournit cette eau qui dissout les vivres et les transporte. C'est pour cela que les cultivateurs des contrées sèches font plus de cas des fumiers d'étable, qui sont très-mouillés, que des fumiers d'écurie, qui ne le sont guère. Où donc est l'eau dans

la plupart des engrais artificiels? Comment les sels se dissoudront-ils en temps de sécheresse? Avec les sols richement fumés au moyen de l'engrais de litière, nous ne sommes jamais dans l'inquiétude sous ce rapport: le terreau qui en provient conserve une humidité constante et avantageuse.

Avec du fumier de vache, des engrais verts et des résidus mouillés, on a fait, avec des terres arides, des champs qui, à cette heure, ne laissent rien à désirer. Avec les engrais artificiels seuls, ce qui était aride et désolant n'aurait pas changé d'aspect.

Avec le fumier de vache et de porc et les engrais verts, on a déjà transformé quelques petites parties de la pauvre Champagne. Avec les engrais artificiels, on aurait eu en tout temps de la craie pure, et rien dessus.

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CHAPITRE V.

DES LABOURS.

Parmi les façons mécaniques ayant pour objet de communiquer au sol les qualités qu'il doit posséder pour donner des produits abondants, les labours se placent au premier rang, et pour bien comprendre leur importance, il suffit de considérer les résultats qu'ils procurent, et d'examiner les effets qui sont la conséquence de leur application rationnelle.

C'est en divisant la couche arable et en changeant les surfaces en rapport avec l'air atmosphérique, que les labours exercent leur bienfaisante influence, influence qui n'avait pas été méconnue des anciens, mais qui n'a jamais été mieux constatée et appréciée que de nos jours, par suite des perfectionnements apportés aux procédés mécaniques, et des progrès de la science dans les temps modernes.

Les labours, en ameublissant le sol, favorisent le développement des plantes qu'on lui confie, et cela se conçoit aisément. Dans une terre dure et compacte, les racines sont gênées dans leur accroissement; elles rencontrent dans le milieu qui les abrite, des obstacles qui ne leur permettent pas de s'allonger librement, et le rayon dans lequel elles peuvent prendre leur nourriture se trouve forcément réduit. Dans une couche bien ameublie, au contraire, il leur est permis de s'étendre, d'envoyer leurs ramifications dans tous les sens, de multiplier leurs organes absorbants, et, conséquemment, de recueillir une nourriture plus copieuse. La plante tout entière profite naturellement d'une position aussi avantageuse, et, toutes choses égales d'ailleurs, elle prend dans le sol une fixité plus grande, et se couvre de fruits plus beaux et plus abondants. Il s'ensuit que dans des terrains de même nature, et à fertilité égale, les récoltes seront toujours plus belles et plus as

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surées sur les portions bien travaillées et bien ameublies, que sur celles qui n'ont reçu qu'une préparation négligée et insuffisante.

En rompant momentanément l'adhérence qui lie les particules terreuses, les labours donnent, en outre, à la terre une porosité qui permet à l'air de s'introduire dans la couche arable par une foule de petites fissures, qui la sillonnent dans tous les sens et la pénètrent jusqu'à la profondeur atteinte par le soc. Cette admission de l'air dans le milieu où se développent les racines, est de la plus grande importance, attendu qu'il est indispensable à l'élaboration de la nourriture des végétaux. Sans l'intervention de l'air, les matières contenues dans le sol resteraient inertes. C'est par la réaction de l'un de ses éléments sur les substances organiques et minérales renfermées dans la couche arable, que se préparent les aliments et que leur dissolution s'opère. Au surplus, l'introduction de ce fluide dans le sol n'a pas seulement pour conséquence de mettre en activité les principes nutritifs dont il est le réservoir ou le dépositaire, elle détermine encore la formation de composés nouveaux dont les éléments sont empruntés, au moins en partie, sinon en totalité, à l'atmosphère, et dont l'utilité pour la végétation est aujourd'hui parfaitement démontrée.

Au reste, l'observation a, depuis longtemps, appris aux cultivateurs l'heureuse influence qu'exerce l'atmosphère sur les couches directement soumises à son action. On sait, d'ancienne date, que les couches qui reçoivent immédiatement son impression, et peuvent s'imprégner des gaz fécondants qu'elle renferme, sont beaucoup plus fécondes que celles qui sont privées de ce contact bienfaisant. On a également remarqué, et la pratique le démontre tous les jours, que les

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