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dantes et vigoureuses; des pâturages formés de | néanmoins un bénéfice satisfaisant. Ce temps n'est gazons courts, ne contenant ni broussailles ni plus. La concurrence des pays d'outre-mer, jointe herbes à haute tige pouvant souiller les toisons; aux nouveaux besoins manufacturiers, a fait baisun climat sec, surtout si l'hivernage à la bergerie ser les prix à ce point qu'il y a dans tous les cas ne doit pas être de longue durée; pendant ce avantage, ainsi que nous le verrons tout à l'heure, dernier temps, une nourriture régulièrement dis- àsacrifier, dans l'exploitation du mérinos, au point tribuée et en moyenne quantité: tel est le régime de vue de la laine, la finesse au poids total de la hygiénique sans lequel le mérinos ne saurait toison. conserver les caractères que nous venons de voir.

En effet, celle-ci ne pèse jamais, en moyenne, chez les mérinos de Naz et autres analogues, au

Une nourriture abondante, sous un climat hu-delà de 1 kilog. à 1,500 en suint. Le prix acmide et pluvieux, où les plantes sont moins nutri-tuel de ces laines surfines, c'est-à-dire de celles tives pour un égal volume, fait prendre aux jeunes animaux un plus grand développement et active la sécrétion de la laine, qui perd en finesse ce qu'elle gagne en longueur. Elle hâte chez les adultes la production de la graisse qui, ainsi que nous en avons vu de frappants exemples chez les races anglaises, où la disposition à l'engraissement a été exagérée à dessein, enlève à la peau de sa vitalité, et par conséquent à la laine de sa souplesse et de sa force.

Si au contraire l'alimentation est insuffisante, les animaux subissent les effets de la misère, dont les premiers se traduisent par la sécrétion d'une laine maigre, sèche, sans force et sans élasticité. Le brin s'arrache avec la plus grande facilité et tombe même spontanément. Lorsqu'à cela se joint l'humidité du sol, les moutons dont il s'agit ne manquent jamais de contracter la cachexie aqueuse ou pourriture, à laquelle ils sont trèssujets, et ils périssent..

Cela montre à quel point est difficile l'entretien des mérinos de Naz et quelles précautions nécessite la production des laines extra-fines. Il ne suffit pas de mettre le plus grand soin dans le choix des reproducteurs, au point de vue de l'uniformité de la toison, de son homogénéité, et de toutes les qualités indispensables pour multiplier la race en conservant ces qualités et même en les perfectionnant. Il faut encore que le régime, comme nous venons de le dire, soit minutieusement approprié au but de la production. Les toisons extra-fines, en outre, exigent, pour n'être point altérées, que les animaux qui les portent soient l'objet d'attentions constantes sous le rapport de la propreté. Des bergeries insuffisamment aérées et mal nettoyées, souillent la laine et, par les émanations ammoniacales qui s'en échappent, altèrent sa douceur et sa résistance. Le parcage, par la terre qu'il introduit dans la toison, durcit la laine et en augmente le déchet, en nécessitant des opérations de lavage plus compliquées.

Toutes ces considérations, qui font de la production des laines extra-fines une industrie peu compatible avec les exigences modernes du progrès agricole, sont bien loin, d'ailleurs, d'être compensées, en France du moins, par les avantages spéciaux de la spéculation. Ces laines ne trouvent plus sur le marché, dans les nouvelles conditions de nos manufactures de tissus, un prix suffisamment rémunérateur des soins qu'il faut prendre pour les obtenir. Il fut un temps où la faible quantité que chaque mouton en produit atteignait une valeur telle, que le résultat final était

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dont le brin a 1/60 à 1/50 de millimètre de diamètre, est environ de 4 à 5 fr. le kilogramme, ce qui met la valeur des toisons à 7 fr. 50 au plus. Or, la nourriture et l'entretien d'un mouton de cette nature sont évalués en France, en moyenne, à 8 fr. Si nous considérons d'un autre côté les conditions dans lesquelles se trouvent, sous ce même rapport, les contrées qui peuvent nous faire concurrence sur le marché européen, nous voyons que les frais s'élèvent en Hongrie à 5 fr., dans les steppes de la Russie méridionale à 3 fr. 60, et dans celles de l'Océanie, Australie ou Nouvelle-Hollande, à 2 fr. seulement. Aussi les importations vont-elles toujours croissant, point d'en être arrivées chez nous, en 1859, à plus de 40,000,000 de kilogr., de 7,805,078 kilogr. qu'elle savaient atteints en 1827.Pour l'Angleterre, les chiffres sont encore plus significatifs. En 1859, l'industrie anglaise a reçu de l'Allemagne, de l'Australie, de l'Espagne, de la Russie, etc., plus de 45,000,000 de kilogr. de laines, dont les deux tiers des deux premières provenances; tandis qu'en 1800 ses importations s'élevaient à peine audessus de 3 millions et demi de kilogrammes.

au

En présence d'une telle situation, on peut prévoir l'avenir qu'offre à l'économie rurale de notre pays la production des laines extra-fines, et par conséquent l'intérêt que mérite la conservation du mérinos de Naz, dont la valeur est d'autre part fort minime comme hête de boucherie, ainsi qu'on le pense bien. Aussi sa population va-t-elle se restreignant de plus en plus, devant les nécessités inéluctables de la logique économique et celles non moins impérieuses du progrès agricole. Elle fait place aux individus portant des toisons moins fines, mais plus lourdes, plus corpulents et mieux appropriés aux exigences actuelles de la consommation de la viande, et qui, en définitive, donnent des bénéfices plus considérables sous ces deux chefs. Le vrai mérinos français de l'époque actuelle est constitué par la variété de Rambouillet, qui doit arriver à réaliser le type mixte de la bête à laine, sous l'empire de la sélection.

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- ZOOTECHNIE ET ZOOLOGIE AGRICOLE. ment dans cette voic, dans la mesure compatible antenoises, 48,018; beliers de dix-huit mois, toutefois avec l'habitude du parcage des terres, 78 kilogr.; béliers adultes, 97 kilogr. On a par ces usitée dans la région où leurs troupeaux sont en- poids une idée du développement acquis en moins tretenus. La viande du mérinos, de médiocre qua- d'un siècle, dans les bergeries françaises, par le lité, sentant le suint, surchargée d'os, dure à l'en-mérinos espagnol. Si nous voulons avoir maintegrais, était considérée comme fort accessoire dans nant le poids des toisons, nous voyons que, pour son exploitation. Toutes les vues d'amélioration | les mêmes cas, ce poids s'est élevé à 2*,263 et étaient tournées du côté de la toison, dont il s'a- 1,909 de laine lavée à dos, pour les brebis de dix gissait d'augmenter en même temps l'étendue, mois et les antenaises, et à 5,800 et 5*,750 de l'homogénéité et le poids. Aujourd'hui la ten- laine en suint pour les béliers de dix-huit mois et dance est autre. Sous l'empire des nouvelles idées, les béliers adultes. on vise, suivant une heureuse expression, à faire acquérir au mérinos, sous sa riche et fine toison, la conformation du Southdown.

Si l'on ne peut point dire que ce but soit atteint dès à présent dans le mérinos de Rambouillet, il faut reconnaître cependant que des efforts efficaces ont été faits dans ces derniers temps pour s'en rapprocher. Et il est permis d'ajouter qu'en France l'avenir économique de la race est de ce côté. Le but une fois bien compris des éleveurs, le résultat ne sera certes pas douteux. En face d'un tel problème, se pose à examiner la question de savoir s'il ne vaudrait pas mieux substituer tout d'un coup au mérinos la race à viande dont il vient d'être parlé, ou toute autre race déjà perfectionnée dans le même sens. Pas mal de gens se trouvent qui résolvent sans hésiter cette question par l'affirmative. Mais ceux-là ne prennent pas assez garde qu'en concluant ainsi du particulier au général, ils s'exposent à commettre de graves erreurs. Sans doute, dans les conditions déterminées d'une culture intensive, une telle substitution peut être avantageuse, et par conséquent rationnelle. Tels fourrages produits en abondance peuvent fournir un bénéfice final plus considérable, consommés par des bêtes à viande plutôt que par des bêtes à laine; en d'autres termes, une spéculation basée sur la production de la viande peut, dans ces conditions, être plus avantageuse que celle qui a pour objet une fabrication mixte de viande et de toisons. C'est à examiner en tenant compte de tous les éléments d'un pareil calcul. Mais il n'est nullement douteux que dans la plupart des situations où le mérinos de Rambouillet est actuellement entretenu, et où la culture n'est pas encore propre à l'exploitation des races précoces, la valeur des toisons qu'il fournit chaque année, jusqu'à ce qu'il ait atteint son âge adulte, est à prendre en grande considération, car elle dégrève singulièrement son compte d'élevage et d'entretien. La seule injonction du progrès, en pareil cas, est de lui faire atteindre cette conformation du Southdown, dont nous parlions tout à l'heure, et qui est le type de la beauté que nous avons posé; conformation aucunement incompatible d'ailleurs avec la conservation des caractères actuels de sa toison, et qui doit avoir finalement pour résultat d'en faire une meilleure bête de boucherie.

D'après des pesées exactes opérées sur un certain nombre d'individus de différents âges et de différents sexes, le poids vif des mérinos de Rambouillet peut être évalué aux moyennes suivantes: Agnelles de cinq mois, 25,045 ; agneaux du même âge, 32,857; brebis de dix mois, 46*,750; brebis

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Il nous sera facile maintenant, avec ces chiffres, d'examiner comparativement la spéculation des laines extra-fines dont nous avons plus haut indiqué les conditions, et celle des laines fines ou des laines intermédiaires à laquelle se rapportent lesdits chiffres. Le prix de ces laines varie de 2 à 3 francs, suivant qualité. Nous voulons parler, bien entendu, des toisons de mérinos purs. Or, d'après cela, le minimum de produit d'une toison de Rambouillet est 11 fr. 50, tandis que le maximum de celle de Naz est seulement 7 fr. 50. Mais la différence est encore plus sensible, en pénétrant plus avant dans la comparaison. Voici comment s'établit le prix de revient de la laine, à Rambouillet. Là, les brebis antenaises du poids vif de 40 kilogr. en moyenne, reçoivent 1,200 de foin ou l'équivalent, à raison de 3 p. 100 de leur poids, soit pour 365 jours, intervalle d'une tonte à l'autre, 438 kilogr. Leur accroissement en poids, pour cette quantité de nourriture, est de 6 kilog., qui, à raison de 25 kilogr. de fin pour chacun, font en somme 150 kilogr. employés à l'accroissement de leur poids vif. Les 288 kilogr. restants ont été employés à produire la toison, ayant donné à la tonte 5*,200 de laine en suint, soit 55 kilogr. de foin ou l'équivalent pour 1 kilogr. de laine. En estimant le foin à raison de 40 francs les 1,000 kilogr., on arrive à 2 fr. 50 pour le prix de revient total de la toison, ou 42 centimes par kilogramme.

Il est à croire que ceux qui prétendent que le mérinos a fait son temps, n'ont point pris la peine de se livrer à de pareils calculs. Sans cela, ils comprendraient mieux la résistance que les cultivateurs opposent à leurs exhortations.

Loin donc de renoncer à produire des laines comme les donne à présent le mérinos de Rambouillet, il importe d'en continuer la production dans toutes les régions calcaires où la race a été adoptée et améliorée depuis longtemps. A mesure que celle-ci acquiert, sous l'empire des idées nouvelles, une aptitude plus prononcée pour la boucherie, les qualités de sa laine se rapprochent davantage des conditions exigées par les besoins actuels de nos manufactures, et lui assurent des débouchés avantageux. Il ne faut pas confondre à cet égard les laines fines propres à la carde, avec les laines fines ou intermédiaires propres au peigne. Ce sont ces dernières que doit surtout produire maintenant le mérinos français. Et dans les diverses localités où il vit, et qui seront successivement passées en revue tout à l'heure, sans négliger aucunement les qualités fondamentales qui font le mérite de sa toison, l'homogénéité, la régularité et le tassé des mèches, la douceur, la

souplesse, l'extensibilité, l'élasticité, la force, le | Villeneuve-l'Archevêque (Yonne). Mais on n'y nerf du brin, il convient surtout de s'occuper de avait pas pris autrement garde. M. Graux en fut la bonne conformation des reproducteurs, de la frappé. Il eut le génie de comprendre le parti bonne alimentation des produits. Sans qu'il soit qu'il pourrait en tirer. Dès 1829, il employa son nécessaire de tenter l'aventure des croisements bélier à la reproduction, avec l'intention arrêtée beaucoup trop préconisés, une sélection bien ende prendre désormais pour étalons ceux de ses tendue en fera bientôt la bête à aptitude mixte la produits qui présenteraient le même lainage. plus propre à tirer parti des conditions culturales L'agnelage de 1830 ne donna que deux individus où le mérinos s'est répandu. Là où la précocité à laine soyeuse, un mâle et une femelle. Celui de n'est pas encore possible, le mouton dont la 1831 en produisit cinq, quatre agneaux et une toison atteint le plus haut prix est nécessai- agnelle. C'est seulement en 1833 que les béliers rement celui qui doit être préféré. Il ne faut à laine soyeuse furent assez nombreux pour faire pas plus d'aliments pour faire de la laine fine que seuls le service du troupeau. pour produire de la laine commune, dans un même temps; et au marché, où elles se vendent l'une et l'autre, la différence est souvent au moins d'un tiers. Cela juge la question.

On reproche au mérinos d'être moins robuste que nos races indigènes; d'être plus sujet à la pourriture, au piétin, à la gale, au tournis, au sang-de-rate, etc. Voilà bien des défauts. Sont-ils réels? C'est au moins douteux. Ce qui est certain, c'est qu'il craint le froid, l'humidité et la malpropreté. Il y a peu de moutons qui n'en soient là. Cela indique seulement que l'entretien du mérinos exige un pays salubre et une hygiène bien entendue. Il ne s'est implanté d'ailleurs dans notre pays que sur les points où il pouvait rencontrer ces conditions, ainsi que nous le verrons en le suivant dans nos diverses provinces, pour étudier ses métis. Mais, auparavant, nous avons à faire l'histoire succincte d'une variété nouvelle, dérivée du mérinos de Rambouillet, et qui, par ses caractères particuliers, mérite toute notre attention.

Mérinos à laine soyeuse de Mauchamp.-En 1828, le domaine de Mauchamp, près Berry-au-Bac, département de l'Aisne, composé de terres peu fertiles, nourrissait depuis fort longtemps déjà un troupeau mérinos de moyenne taille. M. Graux était fermier de ce domaine. Cette même année, une des brebis du troupeau de Mauchamp donna un agneau qui se distinguait de tous les autres par son lainage et par ses cornes. Le lainage, droit, lisse et soyeux, était peu tassé; chaque mèche, à brins inégaux en longueur, se terminait par ce fait en pointe. L'aspect seul des cornes, presque lisses à leur surface, indiquait, a fait remarquer M. Yvart (qui nous fournit ces détails sur les commencements de la famille dite de Mauchamp), que la laine devait être droite ou peu ondulée; car, dit-il, les poils et les cornes ont, par leur mode de sécrétion, tant de rapports entre eux, que la laine ne peut être modifiée sans que les cornes présentent des modifications semblables.

Cet agneau était très-petit, chétif, et fort mal conformé. Il avait la poitrine étroite, serrée, le dos tranchant, la croupe mince, le flanc large et le ventre volumineux.

Un pareil fait avait dû sans doute se produire d'autres fois dans les troupeaux mérinos. Il en existe au moins deux cas avérés, rapportés par M. Yvart. L'un a été remarqué dans le troupeau de M. Bourgeois, ancien directeur des bergeries de Rambouillet, le second dans les environs de

En 1835, dans une réunion publique du comice agricole de Rozoy (Seine-et-Marne), ces béliers furent montrés pour la première fois aux agriculteurs. « Je pus alors les étudier, dit M. Yvart; je constatai que leur conformation était très-mauvaise pour la boucherie. Ils avaient la tête démcsurément grosse, le cou long, la poitrine étroite, les flancs longs, les genoux très-rapprochés, les jarrets fort coudés. » En poursuivant sa nouvelle création, M. Graux devait donc tendre à corriger ces vices de conformation. C'est à quoi l'engagea vivement l'honorable inspecteur général des écoles vétérinaires et des bergeries, qui, à partir de ce moment, prit un intérêt tout particulier à l'œuvre du fermier de Mauchamp, et ne cessa d'y coopérer par ses conseils et par les encouragements de l'administration qu'il lui fit accorder.

C'était là une œuvre longue et difficile; car elle ne pouvait être accomplie qu'à l'aide des quelques rares individus bien conformés qui se produiraient exceptionnellement. Dans l'accouplement des béliers soyeux avec les brebis mérinos à laine ordinaire, composant la plus grande partie du troupeau, voici ce qui se faisait observer chaque année. Les agneaux obtenus se divisaient en deux catégories. Les uns conservaient les caractères de l'ancienne race; ils avaient seulement la laine un peu plus longue et plus douce. Les autres, beaucoup moins nombreux, venaient avec la laine soyeuse, mais aussi pour la plupart avec la mauvaise conformation de leur premier ascendant. La progression de ces derniers a été si lente, que l'agnelage de 1847-48, qui a donné 153 agneaux, en présentait encore 22 dont la laine avait l'apparence et les caractères du mérinos primitif.

M. Yvart mentionne à cet égard un fait qu'il qualifie avec raison d'important: c'est que de l'accouplement de béliers et de brebis à laine soyeuse bien caractérisée, sont toujours provenus, dès le début, des agneaux également à laine soyeuse. Cela prouve que dès lors ce caractère était acquis, fixé, et par là transmissible infailliblement par sélection héréditaire. C'est un nouveau fait à ajouter à ceux que nous avons déjà fait valoir, pour prouver la puissance d'hérédité des organes accessoires de l'économie animale, qui donne à la question du perfectionnement de l'espèce ovine en particulier, ses caractères spéciaux au point de vue de la toison.

Il est un autre fait non moins important, et que nous ne devons pas négliger de signaler. Nulle part l'usage des accouplements consanguins n'a été plus largement pratiqué que dans le troupeau

ZOOTECHNIE ET ZOOLOGIE AGRICOLE. de Mauchamp. Il va de soi que les premiers béliers | soyeux, dans leurs appareillements, ont dû de toute nécessité être d'abord accouplés avec leurs sœurs, puis avec leurs mères et leurs filles, et que tous, mâles et femelles, étaient issus de la même souche, l'unique agueau de 1828. Les mérinos soyeux forment donc d'une façon non douteuse une famille consanguine, comme il n'y en a nulle part d'exemple mieux caractérisé.

conditions, la variété soyeuse arrive à un poids plus considérable. C'est ce qu'il a été permis de constater bientôt dans les bergeries de l'État spécialement instituées pour son amélioration, d'abord à Lahayevaux (Vosges), puis à Gevrolles (Côted'Or), où elle n'a point tardé à acquérir le même développement que les autres mérinos. En deux générations, les brebis arrivèrent au poids vif de 44 à 45 kilogrammes.

Mais si l'on n'observait aucune différence quant au développement du corps, il n'en était pas de même relativement au poids des toisons. Comparées aux brebis mérinos placées dans les mêmes conditions quant à l'âge, à l'alimentation, à la gestation, les brebis soyeuses de Mauchamp ne donnaient pas autant de laine. Les toisons des antenoises lavées à dos étaient inférieures de

Or, s'il était vrai que la consanguinité eût les inconvénients absolus que lui attribuent encore des observateurs à courte vue, la création de M. Graux se serait trouvée, dans son principe, frappée d'impuissance. Il n'y a pas dans la science d'exemple plus complet de l'inanité des dangers attribués au seul fait de la consanguinité, et nous avons été le premier, croyons-nous, à faire ressortir sa grande signification (1). Loin de péri-14 p. 100 à celles des premières. La différence cliter, le troupeau de Mauchamp n'a pas cessé de s'améliorer sous tous les rapports. Voici quel était son état en 1850, d'après M. Yvart, dont personne ne contestera la compétence, ni ne suspectera l'impartialité.

« Malgré les difficultés de l'opération qui se suit à Mauchamp, écrivait-il alors, les animaux ont éprouvé, dans leurs formes, d'heureuses modifications; ils ont les flancs plus courts, les reins plus larges et le cou moins allongé. La poitrine est devenue plus ample, surtout vers le sternum; si parfois elle conserve de l'étroitesse, c'est du côté du garrot. Enfin la tête est devenue beaucoup moins grosse, mais sans que cela provienne 'du rétrécissement de la boîte crânienne. Ce moindre volume dépend de la disparition des cornes. Supportées sur des axes osseux, ces parties augmentent inutilement le volume de la tête de l'animal adulte, et de plus elles occasionnent dans le fœtus à terme une si grande épaisseur des os du crâne, que la parturition en devient parfois laborieuse. Il était avantageux de supprimer des parties inutiles et dangereuses; la persévérance avec laquelle ont été réformés les béliers pourvus de cornes a fait disparaître ces organes.

« Amélioré dans sa conformation, le nouveau type reproduit à peu près les formes de l'ancienne race mérinos,» ajoutait M. Yvart. Dans les mêmes conditions d'élevage, il atteint le même développement. Des pesées effectuées avant la tonte de 1848 ont mis ce fait hors de doute. Ainsi, à ce moment, les antenoises soyeuses de Mauchamp pesaient 27,500, les antenoises à laine ordinaire seulement 25 kilogr.; les brebis soyeuses de trente mois, 33 kilogr.; les autres du même âge, 32,660; les brebis soyeuses plus âgées et ayant nourri des agneaux, 32 kilogr.; les autres dans les mêmes conditions, 32,500. Pour les unes comme pour les autres, c'est là un développement médiocre; mais il faut remarquer que les terres de la ferme, où ne prospérait alors que le seigle, ne permettaient pas l'entretien des forts moutons. Il importe seulement de constater que la création du nouveau lainage n'avait sous ce rapport exercé aucune influence amoindrissante. Elevée dans de meilleures

(1) Note lue à l'Académie des sciences de l'Institut de France dans la séance du 21 juillet 1862,

était même de 27 p. 100 chez les brebis nourrices, l'allaitement faisant perdre alors aux soyeuses une grande quantité de laine. Ce défaut a été depuis beaucoup corrigé, ainsi que nous le verrons par la suite. Toutefois, cette infériorité relative se trouvait compensée par le prix plus élevé des laines soyeuses. M. Graux vendait celles-ci 25 p. 100 plus cher que les autres. Tandis que la laine mérinos ordinaire ne valait que 6 francs le kilogramme, la laine soyeuse était vendue sur le pied de 8 francs.

La raison de cette préférence accordée par les manufacturiers était dans la plus grande force et la plus grande douceur des laines soyeuses. Par la première qualité, elles rendaient beaucoup plus au peignage; par la seconde, elles convenaient particulièrement pour plusieurs étoffes précieuses. Le fait avait été vérifié par M. Biétry, qui, dans des essais comparatifs pratiqués sur des lots de plus de 300 kilogrammes, obtint 62 et 59 p. 100 de cœur, et seulement 14 et 13 de blousse, dans le peignage des laines soyeuses, tandis que nous avons vu la proportion de cette dernière s'élever, dans la même opération faite sur des laines mérinos ordinaires, jusqu'à 193, p. 100, celle de cœur étant seulement de 39,1.

Dès l'exposition des produits de l'industrie française de 1845, les mérites de la laine soyeuse pour la fabrication des étoffes précieuses purent être constatés publiquement. Trois châles tout à fait semblables par leur tissage et par leurs dessins avaient été préparés pour cette exposition par M. Fortier, fabricant à Paris, l'un avec du duvet de cachemire, l'autre avec de la laine soyeuse de Mauchamp, le troisième avec de très-belle laine mérinos d'Allemagne. Les trois châles soumis à l'appréciation du jury ne se distinguaient, dit M. Yvart, que par la différence de leur douceur. Sous ce rapport, le châle cachemire fut classé le premier, le châle Mauchamp le deuxième, et le châle allemand le troisième. MM. Deneyrouse et Legentil, rapporteurs de la commission des tissus, consignèrent à ce sujet dans leur rapport les réflexions suivantes : « Ces trois châles d'une grande finesse, également bien exécutés, nous ont offert une comparaison fort importante. Son résultat a été que, pour la souplesse et la douceur, la laine dite de Mauchamp l'emportait sur celle de Saxe

et se rapprochait beaucoup du cachemire pur. Ce vu, dans les premiers essais de M. Graux. jugement, ajoutèrent-ils, est intéressant pour l'a- | Ce fait consiste en ce que, parmi les agneaux venir de cette nouvelle laine. »> obtenus de cette façon, ceux dont le lainage ne De son côté, M. Biétry, qui est, ainsi que tout le présente pas les caractères soyeux complets ont monde doit le savoir, à la fois filateur et fabricant, cependant une laine qui joint à la nature de la a indiqué pour cette laine un emploi qui ne pou- laine mérinos une plus grande longueur du brin, vait manquer d'accroître sa demande, et par con- plus de douceur et de résistance; en un mot tout séquent sa valeur. « La laine de Mauchamp a pour ce qui peut les rendre plus propres au peignage nous, fabricants de cachemires, a-t-il dit, une et à la fabrication des étoffes lisses et non foulées. grande valeur, en ce qu'elle peut entrer dans la Des opérations en ce sens furent suivies d'abord à fabrication des chaînes cachemires en leur don- | Lahayevaux, puis à Gevrolles, et donnèrent en fin nant plus de force, et sans altérer aucunement de compte des résultats complétement satisfaileur brillant et leur douceur. Cette qualité est sants. Une nouvelle variété intermédiaire fut créée d'autant plus précieuse pour nous que jusqu'alors et reçut le nom composé de Mauchamp-Mérinos. le tissu cachemire pur avait toujours un grand Elle se conserve et se maintient dans la bergerie défaut, c'était de ne pas avoir assez de soutien; fondée par l'État à Gevrolles, d'abord pour l'amégrâce au mélange de la laine Mauchamp et du lioration de la variété soyeuse, et où elle vit à côté cachemire dans les chaînes, le tissu acquiert la de celle-ci. Elle a déjà fourni de nombreux béliers consistance nécessaire à l'emploi pour robes. » aux troupeaux mérinos de notre pays et de l'éDepuis, un autre grand manufacturier, M. Davin, tranger, notamment à ceux de l'Australie et de a basé son industrie sur la mise en œuvre de la l'Espagne. laine mérinos soyeuse, et fait les plus louables efforts pour lui ouvrir des débouchés et stimuler sa production, avec le concours de la société zoologique d'acclimatation. Dans ce cas comme toujours, il s'est trouvé des gens pour rêver la substitution complète et absolue de la nouvelle variété de mérinos à l'ancienne. Il ne faut point prendre garde à ces exagérations, qui semblent être le propre du caractère français. Les nécessités économiques feront toutes seules leur part aux laines | soyeuses. On aurait tort de craindre que l'élan de leurs propagateurs ne pût la dépasser. Il contri-sement l'accouplement d'un étalon noir ou bai de buera seulement à la faire atteindre. Et c'est en cela qu'il convient de le louer.

Telle qu'elle se produit maintenant à Gevrolles, la variété soyeuse de Mauchamp ne présente plus guère de différence avec celle de Rambouillet, sous le double rapport du poids du corps et de celui de la toison. Toujours perfectionnés par une sélection attentive, en vue de ce résultat, la plupart des sujets offrent à présent des toisons à peu près fermées, à mèches plus carrées et plus tassées. L'absence des cornes seule peut, au premier aspect, les faire distinguer des autres mérinos. Il serait donc inutile d'insister sur leur description, après les détails que nous avons consacrés aux caractères de leur laine, qui en sont actuellement l'unique particularité.

Mais la production de la laine soyeuse ne constitue pas le seul genre d'utilité de la création de M. Graux. En présence de la faveur croissante rencontrée sur nos grands marchés à laines de Paris, Mulhouse, Reims, Amiens, Roubaix, etc., par la laine fine propre au peigné, dont la consommation s'élevait annuellement, dès 1845, à une valeur de 180 millions de francs, sur les 300 millions de la production totale des tissus composés de lainages, évaluée par M. Legentil, membre du jury de l'exposition de cette époque; en présence de cette faveur, M. Yvart songea à utiliser le mérinos soyeux de Mauchamp pour modifier en ce sens les toisons de la variété de Rambouillet. Des essais d'accouplement entre les deux variétés lui donnèrent la confirmation du fait déjà observé, du reste, ainsi que nous l'avons

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Disons, avant de pénétrer plus avant dans l'exa-
men des caractères de cette nouvelle variété du
type, qu'il ne s'agit point ici de croisement ni de
métissage, comme on l'a trop souvent répété, par
suite d'une regrettable confusion dans la valeur
des termes. A quelque famille ou variété qu'ils
appartiennent, les mérinos dont il est ici question
n'ont point cessé de faire partie de la race mérinè,
dont l'unité et la pureté n'ont subi par le fait de
leurs modifications accessoires aucune altération.
C'est absolument comme si l'on qualifiait de croi-

race arabe avec une jument blanche de la même race. Qu'ils soient issus de la famille de Mauchamp ou de celle de Rambouillet, de celle de Naz ou bien de la souche électorale de Saxe, les individus n'en sont pas moins de la race mérinos pure. Les produits qu'ils donnent entre eux ne sont donc point des métis, dans l'acception qu'il importe de conserver à ce mot, si l'on veut laisser aux principes fondamentaux de la zootechnie la valeur scientifique et pratique qu'ils doivent avoir.

C'est pour cela qu'il nous paraîtrait plus conforme à la réalité, et en même temps plus logique et plus clair, de réserver à la variété créée par M. Yvart et multipliée à Gevrolles l'appellation de Mauchamp-Rambouillet. Elle provient en effet de mariages effectués entre les deux familles correspondant à chacun de ces noms, et qui, l'une comme l'autre, sont de purs mérinos. L'adoption générale de cette appellation exacte exclurait toute confusion.

Cette remarque, dont l'importance n'échappera à personne, une fois faite, voyons maintenant à apprécier par des chiffres les changements que les mariages dont il s'agit font subir à la race, au point de vue économique. Des observations rigoureuses, faites comparativement à Gevrolles sur des mérinos de Rambouillet et sur des MauchampRambouillet, élevés et nourris dans les mêmes pâturages, dans les mêmes bergeries, ont montré que leur accroissement ne diffère pas sensiblement. M. Yvart a donné sur ce sujet, dans son mémoire de 1850, que nous avons déjà cité plusieurs fois, des résultats de pesées que nous allons

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