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appartenant à une race laitière, qui fournissent du lait à l'industrie ou à la consommation, en même temps qu'elles élèvent leur veau, ne sont pas dirigées pendant l'allaitement comme celles qui n'en donnent qu'à peine la quantité suffisante pour l'alimentation de celui-ci. Il faut donc s'en tenir sur ce sujet à des principes généraux, indépendamment de ceux qui ont été déjà exposés dans le chapitre relatif à l'espèce chevaline (p. 544), et qui sont également applicables à toutes les espèces. Les mamelles de la vache nourrice, toujours très-volumineuses et recouvertes d'une peau fine, surtout à la surface des trayons, sont exposées à des accidents qui contrarient l'allaitement et font souffrir la bête. L'accumulation du lait dans les canaux galactophores au delà d'un certain temps, y peut déterminer des gonflements inflamımatoires suivis d'abcès toujours graves. Il importe donc de l'éviter en vidant la mamelle par la traite opérée régulièrement lorsque le veau a fini de teter. L'action du froid sur le trayon ramolli par la bouche du petit fait naître souvent des gerçures très-douloureuses, qu'il faut prévenir en mettant la bête à l'abri des courants d'air, et en ne se servant jamais d'eau trop froide ou chargée de sels calcaires pour laver le pis. Ce sont là les seules précautions nécessaires quant aux mamelles.

Nous n'avons rien non plus à ajouter sous le rapport de la nourriture qui convient aux vaches nourrices. C'est celle des laitières. Il faut seulement faire remarquer que pour l'élevage le régime des bons pâturages est indispensable, en raison des qualités plus nutritives qu'il communique au lait. Les conditions les plus favorables sont celles dans lesquelles les mères sont mises dans des enclos attenants à la vacherie. Nous pouvons d'ailleurs, pour éviter des répétitions, renvoyer à cet égard aux détails qui ont été donnés précédemment dans la description des races de Durham (p. 659) et d'Angus (p. 666).

M. Perrault de Jotemps d'abord, M. Boussingault ensuite, puis M. Violette, M. Magne et quelques autres ont cherché à déterminer l'accroissement journalier des veaux sous l'influence de l'allaitement. Ils sont arrivés à des résultats trèsdivers, qui s'expliquent par la différence des races qu'ils ont observées. On sait, en effet, que le poids initial des animaux, au moment de la naissance, présente des variations considérables, suivant la race à laquelle ils appartiennent. Ainsi, tandis que le veau de Durham pèse à peine en naissant 30 kilogr., celui de Schwitz atteint souvent jusqu'à 50 kilogr.; ce qui n'empêche point le premier de dépasser bientôt celui-ci par la rapidité de son développement.

D'après M. Perrault de Jotemps, du premier au dix-huitième jour, l'accroissement serait de 1,200 par jour; du dix-neuvième au vingt-cinquième de 1,390; du vingt-cinquième au trente-cinquième de 0,960 seulement. Dans les expériences de M. Boussingault, l'augmentation journalière a été de 1,130 pour 9 à 11 litres de lait consommé. M. Violette a trouvé, de son côté, que le poids acquis pendant le premier trimestre est égal à celui du veau à sa naissance; que ce poids se double dans le second, c'est-à-dire que l'animal

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gagne deux fois autant, et beaucoup moins dans les trimestres suivants. Quant à M. Magne, il pense que les animaux, en général, après avoir beaucoup augmenté de poids pendant un mois, restent stationnaires le mois suivant, quoiqu'ils soient soumis au même régime, pour reprendre ensuite après. Un veau de 40 à 50 kilogr. consomme par jour, d'après lui, de 6 à 10 kilogr. de lait, ou à peu près l'équivalent de 2 à 3 kilogr. de foin; ce qui fait qu'il prend à raison de 6 à 7 kilogr. de fourrage pour 100 kilogr. de son poids | vivant.

MM. de Béhague et Royer ont donné en 1848 les résultats de recherches du même genre effectuées sur le développement de métis DurhamCharolais et Cotentins, élevés à la vacherie de Dampierre. Ces résultats établissent que dans la première année les veaux mâles prennent en moyenne 0,796 par jour, les femelles 0,664 seulement. Chez M. de Torcy, à Durcet, l'accroissement mensuel de douze individus a donné des chiffres qui varient, pour chacun, entre 16*,833 et 32,794, pour la première année.

Mais les observations les plus précises sur ce point appartiennent à M. Mathis. Elles ont été faites à Grignon sur des veaux purs ou métis de diverses races, au nombre de quatorze, et pendant les premiers mois de leur existence. Ces observations ont prouvé que l'accroissement varie peu durant les quatre mois qui suivent la naissance, pour chaque individu. Il a été par jour de 0,811 pour la race de Schwitz; de 0,803 pour la Cotentine; 'de 0,613 pour celle d'Ayr; enfin de 0,868 pour les croisements Durham-Schwitz et Cotentins. Il est bien démontré,aujourd'hui,comme l'indique ce dernier chiffre, que l'augmentation de poids est toujours plus considérable chez les jeunes veaux appartenant aux races perfectionnées pour la boucherie ou à leurs croisements.

Les recherches de M. Mathis ont porté également sur le rapport de l'accroissement acquis au lait consommé. Il a vu que pour 1 kilogr. de poids gagné, les veaux croisés avaient consommé 91,24 de lait; les Cotentins, 10',20; les Schwitz, 10,27; ceux d'Ayr, 131,69.

Cela montre qu'il ne peut y avoir rien d'absolu quant à la détermination journalière de l'accroissement des veaux, ces animaux étant des consommateurs plus ou moins bons, suivant la race à laquelle ils appartiennent.

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Un fait qui résulte de toutes ces observations rigoureuses, recueillies à l'aide de mensurations exactes, c'est que, dans les six premiers mois de l'existence, c'est-à-dire durant l'allaitement,— ce sont surtout la poitrine et les reins qui s'accroissent dans de fortes proportions. La taille et le développement des parties postérieures ne viennent qu'après. Si l'on songe à l'importance de l'ampleur thoracique dans la conformation des individus de l'espèce bovine, en raison de la signification qui a été donnée précédemment à ce caractère, justement considéré comme dominateur de l'organisme au point de vue de la production de la viande, on en conclura que le précepte fondamental de l'élevage est un allaitement abondant, propre à le favoriser.

L'allaitement peut être naturel ou artificiel, Nous avons vu que, dans la pratique de l'élevage des races perfectionnées, les veaux tettent directement leur mère ou boivent le lait au seau. Dans ce dernier cas, on y ajoute parfois des matières nutritives étrangères. Cela se fait surtout pour les sujets destinés à l'engraissement; mais quand il s'agit d'élevage, l'allaitement naturel est toujours de beaucoup préférable. Il doit s'effectuer cependant d'une certaine façon, et non pas en complète liberté. Après les premiers jours qui suivent la naissance, le veau est séparé de sa mère et ne tette qu'à des heures régulières. Il ne la suit au pâturage qu'à dater du moment où l'état de sa dentition lui permet de s'occuper à pincer quelques herbes tendres; autrement il la tourmente sans utilité pour lui.

En moyenne, il suffit qu'un veau puisse absorber par jour 4 ou 5 kil. de lait pendant la première semaine; 5 ou 6 pendant la deuxième; de 6 à 8 durant la troisième; de 8 à 10 à partir de ce moment jusqu'au commencement du troisième mois, et de 12 à 13, de cette époque à la fin du quatrième mois. Une vache qui ne peut pas fournir ces quantités n'est pas propre à nourrir un élève en vue de l'amélioration. Il y a alors nécessité de donner une seconde nourrice ou d'ajouter à l'allaitement naturel un supplément d'alimentation. Ce supplément peut être dù thé de foin ou des farineux mélangés au lait. Quelques éleveurs en- | ploient aussi pour cela des tourteaux en poudre bouillis avec de l'eau, ou des décoctions de graine de lin.

Pour les animaux destinés à devenir des reproducteurs, en raison des qualités qu'ils promettent, l'allaitement naturel doit être prolongé aussi longtemps que possible. Mais en ce qui concerne l'élevage commun, les nécessités économiques ne permettent pas d'agir ainsi. La valeur vénale du lait ou des produits qu'il donne fait ressortir dans ce cas le prix de revient des élèves à un chiffre supérieur à celui de leur valeur propre. Il y a donc nécessité de substituer une autre alimentation au lait dont il est possible de tirer un meilleur parti. La pratique qui tend le plus à se répandre est celle qui consiste à remplacer de bonne heure le lait pur par du laît écrémé. L'allaitement naturel ne dure pas plus d'une quinzaine de jours; à la suite de cette courte période, on habitue graduellement le veau à boire tout seul, et l'on substitue bientôt le lait dépourvu de crème au lait pur, en y mélangeant les substances que nous avons indiquées plus haut.

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On a eu l'idée, en Allemagne, de remplacer le beurre ainsi enlevé par d'autres corps gras d'un moindre prix. Des expériences ont été faites en ce pays, et elles paraissent concluantes en faveur de ce procédé. Voici les résultats de l'une d'elles, effectuée par un fermier de Dens, M. Seyfarth (1). Deux veaux destinés à cette expérience reçurent pendant les quinze premiers jours de leur vie, quatre po's et demi à cinq pots du lait pur de leur mère. On leur donna ensuite du lait caillé en proportion toujours croissante, de ma

(1) Voy. La culture, t. III, 1861-62, p. 418.

nière à les y habituer peu à peu jusqu'à la suppression complète du lait pur. Alors, M. Seyfarth ajouta au lait écrémé trois onces de suif de bœuf ou de mouton, de saindoux, ou d'huile de navette non épurée, mais moins de cette huile que des graisses fondues, parce que les animaux la prenaient plus difficilement. Le corps gras était donné en trois fois, par dose d'une once. Cette alimentation fut continuée pendant quatre semaines. Ce qui fait qu'à l'âge de six semaines, les veaux avaient reçu pendant deux de bon lait, et pendant quatre du lait caillé avec addition de graisse. Alors on constata qu'ils avaient aussi bien profité que ceux nourris comparativement avec du lait pur, et beaucoup mieux que ceux qui avaient été sevrés sans recevoir de la graisse. A partir de cette époque l'alimentation fut changée. On réduisit graduellement la quantité de lait écrémé en la remplaçant par une bouillie cuite de farine de féveroles. Après deux mois de ce nouveau régime, le lait fut complétement supprimé, ainsi que la bouillie, et l'un et l'autre remplacés par une soupe composée de féveroles concassées et de son, avec addition de foin et d'une quantité de graisse ramenée graduellement à la dose journalière d'une once et demie par tête. A l'âge de cinq mois et demi, les deux sujets en expérience furent soumis à l'alimentation ordinaire des génisses, composée de paille d'avoine et de paille hachée, de regain, d'un peu de grains concassés, de tourteaux et de betteraves. Ils devinrent, dit M. Seyfarth, des génisses superbes. Leur développement fut beaucoup plus rapide que celui des autres élèves, et à 15 ou 18 mois ces génisses étaient assez fortes pour être livrées au taureau.

Sevrage. Le veau tette sa mère, lorsqu'il est abandonné à ses instincts, aussi longtemps que l'état de sa dentition ne lui permet pas de prendre tout seul au pâturage une nourriture suffisante. Dans ce cas, il diminue graduellement la quantité de lait qu'il consomme et la transition est insensible pour lui. Toute l'attention de l'éleveur doit être précisément de ménager celte transition, qu'il est obligé de hâter dans la plupart des cas, de manière à amoindrir autant que possible ses inconvénients.

Les procédés d'allaitement que nous venons de voir sont ceux qui facilitent le mieux l'opération du sevrage, toujours d'une très-grande importance, à cause du temps d'arrêt qu'elle peut apporter dans le développement du sujet, lorsqu'elle détermine un changement brusque dans son régime et par conséquent une souffrance.

Dès l'âge de quatre mois, indépendamment des préparations liquides ou des bouillies que le jeunc élève reçoit en sus du lait de sa mère ou par substitution, il convient de lui donner quelques racines coupées et saupoudrées de farines ou de tourteaux, un peu de bon foin ou de regain, en hiver, des fourrages verts en été. Le mieux est de le mettre en liberté dans un petit enclos où il puisse s'habituer à paître, de façon à ce que l'allaitement diminue graduellement, à mesure que son estomac s'habitue à la nourriture solide. Le plus ordinairement, dans ces conditions, le sevrage

complet peut être opéré sans dommage vers cinq mois ou cinq mois et demi. Il n'a lieu plus tard que pour les sujets d'élite, auxquels une alimentation plus abondante est nécessaire pour le développement de toutes leurs qualités. Ceux-ci tettent jusqu'à huit mois et même au delà. Mais dans l'élevage habituel, où la transition a été nécessairement ménagée de meilleure heure par l'obligation des substitutions, à cinq mois le veau peut déjà prendre une nourriture suffisante en fourrages verts ou secs, comme nous venons de le voir dans la pratique de M. Seyfarth.

Lorsqu'il s'agit d'allaitement artificiel, le sevrage ne comporte d'autre soin que celui de diminuer progressivement la proportion de lait administrée, en la remplaçant à mesure par des aliments de plus en plus solides et substantiels. Dans l'allaitement naturel, il y a d'autres précautions à prendre, dont la principale est relative à la séparation de la mère et du petit. C'est cette séparation qui doit être préparée de bonne heure et que rend toujours pénible et préjudiciable l'habitude de les faire vivre ensemble dans le même herbage. Nous ne saurions, à cet égard, trop nous élever contre la barbare pratique qui consiste à munir les veaux en sevrage d'une muselière garnie de pointes, pour les empêcher de teter. Mieux vaut cent fois priver brusquement la vache de la compagnie de son veau, que de l'exposer à recevoir sans cesse les atteintes de pareils attouchements. Il est bien plus rationnel d'habituer de bonne heure l'un et l'autre à vivre séparés dans des compartiments distincts du même pâturage, et à n'être réunis qu'au moment des heures de l'allaitement. On prépare alors le sevrage en éloignant graduellement celles-ci, d'abord, puis en diminuant la durée des rapports, jusqu'au point de les faire cesser tout à fait. Le veau finit bientôt par paître tranquillement, sans songer à sa mère, parce que la faim ne l'y sollicite pas.

De cette façon, la crise du sevrage cesse d'exercer sur le développement de l'individu sa fâcheuse influence. Il n'y a pas de temps d'arrêt dans la nutrition. Et au point de vue de l'amélioration des races, cela est de la plus grande importance, ainsi qu'on peut maintenant s'en convaincre facilement. Nous ne saurions donc trop y appeler l'attention.

Régime des élèves après le sevrage. Les auteurs les plus récents indiquent un régime particulier pour les élèves de l'espèce bovine, suivant leur destination. L'alimentation qui convient pour la production des individus propres au travail ne serait pas la même que celle qui favorise le développement de l'aptitude laitière, non plus qu'elles ne seraient appropriées, ni l'une ni l'autre, aux sujets élevés spécialement en vue de la boucherie. Il y a dans cette croyance, nous n'hésitons point à le dire, une erreur capitale, qui résulte d'une insuffisante interprétation des faits observés. De ce que l'aptitude laitière se développe dans des conditions qui ne sont point de nature à produire des individus suffisamment énergiques pour le travail, par exemple les pâturages humides de la Hollande, de la Flandre, de la

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Normandie, etc., il ne s'ensuit pas que cette aptitude ait pour cause unique ou même principale ces seules conditions. Les races suisses, celle de Salers, la race bretonne, et bien d'autres parmi nos races françaises, montrent qu'il n'en est pas ainsi. Le dement en lait, l'aptitude une fois existante, est en rapport avec l'abondance et les propriétés aqueuses de l'alimentation. C'est chose bien naturelle, aux yeux du physiologiste. Les qualités peu nutritives des aliments ne sont pas un obstacle au développement de l'aptitude laitière, qui dépend uniquement de l'activité fonetionnelle d'un organe au demeurant fort acces soire dans l'économie de l'individu, si accessoire qu'il peut être retranché sans qu'il en résuite aucun trouble notable dans son état de santé. Mais si elles n'y font pas obstacle, il est bien certain qu'elles n'y sont pour rien, et qu'elles sont nuisibles au contraire au développement de la conformation qui joindrait à l'aptitude laitière celle qui les rend plus propres à la boucherie, en provoquant l'ampleur de la poitrine. De même en est-il pour les races de travail.

Quelle que soit l'aptitude native de la race, la première nécessité d'un élevage bien entendu est de déterminer l'ampleur des formes par une nourriture substantielle et abondante des jeunes animaux. On a vu précédemment que la grande capacité du thorax ne peut être dans aucun cas qu'une condition avantageuse dans toutes les conditions. Le développement de l'aptitude dépend de l'exercice de la fonction à laquelle elle serapporte, non pas de l'ampleur de la poitrine, caractère dominateur de la bonne conformation des animaux de l'espèce bovine. Le régime alimentaire, après le sevrage, doit donc être dirigé uniquement en vue de ce résultat. Or, nous avons suffisamment insisté sur la partie théorique du sujet, en posant les principes spéciaux du perfectionnement, pour qu'il ne soit pas nécessaire d'y revenir.

L'élevage des bêtes bovines se pratique dans les herbages ou à l'étable. Le premier mode est sans contredit préférable. Pour une nourriture également riche, le grand air et l'exercice favorisent singulièrement l'assimilation. Il faut seulement faire consommer les pâturages les plus succulents par les jeunes élèves qui viennent d'être sevrés. On doit les réunir par petits groupes. La confusion des sexes n'a pas dans le courant de la première année d'inconvénients. Les animaux demeurent parfaitement tranquilles tant qu'ils sont maintenus au sein de l'abondance, et ne s'occupent qu'à satisfaire leur appétit et les instincts de locomotion qui appartiennent à leur âge. Des abris pour les heures de grandes chaleurs, des abreuvoirs à proximité de l'herbage, constituent les seuls soins qu'il convienne de prendre. L'important est seulement de rentrer les élèves à l'étable dès que la saison est assez avancée pour que les herbes ne soient plus suffisantes. Ce n'est pas la nourriture d'été qui manque ordinairement dans les pays d'élevage. Ce qui fait défaut, c'est l'hivernage, ainsi que nous l'avons plusieurs fois constaté en décrivant les races bovines. Or, l'hygiène du premier hiver est capitale pour l'avenir de l'élève.

Pendant cette saison, la meilleure alimentation est celle qui se compose de mélanges de pailles hachées, de foin ou de regain de bonne qualité, de farines de légumineuses, pois, féveroles, etc., de racines, betteraves, turneps, topinambours, et de tourteau. Les élèves payent toujours avec usure en accroissement les aliments qu'ils consomment. On doit donc leur administrer tous ceux qu'ils peuvent absorber. Il n'y a pas de plus sotte économie que celle qui consiste à mesurer parcimonieusement la nourriture à ces jeunes animaux. Le premier soin de l'agriculteur qui veut se livrer avec succès à l'élevage sera par conséquent de s'assurer des provisions suffisantes pour l'hiver. Ce n'est rien de faire des frais pour l'acquisition de reproducteurs de mérite, si l'on ne s'est pas au préalable occupé de régler ses cultures de manière à munir ses granges, ses greniers et ses silos. Les résultats obtenus hors de cette condition sont d'autant plus misérables, que les élèves ont apporté en naissant des dispositions meilleures à profiter d'une bonne alimentation.

Au commencement de la deuxième année, après l'hivernage, la saison des herbes tendres est revenue. Le régime du pâturage revient à son tour. Il faut alors séparer les mâles des femelles, du moins ceux qui n'ont pas été privés déjà de leurs organes sexuels. Durant cette saison, le régime du pâturage ne présente pour eux rien qui diffère de celui de la première année. Il doit être également riche et abondant, en rapport avec l'état de leur développement, de manière à ce que leur appétit soit entièrement satisfait. Le nombre des élèves à mettre sur une étendue donnée varie suivant des conditions qu'il n'est pas possible de déterminer à priori. Cela dépend de laqualité de l'herbage. La seule règle est qu'ils y soient au sein de l'abondance.

Dans le courant de cette deuxième année, durant laquelle les élèves toujours bien nourris ont acquis un grand développement, leur hygiène particulière prend une direction différente suivant leur destination ultérieure. Les génisses, vers quinze à dix-huit mois, deux ans au plus, lorsqu'elles ont vécu isolées, deviennent ordinairement en chaleur. Il y a indication de les satisfaire en les conduisant au taureau. A la condition qu'elles continuent d'être soumises à une alimentation abondante, l'état de gestation leur est plus salutaire que le retour périodique de chaleurs inassouvies, sauf à ménager leur lactation lorsqu'elles ont fait leur premier veau de bonne heure. Les inconvénients sont surtout moindres pour les races laitières, dont une fécondation hâtive favorise au contraire l'aptitude. Du reste, répétons-le, il peut être bon d'écarter les circonstances de nature à provoquer une manifestation prématurée des chaleurs; mais dès que celles-ci se sont montrées, le mieux est de les éteindre par la fécondation. Les troubles qu'elles causent dans l'économie sont plus préjudiciables au développement ultérieur de la génisse que le fruit qui se développe dans son sein. Cela rend nécessaire seulement une sollicitude plus grande encore pour l'alimentation durant le séjour à l'étable dans le second hiver.

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Les mâles conservés entiers pour la reproduction doivent recevoir alors, indépendamment des fourrages et des racines, des rations de grains fortement nutritifs, qui leur communiquent la vigueur de constitution, l'énergie, les facultés prolifiques nécessaires pour le service auquel ils sont destinés. A partir de ce moment, leur hygiène est celle du taureau, qui a été précédemment indiquée, et sur laquelle nous n'avons pas à revenir.

Quant aux bouvillons, il y a une distinction à faire entre ceux qui sont élevés uniquement en vue de la boucherie et ceux destinés à fournir du travail. Les premiers n'ont d'autre fonction que de manger et d'assimiler leur nourriture. Leur régime, jusqu'à ce qu'ils aient atteint l'âge adulte, d'autant plus précoce, on le sait, qu'ils ont été plus copieusement nourris, leur régime est toujours le même depuis le sevrage jusqu'au moment de l'engraissement. Les autres, vers la fin de leur seconde année, sont soumis au dressage pour l'emploi graduel de leur force. C'est alors que se développe leur aptitude, d'autant plus prononcée qu'elle est davantage exercée. Ils rentrent alors dans la catégorie des animaux de travail, à l'hygiène desquels un chapitre spécial sera tout à l'heure consacré.

Habitations et pansage.

Avant de terminer celui-ci par l'examen de l'importante question de l'émasculation des jeunes mâles, pour l'élevage des bœufs, nous appellerons l'attention sur l'utilité des soins de propreté et de l'hygiène des habitations, qui n'est pas moins grande pour l'espèce bovine en général que pour celles dont nous nous sommes déjà occupés dans ce livre. Des bouveries et des vacheries spacieuses, bien aérées, construites de manière à faciliter en même temps la distribution de la nourriture, le service et le nettoyage du sol, ont une part très-grande dans les succès de l'élevage, en raison de l'heureuse influence qu'elles exercent sur la santé des animaux. Le mode de construction le plus convena. ble nous paraît être, pour les étables d'élevage, le straw-yard anglais, qui comporte un petit parc en plein air attenant à chaque compartiment de l'étable, dont la face opposée, où se trouvent les auges, aboutit sur un couloir qui règne tout le long. Cela peut être établi simplement, sans luxe, et avec des dépenses minimes, tout en procurant de grands avantages pour le bon entretien des élèves et des mères tout à la fois.

Au reste, toutes les considérations hygiéniques relatives à ce sujet, qui ont été exposées à l'occasion du logement des espèces chevaline, asine, et de leurs mulets (p. 603), s'appliquent également à l'espèce bovine. Il serait inutile de les répéter.

Nous en pouvons dire autant des soins de propreté de la peau, encore plus négligés pour les élèves dont nous nous occupons que pour les poulains. Un pansage attentif ne leur est pourtant pas moins salutaire aux uns qu'aux autres. Les raisons de son utilité sont les mêmes dans les deux cas. Tous les arguments que nous avons fait valoir, autant au point de vue physiologique et hygiénique proprement dit qu'à celui de l'éducation qu'on peut appeler intellectuelle, à cause de

l'influence que ce pansage exerce sur le caractère de l'animal par les rapports fréquents qu'il nécessite entre l'homme et lui; tous ces arguments sont valables pour le bœuf comme pour le cheval. Il faut donc y renvoyer le lecteur.

Emasculation. Pour la commodité des services qu'ils ont à nous rendre principalement comme bêtes de consommation, mais aussi comme animaux de travail, les mâles de l'espèce bovine sont neutralisés par une opération qui consiste à les priver de leurs organes sexuels. La viande du taureau est mauvaise, et le caractère de cet animal est moins maniable que celui de l'individu neutre qui s'appelle boeuf. Ce dernier, en outre, s'engraisse plus facilement. Les avantages économiques de l'émasculation, par conséquent, ne sont pas à discuter.

Mais l'opération qui la produit soulève deux questions celle de låge le plus convenable et celle du meilleur procédé pour la pratiquer.

Encore ici, nous ne voyons d'autre principe que celui qui a été invoqué pour le poulain, savoir qu'il importe seulement d'anéantir les testicules avant la manifestation de leur activité fonctionnelle. Lorsqu'il en est ainsi, la perturbation apportée dans le développement du sujet est nulle. Et cela est surtout important pour les individus spécialement élevés en vue de la production de la viande. La seule restriction qu'il faille mettre à

la plus grande hâtivité possible de l'opération, c'est-à-dire à sa pratique dès que les testicules sont apparents, c'est la nécessité de choisir les sujets propres à devenir des reproducteurs, et d'attendre pour cela que leurs formes soient assez accusées pour qu'ils puissent être convenablement jugés, à la fin de la première année, ou tout au plus vers le commencement de la deuxième; il n'y a pas à cet égard de difficulté. Mais dans le plus grand nombre des cas, l'émasculation peut être, doit être opérée auparavant.

Faut-il préférer l'amputation des testicules, appelée castration, ou bien leur atrophie déterminée par le bistournage, le martelage, etc.? On croit généralement, au sein des populations agricoles, que le bistournage conserve au bœuf une partie des attributs de la masculinité, au point de vue seulement, bien entendu, de l'énergie, de la force. De savants vétérinaires contestent le fait, en se basant sur des considérations physiologiques qui ne sont point suffisantes pour entrainer la conviction des esprits rigoureux. Dans l'état actuel de la question il y a doute. La conclusion doit être en conséquence qu'il faut provisoirement bistourner les élèves des races travailleuses et châtrer ceux des races de boucherie. L'avantage de cette conclusion, c'est que, quelle que soit l'issue du débat engagé, elle ne peut avoir aucun inconvénient. A. SANSON.

CHAPITRE XVI

HYGIÈNE DU TRAVAIL DANS L'ESPÈCE BOVINE

nécessités de l'économie rurale font une obligation de réduire cet antagonisme et de concilier les deux aptitudes opposées. Nous devons pour cela comparer d'abord les services de l'espèce bovine comme moteur à ceux des autres animaux qui ont été déjà étudiés.

Ainsi que nous l'avons vu, ce que l'on doit appeler l'amélioration de l'espèce bovine diminue chez elle l'aptitude au travail. Au point de vue de sa destination essentielle, dans les sociétés modernes, qui est de produire, dans un temps donné, la plus grande somme possible de viande avec la moindre somme totale de fourrages consommés, cette espèce ne peut atteindre la constitution la plus propre à ce résultat qu'au prix de l'amoindrissement de son énergie physique, de sa force mécanique, par un développement plus précoce de ses organes, au bénéfice de sa puissance d'as-sonnelle en résumant les faits et les arguments similation.

Une première question est donc à examiner : c'est celle de savoir quels sont, pour l'économie rurale, les avantages que peut présenter l'emploi du bœuf aux travaux agricoles; quelle compensation ces avantages, s'ils existent, peuvent procurer en échange de l'obstacle très-certain qu'ils mettent à l'amélioration de l'espèce dans le sens qui vient d'être indiqué. Il y a positivement antagonisme entre le perfectionnement de l'aptitude travailleuse et celui de la fabrication de la viande, si l'on peut ainsi dire. Il convient par conséquent de rechercher avant tout dans quelle mesure les

Cette question a été l'objet de vives polémiques entre les champions du travail des bœufs et ceux du travail du cheval, dans l'agriculture. En tête de son excellent petit livre sur les races bovines, M. de Dampierre a fait connaître son opinion per

produits de part et d'autre, en même temps qu'il en produisait de nouveaux. Nous allons citer une partie de son argumentation. «En France, dit-il, les provinces qui produisent de gros chevaux les ont appliqués à la culture, celles qui produisent des chevaux légers ont conservé les races bovines. Au résumé, cependant, dans la plus grande partie de la France, le travail est encore exécuté par les boeufs et je crois qu'il est aisé de démontrer l'avantage considérable qu'offre ce mode de culture. Il est si bien ancré dans les mœurs, d'ailleurs, que la science économique, lui apportant la preuve de son insuffisance, ne parviendrait pas à le détruire

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