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bles ne le rebutaient point. C'est ainsi qu'il fit, à l'ancien Institut agronomique de Versailles, en pleine influence péripneumonique, et malgré les avertissements qui lui furent donnés, un certain nombre de castrations dont les résultats ne pouvaient manquer d'être désastreux. La plupart des vaches opérées moururent. Cet échec éclatant porta le coup fatal à l'opération.

Un autre se fût désespéré. M. Charlier n'y vit qu'une raison de plus de persévérer. Il comprit alors qu'il fallait renoncer à pratiquer l'opération par le flanc, à déterminer dans la cavité abdominale des désordres qui étaient si fréquemment suivis d'accidents mortels. Il conçut l'idée de pénétrer dans cette cavité, à la faveur d'une petite incision effectuée dans le fond du vagin, et il ne se donna plus de répit que la solution du problème ne fût trouvée. C'est de là que naquit cet ingénieux appareil instrumental, grâce auquel la castration de la vache est devenue maintenant une opération, sinon tout à fait inoffensive, au moins dont les chances défavorables sont assez minimes pour être négligées.

A partir de la découverte du nouveau procédé, qui est exclusivement l'œuvre de M. Charlier, et dont tout le mérite doit lui être laissé, l'aspect des choses fut changé complétement. Les dangers de l'opération avaient disparu; dans les conditions les plus défavorables, la mortalité ne s'élevait pas au-dessus de 2 p. 100. De ce côté, le plus grand obstacle à la propagation de l'opération était vaincu; mais l'œuvre n'était point achevée. Tous les progrès rencontrent des adversaires qui s'opposent à leur marche par pur instinct. Ne pouvant plus arguer des chances de mortalité pour repousser la castration, ils changèrent leurs batteries. Les uns, sans nier l'influence de la stérilisation sur la bête qui y est soumise, entreprirent de soutenir que si l'opération venait à se généraliser, cela couperait court à toute multiplication de l'espèce bovine. Cette opinion, on a peine à le croire, compte encore des partisans. Ce sont, de tous les adversaires de la pratique, les plus inintelligents. Les autres, n'envisageant la question qu'au point de vue de la production du lait, contestent ses avantages, pour ce motif, disent-ils, que les vaches stériles tarissent bientôt par le fait d'un engraissement que rien ne peut entraver.

La vérité est que ces objections, et quelques autres encore que nous négligeons de rappeler, parce qu'elles sont sans importance, ne tiennent pas un seul instant devant un examen un peu sérieux. Quant à la première, elle se réfutera d'ellemême, lorsque nous aurons exposé tout à l'heure les conditions dans lesquelles l'opération doit être adoptée, pour que les lois de l'économie rurale soient respectées. Il suffirait d'ailleurs de faire remarquer, pour établir dès à présent à quel point cette objection est dénuée de fondement, qu'il est apparemment indispensable que la vache se soit multipliée au moins une fois, pour qu'elle puisse subir l'opération. Mais ce serait faire injure au lecteur d'insister là-dessus.

pour la production laitière, s'il était vrai que le fait sur lequel il est basé fût aussi général et aussi absolu que le prétendent ceux qui s'en servent. Il est incontestable que les vaches châtrées s'engraissent plus facilement que celles qui ont conservé leurs ovaires, lors même que celles-ci ont été préalablement fécondées. Il est certain qu'elles prennent de la graisse sans aucun soin particulier d'alimentation, à mesure que leur sécrétion mammaire se tarit, mais non pas tant que, sous l'influence d'une aptitude bien prononcée, on leur fait donner du lait. Pour se déclarer convaincus, ceux qui font cette objection auraient voulu que la castration fût capable de rendre bonnes laitières les vaches qui ne le sont pas. Ce sont celles-là qui ne conservent pas longtemps leur lait et qui s'engraissent avec une remarquable facilité. C'est, il faut bien le dire, une malheureuse disposition d'esprit fort commune en France, et peutêtre bien ailleurs aussi, car l'homme est le même partout, que celle en vertu de laquelle on fait échouer les meilleures choses, en leur demandant toujours plus qu'elles n'ont voulu prouver. Leurs partisans ne sont point exemptsnon plus de blâme, pour cette raison qu'ils se laissent trop facilement entraîner à l'exagération des avantages qu'ils attribuent à ces choses. Il appartient aux hommes froids de modérer tous ces élans; et c'est par eux, en définitive, que la vérité se fait jour.

Or, à quelque point de vue que l'on se place, maintenant que par ses conséquences chirurgicale la castration de la vache est devenue une des opérations les plus inoffensives, en même temps qu'une des plus simples, depuis que M. Colin a perfectionné dans quelques détails l'appareil instrumental qu'elle nécessite; à présent, il n'y a plus d'objection à lui opposer, à moins qu'on ne soit possédé de l'esprit d'aveuglement. Que la seconde de celles dont nous venons de parler soit ou non fondée en fait, cela ne peut rien enlever à ses avantages économiques; bien au contraire, ceux-ci seraient d'autant plus certains qu'elle le serait davantage.

En effet, on ne contestera point, en thèse générale, que, dans l'espèce bovine, les animaux atteignent leur plus haute valeur commerciale, lorsqu'ils sont dans un état de complet engraissement. Il n'y a pas lieu d'insister là-dessus. Il n'est pas non plus contestable que les bénéfices de cet engraissement sont en rapport avec le temps qu'il a duré, par conséquent avec la quantité totale des aliments consommés pour l'effectuer.

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Voilà de premières données. Voyons les autres. En considérant la vache, soit comme laitière principalement, soit comme productrice d'élèves, on sait que pour l'économiste son existence comporte trois périodes distinctes, durant lesquelles le capital qu'elle représente offre des caractères particuliers. Dans la première, qui se termine à l'âge adulte, le capital s'accroît sans cesse; il y a création de valeur. Dans la seconde, le capital se conserve intact, sans augmentation ni diminution sensible. Cette période correspond à l'instant assez Le second motif d'opposition serait plus fondé, court de la vie pendant lequel l'animal, semblant dans de certaines limites toutefois, en ce qui se reposer de son accroissement, demeure staconcerne les vaches entretenues particulièrement |tionnaire. A ce moment, un an de plus ou de

moins dans l'âge de cet animal, n'exerce aucune influence sur la détermination de sa valeur au marché. Passé cet instant, la décroissance arrive, la valeur diminue progressivement pour s'éteindre tout à fait. Il y a lieu de prélever sur les produits pour amortir le capital, en vue de cet inévitable résultat.

elle conserve pendant au moins toute une année, et le plus souvent bien au delà, son plus fort rendement. Elle marche ensuite vers l'engraissement, à mesure que ce rendement baisse, et à l'instant où la quantité de lait qu'elle fournit n'est plus suffisante pour payer la nourriture qu'elle consomme, son état de graisse est suffisant pour qu'elle puisse être livrée avec avantage à la boucherie. Elle a acquis dès lors sa valeur vénale la plus élevée. Elle peut être remplacée par une autre laitière venant de vêler, en laissant dans la caisse, pour bénéfice net, la différence toujours considérable du prix de la bête grasse à celui de la bête maigre.

Eh bien, la castration permet précisément de faire disparaître de la question économique de l'exploitation des vaches cette donnée de l'amortissement nécessaire, sans obligation corrélative de se livrer à des spéculations spéciales d'engraissement. Appliquée dans les circonstances que nous allons dire, elle met la vache en état d'accroître sans cesse jusqu'à sa mort le capital que cette bête représente, sans aucun temps d'arrêt du revenu de ce capital. Elle se résout tout à la fois, par conséquent, en un accroissement de la richesse publique et privée. C'est ce qu'il va nous être facile de démontrer.

Ce qui est vrai, d'après cela, pour les bonnes laitières, l'est encore bien plus pour les mauvaises. Si elles fournissent en somme une moindre quantité de lait, elles sont donc plus tôt engraissées. Elles produisent moins, mais elles consomment moins aussi; et au point de vue de l'économie rurale, le résultat final est le même, avec cette différence toutefois que les avantages de la castration sont encore plus évidents. L'importance de la ration d'entretien s'accroît comme la faiblesse du produit. Le bénéfice de la réduction de cette ration est par conséquent plus grand à mesure que baisse celui-ci.

En supposant donc que la castration des vaches vienne à se généraliser, ce qui est désirable, il en résultera tout à la fois un accroissement du capital-bétail de notre agriculture, une augmentation de production laitière et de production de viande de boucherie. C'est là une triple conclusion qui défie toute contestation. Pour une quantité déterminée de fourrages disponibles, le produit total sera incontestablement supérieur en faisant consommer ces fourrages par des vaches stérilisées à un certain moment de leur existence, plutôt que par des femelles en possession de leur faculté de reproduction et livrées à la fonction qu'entraîne cette faculté.

En faisant disparaître du compte d'entretien des vaches laitières et du compte d'élevage la prime d'amortissement, le renouvellement de ces femelles au moment où elles vont entrer dans la période décroissante de leur vie, arriverait pour une partie au même résultat. Mais ce renouvellement, qui ne peut s'effectuer, dans les conditions ordinaires, qu'à la faveur d'une spéculation particulière d'engraissement appliquée aux vaches, entraîne par ce fait la nécessité de consacrer à l'opération une certaine quantité de nourriture, uniquement destinée à se transformer en viande. En sus de la ration d'entretien calculée sur le poids vif de la bête, une ration de production est nécessaire pour déterminer l'accroissement de ce poids, comme nous le verrons plus loin, et n'est payée que par la somme de viande obtenue. Avec la castration disparaissent tout à la fois la prime d'amortissement et les rations d'engraissement. La nourriture est couverte par le lait produit, et il reste, comme bénéfice net, la plus-value acquise par le fait de l'engraissement, qui s'opère en Faut-il réfuter maintenant cette croyance des même temps. Le capital se renouvelle sans dé-gens insuffisamment éclairés, qui prétendent que perdition, et il s'accroît même sans cesse dans chaque opération successive. Au moment où la bête est en état d'être livrée à la boucherie, elle a donné sans discontinuer du lait, dont la qualité compense la quantité, à mesure que celle-ci diminue vers la fin de l'opération. Des observations recueillies sur une grande échelle, notamment chez M. Ménard, de Huppemeau, ne permettent pas d'en douter. Cet habile agriculteur, lauréat de la prime d'honneur de son département, se livre depuis longtemps à une spéculation de laiterie pour la fabrication de fromages très-estimés. L'adoption de la castration généralisée dans sa vacherie, l'a mis à même de produire en un temps. donné plus de fromages, et de livrer à la consommation une somme plus considérable de viande. Qu'au moment, en effet, où la vache est arrivée à son complet développement, à la pleine puissance de sa faculté laitière; à cet instant où, pour une quantité déterminée d'aliments consommés, elle produit la plus forte somme de lait; qu'à cette période, que nous avons appelée stationnaire, elle soit stérilisée par la castration; alors

l'adoption de la castration peut être un obstacle à la multiplication de l'espèce? C'est à peine nécessaire. Pour s'y laisser entraîner, il ne faut être capable d'aucune réflexion, et laisser de côté les plus simples éléments d'un tel problème. N'estil pas évident que dans les termes où nous venons de poser la question, aucune vache ne perd sa faculté de se reproduire qu'après avoir été fécondée plusieurs fois? C'est au maximum vers la sixième année que l'opération peut être pratiquée pour produire tous ses bénéfices, au moment où la bête n'est plus susceptible d'accroissement. Or qui ne sait qu'à cette époque chaque vache s'est au moins reproduite trois fois? La multiplication de l'espèce est donc assurée. Serait-ce que le nombre des élèves pourrait être diminué parce que la durée de l'existence des mères serait restreinte? Pas davantage. Cette incroyable considération a été émise, mais elle s'évanouit devant le plus superficiel examen. Celui-ci montre précisément que c'est le contraire qui est vrai. Aucun homme éclairé n'ignore que la production, en toutes choses, suit toujours la consommation et

s'accroît avec elle. Plus il se consomme de vaches, plus il s'en produit. Là où la demande se fait, le produit ne tarde jamais. Au lieu de nourrir pendant douze ans, par exemple, la même vache, tel cultivateur, dans les conditions que nous supposons, en entretient successivement deux durant la même période, avec la même quantité de fourrages. Il a produit finalement au moins le même nombre de veaux, en diminuant au moins aussi de moitié les risques de perte de son capital, par accident, maladie ou autre cas fortuit. A part cela, ce capital, répétons-le, demeure intact à l'expiration de la période, en plus des bénéfices fournis par son exploitation. Il serait superflu sans doute d'insister sur ce point. Les avantages de la cas-divers modes que nous devons passer successivetration, à tous les points de vue que nous avons examinés, ne sauraient être contestés.

| de l'espèce bovine, sans y avoir recours. En laissant de côté toute considération relative à son influence sur la lactation, il suffit qu'elle mette la bête dans le cas de tirer un meilleur parti des aliments qu'elle consomme, quant à l'accumulation de la graisse, pour qu'il n'y ait pas à hésiter. Toute vache destinée à l'engrais doit être châtrée, quel que soit le mode d'engraissement adopté : voilà sur ce point notre conclusion.

Est-ce à dire qu'il faille poser la pratique de cette opération en thèse absolue et n'admettre aucune exception à son application? Non pas, vraiment. Il y a telles circonstances où il peut être avantageux de conserver certaines vaches intactes durant toute l'existence qu'elles peuvent fournir. Et c'est notamment quand il s'agit d'entreprises d'amélioration de la race à laquelle elles appartiennent. Toutes les considérations économiques que nous avons fait valoir s'effacent alors devant le but poursuivi, s'il s'agit de mères d'élite dont il est nécessaire de multiplier les perfections. Cela se peut présenter aussi, en présence de laitières tout à fait exceptionnelles, dont le produit compense suffisamment l'amortissement du capital. Dans ces cas, le principe fléchit. Il appartient aux praticiens éclairés de les déterminer et de les saisir. Mais ce principe n'en subit aucune atteinte dans sa généralité.

Au point de vue qui nous occupe plus particulièrement en ce moment, et à l'occasion duquel nous avons cru qu'il pouvait être utile d'examiner sous toutes ses faces la question de la stérilisation des vaches, dans ses rapports avec la zootechnie, il est incontestable que cette opération est pour l'économie une véritable conquête, qui doit assurer à son inventeur, M. Charlier, la reconnaissance des agriculteurs et de tous ceux qui savent apprécier la valeur des services rendus. Si les persévérants travaux de notre collègue lui ont suscité des adversaires souvent bien passionnés et bien injustes, on a la consolation de voir qu'ils n'en ont été que plus goûtés par les hommes impartiaux, et que, sur divers points de l'Europe, se sont formés à son école des élèves et des auxiliaires qui s'appliquent à faire adopter partout l'opération. Il est permis de dire que la cause est maintenant gagnée, et que les sacrifices de toutes sortes que l'inventeur s'est imposés pour arriver au but si louable qu'il s'était proposé, n'auront au moins pas été perdus pour le progrès, s'il en doit supporter seul la lourde charge.

Quant à nous, ce que nous voulions surtout établir ici, c'est que la castration est un moyen certain de faciliter l'engraissement des vaches. Après la démonstration que nous avons donnée de ses avantages, il demeurera acquis, croyons-nous, qu'il ne serait en aucun cas sage d'entreprendre des spéculations sur l'engraissement des femelles

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ENGRAISSEMENT DES BOEUFS

L'engraissement des bœufs se pratique suivant

ment en revue. On engraisse dans les herbages, et l'opération est dite alors engraissement d'embouche ; on engraisse à l'étable, et l'on fait dans ce cas de l'engraissement de pouture; enfin les deux modes sont suivis l'un après l'autre, et cela constitue l'engraissement mixte. Nous aurons à voir quel est celui de ces modes qui est le plus économique, en étudiant à fond chacun d'eux, tout en reconnaissant à l'avance qu'ils correspondent à des systèmes de culture dont les conditions ne permettent pas toujours d'exercer un choix. L'engraissement à l'étable, qui se prête le mieux à l'emploi des procédés hygiéniques propres à favoriser la formation de la graisse, est celui qui tend le plus à se généraliser, à mesure que l'agriculture fait des progrès. Il permet de tirer parti, dans les spéculations d'engraissement, d'un grand nombre de matières alimentaires qui demeureraient autrement sans application utile, notamment des résidus industriels dont l'adjonction des usines à la ferme augmente chaque jour la quantité.

L'engraissement des animaux adultes de l'espèce bovine est une opération rendue accidentellement nécessaire, par suite de la réforme des bœufs de travail ou des vaches, dont il ne serait pas possible, dans l'état où ils se trouvent, de se défaire avantageusement; ou bien cette opération constitue une spéculation adoptée d'une manière permanente, une industrie préférée pour utiliser les fourrages et les matières alimentaires produits dans l'exploitation. Nous ne nous occuperons que de la dernière circonstance, les développements que nous consacrerons à cette spéculation pouvant fournir en même temps toutes les indications nécessaires pour l'opération accidentelle dont nous venons de parler.

Le premier soin à prendre, quel que soit le mode ou le procédé d'engraissement adopté, c'est de choisir les animaux d'engrais. Il faut donc commencer par examiner quelles sont les conditions les plus favorables à rechercher lorsqu'il s'agit d'exercer ce choix. C'est ici surtout qu'il importe de réunir les aptitudes diverses qui ont été précédemment indiquées comme indispensables, pour assurer le succès des entreprises zootechniques. Le résultat final de la spéculation dépend surtout du point de départ. L'écart entre le prix de la viande maigre et celui de la viande grasse est souvent si peu considérable, que l'art d'engraisser est moins important encore que celui d'acheter les sujets sur lesquels il doit s'exercer. Non-seulement il est

indispensable que l'engraisseur soit en mesure d'apprécier d'un coup d'œil le poids actuel de l'animal maigre, son aptitude à prendre la graisse et la quantité de viande qu'il pourra fournir à la fin de l'opération, mais encore il faut qu'il calcule exactement le prix qu'il ne doit pas dépasser pour faire une spéculation fructueuse. Toutes ces considérations rendent le métier d'engraisseur extrêmement difficile, et nous imposent l'obligation de ne rien négliger pour que toutes les données de cette délicate opération soient ici consignées. Voyons donc d'abord les caractères à exiger chez les sujets destinés à l'engraissement.

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capital engagé et se laisse séduire par l'appât du bénéfice brut. Dix francs gagnés sur deux cents francs lui paraissent plus que cinq francs sur cent francs. Il est heureux qu'il en soit ainsi, car dans ce cas les apparences sont en rapport avec la réalité. Elles conduisent à faire disparaître des opérations de culture la moins-value qui se produisait dans les attelages à mesure qu'ils prenaient de l'âge, et à supprimer la nécessité de l'amortissement. Le travail est obtenu à moindres frais. C'est un bénéfice réel.

Quoi qu'il en soit de ces considérations, sur lesquelles ce n'est pas le moment d'insister, elles n'en constituent pas moins une situation favorable pour l'industrie de l'engraissement. Celle-ci doit nécessairement subir les conditions qui lui sont faites pour le choix de ses sujets. Il faut qu'elle s'exerce sur la matière qui est mise à sa disposition par les circonstances agricoles relatives à l'exploitation du bétail, et cette matière se compose, en général, d'animaux ayant plus ou moins travaillé.

Ce n'est pas que le travail soit, d'une manière absolue, défavorable à la spéculation d'engraissement. S'il est incontestable que l'aptitude à prendre la graisse soit en raison inverse de la puissance mécanique, il ne l'est pas moins que certaines races bonnes travailleuses fournissent la meilleure qualité de viande, celle qu'on appelle la mieux marbrée, la plus persillée. La race parthenaise a toujours été, sous ce rapport, mise en première ligne. Tous les praticiens, en ces matières, s'accordent à considérer la viande des bœufs de Cholet comme la plus estimée des gourmets. Un travail modéré rend la fibre musculaire plus savoureuse, plus facilement pénétrable par les sucs albumineux et la graisse. L'important est seulement que les animaux n'aient pas été épuisés par un labeur trop prolongé. L'engraisseur doit donc donner toujours la préférence aux animaux les moins âgés, attendu que l'âge accuse à coup sûr ici la somme de travail qui a été produite.

Choix des animaux d'engrais. —S'il ne s'agissait que de réunir la spéculation de l'engraissement à celle de l'élevage, dans des conditions favorables, notre tâche serait maintenant des plus faciles. Il suffirait de renvoyer à ce que nous avons dit des caractères du type parfait de houcherie, des principes qui président à la production de ce type, et de l'élevage des races qui s'en rapprochent le plus. Mais ce n'est pas dans ces conditions que peut s'exercer chez nous l'industrie de l'engraissement. Dans les conditions actuelles de notre économie rurale, la plupart des races bovines ont été élevées d'abord en vue d'une autre destination. Les animaux ne sont livrés à l'engraisseur qu'après avoir fourni pendant un certain temps du travail ou du lait. Ceux qui passent directement de la spéculation d'élevage à celle de l'engrais forment une très-minime exception. I n'y a pas lieu, par conséquent, de s'en occuper. Le seul progrès en ce sens qui tende à se généraliser, c'est, ainsi que nous l'avons vu lorsque nous avons étudié la question du travail de l'espèce bovine, la réduction qui s'opère dans la durée du temps pendant lequel les animaux de cette espèce ont à exercer leur force musculaire. L'habitude du fréquent renouvellement des attelages de bœufs se répand dans des contrées où elle était inconnue jusque-là. Au lieu d'attendre que les animaux soient épuisés par un travail long et pénible, pour s'en défaire, les cultivateurs les vendent en pleine vigueur et en bon état. Tandis que ces animaux n'arrivaient en général sur les marchés d'approvisionnement guère avant l'âge de huit ou dix ans, pour le moins, et souvent au delà, il n'est pas rare d'en rencontrer àgés seulement de cinq ans, même parmi ceux appartenant aux races réputées les plus tardives. En outre, indépendamment de ce fait, les cultivateurs exigent de leurs attelages, pour un temps donné, une moindre somme de travail, à mesure qu'ils les nourrissent mieux. Survage, en un mot, suivant son degré d'amélioration. les foires et les marchés, les engraisseurs rencontrent donc principalement des animaux qui n'ont que peu dépassé leur âge adulte, et lorsqu'ils vont, ainsi que cela se pratique en certaines contrées, dans les étables des cultivateurs, ceux-ci font moins de difficultés pour leur livrer des bœufs de cet âge, qu'ils eussent auparavant tenu à conserver. L'élévation du prix des bestiaux n'a sans doute pas été étrangère à ce résultat. L'écart entre le prix d'achat du bouvillon et le prix de vente du bœuf adulte est proportionnel à cette élévation. Le cultivateur ne tient pas compte du

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S'il est bon de ne pas choisir des animaux trop vieux, il l'est encore davantage de repousser ceux qui sont trop jeunes. Ces animaux font peu de suif et. leur viande est de qualité inférieure. Les bouchers disent qu'ils tombent vers, et ne les estiment point. Il n'est pas possible de fixer à cet égard une limite formulée en chiffres. L'animal n'est propre à donner de la viande mûre qu'à partir de l'accomplissement de son état adulte, et l'àge auquel arrive cet état varie suivant la race, suivant la manière dont il a été traité dans l'éle

C'est une question de précocité. Tout ce qu'on peut dire, c'est que l'animal d'engrais ne doit plus avoir aucune dent de lait. Cela met l'époque la plus convenable entre cinq et sept ans. Les spéculations d'engraissement s'exercent dans les meilleures conditions, lorsqu'elles agissent sur des sujets dont l'âge se maintient entre ces deux limites extrêmes, à la condition, bien entendu, qu'ils soient d'ailleurs bien choisis.

Les qualités de conformation qui conviennent le mieux pour l'animal d'engrais ont été à plusieurs reprises indiquées dans ce livre. Il ne sera pas

inutile cependant de les rappeler sommairement en cette occasion.

Il importe d'abord de se souvenir que l'ampleur de la poitrine indique d'une manière certaine la puissance d'assimilation. On a démontré par les faits les plus rigoureusement recueillis que les animaux qui utilisent le mieux les aliments qu'ils consomment sont ceux qui, à poids vif égal, ont la circonférence thoracique la plus considérable. En conséquence, cela doit avant tout être pris en considération. Non pas qu'il faille engraisser seulement ceux qui sont doués d'une poitrine ample. On est bien obligé de les engraisser tous, à un moment donné, puisque leur destination finale est toujours l'abattoir. Mais on veut dire par là que le prix d'achat doit être établi pour une forte partie d'après cette base, qui est le principal élément de la spéculation.

superflu. Ils promettent surtout de bons résultats lorsque, malgré ces conditions défavorables, ils se sont maintenus en bon état.

Ces remarques, fondées sur l'expérience, ont surtout une signification intéressante à ce point de vue qu'elles démontrent la nécessité de tenir compte dans tous les cas de la provenance des animaux destinés à l'engraissement. Il y a là un élément notable de leur exacte appréciation. Celle-ci, d'ailleurs, est en outre subordonnée, pour une part, au mode d'engraissement adopté. Certaines conditions sont moins défavorables, s'il s'agit d'engraisser à l'étable, que s'il est question de mettre les animaux dans une embouche. Pour ce dernier cas, les animaux habitués à pâturer durant une partie de l'année conviennent mieux, et leur taille doit être en rapport avec la richesse de l'herbage où ils seront placés. Ceux qui ont longtemps travaillé prennent moins difficilement la graisse à l'étable qu'au pâturage. D'un autre côté, les vaches s'engraissent fort bien dans tels herba

tien des bœufs. On peut faire des observations qui mettent ce fait hors de doute, dans le Nord pour la race flamande, et dans le Nivernais pour la race charolaise. Il est surtout frappant au sujet des vaches stérilisées par la castration, mais nonobstant certain pour les cas ordinaires.

On pourrait à la rigueur se borner à cette indication, relativement aux formes, l'ampleur du thorax ne se montrant guère indépendamment des autres qualités qui font le bon animal de bou-ges qui pourraient à peine suffire pour l'entrecherie. Elle commande en effet un garrot épais et arrondi, un dos long, des reins larges, la croupe allongée et des hanches écartées, une cuisse bien fournie de muscles, un ventre peu volumineux et bien soutenu, une queue grosse à la base, fine à l'extrémité, et ne dépassant pas le jarret. Cette conformation s'accompagne aussi, le plus ordinairement, d'une tête large et courte, aux cornes grosses mais peu allongées, de membres bien musclés, mais dont les os sont peu volumineux relativement et les articulations peu développées. Avec cela, l'on doit accorder la préférence aux robes de nuance claire, à la peau souple et aussi peu épaisse que possible, dont les poils sont fins et frisés, et qui forme le fanon le moins développé, par rapport au caractère habituel de la race sous ce rapport.

L'état d'embonpoint mérite aussi de fixer l'attention. En général, il y a plus d'avantage à ne soumettre au régime de l'engraissement que des individus déjà dans cette situation d'embonpoint moyen que l'on appelle la bonne chair. Toutefois, la maigreur n'est pas une condition de répulsion absolue, à moins qu'elle ne dépende d'un état maladif ou de l'épuisement causé par un travail excessif. Les fourrages qu'il faut dépenser, dans ce cas, pour refaire les animaux, sont bien rarement payés à leur valeur. On n'y réussit d'ailleurs pas toujours. C'est donc une opération trop chanceuse pour qu'elle puisse être sagement tentée. Mais si la maigreur provient seulement de l'insuffisance de nourriture et de la pauvreté du pays dans lequel les animaux ont été entretenus, c'est différent. Les engraisseurs qui, de leur côté, ne disposent pas de grandes ressources, ont tout avantage à baser leurs spéculations sur les individus de cette catégorie, car seuls ils leur permettent de n'engager qu'un capital en rapport avec les ressources dont ils disposent, et d'obtenir des résultats en rapport avec ce capital. Ces individus profitent bien du changement de régime auquel ils sont soumis. Un faible surcroît d'alimentation devient tout de suite du luxe pour eux. Habitués à n'avoir pas le nécessaire, ils sont moins exigeants sur le

Enfin il convient aussi de tenir compte, pour ce qui concerne les boeufs, de l'abolition plus ou moins complète des caractères de la masculinité, déterminée par la manière dont leur émasculation a été opérée. La plupart de ces animaux, dans notre pays, sont bistournés. Leurs testicules, atrophiés à des degrés divers, conservent un volume fort variable. On croit généralement, parmi les praticiens, que l'aptitude à s'engraisser est en rapport avec le volume conservé par ces organes, vulgairement appelés marrons ; et les acheteurs habiles ne manquent point de les palper pour s'assurer de leur état. Quoiqu'il ne soit pas facile de s'expliquer, dans l'état actuel de la science, l'influence que peuvent exercer sur l'organisme les restes d'organes désormais impuissants à remplir leur fonetion principale, il n'en faut pas moins, dans le doute, se conformer à la croyance reçue. Il est admis que les boeufs ayant les marrons petits s'engraissent mieux et plus facilement que ceux qui les ont gros. Certains engraisseurs font même pratiquer l'extirpation de ces corps, ce qui est une opération peu douloureuse et tout à fait sans danger. D'où il faut conclure que les individus châtrés par l'ablation complète des testicules, dès le jeune âge, sont préférables pour l'engraissement à ceux qui ont été seulement bistournés.

Cela se rattache à une circonstance qu'il nous reste à indiquer, savoir que les animaux les plus propres, toutes choses d'ailleurs égales, à utiliser pour l'engraissement les fourrages qu'ils consomment, sont ceux qui unissent aux indices d'une bonne santé, un caractère paisible et doux. Les individus, bœufs ou vaches, inquiets et méchants, dépensent en pure perte dans une agitation stérile une partie de leur nourriture. Nous en avons dit la raison en commençant ce chapitre. Ils doivent être surtout rejetés pour les embouches, où

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