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côté, l'importance physiologiquement accessoire, dans l'économie du mouton, de l'appareil organique sécréteur de la laine; la facilité avec laquelle les dispositions de cet appareil se transmettent et se fixent par la génération, en un mot leur puissance d'hérédité, leur constance: tout cela élargit singulièrement les moyens d'action de la zootechnie, pour le perfectionnement de l'espèce ovine. Il importe seulement de ne pas confondre, comme on l'a fait trop souvent, ces divers moyens d'action, au point de les appliquer sans aucun discernement. Il faut que chacun conserve sa portée, et qu'on se garde bien de lui demander autre chose que ce qu'il peut donner. Nous allons essayer de tracer les limites d'application des divers procédés d'amélioration de l'espèce ovine, en passant successivement en revue ce qui concerne la sélection, le croisement et le métissage, qui ont chacun une part à prendre dans le perfectionnement.

Sélection.

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ce qui ne veut pas dire, assurément, que la sélection n'ait rien à faire pour l'amélioration des moutons qui produisent ces laines; seule, au contraire, elle peut les perfectionner, et tout au moins les maintenir, suivant qu'on les considère au point de vue de l'une ou de l'autre de leurs fonctions économiques.

En effet, s'il n'est pas possible de songer à pousser au grand développement des formes et à la précocité les individus destinés à porter des toisons d'une finesse exceptionnelle, il est néanmoins permis et même indispensable au progrès de leur faire acquérir tout à la fois une bonne conformation, résultant de l'harmonie de ces formes, et l'homogénéité de la toison, qui assurent le meilleur rendement de celle-ci, en même temps que celui de l'animal par rapport à sa destination finale. Un mouton bien conformé, à volume et à aptitudes égales, n'est pas plus difficile à nourrir qu'un mouton défectueux. Or, nous savons maintenant que le rendement en viande nette et le poids de la toison, ou encore son étendue, sont en rapport avec la conformation. D'où il suit que dans tous les cas l'animal s'améliore nécessairement, à mesure qu'il se rapproche du type de la beauté que nous avons déterminé. Et c'est par une sélection attentive, en accouplant toujours entre eux les individus qui s'éloignent le moins de ce type, que le but peut être atteint. La sélection, ici, s'entend uniquement du bon choix des reproducteurs, car il faut admettre que les animaux sur lesquels elle s'exerce sont soumis au régime le plus propre à favoriser l'exercice de leur aptitude principale, à conserver à leur laine les caractères qui la distinguent.

Il n'y a pas à insister là-dessus. L'application des principes généraux de la sélection à l'espèce ovine ne présente, encore une fois, aucune particularité qui doive être mentionnée. En entrant dans les détails, nous ne pourrions faire par con

Au point de vue exclusif de la viande, l'application au mouton de la méthode de sélection ne diffère en rien de celle qui se rapporte au bœuf. Le perfectionnement de l'aptitude s'opère absolument d'après les mêmes principes, la signification de la précocité est tout à fait identique ; et de plus, ici, l'influence de la méthode n'est contre-balancée par aucun empêchement. Toutes les fois que les circonstances économiques permettent la production et l'entretien d'animaux précoces, c'est-à-dire dans toutes les situations de la culture intensive, à ses divers degrés, la sélection peut et doit être appliquée avec tous ses attributs. Il serait superflu de répéter à ce sujet ce que nous avons déjà développé relativement à l'espèce bovine. En s'y reportant (p. 639 et suiv.), ainsi qu'au chapitre spécialement consacré à l'étude générale de la méthode dont il s'agit, on trouvera des détails qui sont de tout point applicables au mouton. Il y a lieu seu-séquent que d'inutiles répétitions. Mais il en est lement de faire remarquer que chez cet animal l'âge adulte arrive plus tôt, dans les conditions naturelles. L'arcade dentaire est complète ordinairement vers quatre ans et demi. La précocité s'entend donc de l'évolution des dents de remplacement et de la soudure des épiphyses avant cette époque. Quant au reste, rien de différent. L'amélioration de l'individu par les procédés hygiéniques; la fixation des perfectionnements de l'aptitude dans la famille d'abord, par voie de consanguinité, puis leur extension à la race par le choix des reproducteurs les plus avancés: voilà, pour l'espèce ovine comme pour l'espèce bovine, le dernier mot de la sélection appliquée à la pro-périeuse, des circonstances hygiéniques. Le croiduction de la viande.

Sous son influence, l'activité nutritive se développe, et l'on conçoit sans peine que tous les organes en subissent les conséquences, chacun dans le sens de sa fonction, l'appareil sécréteur de la laine comme les autres. Un fonctionnement plus actif entraîne un produit de sécrétion plus abondant; le brin grossit et s'allonge nécessairement, quelle que soit d'ailleurs sa forme native. C'est pour cela que la précocité n'est point compatible avec la production des laines fines ou extra-fines;

autrement du croisement et du métissage, qui, en vue des aptitudes pour lesquelles ils sont mis en pratique, prennent ici des caractères tout à fait spéciaux.

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Croisement. On n'aura pas de peine à comprendre que pour ce qui concerne le perfectionnement de l'espèce ovine au point de vue de la production de la viande, l'influence du croisement ne peut être autre, dans cette espèce, qu'elle est relativement à l'espèce bovine. Dans les deux cas, l'aptitude qu'il s'agit de développer dépend également, et d'une façon tout aussi im

sement peut être, pour le mouton comme pour le bœuf, un auxiliaire de l'amélioration, un procédé d'exploitation, non pas l'agent essentiel du perfectionnement. Nous avons trop souvent dans ce livre appelé l'attention là-dessus, pour qu'il soit bien nécessaire d'y revenir en ce moment. Lorsque les conditions agricoles sont telles, que sans pouvoir encore suffire à l'entretien des races les plus avancées comme productrices de viande, elles dépassent cependant la limite des exigences. de la race locale, il est rationnel d'utiliser les res

sources à l'exploitation d'individus intermédiaires, en avant sur les indigènes, mais encore en retard sur les étrangers. C'est le cas de produire des métis, en combinant toutefois, ainsi que nous l'avons déjà dit, le croisement avec la sélection. Les métis sont des objets de fabrication, des consommateurs plus avantageux; ils n'ont rien à faire dans le perfectionnement de la race; et l'influence paternelle, dans leur génération, doit être mesurée précisément sur les ressources que peut leur offrir le milieu hygiénique dans lequel ils sont produits. Car c'est là, encore une fois, le principe fondamental sur le quel se base toute entreprise zootechnique fructueuse; et c'est l'oubli dans lequel ce principe est trop souvent tenu, qui jette tant de confusion dans la question du croisement. Envisager cette question en faisant abstraction des circonstances hygiéniques, ou même seulement en les considérant comme secondaires, c'est se préparer à coup sûr des déceptions.

C'est au sujet de l'espèce ovine qu'on est le plus souvent tombé dans ce travers. Que de fois le croisement a été préconisé comme devant, par sa seule influence, régénérer nos moutons français ! Et ne voyons-nous pas encore tous les jours recommander pour cela tel ou tel type universel d'amélioration? On comprend une pareille thèse dans la bouche ou sous la plume d'un marchand de béliers. De la part d'un zootechnicien, on ne la comprend plus. Car celui-là doit savoir que si les individus héritent quelquefois, dans une certaine mesure, de l'aptitude de leur père, cet héritage ne peut fructifier qu'à la condition de rencontrer les moyens de s'exercer. Si ces moyens sont absents, l'utilité de l'aptitude acquise devient au moins nulle, lorsque sa naissance n'est pas précisément une cause d'amoindrissement pour l'individu qui en est pourvu. Et c'est ce qui se présente dans toutes les opérations de croisement où il n'est pas tenu compte de la considération dont il s'agit. Ce qui peut y arriver de moins fàcheux, c'est que l'influence paternelle demeure sans résultat, contre-balancée qu'elle est par celle de la mère en possession de l'indigénat et par conséquent douée de caractères très-fixes. Dans le cas contraire, on n'obtient que des individus disproportionnés avec le milieu et par ce fait nécessairement défectueux.

La première condition pour produire des moutons aptes à donner de la viande en quantité notable, c'est de disposer pour leur élevage d'une nourriture suffisante. Là où les individus indigènes trouvent tout juste de quoi s'entretenir avec leurs aptitudes natives, il n'est point possible de songer à développer celles-ci par la seule influence de la génération. Cela est d'une logique tellement élémentaire, qu'on a peine à concevoir que tout le monde n'en soit pas convaincu, et qu'il se trouve encore des gens capables de méconnaître une vérité si facilement saisissable. Il semblerait, à voir cela, que l'économie animale soit en possession de la faculté de créer la matière de toutes pièces, et que l'aptitude dont nous nous occupons soit autre chose que celle d'assimiler les éléments de l'alimentation. Certes, tous les individus, quels

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qu'ils soient, ne jouissent pas à un égal degré de l'aptitude à l'assimilation nutritive, et leur amélioration, dans le sens dont il s'agit, s'entend précisément du développement de cette aptitude; mais encore faut-il, pour obtenir le résultat cherché, avant tout, que l'objet de son exercice ne fasse point défaut. Sans cela, l'amélioration existe peut-être en puissance, comme disent les métaphysiciens; il serait parfaitement oiseux d'entreprendre de le contester; mais ce qui est certain, c'est qu'un esprit positif ne saurait s'en contenter. Ce qu'il faut à la pratique, ce ne sont pas des dissertations d'un transcendantalisme nuageux, n'ayant d'autres bases que les conceptions d'une imagination féconde en ressources; ce sont des résultats nets, précis et appuyés sur l'expérience ou l'observation. Or, l'observation et l'expérience démontrent que les produits des animaux, dans les conditions normales, sont exactement en rapport avec les ressources alimentaires. Ils ne les dépassent du moins jamais, et suivent toujours leur accroissement, lorsque celui-ci se montre lentement progressif. L'histoire des races nous en fournira plus loin de nombreux exemples. Mais il peut arriver et il arrive que ces ressources soient tout à coup multipliées par l'introduction de nouvelles méthodes culturales. Alors les animaux indigènes se trouvent attardés; leurs aptitudes ne répondent plus suffisamment aux conditions qui peuvent leur être faites; et c'est le cas de leur en communiquer de nouvelles ou de les remplacer par d'autres qui en sont déjà pourvus.

Le procédé à suivre, dans une telle circonstance, dépend du degré de la disproportion. Si le système de culture comporte l'entretien des races les plus avancées, le mieux est d'adopter de prime saut celle de ces races qui est le mieux en rapport avec les nouvelles conditions de l'exploitation par ses divers caractères, qui seront étudiés plus loin. S'il en est autrement, et qu'il faille s'en tenir à des consommateurs intermédiaires, il convient d'entreprendre l'amélioration de la race locale par voie de sélection, en même temps que l'on en tire tout de suite meilleur parti, en lui faisant produire des métis améliorés. Dans ce cas apparaît l'utilité du croisement que nous avons déjà appelé industriel, parce qu'il a pour unique fonction une sorte de fabrication de produits. L'intervention des reproducteurs mâles dont il s'agit de transmettre l'aptitude n'a rien à faire dans l'amélioration de la race; elle est bornée à la production, par leur accouplement avec les femelles de cette race, d'individus qui ne doivent pas avoir de progéniture, et être au contraire le plus tôt possible livrés à la consommation. Leur unique fonction est d'utiliser, mieux que ne le pourraient faire encore les produits purs, les ressources alimentaires créées, en attendant que ceux-ci aient atteint, par la sélection, le degré d'amélioration correspondant à ces ressources.

Ainsi le rôle du croisement, dans ses rapports avec la production de la viande, est de cette façon parfaitement tracé, pour ce qui concerne l'espèce ovine. Il est d'ailleurs tout à fait identique à celui que nous avons indiqué, quant au

bœuf. Toutefois, les conditions économiques en rendent pour le mouton l'application beaucoup plus large, la question étant moins complexe, en raison de la moindre multiplicité des fonctions. La production de la viande s'allie mieux avec celle de la laine, dans la plupart des situations de notre économie rurale et industrielle, qu'avec celle du lait et du travail, surtout de cette dernière. Il n'y a guère de nos races françaises communes, qui ne puissent dès à présent être utilisées pour la production de métis améliorés sous ce rapport, à la condition que l'entreprise soit précédée par des réformes dans le système de culture; mais il ne faut pas perdre de vue que cette condition est absolument expresse. L'influence du croisement est nulle, sinon nuisible, nous ne saurions trop le répéter, si elle doit agir seule. C'est un auxiliaire puissant, mais ce n'est que cela. Ce ne peut être ni le premier ni le principal moyen d'amélioration des individus, au point de vue de la boucherie; et nous n'avons pas besoin d'ajouter qu'il est d'une impuissance radicale pour le perfectionnement de la race.

Quand on envisage l'espèce ovine au point de vue exclusif de la laine, la question se présente sous un tout autre aspect. La race mérinos, productrice par excellence des laines fines, n'est point, comme celles qui se font remarquer par leur aptitude à la précocité, un résultat de l'industrie humaine. Elle s'est formée dans des conditions naturelles qui ont imprimé à ses caractères un cachet de constance, et par conséquent une puissance d'hérédité qu'aucune situation agricole, si inférieure qu'elle soit, ne saurait déprimer. A son état de pureté, pourvu qu'elle se reproduise dans des conditions hygiéniques qui ne puissent pas altérer sa santé, les qualités de sa toison se transmettent avec une sûreté qui n'a pas d'égale. Cette grande fixité lui assure, dans tous les accouplements auxquels elle prend part, une prépondérance que les faits sont venus partout démontrer, pour ce qui concerne surtout la nature de la toison. Et la puissance d'atavisme du mérinos est telle, sous ce rapport du moins, qu'on l'a vue se manifester encore après un trèsgrand nombre de générations chez des métis qui en provenaient. Nous avons rapporté quelque part un fait de ce genre, des plus significatifs, observé par nous-même dans une ferme de la Charente-Inférieure. Dans un troupeau de moutons poitevins, entretenu sur un sol calcaire d'une médiocre fertilité, l'influence de béliers mérinos, introduits une fois seulement plus de trente ans auparavant, se faisait encore sentir sur la finesse de la laine au moment où nous constations l'état de ce troupeau. L'acheteur habituel des laines de la ferme les payait un prix plus élevé que celui du cours habituel des laines du pays, pour cet unique motif. Les animaux avaient, d'ailleurs, conservé sous tous les autres rapports le type poitevin (1).

Cela donne, comme on peut le comprendre facilement, une importance toute particulière

(1) Voy. l'Espèce ovine de l'Ouest et son amélioration, p. 88. Paris, 1858.

au croisement, dès qu'il s'agit seulement de l'amélioration des toisons. A ce point de vue, la question se dégage des conditions d'appropriation aux circonstances de la production, et elle devient une pure affaire de génération. Dès que les laines fines peuvent être obtenues surtout dans une situation agricole peu avancée; du moment que, dans cette situation, l'exploitation du mouton en vue de la laine peut être plus avantageuse que sous le rapport de la viande, rien ne s'oppose à ce que l'amélioration de sa toison soit entreprise au moyen du croisement. C'est ce qui a eu lieu en France déjà sur une grande échelle. Les métis mérinos y occupent de grandes surfaces du pays, où ils ont été entièrement substitués aux races locales par cette opération, au grand avantage, il faut le dire, des producteurs. Ces métis ne sont pas plus difficiles à entretenir que les individus purs dont ils ont pris la place, et ils donnent un revenu autrement considérable, en raison de la plus grande valeur commerciale de leurs toisons. Ce sont les nécessités économiques qui ont déterminé ce changement; et il ne serait en aucune façon sage de le blâmer. On ne peut au contraire qu'en recommander l'imitation à tous ceux qui se trouvent dans des conditions analogues, où, l'espèce ovine ne pouvant pas encore être améliorée dans le sens de la précocité, il y a néanmoins avantage à augmenter la valeur des produits qu'elle donne durant sa vie.

C'est ce résultat qui peut être obtenu par le croisement. Il ne s'agit que de transmettre une aptitude accessoire dans l'organisme, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer plusieurs fois. Indépendante d'ailleurs des dispositions physiologiques essentielles, cette aptitude, qui est l'unique attribut particulier d'une des races les plus fixes que nous ayons, ne fait aucunement obstacle par elle-même aux autres améliorations qu'il y a toujours lieu de réaliser. Seule, nous le répétons, elle se passe facilement de tout autre concours que celui de la génération. On peut donc dire d'une manière absolue que, sous le rapport de la finesse de la laine, l'espèce ovine s'améliore surtout, sinon exclusivement, par le croisement. Et nous tenons à faire remarquer une fois de plus, à cette occasion, que si nous avons combattu avec quelque énergie l'école qui fait de cette opération zootechnique une question de doctrine, en l'élevant à la hauteur d'un principe, nous nous gardons bien toutefois d'en repousser systėmatiquement la pratique. Il s'agit seulement de lui faire la part que la science autorise, et de ne point aller au delà; de distinguer soigneusement ce qui est possible de ce qui ne l'est pas, ce qui est conforme aux principes fondamentaux de la zootechnie de ce qui est en opposition formelle avec eux. L'examen que nous allons faire maintenant de l'application du métissage, nous fournira de nouvelles preuves encore plus frappantes de la nécessité d'admettre, à cet égard, les réserves que nous indiquons.

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même que l'emploi de béliers provenant de croisement. Et ce sont ces faits qui ont jeté de la confusion dans une question pourtant bien simple, parce qu'on a généralisé leur signification, tandis qu'elle doit demeurer strictement restreinte aux cas particuliers auxquels ils s'appliquent.

En effet, autre chose est d'envisager le métissage au point de vue de la modification du type de la race, de son aptitude physiologique essentielle, ou bien à celui de la transmission et de la conservation d'un caractère physiologiquement accessoire. Dans ce dernier cas, la valeur de l'opération dépend de la fixité, de la constance de ce caractère, dans la race qui le présente et qui a contribué à la formation du métis. Sa puissance d'atavisme, en vertu de laquelle le métis peut agir dans la génération, est entièrement subordonnée à cette considération, ainsi qu'aux conditions hygiéniques dans lesquelles l'accouplement a lieu. Nous allons préciser davantage sur ce point important en prenant des exemples.

en leur communiquant les qualités qui sont les plus recherchées par l'industrie, dans toutes les contrées où le système de culture comporte encore l'exploitation du mouton principalement sous le rapport de sa toison. La sélection est, quant à présent, impuissante à produire ce résultat, attendu que nous ignorons absolument à quoi sont dues les qualités de finesse, de douceur et d'ondulation rapprochée de la laine mérinos. Elle ne peut que les conserver lorsqu'elles existent, non point provoquer leur apparition. Force est donc d'avoir recours au croisement et au métissage qui le suit. Il ne s'agit pas ici d'imprimer à la race des modifications essentielles, qui changent sensiblement ses aptitudes natives. Les caractères de la toison sont tout à fait indépendants du développement et des appétits de la race, du moins, comme nous l'avons déjà répété plusieurs fois, quant à la nature du brin et à la structure de la mèche. Poids pour poids, la toison peut être plus ou moins fine, plus ou moins tassée, sans que cela doive nécessairement résulter de variations dans les conditions d'élevage. Les mêmes ressources alimentaires sont utilisées par l'appareil sécréteur de la laine d'une autre façon, voilà tout.

On a déjà vu que le mérinos possède, pour la transmission des caractères de son lainage, une puissance héréditaire très-développée. Cette puissance, il la doit à l'ancienneté de sa race, à sa fixité qu'aucune autre ne peut contre-balancer, et surtout à ce fait qu'il s'est formé dans des con- Mais il en est bien différemment, si l'on enviditions naturelles inférieures, et tout au plus sage le métissage à un autre point de vue quelégales, à celles dans lesquelles il peut être intro- conque; si on le considère, par exemple, comme duit. Dans son accouplement avec une brebis de moyen de produire et de fixer les améliorations race commune, le bélier mérinos transmet in- | relatives à la conformation, à la précocité, dont failliblement au produit au moins une partie des dépend l'aptitude à la production spéciale de la caractères de sa toison, sans doute parce que viande. Dans ce cas, on rencontre chez l'espèce rien, dans les circonstances d'habitat, ne vientovine les mêmes incertitudes, les mêmes maumettre obstacle à l'exercice de son influence héréditaire, relativement à cette partie très-secondaire des caractères extérieurs de l'individu. Quoi qu'il en soit, c'est un fait. Et c'est pour cela que nous avons précédemment admis en principe, qu'au point de vue de la laine l'espèce ovine peut être améliorée par le croisement. A ce même point de vue, nous devons admettre aussi que l'amélioration obtenue par ce moyen peut se maintenir et se multiplier par voie de métissage. Une fois acquise, elle conserve un cachet de constance suffisant pour avoir toujours la prépondérance sur l'atavisme propre de la race commune à laquelle les métis ont succédé. Une fois produite dans un troupeau conduit principalement en vue de l'exploitation des toisons, la finesse de la laine, variable suivant le degré du croisement d'abord opéré, s'y maintient ensuite sans difficulté. Les caractères du mérinos, une fois acquis, sont indélébiles. Ils présentent, nous le répétons, une fixité sans égale. L'alimentation peut imprimer au diamètre du brin, à sa longueur, des modifications plus ou moins notables; mais elle est sans action sur ce que les hommes spéciaux appellent la nature de la laine. Celle-ci demeure toujours de la laine analogue à celle du mérinos. Dès qu'il en est ainsi, l'on conçoit que la pratique du métissage, dans le cas particulier de l'amélioration des toisons, ne soit point repoussée. Il faut dire même que dans l'état actuel de la science, elle est la seule qui soit possible pour augmenter la valeur de nos laines communes,

vaises chances, que celles déjà signalées à l'occasion du bœuf. Aucune des races de boucherie les plus perfectionnées, dont le concours est nécessaire pour la production des métis, ne présente, à beaucoup près, une constance égale à celle qui caractérise la race à améliorer. Le maintien de l'aptitude de ces races est du reste inséparable des circonstances tout artificielles qui les ont formées; elles ne peuvent, par elles-mêmes, pour ce motif, assurer chez leurs produits la transmission de cette aptitude, dont la condition première est, ainsi qu'on le sait, dans les conditions hygiéniques qui l'ont développée. Si donc, avec le concours. obligé de ces conditions, elles peuvent contribuer à la production de métis doués à un certain degré des mérites qui les distinguent, on n'en saurait conclure que ces mêmes métis soient capables d'en faire autant de leur côté. Une alimentation abondante peut bien contre-balancer la puissance héréditaire de l'un des reproducteurs, lorsque l'autre est fortement doué des qualités qui sont en concordance avec cette influence hygiénique. Il y a là pour agir dans le sens désiré sur le produit deux facteurs contre un. Mais dans le cas de métissage les proportions sont changées. Lors même que le facteur hygiénique subsiste, l'atavisme de l'ancienne race se multiplie par deux et agit chez l'un comme chez l'autre des reproducteurs. Il n'est toutefois pas toujours le plus fort en pareille occurrence; et c'est pour cela que l'on voit réussir quelques opérations de métissage de ce

genre; mais ces opérations échouent nécessaire- | d'inconvénients que les faits aient jusqu'à prément, dans tous les cas où le facteur dont nous venons de parler est absent.

Cette considération, conforme à la plus stricte observation, n'est en conséquence point suffisante pour faire repousser systématiquement le métissage des entreprises d'amélioration de l'espèce ovine, au point de vue de la production de la viande. Elle doit néanmoins en restreindre l'usage aux conditions bien déterminées où se trouvent associés les deux facteurs principaux de cette amélioration l'alimentation abondante et le mâle perfectionné. Encore ne faut-il point négliger de faire remarquer qu'il reste nécessairement, dans les entreprises de ce genre, une forte part à l'incertitude et au hasard, en raison de laquelle il est toujours plus sage de les éviter, même quand les conditions les plus probables du succès se trouvent réunies. Il y a pour ce qui concerne l'écoulement des produits de cette espèce assez de mauvaises chances inévitables. Il est donc plus prudent, puisqu'on le peut, de n'y pas ajouter celles qui concernent leur fabrication. Si la sélection n'est pas suffisante, elle qui seule permet d'agir avec certitude, il faut s'en tenir au croisement, toujours moins incertain que le métissage, dans les mêmes conditions. Il faut surtout bannir absolument ce dernier, lorsque la situation agricole ne comporte pas la production d'animaux améliorés, lorsque les produits ne peuvent pas recevoir une alimentation au moins égale à celle avec laquelle les métis reproducteurs ont été formés.

Ce principe incontestable, et dont l'exactitude a été précédemment démontrée, fait voir quelle peut être la valeur des métis que l'on préconise, sous le nom de race, pour l'amélioration universelle des moutons français. Il montre ce que l'on peut attendre de la prétendue race charmoise, créée principalement en vue de la production de la viande; de l'anglo-mérinos, devant améliorer à la fois la viande et la laine, etc., etc., et ce qu'il faut penser du sens pratique de ceux qui persistent à les préconiser systématiquement, malgré les enseignements de l'expérience, déjà beaucoup trop nombreux. Pour la laine, les derniers ne valent pas, nécessairement, le mérinos pur; pour la viande, les uns et les autres, en vertu de leur seule qualité de métis, ne peuvent produire que des déceptions. Dans les conditions que nous avons indiquées tout à l'heure, les mâles anglais dont ils proviennent donneraient de meilleurs produits, et leur emploi dans le croisement serait par conséquent plus judicieux. Dans les autres conditions, qui sont les plus communes, leur action est absolument nulle, l'atavisme des races indigènes qui ont contribué à leur formation, joint à celui de la race locale qu'il s'agit d'améliorer, étant toujours prédominant.

La seule qualité de métis est donc suffisante, en thèse générale, pour faire contester à un bélier quelconque la qualité d'agent améliorateur, et cela d'une façon absolue. Au point de vue exclusif de la laine, la multiplication par métis, c'est à-dire l'accouplement des métis entre eux, est une nécessité de la zootechnie actuelle et n'a pas

sent démontrés. A toute autre fin et de toute façon, le métissage n'est ni plus rationnel ni plus admissible pour l'espèce ovine que pour l'espèce bovine. Là comme ici, s'il n'est pas un obstacle radical au perfectionnement, il n'est pas davantage un principe à recommander.

On voit donc, par ce qui précède, que les principes spéciaux du perfectionnement de ces deux espèces sont absolument les mêmes, à une seule différence près, qui concerne l'aptitude du mouton à produire de la laine. Il importait de l'établir, en contestant d'ailleurs au métissage la puissance qui lui a été attribuée par des hommes d'une grande autorité. Nous croyons avoir mis en lumière l'erreur dangereuse qui résulte d'un tel parti pris, et restitué à chaque chose par là sa véritable signification. Nous aurons, du reste, l'occasion d'y revenir, à mesure que nous rencontrerons des tentatives de ce genre dans l'étude des diverses races dont la description va suivre.

RACES OVINES.

Les modes d'exploitation les plus suivis de l'espèce ovine nous font une nécessité d'adopter une méthode de description toute différente de celle qui nous a guidés dans l'étude des races bovines. Les races ovines, telles que nous les observons maintenant, ne sont point en général localisées aussi étroitement que celles du bœuf. Les plus remarquables d'entre elles au point de vue de l'une ou de l'autre des deux aptitudes de l'espèce, ont subi des migrations qui font qu'on les rencontre à peu près partout. Le mouton, du moins celui qui se fait remarquer par la finesse de sa toison, est par nature essentiellement cosmopolite, sans doute parce que les conditions d'habitat nécessaires à son entretien se rencontrent fort communément. Sur tous les terrains calcaires à climat sec, on est à peu près certain de le rencontrer. Et ce qui frappe l'attention de prime abord, c'est qu'on le trouve surtout le moins répandu dans le lieu qui semble être celui de son origine première, du moins qui a été le point de départ des migrations dont l'histoire, encore peu éloignée de nous, est parfaitement connue. En présence de cette situation, il convient, croyons-nous, de décrire les races ovines en ne se préoccupant que bien secondairement de leur distribution géographique. Il nous semble plus conforme aux nécessités de la pratique de considérer avant tout leur aptitude, et par conséquent de commencer par celles qui se rapprochent le plus des types qui représentent la perfection en vue des deux fonctions économiques de l'espèce. Et, d'un autre côté, comme il parait que le but final du perfectionnement doit être la combinaison des deux aptitudes qui correspondent à ces fonctions, dans une mesure que le progrès agricole peut seul déterminer en la rendant possible; dans ces conditions, il semble logique d'étudier d'abord les races que l'amélioration a spécialisées au plus haut point pour la production de la viande, puis celle qui offre le prototype du producteur

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