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qu'elles ne sauraient qu'éclairer la pratique sans jamais l'égarer. Il ne faut pas de grands efforts d'attention pour comprendre, après ce qui vient d'être dit, qu'un animal qui respire brûle de la graisse, et qu'il en consume d'autant plus qu'il respire davantage. Les animaux hibernants, la marmotte, par exemple, le hérisson, qui s'endorment très-gras au commencement de l'hiver et se réveillent maigres à la fin, en sont une preuve vulgaire. Les mœurs de ces individus montrent aussi que l'activité de la respiration, ou de la com

rir en effet les qualités gustatives et nutritives que la consommation recherche, les propriétés qui font la viande tendre et savoureuse, et dont les caractères seront détaillés dans le chapitre tout à l'heure annoncé, les muscles de nos animaux domestiques ont besoin de comporter une proportion de graisse et de sucs albumineux dépassant celle qui est nécessaire pour leur fonctionnement normal. Cet art de l'engraissement, qui a pour but de la leur communiquer, consiste donc essentiellement à les placer dans des conditions telles, que la plus forte somme possible de ces substan-bustion, est en rapport avec celle de la vie. Celleces contenues dans l'alimentation qu'ils reçoivent ne soit pas consommée par le jeu régulier de leurs organes, et s'accumule au contraire dans les tissus de ces organes.

ci, qui s'entretient durant des mois entiers par le repos absolu du sommeil, grâce à la provision de graisse accumulée, ne peut pas subsister chez les animaux qui ne jouissent pas de la faculté de s'endormir ainsi. Il résulte d'ailleurs de très-intéressantes expériences faites par M. Colin, que la durée de la vie et la conservation de la chaleur animale, chez les animaux entièrement privés d'aliments, est en raison de la quantité de graisse contenue dans leurs tissus. Les moins gras succombent toujours les premiers.

Les physiologistes, ainsi que nous l'avons déjà vu, ont divisé les aliments, d'après leur constitution chimique, en deux classes. Dans la première, ils ont fait entrer ceux qui, étant à base d'azote, concourent principalement à ce que nous pouvons appeler la constitution moléculaire des tissus; dans la deuxième, figurent ceux où dominent le carbone et l'hydrogène, les hydrocarbo- Ces considérations générales posées, nous alnés, et qui sont, à proprement parler, le combus- lons maintenant décrire successivement les pratible indispensable à l'entretien de la chaleur ani-tiques applicables à l'engraissement des animaux male, ou de la vie. Dans le fonctionnement de celleci, ces éléments sont en réalité brûlés par l'oxygène de l'air qui entoure les animaux et pénètre dans leur économie principalement par les voies respiratoires. Le carbone ou charbon, dans cette combustion comme dans celle de tous les foyers, se transforme en acide carbonique, et l'hydrogène en eau, qui sont l'un et l'autre, acide carbonique et eau, les principaux résidus de la respiration. C'est pour cela que les matériaux hydro-carbonés de la nourriture ont reçu le nom d'aliments respiratoires.

Or, ce sont ces aliments, matières grasses, huiles et graisses végétales, matières amylacées, farineuses, féculentes ou sucrées, qui concourent particulièrement, dans l'économie animale, au développement de la graisse, dont l'accumulation dans les tissus caractérise l'état d'engraissement. II | s'ensuit que cette accumulation est d'autant plus facile et plus prompte, que, dans l'économie, la combustion est moins active. Ce qui revient à dire que l'engraissement, pour une quantité déterminée d'aliments absorbés, est en raison inverse de l'activité de la respiration; bien entendu dans les limites de la conservation d'un certain état de santé.

Ces notions scientifiques, qui dominent toute la question de l'engraissement, étaient bonnes à rappeler d'une manière sommaire, avant d'entamer le côté pratique du sujet. Elles permettront au lecteur qui voudra bien y réfléchir, de se rendre compte des résultats que l'expérience a sanctionnés, pour la meilleure direction à imprimer aux animaux à l'engrais. Quant à ceux qui sont plus disposés à se contenter des solutions empiriques, ces notions ne sauraient nullement les gêner. Ils peuvent n'en faire aucun cas. Nous ajouterons cependant qu'elles sont de la plus rigoureuse exactitude, sanctionnées par les expériences et les observations les plus précises, et

de l'espèce bovine, sous les trois états auxquels ces animaux sont livrés à la boucherie. L'opération comporte en effet des particularités et des formes variables, suivant qu'elle s'applique aux bœufs, aux vaches, ou aux veaux. Il convient de commencer par ces derniers.

ENGRAISSEMENT DES VEAUX.

Dans la plus grande partie de la France, les veaux issus des vaches entretenues exclusivement pour leur lait, sont livrés de très-bonne heure à la boucherie. L'engraissement de ces jeunes animaux n'est pas une industrie. On s'en débarrasse le plus tôt possible, afin de pouvoir directement tirer parti de la totalité du lait fourni par leur mère. C'est là un abus auquel il y a lieu de remédier, autant dans l'intérêt des producteurs euxmêmes que dans celui de la consommation, à laquelle est ainsi livrée une viande qui n'est pas suffisamment salubre et nutritive.

Ce n'est guère que dans quelques contrées, faisant partie du rayon d'approvisionnement des grandes villes, et particulièrement de celui de Paris, que l'engraissement des veaux constitue une industrie particulière et régulière, et non pas accessoire de celle de la laiterie. Naguère encore, les environs de Pontoise, de Poissy, de Triel, de Meulan, de Mantes, la pratiquaient sur une grande échelle. L'établissement des chemins de. fer, en agrandissant le cercle d'approvisionnement du lait en nature, par les facilités que les voies ferrées donnent pour le transport rapide de ce liquide, a refoulé la spéculation dont il s'agit vers une zone plus éloignée. Rien en effet n'est plus avantageux, pour tirer parti du lait des vaches, que de le livrer directement au débouché d'un grand centre de consommation. L'engraissement des veaux s'est par ce fait relégué dans la Beauce, le

Gâtinais, la Sologne, d'une part, puis de l'autre dans l'Aisne, l'Oise et la Somme. Seine-et-Oise ne s'y livre plus qu'accidentellement, et ne s'y livrera bientôt sans doute plus du tout. Le département du Nord le pratique dans une certaine partie de son étendue, pour l'approvisionnement de la boucherie de Lille. Il est admis que la spéculation cesse d'être avantageuse, dès que l'on peut trouver écoulement pour le lait à raison de 10 centimes le litre, soit en nature ou sous forme de beurre et de fromage. Par des procédés artificiels d'alimentation, on a essayé de concilier les deux spéculations. Nous indiquerons tout à l'heure ces procédés, en passant en revue les pratiques suivies dans les diverses contrées qui viennent d'être indiquées.

C'est en décrivant en effet ce qui s'opère dans les pays où l'engraissement des veaux est le plus profitable, que nous pouvons donner les meilleurs enseignements. La France peut être considérée comme résumant exactement les pratiques adoptées à l'étranger. Les engraisseurs de la Belgique, par exemple, s'en apercevront facilement. Il n'y a aucune différence notable entre ce qui se fait sous ce rapport dans la Campine et ce que nous voyons dans la Beauce, l'Orléanais et le département du Nord.

Deux modes d'alimentation sont en général usités. Le premier consiste à nourrir le veau exclusivement de lait, qu'il tette au pis d'une ou de plusieurs vaches; dans le deuxième, on opère des substitutions, et l'on remplace tout ou partie du lait par ce que l'on appelle du thé de foin, par des décoctions de grains alimentaires, par des farines d'orge, de maïs, de féveroles, par du tourteau de lin.

Le thé de foin a été d'abord employé en Amérique. Il s'obtient en faisant infuser 1,500 à 2 kil. de bon foin ou de graines fourragères en proyenant dans 10 litres d'eau chaude. En France, M. Perrault de Jotemps, qui a fait des expériences précises sur l'emploi de ce liquide, l'obtenait en ajoutant seulement 500 grammes de foin à la même quantité d'eau. De ses essais comparatifs, il est résulté que 1 litre de thé de foin produisait 0,036 de poids vif, tandis que 1 litre de lait donnait 0,180. D'où il a été conclu que 5 litres de thé sont l'équivalent de 1 litre de lait. On conçoit facilement combien cette proportion ́est sujette à varier, tout à la fois avec la qualité du foin et celle du lait.

Les engraisseurs de la Beauce, de la Normandie, du Gâtinais, s'accordent pour prétendre que les veaux mâles s'engraissent mieux que les femelles. Mathieu de Dombasle et M. F. Villeroy sont aussi de cet avis. Dans le Nord, ce sont au contraire les vêles qui obtiennent la préférence. Aucune expérience rigoureuse ne permet encore de décider cette question. Quoi qu'il en soit, dans l'un comme dans l'autre sexe, on choisit, quand ón le peut, ceux qui ont la tête forte, le crâne large, le mufle ferme et bien arrondi, les oreilles courtes, fines et minces, la poitrine ample, bien arrondie, à bréchet large, l'épaule fournie, les reins larges, les hanches écartées, la cuisse descendue, la queue mince, les membres fins avec

de fortes articulations, la peau mince et souple, les poils soyeux et fourrés. On estime la vivacité du regard et la pétulance des mouvements.

Lorsqu'il s'agit de choisir parmi les véles celles qui doivent être livrées à l'engraissement, il se'rait bon de tenir compte des marques laitières qui sont déjà apparentes dès les premiers temps de la vie, et de réserver préférablement pour l'élevage les femelles dont l'écusson se montre le plus étendu. Il arrive souvent qu'on livre à la boucherie des femelles qui eussent fait d'excellentes laitières, pour en élever d'autres qui n'en donnent que de fort médiocres. Or, comme l'élevage des bonnes n'est ni plus difficile ni plus coûteux que celui des mauvaises, il y a tout avantage à les bien distinguer.

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Passons maintenant à la pratique de l'engraissement, dans les contrées où il s'effectue sur une grande échelle.

M. Delafond a donné, en 1844, des détails trèscirconstanciés sur l'opération, telle qu'il avait pu l'étudier dans le Gâtinais. Ces détails se rapportent également à la Beauce, et notamment au département d'Eure-et-Loir, d'après ce qui en a été publié depuis par d'autres observateurs, du moins pour ce qui concerne l'allaitement artificiel.

Dans les environs des villes d'Orléans, de Gien, de Montargis, de Pithiviers, les veaux à l'engrais prennent le lait presque exclusivement à la mamelle de leur mère. A un certain moment, surtout vers la fin de l'opération, si celle-ci n'en peut plus fournir une quantité suffisante, on fait teter le nourrisson à une seconde vache, et même à une troisième, ou bien on lui fait boire du lait, de manière à ce qu'il en consomme toujours à discrétion. Il tette trois fois par jour en hiver et quatre en été, lorsque les vaches consomment abondamment d'excellent fourrage vert. On tient surtout à alimenter copieusement le veau durant le premier mois de son existence, parce qu'on a observé que de là dépend le succès de son engraissement. En somme, dans ces conditions, la spéculation est fort simple. Elle consiste à bien nourrir les vaches laitières pour augmenter le plus possible leur rendement en lait, et à faire entièrement consommer celui-ci par les veaux. Une fois que ces derniers ont terminé leur repas, on leur met une muselière d'osier afin qu'ils ne puissent, dans l'intervalle d'un repas à l'autre, prendre aucune espèce d'aliments. Ils sont ensuite placés sur une bonne litière, dans un lieu isolé, un peu obscur et chaud, sans être insalubre, dit M. Delafond, où ils sont entretenus dans un grand état de propreté.

Il importe de se rendre compte du résultat économique de l'opération conduite de cette façon. Dans le quatrième volume du Traité d'agriculture de ses œuvres posthumes, Mathieu de Dombasle donne, à cet égard, d'intéressants renseignements. Il raconte des expériences faites par lui sur l'engraissement d'une soixantaine de veaux, et dans lesquelles l'illustre agronome a fait noter exactement la consommation journalière de chaque veau, et l'augmentation du poids de l'animal chaque semaine. Voici les données qui ont pu être recueillies.

D'après un marché fait avec un boucher de soit net 35 fr. 30, en défalquant sa valeur à la Nancy, les veaux gras étaient payés à raison de naissance. Mais il est douteux que cette opération 70 centimes le kilogramme, poids vivant. Le ait été bien conduite. Au cours moyen des veaux transport et l'octroi, à raison de 3 fr. 20 par tête, gras sur pied, un veau de cinq semaines bien enétaient au compte de l'engraisseur, qui ne devait graissé vaut plus de 45 francs. Nous allons voir pas livrer de veaux au-dessous du poids de 75 ki- du reste ce qu'il en est, d'après les estimations du logrammes. Le transport durait communément Gâtinais et de la Beauce, lorsque nous aurons inhuit heures. Pesés la veille, au départ, et àl'arri- | diqué la seconde méthode d'engraissement usitée vée, ce transport leur faisait généralement per- dans cette région, ainsi que dans beaucoup d'audre de 4 à 5 kilogrammes. Les veaux provenant tres. des vaches de la ferme étaient évalués, à la naissance, à un prix fixe de 9 francs; ceux achetés, à l'état maigre, à l'âge de huit à quinze jours, pesaient de 30 à 50 kilogrammes; leur prix variait de 30 à 40 centimes le kilogramme suivant leur état.

Les veaux de 30 à 40 kilogrammes consommaient de 6 à 8 litres de lait par jour. Cette quantité s'accroissait graduellement jusqu'à 16 ou 18 litres pour les veaux de 100 à 126 kilogrammes. L'un d'eux, qui a été poussé jusqu'à 160 kilogrammes, consommait, dans les derniers moments, 24 litres de lait par jour. Mais M. de Dombasle fait remarquer à cette occasion, qu'il n'y a pas d'avantage à faire de très-gros veaux, à moins que le prix de la viande ne soit plus élevé. A un prix uniforme, dit-il, l'engraisseur trouve d'autant plus de profit qu'il vend ses veaux plus jeunes; car, dans les premiers moments de l'engraissement, le veau augmente de valeur, nonseulement par le poids qu'il gagne, mais aussi par l'accroissement de prix qu'acquiert sa viande. Dès qu'il peut être réputé veau gras, si le kilogramme de viande n'augmente plus de prix, l'animal n'acquiert plus de valeur qu'en raison de son poids. Or, on conçoit facilement que dans ces conditions le lait consommé se trouve payé à un prix bien inférieur à celui des premiers moments de l'engraissement.

Dans les expériences de Roville, les meilleurs veaux, c'est-à-dire ceux qui ont le mieux profité, ont fait ressortir le prix du litre de lait de 9 à 10 centimes; pour le plus grand nombre, il ne s'est élevé qu'à 6 ou 7 centimes. La moyenne a été entre 7 et 8 centimes. L'augmentation en poids, par semaine, a été quelquefois de 12 à 13 kilogrammes pour une consommation journalière de 18 à 24 litres de lait. Le plus ordinairement, pour une consommation de 15 à 16 litres par jour, il y avait une augmentation d'environ 10 kilogrammes par semaine. Les petits veaux, en consommant de 8 à 10 litres, arrivaient à un accroissement de 6 à 7 kilogrammes par semaine. En calculant pour chaque veau la relation entre l'augmentation du poids et le nombre de litres de lait absorbés, on est arrivé à ce résultat que les variations ont été entre 8 et 13 litres par kilogramme de viande produite, suivant les dispositions individuelles. La moyenne est par conséquent d'environ 11 litres par kilogramme.

M. A. Gobin, de son côté, rapporte qu'un veau de race cotentine engraissé par lui du 9 avril au 20 mai 1847, à Grasmont, dans le Berry, ne paya le lait que 0,0176 le litre. Il avait reçu du lait à discrétion pendant ces quarante-un jours et en avait consommé 472 litres. Il fut vendu 45 fr. 50,

La méthode dont il s'agit consiste à faire boire le lait aux veaux dans un seau ou dans un baquet. Ils consomment indifféremment ainsi le lait de toutes les vaches de l'étable, et il importe surtout de le leur présenter alors qu'il n'a pas encore perdu de sa température normale. Lorsqu'il ne peut pas en être ainsi, l'on entretient celle-ci par des moyens artificiels. Maintenir le vase contenant le lait dans l'eau chaude est le meilleur de tous.

Dans cette méthode, il convient, autant que possible, de séparer les veaux de leur mère dès la naissance. Ceux qui l'ont déjà tetée s'habituent ensuite plus difficilement à boire au baquet. En général, la personne qui présente celui-ci la première fois au petit animal, y plonge sa main et en fait sortir un doigt qu'elle tâche de placer dans la bouche du veau, qui le saisit bientôt et aspire sur ce doigt comme il ferait sur le pis de la vache. De cette manière, il absorbe tout le lait contenu dans le baquet, et, après quelques jours de cet exercice, il s'habitue à boire tout seul. La pratique de l'allaitement artificiel ainsi exécuté tend à se généraliser de plus en plus, parce qu'elle est favorable aux substitutions et aux additions de substances nutritives, qui permettent de concilier l'engraissement des veaux avec l'exploitation directe du lait. Dans le Gâtinais et la Beauce, les cultivateurs qui font boire les veaux au baquet y ajoutent des échaudés, du pain blanc, de la farine de riz, ou du riz cuit dans l'eau. C'est aussi une habitude fort répandue de leur casser matin et soir dans la bouche des œufs frais, et de leur faire avaler le tout, contenant et contenu. On attribue à la coquille de l'œuf l'avantage de neutraliser les acides de l'estomac, et de prévenir les diarrhées qui atteignent souvent les veaux qui reçoivent avec le lait des aliments farineux de moins facile digestion. Au reste, les œufs sont réputés excellents dans l'engraissement des veaux. Ils passent pour améliorer la qualité de la viande. C'est seulement une question de savoir s'il est avantageux de leur donner cette destination. Au prix qu'ils ont acquis sur les marchés, par suite de l'exportation considérable qui s'en fait, cela est au moins fort douteux. On n'a jamais calculé le coefficient de leur rendement en viande de veau; mais il est permis d'admettre, à priori, qu'il n'est pas assez élevé pour qu'il ne soit point préférable de les vendre en nature, d'autant que le débouché ne leur manque jamais nulle part.

Quoi qu'il en soit, dans la région qui nous occupe, l'engraissement des veaux dure de deux à quatre mois. Ce dernier terme est exceptionnel. A deux mois et demi, ils pèsent, d'après M. De

lafond, 50, 60 à 70 kilog. viande nette. Beaucoup, ajoute-t-il, pèsent, à trois mois, de 150 à 160 kilog. Le prix de revient est d'environ 1 franc le kilog. A ce prix, il reste encore une bonne marge pour le producteur, car le cours moyen des veaux gras, sur les marchés d'approvisionnement des grands centres, ne descend guère au-dessous de 1 fr. 50, et atteint souvent jusqu'à 2 francs.

Dans le Nord, pour engraisser les veaux, on les enferme d'abord dans des boxes disposées exprès. M. Lefour a donné, dans son magnifique travail sur la race bovine flamande, la description et la figure de ces boxes, qui ont 0,50 de largeur, sur 1,70 de profondeur, de sorte que l'animal ne peut s'y retourner. Il y reste jusqu'à la fin de l'engraissement. On ajoute chaque jour de la litière nouvelle, et l'on ne sort le fumier que toutes les trois ou quatre semaines. En hiver, c'est seulement à la fin de l'opération qu'on le retire, à moins que l'animal ne soit pris de diarrhée. La porte d'entrée est ordinairement à charnières; dans d'autres cas, c'est une sorte de trappe qui glisse dans des coulisses et qui s'élève au moyen d'un contre-poids. Ces boxes ne sont pas fixes. Ce sont des sortes de boîtes qui peuvent être transportées aux divers points de l'étable.

On a constaté, là comme partout ailleurs, que la nourriture des vaches exerce une grande influence sur l'engraissement des veaux. Le lait de celles qui consomment de la pulpe de betteraves, des tourteaux, des féveroles, fait plus fréquemment contracter aux jeunes animaux des indispositions, et communique à leur chair une consistance huileuse qui la rend moins délicate. La betterave en nature, associée au regain de trèfle, à l'hivernage, est considérée, dit M. Lefour, comme une nourriture des meilleures pour la vache nourrice. On sait, ajoute-t-il, que les contrées dont les veaux tombent blancs, suivant l'expression consacrée par la boucherie, sont ordinairement celles à pâtures fraîches.

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ce qui fait que le prix de chaque litre se trouve à peine payé à raison de 10 centimes.

Dans le comté de Lanark, en Angleterre, un grand nombre de veaux sont engraissés jusqu'à l'âge de quatre à cinq mois, et arrivent à peser de 200 à 225 kilogrammes, poids vif. Ils sont nourris | exclusivement de lait. Dans le commencement de l'opération, c'est le premier lait de la traite qui leur est donné; vers la fin, au contraire, ils en reçoivent la dernière portion, qui est considérée comme plus riche et plus nourrissante. Lorsque l'animal semble perdre l'appétit, il est mis à la diète pendant un jour ou deux, et ne reçoit qu'une très-légère eau de gruau. S'il est constipé, on lui administre du bouillon de mouton. Dans le cas de diarrhée, l'engraisseur lui fait avaler une cuillerée de présure. Il a toujours à sa portée une pierre de craie qu'il lèche pour exciter la salivation. On a renoncé avec raison aux saignées pratiquées dans le but de blanchir la viande. De l'eau de gruau, donnée pendant les deux ou trois jours qui précèdent la vente, a pour but d'atteindre ce résultat, et d'éviter la viande rouge que produisent les animaux gorgés de nourriture. Dans quelques parties de l'Irlande, on administre aux veaux à l'engrais un mélange de craie pulvérisée et de farine délayées dans de l'eau-de-vie. Cette pratique a pour objet, comme celle des Flamands, relative à l'usage des décoctions de têtes de pavot et du malt de bière, de favoriser l'engraissement en plongeant l'animal dans une sorte de torpeur.

L'habitude de substituer le lait écrémé au lait pur se répand surtout en Allemagne, sauf à y ajouter des matières grasses étrangères, et les farineux dont il a été déjà parlé, notamment du tourteau. L'usage du thé de foin a pris peu d'extension en France. Au reste, toutes ces substitutions peuvent avoir de grands avantages, lorsqu'elles sont bien conduites; et elles sont indispensables, quand le prix élevé du lait et son écoulement facile ne permettent pas de l'employer à l'engraissement des veaux, si d'ailLes veaux à l'engrais enfermés dans leurs leurs ceux-ci ne peuvent pas être vendus tout boxes reçoivent trois fois par jour du lait pur, ad- de suite après leur naissance à de bonnes conministré avec les précautions que nous avons déjà ditions. Le seul écueil de la nourriture artifiindiquées. On y mêle quelquefois un peu de cielle est la diarrhée souvent très-grave qu'elle graine de lin ou des farineux. Certains engrais-provoque chez les jeunes individus, bien que ceux seurs leur font boire des décoctions de tête de pavot mêlées au lait. Cela les assoupit et les dispose mieux, selon eux, à prendre la graisse.

Du reste, à part ces particularités, l'opération ne diffère pas sensiblement, quant au reste des pratiques, de ce qui a lieu dans les autres localités dont nous nous sommes déjà occupés. Quant aux bénéfices de la spéculation, M. Lefour les estime de la manière suivante: La vente du veau pesant net, en moyenne, 62 kilogrammes, à 1 fr. 50 le kilogramme, produit 93 francs. Le fumier est évalué approximativement 7 francs. C'est donc pour les recettes 100 francs. Les dépenses se composent de l'achat du veau maigre, 15 francs, plus pour frais généraux et risques, également 15 francs; total, 30 fr. Il reste donc 70 francs, dont 58 fr. 50 seulement représentent le prix du lait employé pendant un engraissement de soixante-quinze jours, et dont la quantité est portée à 600 litres;

qui boivent exclusivement du lait, à la mamelle ou au baquet, n'en soient point exempts.

Lorsque cette diarrhée se présente, il est toujours plus prudent de faire appel aux lumières de l'homme de l'art, qui est en mesure d'y remédier promptement, et d'éviter tout au moins l'amaigrissement rapide qu'elle détermine, sinon la perte totale de l'animal. Cependant nous indiquerons ici les moyens de traitement qui ont été employés avec succès en pareil cas, ne fût-ce que pour ceux qui n'ont pas de vétérinaire à leur portée, ou qui voudraient agir en attendant sa venue.

M. de Dombasle prétend que chez lui la diarrhée des veaux a toujours cédé d'une manière très-prompte à l'administration du lait coupé avec de l'eau d'orge. Il est vraisemblable qu'il ne s'agissait là que de ce que l'on appelle une simple indigestion laiteuse. Les vétérinaires des pays où l'engraissement des veaux se pratique en grand

de se reproduire. Le seul argument sérieux qu'on ait pu faire valoir à l'encontre de cette conclusion, c'est que bon nombre de vaches, ainsi privées de leurs ovaires, ne tardent pas à prendre la graisse, au point de faire presque complétement tarir leurs manielles, quelle que soit d'ailleurs leur alimentalion. Cette objection fournit à nos yeux précisément la démonstration péremptoire des avantages économiques de la castration, ainsi que nous l'établirons tout à l'heure. Auparavant, il faut exposer en entier les éléments de la question.

n'ont pas été à beaucoup près aussi heureux, par-lité meilleure, que celles qui conservent la faculté ticulièrement ceux de la Beauce. Un habile praticien de ce dernier pays, Darreau, a préconisé depuis longtemps la crème de tartre soluble, à la dose de 60 à 75 grammes, en solution dans 4 litres d'eau tiède édulcorée avec du miel. On présente au jeune malade ce breuvage toutes les heures pendant douze à quinze heures. Lorsque la diarrhée s'accompagne de coliques. plus ou moins vives, on y joint 0,05 d'opium. Ce traitement a été généralement adopté. En Angleterre, on emploie, suivant la coutume médicale de ce pays, des purgatifs plus énergiques, composés de rhubarbe, 28,50; d'huile de ricin, 56 grammies, et de gingembre, 085,90. On assure que cette formule est très-efficace; mais il serait dangereux, croyons-nous, de l'opposer à tous les cas de diarrhée, tandis que celle de Darreau ne peut présenter aucun inconvénient.

ENGRAISSEMENT DES VACHES

Thomas Vinn, maître d'hôtel à Natchez, dans la Louisiane, paraît être le premier qui ait attribué à la stérilisation de la vache l'influence que nous venons de voir sur la sécrétion laiteuse. Lorsque les observations sur lesquelles il s'était appuyé furent parvenues en Europe, plusieurs expérimentateurs se mirent en devoir de les vérifier, notamment en Suisse et en France; et il demeura démontré expérimentalement qu'en effet les vaches privées de leurs ovaires conservaient leur lait bien au delà du terme d'une année, sans diminution sensible du rendement journalier. Mais ce fait resta longtemps sans application, douteux qu'il était encore pour le plus grand nombre des vétérinaires, et à peu près entièrement ignoré des agriculteurs.

La pratique de l'engraissement des femelles de l'espèce bovine ne diffère pas sensiblement de celle qui se rapporte aux boeufs. Il n'y aurait donc pas lieu de faire à cet égard une distinction, si la question ne se rattachait à une opération dont il importe beaucoup d'examiner les avantages, au Les choses en étaient là, lorsque M. P. Charlier, point de vue de l'économie rurale. Nous voulons alors vétérinaire en Champagne, entreprit de géparler de la castration, ou mieux de la stérilisa-néraliser la pratique de l'opération. Celle-ci, telle tion des vaches, à juste titre considérée comme favorisant considérablement la transformation en graisse des aliments consommés.

Cette opération a été beaucoup préconisée, dans ces derniers temps surtout, principalement à cause de l'influence qu'elle exercerait sur la production laitière. Pratiquée après le vêlage récent, et au moment où la bête est en pleine lactation, on assure qu'elle maintient la sécrétion des mamelles bien au delà de son terme normal, en communi- | quant au lait une richesse plus grande. Des faits maintenant assez nombreux tendent à prouver en effet qu'il en est ainsi. Mais, sous ce rapport, la question est encore controversée. On s'accorde cependant pour reconnaître que la castration est le seul moyen de tirer parti des vaches dites taurelières, qui, sous l'influence de l'excitation morbide que leur cause un état presque permanent de rut, ne donnent que peu ou point de lait, dépérissent promptement, et tombent dans le marasme et la phthisie.

L'attention s'est surtout portée sur les rapports de la stérilisation avec la production du lait. Comme il arrive presque toujours, de regrettables exagérations ont suscité d'ardents adversaires, qui, dépassant eux-mêmes le but, ont été entraînés à nier que l'opération exerçât la moindre influence sur la conservation de la sécrétion mammaire. Il n'en est pas moins constant et parfaitement démontré que, dans le plus grand nombre des cas, les vaches rendues stériles par l'extraction des ovaires, au moment où leurs mamelles sont en pleine activité, donnent pour une période dont la durée varie, mais qui dépasse souvent deux années, une plus grande quantité d'un lait de qua

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qu'elle avait été imaginée en Amérique, et répétée en Europe, consistait à aller extirper les ovaires de la vache par une incision faite au flanc de la bête. D'après ces errements, M. Charlier se mit à l'œuvre. Mais comme il ne rencontrait pas, au gré de son ardeur pour un progrès dont il prévoyait les conséquences au point de vue de l'économie sociale, un assez grand nombre de propriétaires disposés à courir les risques d'une opération assez effrayante au premier aspect, il résolut de consacrer au triomphe de son idée toutes les ressources personnelles dont il pouvait disposer. Une mortalité considérable vint à plusieurs reprises déjouer ses espérances, mais ne refroidit point son zèle; et avec un désintéressement dont on ne trouve que de rares exemples, il n'en persévéra pas moins dans son entreprise, cherchant à déterminer les conditions dans lesquelles l'opération pouvait être pratiquée sans danger. M. Charlier s'était constitué, à ses risques et périls, le véritable apôtre de la castration; il sacrifia tout clientèle, fortune, repos, au but qu'il poursuivait. Les échecs ne le découragèrent point. Il avait acquis la certitude du fait annoncé. Les avantages absolus de l'opération lui étaient démontrés. Il ne restait plus qu'à mettre en évidence ses avantages économiques. Fort de ses résultats personnels, et avec cette sorte de témérité qui est le propre des hommes fortement convaincus, M. Charlier faisait appel à tous les moyens capables de le mettre en mesure de fournir la démonstration pratique de l'efficacité de la castration. Les occasions d'opérer en dehors de ses propres étables étaient par lui saisies avec empressement, comme une bonne fortune. Sa bonne foi était telle que les conditions les plus défavora

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