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A quels signes reconnaît-on les fromages de Gruyère de bonne qualité? On les reconnaît à leur pâte jaunâtre, fine et fondant dans la bouche. Sur ce point tout le monde est d'accord, mais il en est un autre sur lequel on ne s'accorde nullement. Beaucoup de personnes posent en fait qu'un bon fromage de Gruyère doit être percé de gros trous; d'autres, et nous sommes du nombre avec les fabricants du Jura, soutiennent que le bon Gruyère a les yeux petits, très-petits, et des fissures légères par où suinte la saumure. Les gros yeux dans une pâte de cette nature, sont des indices d'un coup de feu trop violent.

Les fromages ne se font bien que dans la cave de la fruitière, et uniquement parce qu'ils y sont en grand nombre. Ce résultat est dû vraisemblablement à l'influence du gaz ammoniacal qui se dégage des fromages en fermentation et qui réagit ensuite sur eux. Cette conjecture s'accorde assez bien avec le procédé de M. Villeroy, procédé dont M. Malaguti nous parle en ces termes dans ses Lecons élémentaires de chimie :

«M. Villeroy fait intervenir l'ammoniaque dans la préparation du fromage. Il assure que le produit est plus agréable au goût et plus salubre. Voici comment il opère.

« Lorsqu'il a salé le fromage bien pressé, il le pétrit en y ajoutant une quantité d'ammoniaque | suffisante pour lui enlever la plus grande partie de son acide. Après avoir ainsi traité le fromage, il lui donne la forme voulue au moyen d'un moule, et il le laisse exposé quelque temps à un courant d'air pour le sécher extérieurement.

« L'effet de l'ammoniaque, dit M. Villeroy, est surprenant. A mesure qu'on travaille le fromage, il change d'aspect, prend l'apparence d'une masse butyreuse et a toutes les qualités qu'on peut attendre d'un fromage sec; il est d'ailleurs d'une digestion bien plus facile que le fromage frais. >>

Il est inutile d'ajouter que M. Villeroy opérait sur les fromages ordinaires de sa ferme.

A

Fromage d'Édam ou de Hollande. moins de connaître très-bien la langue hollandaise, ou d'avoir sous la main un interprète trèscapable, il devient impossible d'étudier sur place, du côté d'Amsterdam, la fabrication du fromage d'Édam. Nous ne l'avons vu fabriquer que sur les frontières du Brabant septentrional, et si nous en parlons sciemment, nous le devons à l'obligeance d'une dame qui a opéré en notre présence.

Voici une table, et sur cette table un baquet. On y verse 24 litres de lait chaud, tout frais trait et filtré, pour obtenir un fromage qui pèsera un peu plus de trois livres et demie (un peu plus de 1kil,750). On ajoute à ce lait une cuillerée à bouche de bonne présure, pas davantage; on couvre le baquet d'un linge, et l'on attend.

Au bout d'une heure environ, le caillé est formé, la masse est compacte. On prend alors une assiette plate ordinaire et on la tient de champ, de manière à diviser le caillé avec le bord, comme avec un couteau, à l'enlever sur l'assiette en inclinant celle-ci, et à le laisser ensuite glisser et retomber naturellement. Par cette manœuvre

constamment répétée, le caillé qui retombe de l'assiette dans le baquet se divise assez vite, et la division est estimée complète quand les grumeaux sont à peu près du volume d'un pois. Si les morceaux étaient plus gros, la cuisson se ferait inégalement et l'opération serait manquée.

Cela fait, on verse lentement de l'eau bouillante dans le baquet et on agite le fromage avec l'assiette, de manière à favoriser l'action de l'eau sur toutes les parties. Quand le caillé se réunit et commence à former corps, on cesse de verser. l'eau bouillante, et on frappe avec le plat de la main contre les parois intérieures du baquet pour que la pâte n'y adhère point.

Au bout de quelques minutes, le caillé se dépose et le petit-lait mêlé de crème surnage. Dès que le dépôt est achevé, on enlève avec l'assiette le petit-lait surnageant, avec la précaution de ne pas prendre de grumeaux, et on suspend le décantage dès que l'on approche la pâte de très-près.

On fait chauffer le petit-lait enlevé jusqu'à ce qu'il bouille; puis on le reverse doucement dans le baquet. On remue de nouveau avec l'assiette, et, une fois le mélange opéré, on frappe les douves avec la main pour précipiter le dépôt du caillé troublé. Aussitôt ce dépôt reformé, on retire comme précédemment une partie du pelit-lait qui surnage, on le chauffe, mais sans le conduire à l'ébullition; on le reverse encore dans le baquet, et l'on remue avec l'assiette afin d'achever la cuisson du fromage. Cette cuisson est arrivée à point lorsqu'en pressant le caillé dans la main, il forme bien la pâte.

Tout ceci est plus long à décrire avec la plume qu'à manipuler dans une laiterie.

La pâte est donc cuite. On prend, après cela, un baquet vide dans lequel on place un moule à fromage en bois, troué çà et là, et de la forme de nos anciens gobelets à pied. On recouvre ensuite le baquet d'un tamis de crin, et l'on verse dans ce tamis la pâte de fromage que l'on presse de son mieux pour bien l'égoutter. Le petit-lait qui s'en échappe tombe dans le baquet, mouille le moule que l'on y a mis et communique le goût de fromage au bois du moule en question.

Fig. 557. Moule à fromage d'Édam.

Cela fait, on enlève le tamis avec la pâte qu'il contient, et l'on verse cette pâte dans le baquet vide qui a servi à faire cailler le lait. Là, sans perdre de temps, on reprend cette pâte, on la broie et on la presse dans un moule pour compléter l'égouttenient. Ceci fait, on retire le fromage du moule en question et l'on en bourre celui qui se trouvait tout à l'heure sous le tamis, en pressant fortement avec les mains pour obliger la pâte à rendre par les trous ce qu'elle peut contenir encore de petit-lait.

Les eaux qui sortent du fromage ainsi malaxé et pressé contiennent de la crème qui monte audessus du petit-lait. On l'enlève et on la mêle au lait destiné à être battu pour la fabrication du beurre.

Quand le fromage a été fortement pressé dans son moule définitif, on l'enlève et on le replace dans le même moule, mais du côté opposé, afin de régulariser les formes en le pressant de nouveau. La pression achevée, on l'ôte encore, afin de déboucher les trous du moule que la pâte a obstrués, et on le remet dans sa première position. Puis on le recouvre d'une rondelle en bois, d'un diamètre un peu inférieur à celui de l'orifice du moule, et l'on charge cette rondelle ou couvercle d'un poids de 1,500.

Durant une demi-journée, on retourne le fromage toutes les heures, afin de mettre le dessous dessus et vice versá; après quoi on le laisse passer la nuit dans la forme.

les fragments de caséum qu'il pourrait tenir en suspension, ou qu'on aurait enlevés avec l'écuelle pendant le décantage.

« Cela fait, la cuve est inclinée sur le côté, et le caillé, réuni au moyen de l'écuelle, en une masse que l'on charge d'un poids. Après trois ou quatre minutes de pression, il s'écoule de la masse une certaine quantité de petit-lait qu'on enlève en imprimant à la cuve une plus forte inclinaison, tout en s'opposant à la sortie du gâteau de caillé. Avant de se rendre dans le récipient qui lui est destiné, le petit-lait est encore soumis à un tamisage.

« La même opération se répète quatre fois. Tout le caséum est alors réuni en une seule masse élastique, et ne contient plus qu'une très-faible proportion de petit-lait. On procède ensuite à la mise en forme, en prenant d'abord environ deux poignées de caséum qu'on écrase avec beaucoup de

Le lendemain, on charge le fromage d'un poids de 2 kilos, et, au bout de quelques heures, on le plonge dans de l'eau assez salée pour qu'un uf frais n'aille pas au fond du vase. On laisse le fromage dans ce bain pendant vingt ou vingt-soin. Lorsque la division est complète, on introquatre heures, et, en le retirant, on l'essuie avec un linge passé à l'eau tiède salée et préalablement tordu.

On renouvelle cette opération avec le linge deux fois par jour, matin et soir, pendant une semaine. Ensuite on se borne à essuyer le fromage tous les matins avec une serviette sèche, afin d'empêcher la moisissure.

Au bout de six semaines, le fromage d'Édam est bon à manger.

duit ces deux poignées dans le fond d'un moule ou d'une forme, et on les presse fortement avec les poings fermés. Puis on prend la même quantité de caséum que l'on écrase de la même manière, et qu'on introduit sur les premières, en les soumettant de même à une forte pression. Après cinq ou six opérations semblables, la forme est pleine, mais on continue à presser pendant cinq ou six minutes, en ayant soin de retourner le fromage trois ou quatre fois, et de déboucher les

Dans tout ce qui précède, il n'y a rien d'énig-trous qui doivent donner issue an petit-lait. matique, pensons-nous. Les plus humbles d'esprit s'y retrouveront aussi bien que les ménagères les plus intelligentes. L'important, dans cette préparation, c'est de ne point négliger les petits détails qui la terminent. En apparence, ils sont futiles; en réalité, ils sont indispensables.

« Le fromage se présente à ce moment sous l'aspect d'une masse compacte et résistante, de forme ovoïde. On le roule dans un linge fin, à tissu peu serré; puis, après l'avoir baigné pendant une minute dans du petit-lait chauffé à 50° centigrades, on le replace dans sa forme, qui est fermée par un couvercle.

« Quand tous les fromages provenant d'une même fabrication ont été amenés à ce point, on les introduit sous la presse où ils doivent séjourner de deux à douze heures, suivant la saison, douze heures en été; deux, trois ou quatre heures en hiver. Un levier simple remplit tout aussi bien

Des expériences sur la fabrication du fromage de Hollande ont été faites à la vacherie de SaintAngeau (Cantal), et livrées à la publicité par un homme très-compétent qui se dissimule sous le pseudonyme de L. Marchand. Le procédé suivi se rapproche plus ou moins de celui que nous venons de décrire, mais il nous semble un peu plus compliqué. Toutefois, il nous paraît utile de l'in-le but que les machines, plus compliquées et diquer.

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« Le lait provenant d'une traite est immédiatement transporté dans la laiterie, versé dans une cuve, et mis en présure avant qu'il ait eu le temps de se refroidir au-dessous de 30 degrés. On n'opère généralement pas sur moins de 20 litres à la fois. La présure dont on se sert en Hollande se prépare avec des caillettes de veau; on y ajoute une sorte de teinture très-énergique désignée sous le nom d'annato. 1/1000 à 1/500 de cette présure suffit pour déterminer la coagulation du lait dans un intervalle de cinq à douze minutes.

« Aussitôt que le caillé est réuni en une seule masse homogène, on le divise en une multitude de petits grumeaux au moyen d'une grille en cuivre que l'on promène lentement dans la cuve. Quand toute la masse est convenablement divisée, on cesse de remuer, le caséum se précipite, et il ne reste plus qu'à enlever le petit-lait au moyen d'une écuelle en bois. On a soin toutefois de faire passer ce liquide sur un tamis, afin de recueillir

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très-différentes de forme, dont on se sert en Hollande. Une pression très-énergique n'est d'ailleurs nullement nécessaire pour la préparation du fromage d'Édam, qui est le seul qu'on fabrique à Saint-Angeau.

« Au sortir de la presse, les fromages sont débarrassés de leurs linges et mis dans des formes à saler, qui, elles-mêmes, sont rangées d'après l'âge des produits qu'elles renferment dans une cuve saler.

à

« La forme est à peu près semblable au moule, si ce n'est qu'elle se termine en pointe et n'est percée que d'un trou.

« La cuve à saler peut contenir quarante-huit fromages; elle est rectangulaire et repose sur deux tréteaux de grandeur inégale qui la maintiennent dans une position inclinée d'arrière en avant; quatre rainures pratiquées dans le fond recueillent les liquides qui s'écoulent au dehors dans un récipient quelconque.

« La salaison dure neuf à douze jours. Pendant

90 grammes de présure. On enveloppe celle-ci dans un morceau de toile, on la trempe dans le lait, et tandis qu'une autre personne remue constamment le lait, on presse la présure avec les doigts jusqu'à ce qu'elle soit à peu près dissoute. On re

tout ce temps, il faut que les fromages soient retournés dans la forme à saler, et enduits d'une bonne couche de sel humecté fortement. Quand la salaison est terminée, ce qui se reconnaît à la dureté et à la résistance de la croûte extérieure, on baigne le fromage dans de l'eau à 30 ou 35 de-couvre alors la chaudière et on éteint le feu. Lorsgrés, on le fait sécher ensuite pendant une heure ou deux, et on le transporte enfin dans le magasin, où des rayons sont disposés par rangées à un mètre d'intervalle. On fait choix, dans ce but, d'un local très-sec, très-sain, et où doit régner une excessive propreté; la température devrait être maintenue autant que possible entre 17 et 18 degrés; mais c'est là une condition qu'il n'est pas toujours facile de remplir.

« Les fromages en magasin sont retournés une fois chaque jour, et même deux fois pendant l'été. Au bout de quinze à vingt-cinq jours, on les fait tremper pendant une heure et on les lave avec beaucoup de soin au moyen d'un linge. Ce lavage se répète encore après une période de vingt à vingt-cinq jours. Six semaines se sont écoulées depuis la fabrication, et c'est alors, à ce moment, qu'en Hollande du moins, les fromages sont portés sur les marchés et livrés au commerce qui leur donne la dernière main. Mais en France, et particulièrement dans le Cantal, où cette industrie de création nouvelle ne se trouve naturellement pas dans les mêmes conditions, il faut, de toute nécessité, que le producteur s'occupe lui-même de préparer sa marchandise en continuant à la retourner tous les jours, et en la grattant légèrement de manière à polir la croûte, qui prend à peu près l'aspect transparent de la corne ou de l'ivoire poli. Lorsque les fromages sont ainsi suffisamment secs, on les colore en rouge au moyen du tournesol dissous dans de l'eau contenant déjà du rouge de Berlin, puis on les livre au commerce dans des caisses à casiers disposés de telle sorte qu'elles puissent donner accès à l'air. »

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Fromage de Parmesan. Nous empruntons ce qui suit au Traité des bêtes bovines, par M. Aug. de Weckherlin:

- «Le fromage de Parmesan appartient aux fromages les plus recherchés. Il a une saveur agréable, tout à fait particulière; il se conserve plus longtemps que les fromages plus mous, et il n'acquiert jamais comme ceux-ci une odeur et une saveur rances ou même putrides. Il se fait de lait en grande partie écrémé et par une température élevée.

« Les vaches, dont on emploie le lait pour faire du Parmesan, sont traites deux fois par jour, le matin à la pointe du jour et le soir à cinq heures. Lorsque le lait a déposé une partie de sa crème, on enlève celle-ci, et on en fait du beurre, et le lait est versé dans de grandes marmites en cuivre qui contiennent 12 à 14 litres, et dans lesquelles on le laisse reposer dans un endroit frais jusqu'au lendemain matin.

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que le lait est caillé, ce qui arrive au bout de trois quarts d'heure à une heure, on fait sous la chau-. dière un feu de flamme avec du bois de combustion rapide, et on remue assidûment la masse avec un bâton pourvu de pointes transversales, jusqu'à ce que les parties caillées se soient divisées. On ajoute alors du safran en poudre fine, à raison de 30 grains environ pour 800 litres.

« Après le premier feu flamboyant, au bout d'un quart d'heure, on en fait un autre semblable, et avec un autre bâton qui porte à son extrémité inférieure une espèce de plateau, on continue sans interruption à remuer la masse jusqu'à ce qu'elle arrive à 25o. On reprend alors le bâton à pointes transversales pour diviser le caillé aussi finement que possible.

« Lorsque cela a été fait, on recommence à remuer sans interruption avec le bâton à plateau et on chauffe de nouveau de manière à élever la température à 42-44° Réaumur. Après cela, on retire la chaudière du feu. La masse est laissée en repos pendant un quart d'heure. Quand tout le fromage s'est déposé au fond, on enlève le petit-lait qui le recouvre jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus que le dixième. Alors celui qui fait le fromage se penche au-dessus du bord de la haute chaudière, presse avec les deux mains les parties caséeuses en une masse ferme, ce qui est achevé en cinq minutes. Il fait ensuite pénétrer entre le fond de la chaudière et le fromage un linge assez long pour que toute la masse porte dessus. Pendant qu'il tient le linge, une seconde personne enlève de nouveau le petit-lait pour que la lourde masse de fromage soit plus facile à retirer de la chaudière. C'est ce que font deux personnes qui tiennent le linge par les deux extrémités. Puis le fromage est mis dans des vases troués, pour l'égouttage, et ensuite dans une forme ou large cerceau en bois maintenu par une corde. Le fromage, toujours enveloppé avec le linge, reste jusqu'au soir dans la forme sur une table un peu en pente; mais on ne le charge d'aucun poids. On l'emporte ensuite avec la forme dans le caveau à fromage qui occupe le rez-de-chaussée et dont les fenêtres sont au nord et fermées. Le lendemain, on enlève le linge, et on laisse le fromage en repos pendant quatre jours. Alors, on commence à lui donner du sel, et les Lombards prennent à cet effet du sel marin. On le répand à la surface du fromage où il se dissout pour pénétrer dans l'intérieur.

<< Pendant les vingt premiers jours, on retourne une fois par jour le fromage et on le saupoudre de sel. Les vingt jours suivants, on ne le retourne plus et on ne le sale plus que tous les deux jours. On estime à 25 grammes la quantité de sel employée pour la salaison d'une livre de fromage (500 gr.). A défaut de place, on met deux fromages l'un sur l'autre. Aussi longtemps que le fromage est « Pour douze seaux de lait, on prend environ dans la chambre, il reste entouré de son cerceau.

« Alors, on le met dans la chaudière à fromage; on le chauffe sur un feu modéré jusqu'à 22° ou 24° de chaleur, et on le fait cailler avec la caillette desséchée.

« Au bout de quarante jours, il est assez ferme, et assez salé pour être mis en magasin. Celui-ci est un autre caveau spacieux et élevé qui doit être sec et dans lequel le soleil ne doit pas pénétrer. On y place les fromages sur des planches fixées aux murs; mais avant de les y placer on commence par les râcler, par verser dessus du petit lait chaud, par comprimer la croûte avec un bois plat, et enfin par enduire ces fromages d'huile de lin.

« Dans le magasin, on retourne deux fois par jour chaque fromage et on les graisse tous les deux jours.

« Le quintal de fromage de huit mois se vend aux marchands en gros à raison de 20 florins, tandis qu'on paye volontiers 40 florins le fromage de quatre ans. >>

Fromage de Sassenage. Le volume de l'Agriculture française consacré au département de l'Isère, nous donne sur la préparation du fromage | bleu ou de Sassenage, des renseignements fournis par un praticien distingué. Ces renseignements ne sont pas, à beaucoup près, aussi clairs qu'on pourrait le désirer; il s'agit donc de les dégager de leur obscurité.

Il est d'usage d'ajouter au lait de vache un dixième au moins ou un cinquième au plus de lait de chèvre ou de brehis. Supposons que l'on opère sur un mélange de 100 litres de lait. Aussitôt la traite achevée, on en coule 75 litres dans un chaudron de cuivre et l'on met le chaudron sur le feu. Lorsque le lait s'emporte et menace de s'en aller par-dessus les bords, on enlève le chaudron, on l'écrème au bout de vingt-quatre heures. Alors on peut chauffer 25 litres d'une seconde traite, et, dès que l'ébullition a lieu, cn les verse dans le lait écrémé et l'on mélange bien. La température de ce mélange s'élève à 32o ou 35° centig. On ajoute tout de suite un quart de litre environ de présure, puis on recouvre bien le vase en bois. Au bout d'une demi-heure, le lait se caille; on le remue pour diviser la masse, et, à mesure qu'il se dépose, on l'enlève avec une large cuiller. Cette opération ne dure pas moins d'une heure.

Une fois le fromage séparé du petit-lait, on le pétrit soigneusement avec la main, de manière à rendre la pâte aussi fine et aussi homogène que possible. Après cela on introduit cette pâte en la pressant, dans un moule en bois de la forme d'une coupe, percé de toutes parts et garni d'un linge à l'intérieur. Cette seconde opération prend une demi-heure environ. On rabat ensuite les bouts du linge sur la pâte, on emporte le moule avec le fromage sur une table à égouts près du feu et on l'y laisse toute une journée.

Le lendemain, on change le fromage de moule et on enlève le linge. Il suffit pour cela d'appliquer sur le premier moule un second moule de même diamètre, de retourner le fout sens dessus dessous et d'imprimer une petite secousse.

Une fois le transvasement opéré, on répand sur la partie découverte du fromage une couche de sel pilé (de l'épaisseur d'un centimètre environ), et on le laisse s'en saturer pendant une journée. Le lendemain, le fromage, devenu ferme, peut

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être retourné sur la main; on le retourne donc pour saler l'autre face; puis on sale le tout en frottant avec la main et en pressant pour mieux fixer le sel.

Le fromage salé ainsi est déposé dans un endroit sec et chaud, sur du glui; on le retourne souvent, et au bout de quatre ou cinq jours, lorsqu'il est arrivé à un état de consistance convenable, on le transporte dans une cave d'une température fraîche et peu variable. C'est là qu'il s'affine et bleuit à l'intérieur. On ne le livre au commerce qu'au bout de deux ou trois mois.

Les 100 litres de lait rendent à peu près 10 kil. de fromage prêt à être mangé et 3 kil. 1/2 de beurre fondu.

Fromage de Livarot.

Nous ne connais

sons la fabrication de ce fromage que par ce qu'en a dit M. J. Morière, dans l'Annuaire normand de 1858. Il nous suffira de quelques lignes pour résumer ce travail, dont l'exactitude ne saurait faire doute dans l'esprit de personne.

Le livarot est un fromage normand de qualité médiocre, très-répandu, d'une odeur prononcée et de bonne garde. On le fabrique dans le Calvados, surtout dans les communes de Livarot, Boissey, Viette, Montviette, la Gravelle, dans toute la vallée de Vimoutiers et dans celle de Courson.

On prend du lait de la veille après l'avoir écrémé, on le chauffe de manière à ramener sa température au degré qu'on lui connaît au sortir du pis de la vache, puis on le verse dans un grand baquet pouvant contenir 200 et quelquefois même 300 litres. On y met de la présure liquide dans la proportion d'une cuillerée à bouche pour 30 litres de lait, si l'on opère en été, et de deux cuillerées en hiver.

Lorsque la coagulation est complète, ce qui arrive au bout d'une heure ou deux, on rompt le caillé le plus mince possible, point essentiel, après quoi, on l'enlève du baquet pour le déposer sur des joncs ou de la toile. On l'y laisse un quart d'heure environ, puis on en remplit des éclisses où on lui donne le temps d'égoutter et de prendre une consistance convenable. En été, lorsque la chaleur est intense, c'est l'affaire de trois ou quatre heures seulement, délai trop court et nuisible à la qualité de la pâte. Cependant, il n'est pas à désirer non plus qu'elle séjourne trop longtemps dans les formes. Un à quatre jours, suivant la saison et la température, sont les limites dans lesquelles on agit le plus ordinairement. Dans l'intervalle, on retourne les fromages de six à dix fois pour faciliter l'égouttement.

Au sortir des éclisses, les fromages blancs sont salés dans tous les sens, puis placés sur des tables en pierre ou en bois, légèrement inclinées, où on les laisse quatre ou cinq jours. De là, à moins cependant qu'on ne les envoie de suite au marché, on les transporte au hâloir ou séchoir, disposé comme celui que nous avons figuré en traitant du fromage de Saint-Cyr. Au bout de quinze jours en été et d'un mois en hiver (il va sans dire que l'on a soin de chauffer le séchoir), on enlève les fromages de ce séchoir pour les porter dans des caves, dont les murs sont en bauge (mélange de mortier et

de foin haché) et où l'air ne circule pas. « Les gaz ammoniacaux, qui se dégagént pendant la fermentation du fromage de Livarot, dit M. Morière, détruiraient rapidement les murs en pierre ou en brique. »

Les fromages destinés à l'affinage dans les caves, sont placés sur des planches; on les retourne deux fois par semaine en hiver et trois fois en été; | en même temps qu'on les retourne, on les humecte avec de l'eau pure. Dans le cas où les fromages en question se recouvrent d'une pellicule, il faut reconnaître qu'ils n'ont pas été suffisamment salés, et alors on les sale de nouveau, soit à la main, soit en les plongeant dans de l'eau salée. Après huit ou dix jours de cave, les fromages sont enveloppés sur leur tranche avec des feuilles du typha latifolia que l'on fait dessécher et que l'on divise ensuite en lanières très-fines.

Les gros fromages de Livarot exigent cinq à six mois de cave pour l'affinage; les petits sont affinés au bout de trois à quatre mois. Pour les expédier, on les colore avec du rocou.

Pour le livarot, comme pour tous les fromages d'ailleurs, c'est en septembre et en octobre que se fabrique le meilleur.

«En hiver, dit M. Morière, il faut employer environ 3 litres de lait pour faire un fromage du prix de 8 fr. la douzaine; en été, il en faut 4 à 5 litres pour obtenir le même résultat. On sait, en effet, que le rapport du caseum et du serum varie dans le lait du même animal suivant les saisons et le mode de nourriture. »>

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ressource pour l'hiver. Pour le faire, il y a diverses méthodes, selon les pays; mais l'une des meilleures que nous connaissions est celle du Morvan. Prenez du fromage maigre, bien ressuyé d'abord, puis desséché à l'air et au soleil, soit dans un: cage, soit sur l'entablement d'une fenêtre, comme cela se pratique dans la plupart des villages. Pelez délicatement ces fromages, afin d'enlever les parties coriaces ou moisies; et après cela, coupez-les l'un après l'autre en tranches très-minces, ou, ce qui vaut mieux, râpez-les avec une râpe ordinaire. De ces tranches ou de ce fromage râpé, formez un lit assez mince au fond d'un pot de grès ou de terre vernissée; saupoudrez de sel, de poivre et d'épices; sur cette première couche, versez un peu de crème, et râpez du fromage de gruyère. Ensuite, revenez à un nouveau lit de fromage maigre, que vous épicerez et salerez comme celui du dessous; ajoutez également crème et gruyère, et ainsi de suite jusqu'à ce que le pot soit rempli. Une fois plein, arrosez le dessus d'un verre de vin blanc, ou, à défaut de vin blanc, d'une petite quantité d'eau-de-vie; recouvrez de feuilles de noyer, ou tout simplement d'une feuille de papier épaisse; mettez un morceau de planche par-dessus pour empêcher les souris ou les insectes de s'y introduire, et laissez fermenter. Au bout de quinze jours ou trois semaines de fermentation, vous pourrez commencer la consommation du fromage fort.

Vous saurez que le fromage, ainsi préparé, n'est point une nourriture économique. Aussi, dans nos campagnes, on se borne à employer le fromage maigre, sans addition de crème ni de gruyère. On le dispose lit par lit avec du sel, du poivre et des épices, et, au bout d'un mois environ, on le livre à la consommation. Il n'a pas, à beaucoup près, la délicatesse du premier : il devient dur, cassant, d'une saveur forte et d'une odeur animoniacale très-prononcée.

Tantôt, on le mange seul; tantôt, on lui adjoint du fromage frais, salé et poivré. P. JOIGNEAUX.

CHAPITRE XIX

DE L'ENGRAISSEMENT DES ANIMAUX DE L'ESPÈCE BOVINE

Après avoir étudié tout ce qui se rapporte à la production et à l'amélioration de l'espèce bovine, ce qui est relatif à l'art d'élever les animaux de cette espèce, on a passé en revue ce qui concerne les services qu'ils peuvent rendre durant leur vie. L'exploitation de leur travail, celle du lait qu'ils fournissent, livré en nature à la consommation, ou des divers produits alimentaires qui peuvent être obtenus par les manutentions dont ce liquide est susceptible: toutes ces opérations économiques ont été successivement examinées. Il reste à indiquer ce qui touche la

principale fonction de ces animaux, qui est la production de la viande, c'est-à-dire à s'occuper des produits qu'on en obtient pour la boucherie, après leur mort. L'appréciation de ces produits fera plus loin l'objet d'un chapitre spécial, consacré tout à la fois aux diverses espèces que nous consommons. Pour l'instant, il convient de se borner à l'étude des procédés zootechniques d'après lesquels les animaux de l'espèce bovine sont préparés pour la destination finale de leur existence.

L'ensemble de ces procédés constitue ce que l'on appelle l'art de l'engraissement. Pour acqué

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