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le dans cette occasion, le caractère de la zootechnie moderne, ce qui lui assignera son rang dans l'histoire du progrès.

En préconisant des règles de conduite pour l'élevage, le zootechnicien ne doit donc plus se borner, à l'exemple de Weckherlin, à classer les observations sur lesquelles les auteurs se sont appuyés jusqu'à présent, suivant qu'elles sont incontestables, vraisemblables, douteuses ou invraisemblables. Il est en mesure de distinguer positivement le vrai du faux. A la lumière physiologique, il peut donner à chaque fait observé sa véritable signification, et établir que dans le cas les choses sont ainsi parce qu'il n'est pas possible qu'elles soient autrement. Les conditions des faits étant exactement déterminées, il est en son pouvoir de les reproduire en ne laissant plus au hasard aucune part.

Ces faits, dans la science de l'élevage, se rapportent, comme nous le savons, à l'hérédité et à l'influence de la gymnastique fonctionnelle sur le développement des organes du produit de l'accouplement. Ils sont relatifs, par conséquent, au choix des reproducteurs, à leur hygiène et à celle des individus procréés jusqu'à ce qu'ils aient atteint leur complète évolution. Nous allons énoncer brièvement les préceptes qui en découlent au sujet de chacun des facteurs de l'amélioration.

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Hygiène du taureau. Les principes généraux de la zootechnie nous indiquent que pour accomplir sa fonction dans les meilleures conditions possibles, le taureau doit posséder d'abord au plus haut degré les qualités qui caractérisent sa race. Il les transmettra d'autant plus sûrement à ses produits qu'il en sera lui-même davantage doué, quoique, ainsi que nous le savons, il puisse, en raison de son origine et de la faculté d'atavisme, procréer des individus meilleurs que lui. Toutefois, autant qu'on le peut, il convient de réunir en même temps, dans le choix du taureau, ce que les Anglais appellent le pedigree, ou les mérites des ascendants, et les qualités de conformation et d'aptitude propres à l'individu lui-même.

Nous n'avons pas en ce moment à indiquer ces qualités. Elles sont relatives à la fonction économique de la race qu'il s'agit de multiplier. Bornons-nous à dire que pour être bien choisi, le taureau doit se rapprocher le plus possible du type spécial de beauté caractéristique de l'aptitude prédominante de sa race. Ce type a été déterminé en commençant pour chacune des fonctions économiques de l'espèce bovine. On devra donc s'y reporter. Mais une remarque est à faire cependant pour ce qui concerne le type laitier, au sujet duquel nous avons dû renvoyer au chapitre qui sera plus loin consacré à l'étude particulière des vaches laitières et des industries dont leur produit est l'objet.

Indépendamment de l'origine, qui est principalement à prendre en considération dans le choix du taureau destiné à procréer des femelles destinées à donner du lait, l'expérience a démontré que les signes indicateurs de l'aptitude laitière qui ont été découverts chez ces dernières et qui seront exposés plus loin avec détail, l'expérience

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a démontré, disons-nous, que ces signes existent également chez les mâles et y caractérisent la faculté de transmettre cette aptitude. La disposition des poils du périnée, que Guénon a appelée écusson, se montre aussi dans une certaine mesure chez le taureau, et il est admis que cet animal appartient d'autant mieux au type laitier, dans sa race, qu'il présente un écusson plus étendu. Il est donc bon, à ce point de vue, de tenir compte du caractère dont il s'agit.

Mais à part ces considérations essentiellement relatives, il en est une tout à fait absolue, qui doit surtout nous occuper. A quelque race qu'il appartienne, le taureau n'est un bon reproducteur qu'à la condition d'offrir tous les signes de vigueur caractéristiques d'une constitution solide, d'une santé robuste et des qualités prolifiques nécessaires pour l'accomplissement convenable de sa fonction. Quels que puissent être d'ailleurs ses mérites, il faut avant tout qu'il soit apte à féconder les femelles avec lesquelles on l'accouple; sans cela, toutes ses qualités demeurent négatives. C'est en vue de cette nécessité fondamentale que doit être dirigée son hygiène particulière, qui commande d'autant plus d'attention qu'il existe, dans une certaine mesure, antagonisme entre la faculté prolifique et l'aptitude que l'amélioration de l'espèce bovine tend de plus en plus à développer. On sait fort bien, en effet, que la disposition à l'engraissement amoindrit la fécondité. Nous avons vu dans l'histoire de la race de Durham le fait du fameux Hubback, ce taureau si remarquable par ses formes, par sa précocité, qui exerça sur les commencements de l'amélioration une si heureuse influence, mais qui, en raison précisément du haut degré de son aptitude, devint promptement infécond et dut être réformé, après avoir communiqué à sa descendance une certaine partie de son propre défaut. Les faits de ce genre, qui ne sont pas rares, doivent être pour les éleveurs éclairés un enseignement, et leur faire sentir toute l'importance qu'il y a à maintenir toujours les taureaux qu'ils emploient dans des conditions d'énergie et de santé propres à leur conserver toutes leurs facultés prolifiques. L'exemple de Favourite, que nous trouvons aussi dans l'histoire de la race de Durham, montre que ces conditions sont également compatibles avec la procréation d'individus propres à la spécialité dont il s'agit.

L'âge auquel les mâles de l'espèce bovine peuvent être livrés à la reproduction varie suivant la précocité du développement de la race. Toutefois, ils sont en général aptes à s'accoupler dès l'âge de dix-huit mois à deux ans. On pense qu'il convient toujours d'employer des taureaux jeunes. Ils sont plus propres, croit-on, à procréer de bons produits. Cependant, la question est fort controversée, et chacun s'appuie sur des observations contradictoires qui semblent également concluantes, mais auxquelles il manque, sans aucun doute, une exacte interprétation. Ces observations ne peuvent être contradictoires qu'en apparence, car les faits physiologiques sont absolus, nécessairement, dans leur signification. La vérité est qu'à dater du moment où le mâle possède la faculté de se reproduire, la considération d'âge est indifférente

pour la qualité du produit. L'exemple de Favourite dont nous avons parlé tout à l'heure, suffirait à lui seul pour le démontrer. On se souvient, en effet, que cet animal a fait pendant seize ans la monte dans le troupeau de Charles Colling, et qu'il est un de ceux qui ont le plus contribué à l'amélioration de la race de Durham. Néanmoins, les taureaux sont généralement réformés de bonne heure, parce que leur hygiène est plus commode dans le jeune âge. Abandonnés à leur fonction spéciale, sans aucune espèce de soins particuliers, sans éducation spéciale et sous l'influence de l'excitation que leur cause cette fonction, ils deviennent bientôt sauvages, intraitables et dangereux.

Les errements d'une pratique judicieuse commandent de procéder autrenient. Cette pratique veut que l'on conserve le plus longtemps possible les reproducteurs d'élite qui ont fait leurs preuves, et tant qu'ils donnent de bons produits. L'incurie, en livrant le taureau à la seule merci de ses instincts, rend ses services promptement impossibles; une hygiène bien entendue doit mettre à même de l'utiliser aussi longtemps qu'on le juge convenable pour le résultat qu'on en attend. La réforme des taureaux, dans l'élevage rationnel, ne peut pas être imposée comme une inévitable nécessité, devant laquelle soient obligées de céder toutes les considérations relatives au but. Il est déplorable que, dans le plus grand nombre des cas, ces animaux ne puissent pas être utilisés au delà de trois ans.

« Ce dernier âge, dit M. de Dombasle, est celui auquel on réforme souvent les taureaux, parce qu'on les a épuisés par un service trop précoce et parce que, afin d'en tirer plus de service, on les nourrit très-fortement, en sorte qu'ils deviennent bientôt trop lourds pour pouvoir saillir. Souvent aussi, c'est parce qu'ils deviennent méchants et intraitables; mais ce résultat est presque toujours l'effet de mauvais traitements. Pour conserver des taureaux très-doux, il est fort utile de les soumettre à un travail modéré ; et l'on ne peut trop recommander dans le même but, l'usage des étables disposées de manière que les animaux font face au passage par lequel on leur apporte leur nourriture. Ils s'accoutument ainsi à voir fréquemment devant eux, non-seulement leurs gardiens, mais aussi beaucoup de personnes qui fréquentent volontiers ce couloir, parce que c'est un lieu propre d'où l'on peut examiner les animaux et les approcher de près sans aucun risque. Les animaux deviennent ainsi très-familiers, parce qu'ils n'éprouvent aucune défiance des personnes qu'ils voient ainsi placées devant eux, tandis qu'ils s'effarouchent facilement de l'approche par derrière eux de tout étranger. Si l'on a soin de distribuer aux animaux tenus ainsi des caresses plutôt que de mauvais traitements, on n'en aura presque jamais de méchants, et l'on pourra conserver pendant fort longtemps un taureau propre à la reproduction, en prévenant à l'aide du travail l'excès d'embonpoint, qui le rendrait peu propre au service (1). »

(1) Œuvres posthumes. Traité d'agriculture 1. iv. Paris, 1862.

P.

132.

Nous insisterons surtout sur cette dernière partie des excellents conseils hygiéniques de l'illustre agronome, conseils qui sont d'ailleurs conformes à la pratique de tous les éleveurs éclairés et aux prescriptions formulées par tous les zootechniciens compétents, mais que nous avons voulu seulement placer sous son haut patronage.

« Employés à la reproduction avec ménagement, dit de son côté notre savant maître, M. Magne, les taureaux ne réclament qu'une nourriture ordinaire du foin et des racines en hiver, et des plantes vertes dans la belle saison. Les grains ne leur sont nécessaires qu'autant qu'ils font un grand nombre de saillies ou qu'ils exécutent de rudes travaux. Une petite poignée de sel distribuée tous les jours les rend dociles, amis de l'homme, faciles à conduire; de plus elle tient les tissus fermes et facilite la sécrétion de la liqueur séminale. »

Nous ne nous portons point garant de cette dernière assertion; mais quoi qu'il en soit, M. Magne poursuit: «Si on veut garder longtemps les taureaux, il faut les faire travailler jeunes ils sont dociles quand ils ont été bien dressés. On les attelle soit avec des vaches, soit avec des bœufs ; on peut aussi les faire travailler au collier avec avantage; l'expérience a depuis longtemps prouvé qu'il est facile d'employer leur force, de leur faire gagner plus que leur nourriture, et que le travail, loin de leur être nuisible, les rend forts, prolifiques et surtout faciles à gouverner. »>

M.

Quelque docile que soit le taureau, il est toujours bon toutefois de prendre avec lui les précautions qui permettent de le maîtriser au besoin. On se sert pour cela de l'anneau nasal qui traverse la partie inférieure de la cloison cartilagineuse du nez. Plusieurs modèles sont employés, dont le plus simple et le plus facile à appliquer est celui qui a été imaginé dernièrement par Beury, vétérinaire à Saint-Dizier. Cet anneau fait lui-même son trou et se ferme sans effort à l'aide d'un ressort que l'on soulève par une petite vis pour l'ouvrir et le retirer. Mais nous préférons, pour atteindre le même but, l'usage de la mouchette qui presse la cloison nasale entre ses mors mousses sans la traverser. Solidement construite comme on la fait maintenant à bas prix, cette pince remplit le même objet que l'anneau, et elle a sur lui l'avantage de ne pas être fixée à demeure et de n'occasionner aucune lésion; elle se peut retirer dès que l'animal est attaché à l'étable, pour être replacée lorsqu'il s'agit de sortir l'animal pour le conduire n'importe où. Dans une bonne hygiène, ce doit être là un instrument de contrainte sur lequel on puisse compter au besoin, si l'animal sort de ses habitudes de docilité, non pas un moyen permanent. En tout cas, l'anneau ou la mouchette est tenu par une corde. C'est seulement avec les animaux dangereux que l'on fait usage du bâton muni d'un crochet embrassant l'anneau nasal, de manière à les tenir à distance.

Quel est le nombre de vaches qu'un taureau peut convenablement féconder sans inconvénient pour sa propre conservation? Il serait bien diffi

cile d'établir à cet égard un chiffre absolu. Cela | complète vigueur, en bonne condition, comme dépend de l'âge de l'animal, de son état de santé, disent les Anglais, et de lui conserver un caractère de sa vigueur. Cela dépend aussi du but que l'on docile et soumis qui permette de l'utiliser autant se propose. Quand il s'agit d'élevage, il vaut mieux qu'on le juge nécessaire pour atteindre le but demeurer en dessous des capacités du mâle que de que l'on s'est proposé. Cela peut être très-facileles dépasser. Son épuisement, dans ce cas, est aussi ment réalisé au moyen du dressage, de l'exercice préjudiciable à la qualité des élèves qu'au main- sous forme d'un travail modéré et d'une nourritien de la sienne propre. M. de Donibasle pense ture suffisamment abondante sans excès, propre à qu'un taureau peut suffire à trente ou quarante entretenir la santé en réparant les pertes, non pas vaches, mais il ajoute qu'avec une vacherie ainsi à produire l'engraissement qui nuit à tous égards composée il est bon d'en entretenir deux, l'un de aux qualités du reproducteur. Parmi les soins quatre à cinq ans et dans la force de l'âge, et capables de concourir à ce résultat, il ne faut pas l'autre plus jeune spécialement employé à saillir négliger de mentionner ceux de pansage, sur lesles génisses et les vaches faibles, qui ne pourraient quels on s'est suffisamment appesanti dans le chapas, dit-il, supporter le poids du taureau adulte. pitre qui concerne l'espèce chevaline pour qu'il D'après M. Magne et beaucoup d'autres, un tau- ne soit pas nécessaire d'y revenir ici, mais qui ne reau peut aisément couvrir, dans le courant d'un sont pas moins indispensables au bon entretien printemps, de soixante à cent vaches, sans qu'il de l'espèce bovine, quoiqu'ils soient, en ce qui la soit nécessaire de lui donner aucun soin particu- touche, fort négligés. La propreté de la peau est lier. Dans la pratique ordinaire, ce chiffre est salutaire à tous les animaux. On peut dire de plus même le plus ordinairement de beaucoup dé- qu'elle est surtout indispensable pour le taureau, passé. Mais il n'est point douteux que c'est là un dont l'activité fonctionnelle produit des excréusage abusif, dont les inconvénients sont moin- tions abondantes à la surface de l'organe cudres, il est vrai, lorsqu'il s'agit seulement de re- tané. nouveler le lait des vaches et non pas de produire des élèves. Dans ce dernier cas, la moyenne la plus convenable, pour un animal dans la plénitude de sa force, nous paraît être de deux ou trois saillies par jour, au plus. Elle ne doit pas être dépassée, surtout lorsqu'il s'agit d'une opération de sélection dans laquelle on emploie des reproducteurs précieux par leurs qualités, et sur la puissance héréditaire desquels on a besoin de compter complétement. Du reste, sous le bénéfice de cette remarque, on comprendra sans peine que le service du taureau puisse varier suivant l'appréciation individuelle de son aptitude prolifique. L'important est de n'en pas abuser et de demeurer préférablement en dessous.

Comme pour le cheval, les différents modes d'effectuer la monte sont usités pour le taureau. On pratique la monte en main, la monte en liberté et la monte mixte. Ce dernier mode est celui de tous qui est préférable. Il consiste à mettre ensemble dans un enclos la vache en chaleur et le taureau qui doit la saillir. Les conditions naturelles, dans ce cas, assurent la fécondation sans que le mâle puisse s'épuiser, comme cela arrive pour la monte dite en liberté, dans laquelle le taureau se trouve en présence de plusieurs femelles. La monte en main devient obligatoire lorsqu'il y a disproportion entre les deux reproducteurs. Le taureau étant parfois d'une taille inférieure à celle de la vache, ce qui, fait judicieusement observer M. de Dombasle, «ne tend nullement à rapetisser la race, parce que c'est principalement de la taille de la femelle et surtout du régime auquel les élèves sont soumis, que dépend la taille qu'ils acquerront (1); » alors il est indispensable de maintenir la vache dans une situation qui permette l'accomplissement de la copulation.

En résumé, ce qui domine dans l'hygiène du taureau, c'est de le maintenir toujours en état de

(1) Ouvrage cité plus haut, p. 133.

Hygiène de la vache mère. Quant au choix de la femelle bovine destinée à la reproduction, nous ne pourrions que répéter ce que nous avons déjà dit pour le taureau, si par le fait même de la destination de l'espèce, toutes les vaches ne devaient être à un moment donné livrées indistinctement à la fécondation. La question devient donc ici plus générale et s'applique non pas précisément aux femelles qu'il convient de faire saillir, mais bien à celles qu'il faut élever. Nous nous en occuperons plus loin. Pour l'instant, c'est l'hygiène de l'accouplement et de la gestation qui doit fixer notre attention.

La première condition pour que l'accouplement soit possible et fructueux, c'est que la vache soit dans la période du rut ou des chaleurs. L'état qui caractérise cette période se distingue à des signes particuliers qui n'ont pas besoin d'un œil bien exercé pour être aperçus. «La vache qui est en chaleur, dit M. Magne, est excitée, inquiète, mange peu, boit souvent, fait entendre des mugissements fréquents; elle va, vient dans les pâturages le nez au ven, les yeux brillants, les oreilles tendues; elle monte sur les boeufs, sur les autres vaches, et quelquefois elle se cabre même contre l'homme qui la mène en main; le lait a diminué et il est devenu séreux. Des changements très-apparents sui viennent aussi dans les organes génitaux ; les lèvres de la vulve sont tuméfiées, la muqueuse du vagin est rouge et il s'écoule par cet orifice des mucosités glaireuses. · Il n'est pas rare de voir des vaches en chaleur quitter le pâturage pour aller dans un troupeau où se trouve un mâle, ou pour aller dans la ferme où elles ont déjà été couvertes d'autres fois. » Lorsque cet état s'est renouvelé plusieurs fois, faute d'une fécondation immédiate, il devient permanent et prend un caractère pathologique qui entraîne la stérilité. Les vaches qui le présentent sont dites taurelières, parce qu'elles demandent sans cesse le taureau sans pouvoir être fécondées.

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Elles maigrissent et tombent bientôt dans le marasme, en devenant le plus ordinairement phthisiques. I importe donc de ne pas laisser passer les chaleurs sans livrer la vache en rut au taureau. C'est l'un des points les plus essentiels de l'hygiène des femelles bovines.

M. de Dombasle, dont nous aimons à citer l'œuvre posthume, qui contient nécessairement le résumé des observations de toute la carrière de cet agronome illustre, M. de Dombasle dit que l'état de chaleur des vaches se renouvelle communément tous les vingt et un jours, et que le moment le plus favorable à la conception est douze ou vingt-quatre heures après que la chaleur a commencé. « Les génisses copieusement nourries, fait-il remarquer, commencent à entrer en chaleur d'un an à dix-huit mois, quelquefois même plus tôt ; et il y aurait beaucoup d'inconvénient à se refuser de les faire saillir, du moins pendant plusieurs chaleurs de suite, parce qu'alors elles restent fréquemment stériles; mais, lorsqu'une vache a mis bas avant d'être complétement formée, il est bon de cesser de la traire un mois ou deux après le vêlage, car l'expérience montre que la lactation fatigue encore plus les femelles que la gestation. Quant aux génisses qui sont nourries dans de chétifs pâturages, et qui ne reçoivent guère en hiver que de la paille, elles ont généralement moins de taille et de force à l'âge de deux ans que des animaux bien nourris à un an; et elles mettent rarement bas leur premier veau avant l'âge de deux ans et demi à trois ans (1). »

Il n'y a rien à ajouter à ces remarques. On ne ferait qu'en confirmer la justesse, si cela était nécessaire.

On a recommandé, pour assurer la conception, bien des pratiques relatives aux soins à donner à la vache après l'accouplement. La seule qui soit rationnelle est celle qui consiste à lui assurer la plus grande tranquillité, à l'éloigner de toutes les causes d'excitation. Ce qui démontre bien d'ailleurs le peu de fondement de toutes les idées que l'empirisme s'est faites là-dessus, et que l'on est étonné de voir reproduites dans les ouvrages les plus estimés, c'est que la condition la plus favorable à la fécondation est celle qui se réalise lorsque l'accouplement s'accomplit en liberté, loin de l'intervention de l'homme.

Certains auteurs pensent que pour obtenir des produits destinés à l'élevage, il convient de ne faire porter les vaches que tous les deux ans. Chabert et Huzard étaient de cet avis, et quelques zootechniciens de nos jours le partagent avec les deux éminents vétérinaires. On ne saisit pas bien les avantages d'une telle pratique, quand on songe surtout que la lactation épuise beaucoup plus que la gestation, ainsi que nous le faisions tout à l'heure remarquer en citant M. de Dombasle. M. Magne pense que la gestation annuelle est au contraire favorable à la santé des vaches, pourvu qu'elles ne soient couvertes que deux ou trois mois après le vêlage. C'est aussi notre avis. Et d'un autre côté, les observations sur lesquelles

(1) Ouvrage cité,

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se sont appuyés Chabert et Huzard sans les faire connaître en détail, auraient grand besoin de confirmation. Rien ne prouve que les veaux provenant de vaches que l'on ne fait couvrir que tous les deux ans soient plus fortement constitués, ainsi qu'ils le disent, et que dans leur accroissement ils surpassent toujours les veaux annuels. Les assertions énoncées de cette façon sont le plus ordinairement l'expression d'une opinion préconçue; on les accepte ensuite sur l'autorité de ceux qui les ont émises les premiers en invoquant l'observation d'une manière vague. Il serait bon que dans la science on n'acceptât que l'autorité des faits. Or, nous n'en connaissons aucun que l'on puisse citer à l'appui de l'opinion dont il s'agit. L'expérience n'a vraisemblablement jamais été faite dans des conditions rigoureuses. En attendant donc que l'inconvénient des portées aunuelles soit démontré, il convient de ne pas se priver, pour un bénéfice problématique, des avantages certains que nous connaissons, et qui consistent à avoir deux veaux au lieu d'un.

Les premiers signes de la gestation ne sont pas plus certains chez la vache que chez la jument. Ordinairement, celui qui se manifeste d'abord est la cessation des chaleurs. Cependant, il n'est pas rare de les voir revenir, bien que la conception ait eu lieu. La double qualité de mère et de laitière, qui appartient d'habitude à la vache, complique du reste le problème. Chez les génisses, le développement précoce des mamelles est un indice d'une grande valeur; mais, en général, ce n'est que vers le cinquième mois que l'on peut acquérir la certitude de l'état de gestation par la perception des mouvements du fœtus, en palpant l'abdomen de la vache à la partie inférieure du flanc droit. Jusque-là, les hommes expérimentés qui ont l'habitude de soigner les femelles bovines peuvent bien s'apercevoir de certains changements dans leur manière d'être, tels qu'une certaine mollesse, de la tendance à prendre de l'état, qui rendent probable la plénitude; ils ne s'y trompent guère, à la vérité; toutefois, le signe fourni par les mouvements du fœtus permet seul de l'affirmer.

La durée moyenne de la gestation, chez la vache, est de deux cent quatre-vingt-cinq jours, ou environ neuf mois. Les bêtes dans la force de l'âge portent ordinairement plus longtemps que les jeunes. Cela varie, du reste, beaucoup. Des observations recueillies par lord Spencer, sur 761 vaches, et citées par M. Magne, il est résulté qu'aucun veau vivant n'est venu avant le deuxcent-vingtième jour qui a suivi la conception, ni après le trois-cent-treizième ; aucun de ceux nés avant le deux-cent-quarante-deuxième jour n'a pu être élevé, 314 vaches ont vêlé avant le deux-centquatre-vingt-quatrième jour; 66 à cette date; 74 le deux-cent-quatre-vingt-cinquième, et 310 postérieurement. Cela met bien la moyenne à l'époque fixée plus haut.

«Pendant toute la durée de la gestation, dit M. de Dombasle, la vache doit être copieusement nourrie, si l'on veut obtenir des veaux bien constitués et propres à former de beaux élèves. On doit cependant éviter une nourriture trop abon

dement, la couvrir, lui donner des boissons tièdes, en attendant l'arrivée du vétérinaire.

L'accident le plus redoutable, à la suite de l'avortement, c'est le défaut d'expulsion du délivre. Il nécessite des soins particuliers qui sont entière

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dante; et la vache, au moment du vêlage, doit être en état d'embonpoint et non pas grasse : dans ce dernier cas, le part devient difficile et le veau est quelquefois moins gros que si la nourriture eût été distribuée avec plus de modération. >> Cette remarque de l'illustre agronome est pleinement du domaine de l'homme de l'art, et que de justesse, mais elle manque un peu de préci- nous n'avons pas, par conséquent, à exposer ici. sion. Il veut dire sans doute que l'alimentation de la vache pleine doit être substantielle, plutôt composée de fourrages riches en principes nutritifs que de substances qui poussent à l'engraissement.Le régime alimentaire qui convient le mieux en pareil cas, c'est celui qui est propre à entretenir la bête dans un état de santé robuste. Les fourrages grossiers, ceux qui, étant fortement aqueux, fermentent facilement dans la panse, de même que ceux qui sont avariés, moisis ou poudreux, indépendamment de ce qu'ils manquent des qualités nutritives, passent aussi pour provoquer l'avortement.

On a beaucoup disserté sur les circonstances qui peuvent produire cet accident. Des travaux très-recommandables d'ailleurs ont été publiés là-dessus dans ces derniers temps. Ils se résument en ceci : que tous les écarts d'hygiène seraient des causes d'avortement. La vérité est qu'en dehors des violences directes on ne sait encore rien de positif sur la raison déterminante de l'avortement. On voit des vaches journellement exposées à toutes les influences considérées en général comme prédisposantes, ne point avorter, tandis que d'autres ne peuvent pas porter leur fruit à terme, quelques précautions qu'on ait prises pour les écarter. Ces précautions n'en sont pas moins bonnes à prendre. Il faut surtout donner aux vaches pleines de l'air et de l'exercice, conditions qui, avec une bonne alimentation, sont favorables au maintien d'une robuste constitution.

« Les vaches pleines, dit judicieusement M. Magne, doivent être conduites avec douceur et précaution; on ne doit jamais les presser pour les faire passer par les portes. On les éloignera des pâturages humides et en pente, où elles pourraient faire des glissades, des pâturages entourés de fossés peu profonds, de barrière peu élevées, qu'elles pourraient être tentées de franchir; on veillera à ce qu'elles ne se battent pas entre elles, à ce qu'elles ne soient pas battues par les autres animaux, ni poursuivies par les mâles. Si elles portent pour la première fois, on leur maniera le pis de temps en temps afin de les rendre moins chatouilleuses. »>

Si, malgré toutes ces précautions, l'avortement a lieu, il se manifeste par des signes précurseurs qu'il est important de saisir tout de suite, parce qu'il est possible dans certains cas d'y remédier et d'en prévenir l'accomplissement. Le plus sage, lorsque quelque changement se manifeste dans la manière d'être d'une vache pleine, c'est d'appeler aussitôt le vétérinaire qui jugera de son état et prendra les mesures nécessaires pour conjurer l'accident, si la chose est encore praticable. En tout cas, il convient avant tout d'isoler la bête, de lui procurer la tranquillité et d'écarter les causes qui paraissent avoir agi sur elle. L'expulsion du fœtus ayant eu lieu, il faut la tenir chau

Vêlage. Les signes qui annoncent chez la vache la fin de la gestation sont faciles à saisir. Ils ont été bien indiqués par M. de Dombasle, de la manière sommaire qui suffit pour les praticiens. « On connaît, dit-il, les approches du vêlage au gonflement des mamelles qui commencent à contenir du lait quelques jours avant cette époque. Le ventre se gonfle également; et il se forme deux enfoncements très-sensibles à l'extrémité postérieure de la croupe, des deux côtés de la queue. Ces enfoncements s'augmentent jusqu'au moment du vêlage. » Du reste, nous n'avons rien de particulier à ajouter pour ce qui concerne la parturition de la vache. Les détails qui ont été précédemment consacrés à celle de la jument sont dans le cas parfaitement applicables. Il serait donc tout à fait superflu de les répéter. Nous devons nous borner à y renvoyer le lecteur (voy. p. 542). Les seules différences qui peuvent se présenter ne se rapportent pas à l'accouchement physiologique. Quant à celui-ci, il est seulement en général plus facile chez la vache que chez la jument.

Il est bon cependant de faire remarquer que la non-délivrance est beaucoup plus fréquente chez la première, ce qui tient sans doute à la multiplicité des placentas cotylédonaires plus fortement agrégés. Cet accident est à peu près certain toutes les fois que le part est un peu prématuré. Dans ce cas il faut se håter de rompre lé cordon et de placer la bête de manière à ce qué son train postérieur soit plus élevé que celui de devant. L'expérience nous a démontré que les efforts expulsifs qu'elle fait pour se débarrasser des membranes adhérentes entraînent parfois le renversement de l'utérus. Une saignée faite à propos calme alors ces efforts, facilite la désagrégation des cotylédons placentaires et l'expulsion du délivre, qu'il ne faut jamais d'ailleurs se hâter de provoquer directement par des tractions. Un léger poids attaché au cordon pendant entraîne ordinairement sa sortie après quelque temps. S'il persistait à demeurer en place au delà de vingtquatre heures, il faudrait faire appel aux lumières du vétérinaire, qui se conduit alors suivant les indications. Ces indications varient, et ce n'est pas ici le lieu de les déterminer. Nous devons nous en tenir aux prescriptions qui sont à la portée des personnes étrangères à la médecine.

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