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cet accident. Le meilleur moyen de l'éviter est, de ne conduire les moutons sur ces pâturages qu'après qu'ils sont à moitié rassasiés par un séjour de quelques instants sur un pâturage naturel voisin. Et encore faut-il ne les faire consommer qu'avec les plus grandes précautions.

Lorsque les moutons ballonnés sont en trèspetit nombre, une ou plusieurs doses d'eau fortement salée, que l'on fait prendre par force au malade et à grandes gorgées, peuvent suffire pour arrêter la marche de l'accident. Arrivée dans la panse, l'eau salée s'oppose à la fermentation des aliments qui y sont contenus; par sa température basse, elle condense les gaz déjà développés à la suite de cette fermentation. Le berger doit donc toujours être muni de sel à cet effet. Mais ce procédé de traitement, qui est du reste applicable en pareil cas à tous les ruminants, bœufs, vaches, moutons ou chèvres, n'est efficace qu'à la condition de pouvoir être employé promptement. Pour les grands ruminants et la chèvre, où l'accident est le plus souvent individuel, cela se peut dans la pluralité des cas. Mais il est bien rare que dans un troupeau de moutons soumis à l'influence de la même cause, il ne se montre pas à la fois un certain nombre d'individus météorisés. Le berger seul, dans ce cas, ne suffirait pas pour administrer le remède à tous en temps utile. Il s'écoule d'ailleurs de précieux instants pour sa préparation. Et le développement des gaz aurait asphyxié le plus grand nombre des malades, avant que l'eau salée ait pu leur être administrée. Ce remède, très-facile et très-efficace d'ailleurs, doit donc être réservé pour les cas individuels ou à peu près.

Il y a dans les annales de la science des exemples de guérison du ballonnement des moutons par l'action d'un bain froid immédiat. Des animaux météorisés, auxquels on avait fait traverser une rivière ou un ruisseau à la nage, se sont bien trouvés de cet expédient. C'est vraisemblablement dans ce cas le refroidissement subit du corps qui agit en arrêtant dans la panse la fermentation tumultueuse des aliments. Mais il n'est pas nécessaire d'ajouter que la mise en pratique de ce moyen nécessite une condition qui n'est pas toujours à la portée du troupeau : celle de l'existence d'un cours d'eau.

Le plus rapidement efficace de tous les procédés, pour combattre la météorisation sur un grand nombre d'individus, c'est la ponction du rumen ou de la panse. Celui-là est infaillible. Il peut à la rigueur être pratiqué avec un simple couteau plongé sans ménagement dans le flanc gauche, vers le centre de la partie supérieure de cette région. Mais il est toujours préférable d'employer pour cela l'instrument spécial appelé troquart, et qui se compose d'une tige affilée et d'un tube ou douille, que la partie tranchante de la tige dépasse un peu vers son extrémité. Une fois le trocart introduit dans la panse, on retire la tige; la douille reste dans la plaie et les gaz accumulés dans le rumen s'échappent avec impétuosité et bruit par la lumière du tube. Celui-ci est muni, à son extrémité extérieure, d'une petite expansion ou pavillon percé de trous, de manière à le fixer aux mèches de laine environ

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nantes, de telle sorte qu'il demeure en place el s'oppose à ce que les aliments que le jet de gaz peut entrainer tombent dans la cavité abdominale, où ils pourraient déterminer des désordres. Lorsque les accidents sont conjurés, on retire le tube. La petite plaie qui reste se cicatrise ensuite très-vite et ne nécessite que des soins de propreté.

Dans sa trousse de berger, dont nous avons déjà parlé, M. Laubréaux a disposé avec un trocart vingt et quelques tubes de rechange, qui peuvent suffire par leur nombre aux plus habituelles éventualités. La pratique de la ponction s'effectue en un très-court instant. Elle doit toujours être préférée lorsqu'on se trouve en présence d'un certain nombre d'animaux météorisés. Autrement on a recours à l'eau salée, ou à l'eau de lessive, à l'ammoniaque ou alcali volatil, qui agissent dans le même sens, mais moins efficacement, et que l'on n'a pas d'ailleurs aussi facilement sous la main. Il reste toujours, du reste, en dernier ressort, la ressource de la ponction; seulement il ne faut jamais attendre, pour la pratiquer, qu'il y ait eu un commencement d'asphyxie. Les désordres sont souvent trop graves, dans ce cas, pour que l'animal puisse en revenir. On ne peut altendre que lorsque le ballonnement reste stationnaire après l'administration du remède. S'il n'augmente pas, il ne tarde guère à diminuer.

Mais avant de quitter ce sujet, il importe de revenir sur la nécessité d'agir vite. Si la pusillanimité faisait différer et qu'on crût nécessaire d'aller chercher le vétérinaire, dans la plupart des cas, celui-ci n'arriverait, quelque hâte qu'il y mit, que pour faire l'autopsie des malades. Il faut donc d'abord porter secours à ceux-ci par les moyens qui viennent d'être indiqués, sauf à appeler ensuite l'homme de l'art lorsque les premiers dangers sont conjurés, si l'accident a prís des proportions assez grandes pour qu'il y ait à craindre des dangers ultérieurs.

Gale. Cette maladie est une des plus graves parmi celles dont le mouton peut être atteint, lorsqu'elle a pris une certaine extension dans le troupeau. Elle est éminemment contagieuse. Il est très-important, pour ce motif, d'en saisir la première apparition et d'y remédier. Elle débute en général d'une manière restreinte, sur quelques places de la peau d'un ou plusieurs animaux. Son premier symptôme apparent est la démangeaison. Le berger ne saurait donc être trop attentif aux individus du troupeau qui se tirent la laine. Les causes les plus ordinaires de la gale, du moins les circonstances qui favorisent le développement de l'insecte parasite qui la caractérise, sont l'insuffisance de l'alimentation et la malpropreté, qui affaiblissent la constitution des animaux.

Lorsque des démangeaisons se présentent sur un mouton, le berger doit examiner avec soin les places malades en écartant la laine. Si les croûtes qui existent ordinairement sur ces places sont très-restreintes dans leur étendue, il n'est pas indispensable de tondre la partie malade, mais cela vaut cependant toujours mieux. Pour peu

que les boutons soient nombreux, il n'y a pas à hésiter; on doit faire le sacrifice de la laine. La place étant tondue ras, on enlève les croûtes en nettoyant à fond la peau, puis on frotte le point malade soit avec une décoction concentrée d'ellébore, préparée en faisant bouillir 30 grammes de cette substance dans un litre d'eau, soit avec de la salive imprégnée de jus de tabac (salive de chiqueur), soit mieux encore avec de l'essence de térébenthine ou de la benzine.

Quand ces moyens fort simples ont été employés à temps, et à mesure que les premiers signes de la gale se manifestent, celle-ci ne s'étend pas dans le troupeau. Elle est arrêtée dans sa marche. Mais si l'inattention ou l'incurie du berger lui fait né- | gliger ces soins, bientôt le mal se généralise, et alors il arrive à des proportions qui rendent indispensable l'intervention du vétérinaire et l'emploi de moyens plus énergiques, qu'il lui appartient scul d'appliquer, et que nous n'avons pas à indiquer ici. Le préjudice que la gale généralisée cause aux troupeaux est assez grave pour qu'il n'y ait pas à hésiter. En outre, les moyens de traitement les plus efficaces ne peuvent pas être utilisés par les propriétaires. La loi s'y oppose; car celui qui mérite la préférence est un bain arsenical, dont le principal ingrédient ne peut être délivré par les pharmaciens que sur ordonnance d'un homme de l'art.

Notre principal rôle doit donc être d'insister ici sur l'importance qu'il peut y avoir à surveiller de près les moutons au point de vue de la gale, de manière à remédier à ses premières manifestations par les moyens qui viennent d'être indiqués.

Piétin. Cette maladie, comme on sait, atteint le pied des moutons et les fait boiter plus ou moins fortement. Par les souffrances qu'elle occasionne, elle nuit au développement des élèves, à la sécrétion laiteuse des nourrices, et surtout à l'engraissement des adultes. Il est donc du plus grand intérêt de pouvoir y remédier promptement. Le piétin se caractérise par le décollement d'une partie plus ou moins considérable de l'ongle, avec production par les tissus vifs sous-jacents d'une matière qui ressemble à du fromage et qui exhale une odeur infecte. Cette matière est de la corne altérée. Le propre de la lésion qui constitue le piétin est de s'étendre sans cesse, quand elle est abandonnée à elle-même, jusqu'à disparition complète de l'onglon. Elle se présente à l'un ou à l'autre ongle, et quelquefois aux deux, en commençant par la face interne, dans ce que les anatomistes appellent l'espace interdigité.

Pris à son début, le piétin est très-facile à guérir. Lorsqu'il est ancien, c'est différent. Les désordres qu'il a produits dans ce cas augmentent beaucoup sa gravité. Le premier soin à prendre, en présence d'un pied malade, c'est de commencer par détacher avec la feuille de sauge dont le berger doit toujours être muni, et qui fait du reste partie de la trousse de M. Laubréaux, les portions de corne décollées, jusqu'aux régions où les adhérences sont normales. Le mal étant ainsi bien mis à nu, il n'y a plus qu'à le toucher légèrement ou fortement, suivant sa gravité, avec un

caustique. Plusieurs ont été conseillés. L'acide nitrique ou eau forte, l'eau de Rabel, l'acide sulfurique, étendus d'eau ; la couperose bleue, le vert de gris, l'onguent égyptiac, ont été employés avec succès. La pratique nous a appris que l'on devait donner la préférence à une pâte de la consistance du miel, imaginée par M. Plasse et faite avec de | l'alun calciné en poudre et de l'acide sulfurique. Cette pâte, appliquée en couche mince sur la partie malade, la sèche promptement et favorise la sécrétion d'une nouvelle corne normale.

Des expériences suivies par des hommes compétents et consciencieux ont aussi permis de constater l'efficacité d'un remède secret inventé en Provence par M. Bauchière.

Dans le cas de troupeaux entièrement affectés de piétin, on a conseillé de disposer à l'entrée de la bergerie des caisses en bois remplies d'un lait de chaux, dans lequel les animaux en passant sont obligés de tremper leurs pieds. L'efficacité de ce moyen ne nous paraît pas certaine. En tout cas, il est moins prompt dans son action que ceux qui viennent d'être indiqués, s'il est d'une application plus commode.

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Quoi qu'il en soit, on doit éviter de conduire les animaux traités pour le piétin sur des terrains humides et les entretenir à la bergerie sur une litière fraîche, propre et sèche. La cause la plus ordinaire de la maladie est le séjour trop prolongé sur le fumier ou dans la boue âcre des chemins. Fourchet. On donne ce nom à une inflammation suppurative du canal biflexe, situé à la partie supérieure de l'espace interdigité du pied du mouton. Dès que la boiterie se manifeste, avec rougeur de la peau fine de la région, on traite par l'application d'un cataplasme émollient de farine de lin. Lorsque le pus est formé, ce dont on s'aperçoit à l'élasticité du gonflement, on lui donne issue par un coup de lancette, puis on se borne à tenir la plaie propre en la nettoyant avec de l'eau tiède. Si cette plaie ne se ferme pas et devient ulcéreuse, le cas est grave et le vétérinaire peut seul y remédier efficacement. Si la valeur de l'animal ne comporte pas les frais que pourrait occasionner l'intervention de celui-ci, il n'y a qu'à sacrifier le mouton malade pour la consommation. La lésion du pied ne peut exercer aucune influence sur la qualité de sa viande.

- Tous

Cachexie aqueuse ou pourriture. les cultivateurs savent que cette maladie attaque surtout les troupeaux qui fréquentent des pâturages humides, et qu'elle se caractérise au début par la pâleur de la membrane de l'œil, accompagnée dans les cas extrêmes par un engorgement œdémateux de la gorge, sorte de tumeur d'apparence goitreuse qui lui a fait donner le nom vulgaire de bouteille. Elle est bien rarement individuelle. Dépendant d'une cause générale, elle sévit ordinairement sur le troupeau tout entier. I importe donc encore plus d'en prévenir l'apparition par un bon régime hygiénique que de se mettre en mesure de la combatre lorsqu'elle existe.

On évitera certainement la pourriture, dans les pays où existent les pâturages insalubres qui la

font développer, en ne faisant consommer ces pâturages qu'avec de grandes précautions, en con- | duisant d'abord les moutons sur des lieux secs; et partout, lorsque la saison est humide, en distribuant à la bergerie des aliments toniques, de l'avoine par exemple, avant de mettre les troupeaux dehors, en ajoutant du sel à la ration et de la ferraille ou un peu de sulfate de fer dans les hoissons.

Un vétérinaire du Midi, M. Alexandre Raynaud, a préconisé une prescription très-efficace pour combattre la pourriture une fois qu'elle est développée. C'est une préparation composée de farine de lupin et de suie de cheminée, dans la proportion, pour cette dernière substance, d'une à trois cuillerées à bouche par mouton et par jour. On sale fortement le mélange et l'on en fait des galettes que les bêtes à laine mangent volontiers. C'est là un remède peu coûteux et qui mérite d'être recommandé. Nous engagerons donc les cultivateurs des pays où la cachexie aqueuse se montre sur les troupeaux, à cultiver un peu de lupin, pour en avoir une provision en cas de besoin.

Sang-de-rate. - Cette maladie, qui est en général considérée comme charbonneuse, comme contagieuse par les uns, comme non contagieuse par les autres, mais qui dans le doute doit néanmoins donner toujours lieu à des précautions au point de vue de la contagion; cette maladie, disons-nous, est une de celles qui font le plus de ravages dans les troupeaux. Malheureusement elle sévit d'une façon si rapide et entraîne la mort des sujets atteints avec tant de promptitude, qu'il y a moins lieu de compter sur les remèdes curatifs que sur les moyens préventifs.

La science n'est pas encore fixée sur les causes qui provoquent le développement du sang-de-rate. Cette affection semble sévir plus particulièrement dans les plaines calcaires, où les moutons sont soumis à une alimentation trop uniformément sèche. Les cas sont plus nombreux, en réalité, après les longues sécheresses. Toujours est-il que le seul moyen qui paraisse jusqu'à présent offrir quelque efficacité, c'est de faire émigrer les troupeaux affectés vers des lieux ombragés et un peu humides. L'expérience a souvent prouvé que dans ce cas la maladie cesse de faire des victimes. On recommande, pour la prévenir, d'assurer aux moutons, pour la saison d'été, des fourrages verts et des racines.

Quelques faits recueillis en Bourgogne tendraient à établir aussi qu'une dissolution d'aloès dans l'ammoniaque ou alcali volatil, jusqu'à satu

ration de ce dernier liquide, administrée aux moutons menacés de sang-de-rate, serait suffisante pour en prévenir l'apparition, et même pour arrêter la marche de la maladie lorsqu'elle peut être donnée au début. C'est un moyen à essayer.

Tournis. L'affection ainsi nommée est déterminée par la présence dans l'épaisseur de la substance cérébrale d'un ou plusieurs vers vésiculaires qui, par les désordres qu'ils occasionnent, entraînent les symptômes de tournoiement auxquels elle doit son nom. Elle est en général consi-, dérée comme incurable. Dans le cas où une seule vésicule existe et est tout à fait superficielle, il peut y avoir quelques chances de guérison par la trépanation et l'extraction du ver. Mais cela est trèsexceptionnel, et du domaine exclusif, d'ailleurs, de la chirurgie vétérinaire. Nous parlons ici de cette maladie pour faire observer seulement que la science a démontré que le ver dont il s'agit est une des phases de développement des œufs produits par les vers plats, en forme de rubans dentelés, que rendent si souvent les jeunes chiens avec leurs excréments. Il importe donc d'éloigner des troupeaux ces jeunes animaux, pour prévenir l'apparition du tournis.

Muguet. Cette maladie est caractérisée par la présence de végétations cryptogamiques, qui se développent dans la bouche des agneaux en général faibles et souffreteux, et qui, en raison surtout de la gène qu'elles apportent dans l'accomplissement des fonctions digestives, nuisent beaucoup à leur développement et peuvent même les faire périr. Elle s'accompagne d'aphtes qui la font désigner par le nom de chancre. On la traite par des gargarismes avec une forte dissolution de sel, d'alun, ou encore de borax, que l'on introduit sur les parties malades avec une sorte de goupillon en étoupe ou fait de vieux linge. Il faut en outre améliorer le régime alimentaire des malades en y ajoutant des buvées farineuses et salées.

Deux autres maladies, l'une attribuée à la consommation du sarrasin en fleur, et appelée vulgairement noir-museau,parce qu'elle est une affection de la peau de la face; l'autre, peu connue dans sa nature, et considérée provisoirement comme nerveuse sous le nom de tremblante, affectent encore les moutons. Nous ne croyons pas devoir nous en occuper, l'une étant très-rare, l'autre peu commune, et d'ailleurs au-dessus des ressources actuelles de l'art. A. SANSON.

CHAPITRE XXI

DE L'ESPÈCE CAPRINE

La chèvre domestique (capra hircus) appartient, comme le beuf et le mouton, à l'ordre des ruminants; elle fait partie de la famille qui se distingue par ses cornes creuses. Le genre capra, qui en est le type, compte plusieurs espèces vivant à l'état sauvage, dont les principales sont le Bouque tin et l'Ægagre. On considère notre chèvre domestique comme dérivant de cette dernière, qui se trouve sur les montagnes de la Perse, et que les naturalistes appellent encore chèvre sauvage. Le genre est caractérisé par des cornes recourbées en haut et en arrière, par un chanfrein plutôt droit que busqué, par une barbe plus ou moins longue sous le menton, par deux grosses mamelles inguinales pendantes, ayant chacune un long trayon, par une queue très-courte et relevée, enfin par deux genres de poils, l'un droit et rude, court ou long, l'autre fin et formant duvet.

de son crédit la somme des dégˆts qu'elle cause, en vertu même de ses instincts vagabonds et de son goût prononcé pour les jeunes pousses des arbres et des arbustes. Ces dégâts sont si considérables dans quelques lieux, que, pour les éviter, l'on a conseillé de la priver de ses dents incisives.

Quoi qu'il en soit, nous n'en devons pas moins faire l'étude zootechnique de la chèvre, au point de vue de ses diverses fonctions économiques. Il n'est pas nécessaire, toutefois, d'examiner ces fonctions en détail. Elles ressortiront de la description qui sera tout à l'heure donnée de chacune des races exploitées. Le type de la belle conformation, non plus que les principes spéciaux du perfectionnement, n'ont pas, pour l'espèce caprine, des caractères assez tranchés qui les distinguent de ce qui, sur ces objets, se rapporte à l'espèce ovine, pour qu'il soit utile d'y revenir à ce propos. Les formes extérieures, dans cette espèce, sont, au demeurant, d'une importance fort secondaire. La faculté laitière mérite plus d'attention, en général. Nous ne voulons pas dire, néanmoins, qu'il faille les négliger. Mais les considérations précédemment exposées seront suffisantes, assurément, pour guider à cet égard les éleveurs. Nous pouvons donc tout de suite aborder la description des races entretenues à l'état domestique.

Bien qu'elle ne soit pas à beaucoup près aussi utile que le mouton, la chèvre rend cependant des services assez notables à l'économie sociale, lorsqu'elle est exploitée convenablement. Elle fournit durant sa vie son lait, qui est très-employé pour la fabrication des fromages dans certaines contrées, son poil ou son duvet, et après sa mort, principalement sà peau et ses cornes. C'est surtout la viande des jeunes qui est consommée; celle des animaux adultes est de qualité fort médiocre. Le mâle porte le nom de bouc. Il exhale une odeur forte et particulière, qui s'augmente surtout pendant le rut. Ses qualités prolifiques sont très-développées, de même que la fécondité de la femelle. Les portées de celle-ci, qui sont habituellement de deux petits, s'élèvent parfois à trois, et même à quatre, mais rarement. La durée de la gestation est la même que pour les bre-point constitué dans notre climat ces groupes hobis, c'est-à-dire de cinq mois. Les jeunes mâles sont appelés chevreaux, cabris ou biquets; les jeunes femelles chevrettes, cabres ou biques.

RACES CAPRINES.

Sans doute parce qu'elle n'a pas été l'objet d'une exploitation aussi attentive que celle de nos autres espèces domestiques, la chèvre n'a

mogènes par leurs caractères distinctifs et leur puissance héréditaire que l'on appelle des races. L'espèce caprine semble être à l'espèce ovine ce Peu importante dans l'agriculture d'une grande que l'âne est au cheval, la plèbe du bétail, dont partie de la France, l'espèce caprine est princi- on reçoit les services en échange d'un abandon à palement exploitée dans certaines localités al- peu près complet. Aussi, les différences d'habitat pestres que nous indiquerons plus loin. Cepen- ne lui ont-elles imprimé que des modifications dant, l'une des dernières statistiques du bétail trop peu sensibles pour qu'il soit possible d'en porte la population au nombre de 964,300, esti- faire le type d'autant de races distinctes, dans mée à une valeur de 8,851,451 fr., et considérée l'acception zootechnique de ce mot. La chèvre comme produisant un revenu total de 5,448,301 fr. d'Europe, telle qu'elle se rencontre dans nos exEn comparant ces deux chiffres, on serait forcé ploitations agricoles, principalement chez les ped'en conclure, s'ils sont exacts, que l'espèce ca- tits cultivateurs, est à peu près toujours la mênie; prine est une des plus productives. Il est certain tout au plus présente-t-elle quelques variétés peu que la chèvre utilise, par ses aptitudes et ses in- importantes à distinguer. C'est la vache laitière stincts, des matières alimentaires qui seraient des ménages pauvres, qui n'ont pas en propriété absolument perdues sans elle. Mais pour arriver des pâturages à faire consommer, et qui nourà un compte exact, il conviendrait de défalquer | rissent leur chèvre sur les fonds communs et

inexploités. Lorsque les classes aisées de la société se sont occupées de l'espèce caprine, elles n'ont point songé à améliorer par le bien-être et des soins intelligents celle que nous possédions; elles ont dirigé leurs efforts vers l'introduction et l'acclimatation d'individus plus précieux, empruntés à des contrées lointaines. Ceux-ci diffèrent assez de notre chèvre d'Europe pour qu'il y eût peutêtre lieu de les considérer comme des espèces particulières, si l'histoire naturelle était mieux fixée sur cette notion de l'espèce, au sujet de laquelle les discussions ne sont, à coup sûr, point près de se terminer. Néanmoins, l'usage a fait

prévaloir l'habitude de qualifier seulement de races ces collections d'individus du genre capra, provenant de diverses contrées, en prenant pour commune celle qui habite notre pays. Nous devons nous conformer à l'usage. Et, pour le même motif, nous exposerons en même temps tout ce qui se rapporte à l'élevage, à l'amélioration, à l'entretien et à l'exploitation de chaque race.

Chèvre commune. Le pelage de la chèvre d'Europe est de couleur blanche, marron, noire ou pie. Généralement, le poil est long, roide, pendant. On y trouve quelquefois une petite

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quantité de duvet, chez les individus bien soignés. Dans un certain nombre de cas, le poil est court, et même presque ras. Les cornes sont parfois absentes, et c'est la règle dans quelques localités. La taille varie beaucoup, ainsi que les formes du corps. Cela dépend de la fertilité du lieu. Le thorax est en général serré, l'encolure grêle, le garrot et le dos tranchants, le ventre volumineux et la croupe avalée. Les quartiers posté rieurs sont toujours proportionnellement plus développés que les quartiers antérieurs, ce qui est la conséquence de l'aptitude laitière exclusivement exploitée chez la chèvre commune.

En France, les chèvres sont presque toujours entretenues sans soins particuliers. Dans les locaLités où elles ne sont pas l'objet d'une exploitation spéciale, dans le Poitou, par exemple, elles partagent le régime des moutons, et vivent constamment au milieu des troupeaux. Les paysans de cette dernière province attribuent à l'odeur du bouc une influence hygiénique salutaire sur les troupeaux de moutons, et c'est pour ce motif que l'on y rencontre souvent un animal de cette espèce. C'est même à cette circonstance que nous devons d'avoir pu voir bon nombre d'hybrides du bouc et de la brebis, qui, soit dit en passant, se montrent parfaitement féconds. « Au Mont-d'Or lyonnais, dit M. Magne, on met d'ordinaire les chèvres au rez de-chaussée, sous l'habitation du

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cultivateur, dans la pièce qui sert aux vaches, à l'âne, au cheval, et, ce qui est plus mauvais, ajoute-t-il, aux poules. Elles y sont le plus souvent au nombre de quatre ou cinq, et quelquefois de huit à dix. Au delà de ce nombre, un logement particulier leur est affecté. Sur les Alpes et les Pyrénées, elles vivent en troupeaux plus considérables. Mais cela n'est possible que dans les localités arides où il n'y a pas à craindre les dégâts. Pétulantes et fort vagabondes, ainsi que nous l'avons déjà dit, les chèvres en troupeaux sont fort difficiles à garder. On ne peut les laisser libres que dans les terres vagues, les bruyères, et sur les rochers où ne croissent que des ronces ou des broussailles qu'il est impossible d'utiliser autrement. Dans les chemins, elles rongent les haies et l'écorce des arbres; elles préfèrent du reste aux plaines les lieux escarpés, où selon leur caprice elles pacagent alternativement des herbes fines et des broussailles.

Les chèvres n'aiment ni l'humidité, ni le froid, ni les fortes chaleurs. La consommation des plantes cultivées sur les terrains fertiles, les légumineuses surtout, leur donnent souvent des indigestions avec météorisation. Dans les bois, elles contractent fréquemment le pissement de sang.

Elles ont, fait observer M. Magne, le sens du goût peu développé. «Elles broutent des herbes séchées sur pied, fanées, délavées par la pluie,

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