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les rigoles, tantôt dans les couches profondes du sol. Et puis aussi, les dissolutions qui font la séve sont parfois tellement chargées de sels qu'elles ne peuvent plus s'introduire dans les organes des végétaux. C'est ce qui fait dire, souvent à tort, que l'excès d'engrais brûle. Avec les petites fumures répétées, ces inconvénients ne sont pas à craindre. Les eaux pluviales ne les gaspillent point; les dissolutions moins chargées, moins denses que la séve, pénètrent très-bien par les racines et profitent aux plantes.

Donner de fortes fumures aux végétaux avant même qu'ils ne poussent, c'est, en quelque sorte, servir des plats de viande noire et des ragoûts épicés à des enfants qui viennent de naître. Les petites plantes, comme les petits enfants, n'ont que des besoins très-limités, et il n'est ni nécessaire ni convenable de leur servir des repas d'ogre. Attendons que les uns et les autres aient pris des forces, que leurs besoins se soient développés, et, alors, nourrissons-les en conséquence, largement et copieusement. Nous savons tous, par expérience et pour l'avoir lu quelque part, que les récoltes ne commencent à fatiguer le sol qu'au moment de la floraison, et qu'elles l'épuisent surtout pour mûrir leurs graines. Or, ceci revient à dire que les récoltes jeunes et en herbe vivent de peu, se contentent de peu ; d'où il suit qu'en leur donnant tout d'abord une nourriture substantielle, nous manquons notre but. Les plantes y touchent à peine dans leur jeunesse, et une bonne partie de l'engrais se perd, en attendant que les plantes en question prennent de la force et de l'âge. Il arrive même souvent, surtout dans les années pluvieuses, que l'engrais d'attente est à peu près complétement usé lorsque les végétaux en ont le plus besoin.

Cette façon absurde de nourrir les récoltes sur pied n'est que trop répandue, et il nous semble que, dans l'intérêt de tous et de chacun, il serait temps de l'abandonner, pour suivre enfin la méthode des fumures répétées que recommandent et l'expérience de quelques localités exceptionnelles et le gros bon sens.

Fumons donc faiblement d'abord et autant que possible en couverture; puis, dès que nos plantes grandissent et se fortifient, fumons de nouveau et un peu plus que la première fois; plus tard, enfin, lorsqu'il s'agira de pousser au développement définitif de la récolte, nous fumerons très-copieusement.

Avec les céréales, ce procédé offre des difficultés, nous le savons; mais, après tout, rien ne s'oppose à ce qu'on les fume en deux fois; avec les plantes sarclées, au contraire, l'opération est toujours praticable. Il ne nous paraît pas possible d'admettre comme bon l'usage qui consiste, par exemple, à donner en septembre à une céréale d'automne, et en une seule fois, de la nourriture pour dix ou onze mois. Cette céréale ne consomme rien en hiver et dort à côté des vivres que des pluies et la fonte des neiges doivent nécessairement gaspiller. Les Flamands fument à deux reprises, à l'automne et au printemps, et, quand on le peut, on ferait bien de les imiter.

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fondeur à laquelle les fumiers doivent être enfouis. Elle dépend de la nature du sol aussi bien que de celle des plantes cultivées. Nous croyons que dans les terres légères, plus ou moins maigres, plus ou moins exposées aux inconvénients de la sécheresse, il y a de l'avantage à rapprocher le fumier de la surface, surtout lorsque l'on se propose d'y cultiver des plantes à racines traçantes. C'est le meilleur moyen d'entretenir la fraîcheur autour de ces racines et d'assurer le développement régulier des plantes. Si le fumier était enfoui profondément, la surface de la couche arable se dessécherait trop vite et les arrêts de végétation seraient à craindre. Lorsque nous avons affaire à des racines pivotantes, on gagne à enfouir le fumier dans des sillons profonds. Ainsi, il a été remarqué que de l'engrais enterré avant l'hiver favorisait le développement en longueur des carottes, panais, betteraves, etc.

Un grand nombre de cultivateurs craignent de laisser le fumier exposé pendant quelques jours, sur la terre, aux influences atmosphériques et se hâtent de l'enfouir. Nous ferons observer que leurs craintes sont exagérées. Il est clair que le fumier ne doit point rester sur les champs en petits tas et qu'il convient de l'épandre de suite, parce que la besogne est plus facile avec l'engrais frais qu'avec l'engrais un peu desséché, et aussi parce que la disposition en tas a l'inconvénient de réunir trop d'égouts à la même place et de rendre la végétation fort irrégulière. Mais du moment que l'épandage a eu lieu, nous ne pensons pas qu'il soit d'absolue nécessité de recouvrir l'engrais avec la charrue. Beaucoup de personnes même attribuent d'excellents effets aux fumures laissées en couverture, bien que cette méthode soit en désaccord avec la théorie des savants et qu'elle favorise la perte de l'azote.

Mathieu de Dombasle s'est prononcé pour les fumiers en couverture. Schwerz a, de son côté, réuni de nombreuses observations dans le même sens. Nous allons les résumer. Un praticien assurait à Schwerz que le fumier étendu sur le sol pendant un certain temps amène le développement rapide des mauvaises herbes, qu'il devient alors facile de détruire. Un autre lui assurait que le fumier étendu quelque temps sur les argiles compactes, rend de grands services. Sur les bords du Rhin, on croit que l'engrais qui n'est pas enfoui de suite, s'améliore en perdant de son acidité; dans la principauté de Lippe, les jachères et les éteules reçoivent leur fumure longtemps avant les labourages; un proverbe du comté de Marck veut que le fumier craque et ne ploie pas, c'est-à-dire qu'il soit enfoui sec et non humide. Schmalz constate que dans une partie de seigle où le fumier avait séjourné longtemps à la surface du sol, la vigueur de la céréale fut plus remarquable, depuis la levée jusqu'à la maturité, que dans la partie où le fumier avait été enfoui de suite.

En Angleterre, en Allemagne, en Suisse et en Belgique, sur certains points de la province de Luxembourg, les fumures en couverture se pratiquent fréquemment et avec succès. Dans l'ArIl nous semble difficile de déterminer la pro- denne belge, on couvre de fumier durant plu

sieurs semaines les vieux gazons ou prés de champs que l'on se propose de rompre; là aussi, les anciens cultivateurs mettent le fumier en couverture sur le seigle, après avoir enterré la graine, et s'en trouvent fort bien. Enfin, dans les terrains sablonneux et secs des environs de Paris, nous avons un intérêt incontestable à employer nos fumiers en couverture. Que les chimistes y trouvent ou non leur compte, les praticiens y trouvent le leur, et c'est l'essentiel.

Schwerz établit que les fumiers étendus pendant un certain temps à la surface du sol, puis enfouis, se décomposent plus vite, agissent plus énergiquement et durent moins que les fumiers enterrés de suite après l'épandage. Il pense que le fumier étendu à la surface ne perd pas de sa force, mais qu'il devient plus facilement décomposable. Il recommande de l'étendre quand il est trop mouillé, quand on en possède en abondance et que l'on fume fréquemment; il recommande, au contraire, de l'enfouir de suite lorsqu'il est bien ressuyé et qu'on veut l'économiser.

Personnellement, nous avons remarqué, à diverses reprises, que le fumier appliqué en couverture, vers la fin de l'automne, sur des terres neuves nouvellement défoncées, y produisait d'excellents effets, et que, par ce moyen, l'on obtenait dès l'année suivante des récoltes que, sans cette méthode, on n'aurait obtenues qu'au bout de trois ou quatre ans.

ENGRAIS PROVENANT DES MINÉRAUX.

Cette quatrième catégorie comprend la chaux, le falun, les sables coquilliers, les marnes, le cron, les terres de route, les cendres de houille, le plâtre, le sulfure de chaux des usines à gaz, le phosphate de chaux, les nitrates de potasse et de soude, le sel, les cendres pyriteuses, le laitier, les terres cuites et les terres rapportées. Autrefois ces engrais inorganiques étaient classés sous le titre d'amendements, et quelques auteurs jugent encore à propos de leur conserver cette qualification que nous avons critiquée le premier, peut-être, vers 1847, et voici pourquoi : — On a supposé que les engrais minéraux n'agissaient que mécaniquement, dans la plupart des cas, tantôt en divisant le sol, tantôt en lui donnant de la consistance; on a supposé aussi que d'aucuns se comportaient à la manière des stimulants ou des excitants, et l'on a cru devoir les distinguer des engrais qui agissent physiologiquement, c'est-àdire qui nourissent directement les plantes. Cette distinction n'est pas fondée et n'a pas de raison d'être. Les engrais inorganiques agissent de la même manière que les engrais organiques et se retrouvent dans toutes les cendres. C'est une preuve que les végétaux en ont vécu et en vivent. Ils agissent donc directement, physiologiquement. Nous ne contestons pas leur action mécanique, mais elle n'est pas contestable non plus dans les engrais organiques. Est-ce que les fumiers pailleux et ligneux ne divisent pas les argiles? Est-ce que les fumures copieuses ne donnent pas du corps aux terres légères ?

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Chaux.

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Il y a fort longtemps, il y a des siècles-que l'on connaît les avantages de la chaux en agriculture. Vous n'avez qu'à parcourir les œuvres des auteurs latins et celles de Bernard de Palissy, et vous verrez qu'il en est question.

On nous dit, à cause du nom, que la chaux réchauffe ce qui est froid, qu'elle divise ce qui est trop serré, trop compacte. Ce sont des mots vides de sens, des explications qui ne signifient rien. La chaux ne réchauffe rien et ne divise rien, au moins directement, croyez-le bien; et la preuve de ceci, c'est qu'elle a du succès dans les sols chauds et légers qui n'en contiennent pas. Est-ce que ses effets sur les sables siliceux ne sont pas connus? Est-ce que, dans l'Ardenne belge, on n'emploie pas la chaux avec un grand profit sur des terrains aussi légers que de la cendre?

Nous devons en conclure nécessairement que la chaux convient à tous les terrains qui en manquent, que ces terrains soient des argiles compactes, des sables siliceux; du schiste ou du granit, peu importe; sa place est là, comme la place du pain sur la table de celui qui n'en a pas, comme la place de l'eau dans le verre de celui qui a soif. La chaux doit faire partie de la nourriture de nos céréales, de nos racines, de nos plantes industrielles, de nos légumes. A défaut de celle-ci, ils ne mourraient pas, sans doute, mais ils souffriraient plus ou moins, il leur manquerait quelque chose.

La chaux ne fonctionne pas seulement comme nourriture; elle fonctionne encore comme substance décomposante et comme substance propre à empêcher le mauvais effet des acides. Quand on veut que des cadavres ou que des herbes se décomposent vite, on les recouvre de chaux vive; quand on veut enlever l'acidité ou l'aigreur d'un liquide, on y met de la chaux. Voilà pourquoi nous nous en servons dans les défriches de bois et de bruyères où il y a des quantités de vieilles feuilles et de vieux bois à décomposer; voilà pourquoi nous nous en servons toujours dans ces mêmes défriches, dans les tourbières, dans les terrains marécageux, dans les prairies aigres, où les feuilles forment des acides en pourrissant, acides qui conviennent à de mauvaises herbes, à des joncs, des mousses, des carex, etc., mais qui déplaisent fort à la plupart des bonnes plantes que nous cultivons.

Lorsque la chaux est destinée à des terrains chargés de détritus végétaux, il convient de l'employer vive ou caustique autant que possible, et à raison de 100 à 120 hectolitres par hectare; lorsque la chaux est destinée seulement à corriger, à neutraliser l'acidité d'un terrain ou à l'enrichir tout simplement de l'élément calcaire, ou bien encore lorsqu'on se propose de la mélanger avec des fumiers ou d'en faire des composts avec de la terre, il vaut mieux l'employer éteinte, autrement dit délitée ou fusée. 60, 70 et 80 hectolitres de chaux éteinte servent d'ordinaire à chauler un hectare; 1/10 de chaux suffit pour les composts. On chaule une fois seulement tous les huit ou neuf ans, mais nous pensons qu'il vaudrait mieux chauler tous les trois ou quatre ans, à la dose de 30 à 40 hectolitres par hectare. Il y aurait

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moins de chaux perdue et les avances à débour- | lière n'est employé qu'à la dose de 10 à 15 mètres ser seraient moins lourdes. cubes par hectare.

Sables coquilliers. Dans la Bretagne et la basse Normandie, les cultivateurs recherchent beaucoup les sables coquilliers qu'ils connaissent sous le nom de merl, de trez et de tangue. Nous lisons à ce sujet dans l'Agriculture française: - « Les littoraux du département des Côtes

par les sables de leurs rivages. Ces sables sont plus ou moins calcaires, suivant la quantité de coquillages qu'ils contiennent. Le sel et le calcaire leur donnent une action d'autant plus puissante que les terres granitiques ou schisteuses n'en possèdent pas un atome. On emploie ces sables ou purs, ou mélangés avec des fumiers. La quantité par hectare est de 24, 28 à 30 charretées à quatre chevaux. Le sable agit aussi bien dans les terres légères que dans les fortes, et son effet est de cinq et de huit ans.

Nous connaissons des cultivateurs qui répandent la chaux parmi les champs à l'état de pierres ou de cailloux et qui l'enterrent à la charrue avant qu'elle ait eu le temps de fuser. C'est une mauvaise méthode, car, à côté de places trop chaulées, se trouvent des intervalles qui ne reçoivent rien. Mieux vaut donc former des petits tas de chaux, de distance en distance, les recou-du-Nord, dépourvus de chaux, l'ont remplacée vrir de quelques pelletées de terre, leur donner le temps de se réduire en poussière et répartir ensuite l'engrais uniformément sur le sol. Il ne faut pas plus de trois semaines pour produire ainsi naturellement la pulvérisation de la chaux. Dans certaines localités, on la fait fuser, dans la cour même de la ferme en ouvrant un entonnoir au sommet du tas, et en y versant de l'eau ou du purin que l'on recouvre avec de la chaux vive. Quantité de cultivateurs enterrent de suite la chaux éteinte, après l'avoir répandue sur les éteules des céréales; d'autres la laissent passer l'hiver à l'air et ne l'enterrent qu'au printemps. Nous croyons que, dans les défriches, il convient de l'enfouir avant l'hiver, tandis qu'il vaut mieux la laisser passer l'hiver sur le sol dans tout autre cas. L'essentiel, c'est de ne jamais enterrer la chaux à une grande profondeur, car elle descend vite et il importe d'en perdre le moins possible. L'essentiel aussi, quand elle est répandue, c'est de la mélanger intimement avec la couche arable, au moyen de hersages dans tous les sens.

On a dit de la chaux, comme de la marne, qu'elle enrichit les pères et ruine les enfants. L'appréciation n'est pas flatteuse. Sur ce point, voici la vérité quand on abuse de la chaux sur des terres riches en terreau, on les use vite, et une fois qu'elles sont usées, il faut du temps pour les rétablir; mais quand on n'emploie pas la chaux à dose exagérée et quand on a soin de fumer comme si l'on ne chaulait pas, elle enrichit les enfants tout aussi bien que les pères.

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Falun. On donne le nom de falunières à des dépôts de calcaire coquillier que l'on rencontre en Angleterre et sur divers points de la France, notamment dans les départements d'Indre-etLoire, de Maine-et-Loire, des Côtes-du-Nord, etc. Les coquilles marines et autres débris fossiles qui constituent le falun se rencontrent parfois sans aucun mélange de terre ni de sable, comme dans les dépôts d'Indre-et-Loire, et devraient être classés parmi les engrais provenant des animaux; mais il n'en est pas ainsi partout; nous avons les marnes coquillières, les sables coquilliers de l'intérieur des terres et du littoral, et voilà pourquoi nous classons le tout parmi les engrais minéraux. Le falun est préférable à la chaux; il agit plus énergiquement et plus longtemps qu'elle. Comme la chaux, il convient aux terres argileuses où on l'emploie avec le fumier et à de fortes doses. M. Girardin rapporte qu'en Touraine, on l'applique aux argiles calcaires, à raison de 60 mètres cubes ou de 30 charretées par hectare, tandis que dans les argiles fortes, on élève encore cette proportion. En Irlande, le falun ou marne coquil

« On ne trouve le sable coquillier que sur les littoraux de Lannion, Lézardrieux, Paimpol et Portrieux. Sur le littoral de Lamballe et de Matignon, il devient plus vaseux, et, à l'embouchure de la Rance, il n'y a plus qu'une argile calcaire. » « Le sol des plages baignées par l'Océan, écrit M. Malaguti, renferme des débris animaux, dont la putréfaction est retardée par la présence du sel marin. Enlève-t-on, par des lavages convenables, une grande partie du sel que renferme cette terre animalisée, elle devient très-efficace, et, sous le nom de tangue ou trez, elle fournit à une partie de l'agriculture bretonne une ressource importante.

« Le merl est aussi une matière minérale animalisée, une véritable vase marine mêlée de coquillages et de débris de coraux.

« C'est à Morlaix, dans la rade de Brest, dans la rivière de Quimper, que l'on exploite les bancs de merl, du 15 mai au 15 octobre.

« Le merl aussi bien que la tangue, sont des engrais dont la décomposition est prompte et facile, et leur action, pour être bien appréciée, ne doit pas être comparée sans réserve à celle du fumier de ferme. Ces deux matières renferment considérablement de carbonate de chaux; leur azote est représenté par des matières animales à texture lâche, prêtes à se putréfier. Leur action doit donc être plus prompte que celle du fumier dont l'azote est en grande partie représenté par des détritus organiques à forte texture, et qui exigent beaucoup de temps et le concours de plusieurs circonstances pour se décomposer et produire des matières ammoniacales.

« D'après ce que nous venons de dire, on conçoit les effets satisfaisants de la tangue et du merl, appliqués à l'agriculture comme engrais. Leur faculté nutritive, quoique moindre que celle du fumier, n'en produit pas moins de bons résultats, vu la promptitude de son action; et l'on comprendra combien les populations agricoles qui ne peuvent disposer de fumier ordinaire, se trouvent heureuses d'avoir ces sortes de matières qui, sansvaloir le fumier, n'en contribuent pas moins à la fertilisation immédiate de la terre. »

Marne. — Nous serions fort en peine de dire sur les marnes plus et mieux que ce que nous en avons dit dans le Dictionnaire d'agriculture pratique; on nous permettra donc de nous reproduire à peu près textuellement :

On a écrit non-seulement de longs articles, mais encore d'assez gros volumes pour décrire les caractères physiques, les propriétés et les usages de la marne. Le sujet est important sans doute; néanmoins il ne comporte pas les développements qu'on lui a consacrés et qui ont eu pour résultat de fatiguer l'esprit des cultivateurs plutôt que de les intéresser. Il nous semble que l'on peut, en quelques lignes, dire d'une manière complète tout ce qui se rattache à la marne.

terre et de la chaux, couche par couche, fabriquent de la marne sans s'en douter; seulement, cette marne est faite avec de la terre bonne à cultiver de suite, tandis que celle de la marne naturelle est vierge et a besoin de voir longtemps le soleil et de recevoir l'influence de l'air avant d'être en état de produire. Un cultivateur qui, par exemple, prendrait de la terre vierge, comme celle dont se servent les fabricants de tuiles ou de briques, et qui la mélangerait parfaitement avec un volume égal de chaux fusée et plus, obtiendrait une véritable marne, dont il ne pourrait se servir qu'au bout d'une année ou mieux de deux années. Il y aurait cependant un moyen d'employer de suite et sans inconvénient toutes les marnes : ce serait de les cuire d'abord à la manière des

lités.

C'est une terre de couleur extrêmement variable, mais le plus souvent d'un blanc-jaunâtre, lors-pierres à chaux. Cela se fait dans quelques locaqu'elle est d'excellente qualité. C'est un mélange d'argile et de calcaire, qui se rencontre à quelque profondeur dans le sol, et qui jouit de la propriété caractéristique de se diviser au contact de l'air, un peu à la manière de la chaux vive.

Nous ne connaissons qu'un moyen de distinguer sûrement la marne, et ce moyen est à la portée de tous les cultivateurs. Le voici en deux mots : Prenez un morceau de la terre que vous soupçonnez de nature marneuse; faites-le sécher lentement à un feu doux ; puis divisez ce morceau en deux parties que vous mettrez chacune dans un verre bien ressuyé. Vous verserez dans le premier verre un peu d'eau, de façon seulement à ne mouiller que la moitié de la terre, et dans le second verre, vous verserez quelques gouttes d'acide muriatique ou chlorhydrique. Si vous avez affaire à de la marne, la terre du premier verre tombera vite en bouillie, tandis que celle du second produira une effervescence bien marquée, c'est-à-dire une sorte de bouillonnement. A la rigueur, on peut remplacer l'acide chlorhydrique par de fort vinaigre de vin.

Il y a marne et marne. Nous en avons qui ne contient que de 10, 20 à 40 p. 100 de carbonate de chaux (calcaire); le reste est de l'argile. Nous la nommons donc marne argileuse, nous en avons qui renferme de 50 à 80 p. 100 de carbonate de chaux; nous la nommons donc marne calcaire, pour indiquer que le calcaire y domine. Nous avons encore une marne schisteuse dans les terrains où le schiste touche au calcaire, mais cette marne est pauvre en carbonate de chaux.

La marne argileuse, qui est la moins estimée de toutes, n'est bonne que pour donner du liant aux terres sablonneuses trop légères, et encore ne doit-on l'employer qu'avec une extrême prudence, après l'avoir laissée à l'air pendant un an au moins, et toujours par petites quantités à la fois, tous les quatre ou cinq ans. Des marnages légers, faits de la sorte, vaudraient mieux, à notre avis, que les forts marnages, renouvelés seulement tous les 15, 20, 25 ou 30 ans.

La marne calcaire, qui est d'autant meilleure qu'elle contient plus de carbonate de chaux, réussit partout où réussit la chaux, c'est-à-dire dans les champs argileux, sablonneux, granitiques, schisteux, et dans les défriches récentes. Les cultivateurs qui préparent des composts avec de la

Il en est du marnage comme du chaulage: l'opération est bonne ou mauvaise, selon qu'elle est bien ou mal conduite. On a dit qu'elle enrichissait les pères et ruinait les enfants; on a dit qu'elle épuisait les terres au bout de quelques années, et que souvent même, elle les frappait de suite d'une longue stérilité. Les inconvénients que l'on signale, ont eu lieu, en effet, et se reproduisent encore par moments, mais loin de nous en prendre à la marne, nous nous en prenons aux personnes qui n'ont pas su ou ne savent pas encore s'en servir. Nous voyons des cultivateurs marner leurs terres et s'imaginer qu'après ce marnage, ils peuvent se dispenser d'employer du fumier. Qu'en résulte-t-il ? C'est qu'après cinq ou six années de bonnes récoltes, le sol est épuisé d'humus. C'est comme si après avoir répandu sur un champ quelques tombereaux de composts, moitié terre et moitié chaux, un cultivateur se disait : Je ne donnerai de ce compost au même champ que dans une quinzaine d'années au plus tôt et n'y répandrai du fumier de ferme que dans cinq ou six ans. L'opération serait très-mauvaise assurément; pourquoi voudriez-vous donc qu'elle fût bonne avec la marne?

pas la patience d'attendre que la marne se soit Nous voyons encore des cultivateurs qui n'ont convenablement reposée et délitée à l'air, qui la répandent trop tôt sur le sol et en trop grande quantité, pour cette raison que si, employée à petite dose, elle donne de bons résultats, elle en donnerait nécessairement de meilleurs si on l'employait à forte dose. Or, en procédant et en raisonnant de la sorte, il est évident que l'on rendra le sol stérile, qu'on l'empêchera de produire, et surtout lorsque la marne sera de nature très-argileuse.

Voulez-vous que la marne réussisse bien, commencez par bien raisonner votre opération. Ditesvous ceci, par exemple: voici de la marne que j'ai extraite du sein de la terre ; je la sais bonne, car je l'ai essayée. Cette marne est un mélange d'argile et de calcaire qui n'a pas encore subi l'action de l'air et du soleil ; j'entends donc, avant de m'en servir, qu'elle subisse parfaitement cette action. Je la mettrai pour cela en couche de peu d'épaisseur et la laisserai en repos deux ans, trois ans même, s'il le faut, en ayant soin, deux fois

par an, à l'approche de l'hiver et au moment des grandes chaleurs, de la bouleverser avec une pioche ou une bêche. Quand je jugerai ma marne bonne à produire, je la ferai conduire sur mes champs, à raison de 100 à 120 voitures à quatre chevaux, par hectare, plutôt moins que plus; je la répandrai également, et, au bout de quelques semaines, je l'enterrerai par un léger coup de charrue. J'aurai ainsi donné à mes champs qui ne contenaient pas de calcaire, de la bonne marne qui en contient beaucoup, et la récolte s'en ressentira. Comme le calcaire n'est pas un engrais complet, je fumerai tous les ans comme si je n'avais pas marné.

Dites-vous cela; faites-le, et vous n'aurez plus de reproches à adresser à la marne.

Il est d'usage, nous l'avons déjà dit, et nous le répétons, de ne marner la même terre que tous les 15, 20 ou 25 ans. Il serait d'une meilleure pratique, selon nous, de répandre moins de marne à la fois et de marner plus souvent.

Des hommes distingués ont écrit que la marne calcaire ne convenait nullement aux terrains de même nature. C'est aller un peu loin. Sans doute, elle produira plus d'effet dans les argiles, les schistes, les granits et les sables que partout ailleurs; mais elle n'en a pas moins dans les terrains calcaires le succès qu'ont, en général, les terres rapportées. Dans les vignobles de la Bourgogne, qui sont de nature calcaire, on fait, et avec raison, grand cas de la marne bien reposée.

Dans les communes du département du Nord, où l'on a l'habitude d'employer la marne, on la place, avant l'hiver, sur des éteules de céréales qui n'ont pas été labourées : on la répand de suite, à raison de 45 à 50 mètres cubes par hectare, on la herse, et on la roule au printemps, pour la pulvériser parfaitement dans le cas où les gelées et les dégels n'ont pas fait cette besogne; puis on l'enterre légèrement par des labourages croisés. On fume sur le marnage, toutes les fois que l'on ensemence en céréales, mais on ne fume pas l'année même, lorsque, sur le marnage, on cultive des féveroles ou des pommes de terre. Les cultivateurs du Nord pensent qu'il est utile de marner tous les 12 ans. Quand la terre manque de profondeur, ils marnent plus souvent, tous les 8 ou 9 ans, mais seulement à raison de 80 hectolitres (8 mètres cubes) par rasière de 45 ares. On a remarqué que la marne produisait plus d'effet dans les terrains médiocres que dans les bons terrains. On lui préfère la chaux.

Le Tarn est un des départements de la France, où la marne jouit d'une faveur toute particulière. S'agit-il de l'appliquer à des friches ou à des bruyères, on laboure d'abord, puis on forme de petits tas de marne sur le sol, dans les mois d'août et de septembre. Une fois délitée à l'air, on l'étend avec des pelles et l'on donne plusieurs labourages pour la mélanger avec la couche arable. S'agit-il d'une terre déjà cultivée, on dépose la marne sur le chaume pour l'enfouir plus tard. Sur ces marnages, on sème d'habitude au printemps de l'avoine, des légumes ou du maïs. Lorsque l'on ne marne qu'au milieu de l'hiver, ce qui arrive de temps en temps, on attend l'automne

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Dans le département des Ardennes, on fait grand cas aussi de la marne. C'est de là, et notamment de la carrière de la Malmaison, que les cultivateurs belges des environs de Virton font venir celle qu'ils emploient.

Nous pourrions passer en revue d'autres localités où il est d'usage de marner les terres; mais à quoi bon? Les procédés sont, à peu de chose près, les mênies partout, en sorte que les citations que nous pourrions faire ne nous apprendraient rien de nouveau. Nous terminerons donc par trois recommandations essentielles, à l'adresse des populations qui se livrent à la pratique du mårnage. Généralement, on n'accorde pas assez de repos à la marne au sortir de la carrière; on ferait bien de l'exposer et de la remuer à l'air jusqu'à ce qu'elle eût acquis les propriétés d'une terre végétale. Le plus souvent encore, les champs marnés ne reçoivent pas de fumier pendant 3, 4 et 5 ans; c'est un tort, on devrait, chaque année, donner une demi-fumure d'abord et revenir le plus vite possible à la fumure entière. Presque partout enfin, on ne ramène la marne sur le même terrain que tous les 12, 15, 20 ou 25 ans ; c'est encore une pratique vicieuse; aussi recommandons-nous à nos lecteurs de réduire de moitié la quantité de marne employée ordinairement, et de la ramener tous les 7 ou 8 ans à la même place. En suivant ces conseils, il leur sera facile de prouver que la marne en question peut enrichir les pères et ne pas ruiner les enfants.

Cron. Dans les Ardennes et le grand-duché du Luxembourg, on désigne sous le nom de cron une pierre tendre, calcaire, appelée quelquefois marne blanche, utilisée sous le nom de castine dans les hauts-fourneaux, employée dans la construction des voûtes et des cheminées, et aussi pour fabriquer de la chaux. L'échantillon que nous avons eu sous les yeux est tout simplement de la chaux carbonatée concrétionnée, autrement dit le tuf calcaire, la plus impure et la plus irrégulière des concrétions de cette nature, celle qui enveloppe, en se formant, quantité de feuilles et autres débris végétaux.

Ce tuf constitue, dans certaines localités, des dépôts énormes, dont on fait le plus grand caș. L'emploi de ses débris, de ses éclats, de sa poussière, en agriculture, convient, ainsi que la chaux et la marne, aux terres argileuses, sableuses et schisteuses.

Terres de routes et de chemins.- Ces terres sont de diverses sortes et varient nécessairement avec la nature des matériaux qui servent à l'entretien des grandes routes et des chemins. Les grès, les silex, les quartz, les cailloux roulés nous

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