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simplement jalonner la route de celles qui se proposent d'embrasser la carrière agricole, exposer en peu de mots les exigences et l'importance de notre grande industrie rurale, la dégager des mensonges séduisants dont on l'enveloppe, la présenter sous son véritable jour, au risque d'éteindre brusquement quelques feux de paille et de déchirer quelques illusions. Maintenant que la situation est assez éclairée, que les vocations de fantaisie vont s'évanouir, nous ne comptons plus que sur les caractères résolus, et nous leur disons: avant d'acheter un domaine, de bâtir une ferme et de fabriquer des récoltes, il con

vient d'avoir une idée nette des influences atmosphériques sur la végétation, de connaître au moins approximativement les propriétés des divers terrains qui peuvent être soumis à la culture, et de savoir comment l'on doit s'y prendre pour restituer à ces terrains les substances que leur enlèveront les plantes pour se nourrir. Après cela, nous préparerons nos outils, nous bâtirons dans les conditions les plus favorables à nos vues, nous défricherons, nous drainerons, nous combinerons nos assolements, et nous nous mettrons à la besogne.

P. JOIGNEAUX.

CHAPITRE II METEOROLOGIE AGRICOLE.

Tout ce qui existe dans l'arrangement de l'univers a sa raison d'être; l'homme seul fait, par moments, des choses inutiles ou nuisibles. Mais comme l'air, la chaleur, le froid, la neige, la glace, la lumière, l'eau, l'électricité, la grêle, les vents, etc., ne sont point des inventions de l'homme, nous devons nécessairement nous y intéresser, les étudier, nous demander quelles sont leurs influences dans les opérations de l'agriculture. Or, la science, encore toute nouvelle, qui s'en occupe particulièrement, porte le nom de Météorologie agricole. Cette science, appelée à nous rendre, quelque jour, d'importants services, n'est pas riche à cette heure; cependant, même dans l'état d'imperfection où elle se trouve, les cultivateurs y puiseront d'utiles enseignements. Nous les entretiendrons d'abord de l'air atmosphérique.

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Air atmosphérique. Dans nos campagnes, rien n'est plus connu que le nom, mais rien n'est moins connu que la chose. Tout le monde vous dira que l'air est pur ou malsain, vif ou doux, glacé ou tiède, empesté ou embaumé, que l'air est indispensable aux animaux et aux plantes, que, faute d'air, la vie s'en va et la lampe s'éteint; mais la plupart des individus seraient bien en peine de répondre à cette question : Qu'estce que l'air?

Il s'agit donc de le leur apprendre en peu de mots. La terre, qui a la forme d'une boule, est enveloppée d'une couche de gaz qui n'a guère moins de 12 lieues d'épaisseur, au dire des uns, de 14 ou 15, au dire des autres. Un peu plus ou un peu moins, c'est l'affaire des savants, non la nôtre; aussi n'avons-nous pas à chicaner sur le chiffre. Cette couche s'appelle atmosphère, et l'air qui la constitue est formé de deux gaz. L'un des deux se nomme oxygène, et l'autre se nomme

azote.

Sur cent mètres cubes d'air atmosphérique, on

trouve à peu près vingt-un mètres de gaz oxygène et soixante-dix-neuf mètres de gaz azote, sans compter un peu d'acide carbonique, de la vapeur d'eau, des miasmes, des sels, de la matière terreuse, un peu d'ammoniaque et un peu d'acide azotique.

Nous entendons par acide carbonique, le gaz qui sort du charbon que l'on brûle, du four à chaux allumé, de la cuve où les raisins fermentent, de la cave où il y a du vin blanc nouveau, du cidre ou de la bière jeune, etc.

Nous entendons par miasmes les substances, malsaines d'ordinaire, qui sortent des marais ou des canaux qui se dessèchent, des terres neuves que l'on remue, des ateliers d'équarrissage, des fumiers en fermentation, des fosses bourrées de cadavres.

Nous entendons par sels, non-seulement le sel de cuisine, mais encore d'autres composés que la vapeur d'eau emporte de la mer ou d'ailleurs, comme la bulle de savon emporte avec elle un peu des sels de soude ou de potasse qui forment

ce savon.

Nous entendons par matières terreuses cette fine poussière qui s'agite dans l'air, ainsi que vous pouvez le remarquer en faisant passer un rayon de soleil dans un appartement obscur.

Nous entendons par ammoniaque ce que tous nos villageois connaissent sous le nom d'alcali volatil.

Nous entendons, enfin, par acide azotique ce que nos cultivateurs appellent eau forte.

Quant à l'oxygène et à l'azote qui forment la presque totalité de l'atmosphère, nous vous dirons ces deux gaz qui n'ont point de couleur, et que nous ne distinguons par conséquent pas, ne se ressemblent guère. Le premier, s'il était seul, nous ferait vivre trop vite, et, partant, mourir trop tôt; le second, s'il était seul aussi, ne nous ferait pas vivre du tout. La nature a mis de l'azote dans son oxygène, comme nous mettons de l'eau

dans notre vin pour ne pas nous enivrer. C'est du moins l'opinion de beaucoup de personnes. Toutes ces choses que nous venons de citer, sont nécessaires à la vie des plantes. C'est la pro vision de vivres où les feuilles prennent ce dont elles ont besoin, comme les racines prennent, de leur côté, dans le sol, ce dont elles ont besoin aussi. Et la preuve de ceci, c'est que les chimistes qui analysent une plante, y retrouvent un peu de tout ce que l'air et le sol contiennent.

Les propriétés physiques de l'air ont une grande importance pour le cultivateur. Examinons donc quelques-unes de ces propriétés :

L'air est pesant; c'est une affaire prouvée et qui n'a plus besoin de l'être à nouveau. Une colonne d'air de 12 lieues de hauteur pèse autant à base égale qu'une colonne d'eau de 10 mètres ou qu'une colonne de mercure (vif-argent), de 0,76. C'est sur cette particularité du poids de l'air que repose la construction du baro

mètre.

Plus l'air est pur et lourd, plus il pèse sur la cuvette de mercure et plus celui-ci monte dans le vide; plus l'air est léger, moins il y a de pression sur le mercure de la cuvette et plus il descend. Plus il y a de changements dans la masse de l'atmosphère, plus il y a de variations dans la marche du baromètre.

Nous nous servons de cet instrument pour connaître l'état du temps; mais il ne faut pas s'y fier d'une manière absolue, bien que souvent il nous renseigne assez bien. Quand il se maintient haut, c'est signe de beau temps; quand le mercure descend, c'est que l'air est rempli de vapeurs d'eau plus légères que lui ou que des courants d'air chaud se produisent quelque part dans l'atmosphère. Nous sommes donc autorisés à attendre de la pluie, des orages ou du vent.

L'air peut être chargé d'eau près de la terre et fort sec dans toutes les autres parties de l'atmosphère. Donc, alors même que le mercure a de la tendance à s'élever dans le baromètre, la pluie peut tomber. L'air peut être sec dans les parties les plus rapprochées de nous et mouillé partout ailleurs dans les régions élevées, en sorte que nous aurons le beau temps quand le baromètre l'indiquera pluvieux. Des courants supérieurs peuvent rompre la colonne d'air, l'empêcher de peser de tout son poids sur le mercure, et le baromètre baissera sans que la pluie soit à craindre. Voilà ce qui nous porte à accuser le baromètre de mentir assez souvent, quand tous les torts sont de notre côté. Cet instrument a été imaginé pour peer l'air et mesurer les hauteurs, non pour indiquer la pluie et le beau temps. Mais il n'en est pas moins vrai que, sous ce rapport, il nous donne encore très-souvent de bons avis.

Les baromètres, dont nous nous servons habituellement, sont de trois sortes: 1° Le baromètre à siphon, le plus répandu de tous dans les fermes, et qu'il est parfaitement inutile de décrire; 2° le baromètre à cadran (fig. 1) qui ne diffère du précédent que par un léger flotteur placé sur le mercure et muni d'un fil très-fin passant sur une poulie et se terminant par un poids tout juste suffisant pour le tendre. Quand le mercure des

NARIABLE

cend dans la cuvette, le flotteur descend avec lui et la poulie qui tourne à cause de l'adhérence du fil, fait mouvoir une aiguille adaptée au cadran. Quand, au contraire, le mercure s'élève, le flotteur s'élève aussi, et le petit poids, agissant sur le fil, imprime à la poulie, et par conséquent à l'aiguille du cadran, un mouvement dans le sens opposé à celui de tout à l'heure. Ce baromètre de salon est un peu moins sensible que le premier à cause des frottements de la poulie; néanmoins, il fonctionne d'une manière satisfaisante. 3o En dernier lieu, et depuis quelques années sculement, nous avons baromètre métallique qui, pour nous, est préférable aux deux autres, parce qu'il est plus solide et qu'on peut, sans Fig. 1. - Baromètre à cadran. le déranger, le placer dans toutes les positions. Il se compose (fig. 2) d'un tube métallique, dans lequel il n'y a pas d'air,

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et dont les parois sont très-minces et très-élastiques. Les deux extrémités de ce tube, disposé en forme de cercle, s'articulent au moyen de deux petites bielles avec un levier qui se meut autour d'un axe passant par son milieu. Quand l'air pèse de tout son poids, le tube s'aplatit; ses extrémités se rapprochent ; quand, au contraire, la pression de l'air va en diminuant, la section du tube s'ouvre et ses deux bouts s'écartent. Or. selon qu'il y a rapprochement ou écartement de ces extrémités, un mécanisme à engrenage communique les variations à l'aiguille du cadran qui

marche tantôt dans un sens, tantôt dans le sens opposé.

Tout cultivateur doit avoir un baromètre à sa disposition et le consulter souvent en temps de semailles, de moisson et de fenaison. Alors même qu'il l'induirait en erreur de fois à autres, il n'en aura pas moins, dans la plupart des cas, l'occasion de s'en louer.

De même que la pesanteur de l'air atmosphérique nous fournit des indications précieuses, son élasticité et, partant, sa faculté de transmettre les sons, nous en fournit aussi une qui n'est point à dédaigner. De ce que les sons se transmettent mieux dans les liquides que dans les gaz, il suit que l'air chargé d'humidité opère la transmission beaucoup mieux que l'air sec. On entend mieux les cloches par un temps pluvieux que par un beau temps, et nos villageois le savent bien. Les poissons et les plongeurs passent avec raison aussi pour avoir l'oreille délicate.

L'air se dissout dans l'eau ; c'est une condition de vie pour les animaux aquatiques. C'est pour cela précisément aussi que l'eau aérée vaut mieux, dans nos arrosages, que l'eau privée d'air; c'est pour cela que l'eau de rivière est préférable à l'eau de puits, que l'eau agitée est préférable à l'eau dormante, que l'eau qui a bouilli s'oppose à la germination des graines qui germent bien dans l'eau ordinaire. Dans certains cas, nous aurions donc intérêt à battre l'eau avant de nous en servir.

L'air, vu en masse, c'est-à-dire le ciel, est d'un bleu foncé, quand il est sec; d'un bleu pâle, farineux, blanchâtre, quand il se remplit de vapeur d'eau. Cependant, quelquefois aussi, en plein été, quoique rempli de vapeur d'eau, il est d'une transparence rare et rapproche les objets comme une longue-vue. On explique la chose en disant que les couches d'air, chauffées partout également, sont en équilibre et qu'il ne s'y forme pas de ces courants chauds et froids qui nuisent à la transparence. Dans la Côte-d'Or, à l'époque des semailles, en septembre, quand nous découvrons très-distinctement le Jura et le Mont-Blanc, et alors même qu'il n'y a pas trace de nuages, nous nous attendons à une pluie très-prochaine.

Chaleur. — Sans chaleur, pas de vie; c'est elle qui fait circuler la séve. Elle est en nous; elle est dans l'arbre et le brin d'herbe; elle est dans la graine aussi lontemps qu'elle peut germer et dans nos racines de conserve aussi longtemps qu'elles peuvent donner des tiges. En dehors de cette chaleur vitale qui nous est propre ainsi qu'aux végétaux, nous en recevons de la terre et du soleil. Parlons-en:

On a lieu de croire que, dans le principe, le globe était en feu, qu'il s'est refroidi peu à peu, à la longue, mais que le centre est encore, à cette heure, une immense fournaise qui transmet de la chaleur dans tous les sens. Ce qui nous porte à cette supposition, c'est qu'au fur et à mesure que l'on descend dans les mines ou que l'on fore des puits artésiens, on reconnaît que la chaleur va toujours en augmentant d'un degré par 30 mètres environ. Cette transmission du centre vers la circon

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férence échauffe la surface de la terre en tout temps, bien entendu, mais la chaleur obscure qui nous vient de la terre est d'autant plus sensible que la chaleur lumineuse du soleil vient s'y ajouter davantage. Pendant les nuits et pendant les hivers, la terre donne nécessairement plus qu'elle ne reçoit.

La chaleur de la terre ne passe pas aussi vite dans l'air que la chaleur du soleil. L'humidité, les nuages, la neige la gênent ou l'entravent au passage. Par un temps couvert ou par un brouillard de nuit, cette chaleur obscure ne s'en va pas aussi haut que par une nuit sereine. Mais quand rien ne l'arrêté, quand le rayonnement se fait pour ainsi dire en toute liberté, la chaleur de la terre est perdue pour nous; le milieu dans lequel nous sommes se refroidit vite, surtout si le soleil n'a pas encore eu le temps de réchauffer le sol, au printemps par exemple, et ce refroidissement va jusqu'à la gelée blanche, jusqu'à la glace, désorganisc les jeunes bourgeons et détruit les fleurs.

La lune rousse, dont on dit tant de mal, ne vaut ni moins ni plus que les autres lunes; elle n'a qu'un tort, c'est de se montrer quand la végétation est en mouvement, et alors que la surface de la terre n'a pas encore suffisainment senti le soleil. Du moment que cette lune nous apparaît très-distinctement, c'est une preuve que l'air est pur et que rien, dans l'espace, ne s'oppose au passage de la chaleur nocturne. Un grand refroidissement est donc à prévoir. Si des nuages ou des brouillards s'interposaient entre elle et nous, nous n'aurions rien à craindre. C'est par conséquent à l'absence de nuages et de brouillards que l'on devrait s'en prendre, non à la présence de la lune. Ce qu'il y a de mieux à faire dans ce cas particulier, c'est d'établir des obstacles artificiels au rayonnement, à défaut d'obstacles naturels. Les Péruviens et certaines personnes qui n'habitent pas le Pérou, font la besogne des nuages, en brûlant de la paille mouillée ou des herbes vertes qui produisent une fumée abondante. Pendant les nuits sereines, cette fumée s'oppose au rayonnement de la chaleur terrestre vers les régions élevées; au lever du soleil, cette même fumée arrête au passage la chaleur solaire et empêche la désorganisation des plantes qui ont souffert de la gelée pendant la nuit. On peut donc se servir de la fumée à deux fins pendant une nuit claire pour empêcher la gelée, et dans les matinées du printemps pour ralentir le dégel.

Malheureusement, s'il fallait produire des nuages artificiels tout le temps que dure la lune rousse, il en coûterait cher, car on userait d'énormes quantités de paille mouillée ou d'herbes vertes; on a donc recours à des moyens plus économiques et plus faciles. Nous nous servons de chaperons, d'abris, de paillassons, d'étoffes de toile, de feuilles sèches, de rameaux de genêt, etc.

La chaleur, d'où qu'elle vienne, chaleur de la terre, du soleil, des couches en fermentation, de l'eau chaude ou de la vapeur d'eau, est indispensable à la germination des graines, à la végétation des plantes et à la maturation des fruits. Elle met la séve en mouvement; elle fait de l'hiver l'été sous nos bâches, dans nos serres, sous nos châssis

vitrés. En plein air même, avec du fumier chaud derrière un mur, on avance de quinze jours environ la maturité des fruits d'espalier; et l'on assure que les cultivateurs de Berlin n'arrivent les premiers pour leurs cerises, qu'en arrosant les pieds des cerisiers avec de l'eau chaude.

Toutes les plantes, tous les arbres n'ont pas besoin, pour végéter, du même degré de chaleur. Il en faut moins à la mousse qu'à la mâche, moins à celle-ci qu'au haricot ou au maïs, moins aux pois qu'à la pomme de terre, moins au crambé qu'au pourpier.

Chaque plante a besoin, pour parcourir toutes les phases de son développement et mûrir ses graines à souhait, d'une somme de degrés de chaleur plus ou moins considérable. Quand le climat ne nous permet pas de l'obtenir, il faut renoncer à la culture de la plante. Si, par exemple, nous vivons sous un climat qui, d'avril en septembre, ne peut nous donner qu'une moyenne de 1200° de chaleur, nous ne commettrons pas la folie d'y · cultiver le froment qui en veut près de 2000°.

Il résulte de cette observation que si nous connaissions parfaitement et la quantité de chaleur exigée par toutes les plantes cultivées et la quantité de chaleur que nous offrent les différents climats, nous ne demanderions jamais l'impossible à nos champs ou à nos jardins et n'introduirions jamais chez nous certaines plantes nouvelles incapables de s'y développer. Faute de savoir, on se livre fréquemment à des essais aventureux, et l'on n'a, pour toute récolte, que des déceptions.

Si la chaleur est l'âme de la végétation, elle en est parfois aussi le fléau. Ainsi, très-peu de plantes sont capables de résister, même momentanément, à une chaleur de 50°. C'est pourquoi l'on est obligé de donner aux couches élevées avec du fumier de cheval, de mulet ou d'âne le temps de jeter leur coup de feu, avant de les ensemencer. Dans les étés très-chauds, comme ceux de 1857, 1858 et 1859, quantité de récoltes ont beaucoup souffert dans les terrains légers, dans les climats doux et jusque sous les climats ordinairement humides et froids. La chaleur forte et prolongée vaporise l'eau des engrais qui, à l'état sec, ne sauraient nourrir les végétaux, et vaporise également leur eau de végétation, de sorte que les feuilles deviennent flasques et retombent pendant le jour. Les canaux par où circule la séve, ne recevant plus rien du sol, cessent de fonctionner, se resserrent; les tissus se durcissent, les plantes s'arrêtent dans leur développement et les graines se dessèchent au lieu de mûrir. Nous avons des arbres qui, à l'espalier, souffrent beaucoup d'une chaleur intense, et l'abricotier est du nombre. C'est pour l'en préserver qu'il est d'usage de masquer son tronc avec des planches, et ses principales branches avec un mastic de terre et de bouse de vache. Sans cette précaution, la séve, chauffée à l'excès, perd sa fluidité, s'épaissit, devient gommeuse et ne peut plus circuler dans ses canaux. Il n'est pas rare de voir les plus belles branches de nos abricotiers d'espalier, celles qui appellent le plus de séve, mourir tout à coup sous l'effet de la chaleur solaire, qui se produit en été de onze heures jusqu'à deux ou trois heures de l'après-midi.

La chaleur solaire n'agit pas avec une égale énergie sur tous les terrains indistinctement. Les terrains de couleur foncée, qui l'absorbent, s'échauffent plus vite et plus fortement que les terrains blancs ou grisâtres qui la réfléchissent en partie. C'est pour cela que les vêtements blancs ou de couleur claire sont les meilleurs pour la saison chaude. C'est pour cela aussi que les paysans suisses, impatients de se débarrasser de la neige au printemps, la recouvrent de terre noire afin qu'elle fonde plus vite.

De ce qui précède, il suit nécessairement que dans les terrains froid; et sous les climats du nord, il est très-avantageux d'employer des engrais foncés en couleur et de reinbrunir au plus vite la couche arable au moyen de fumures copieuses; il suit de là que les terres brunes dégèlent plus tôt que les terres blanches; il suit de là aussi qu'il est imprudent de dégarnir les terrains de montagnes, exposés à souffrir de la sécheresse, de la pierraille blanche ou grisâtre qui, dans certaines localités, les recouvre entièrement et protége les racines des récoltes contre l'ardeur du soleil. Mais par cela même que la couleur blanche réfléchit bien une partie des rayons lumineux, les végétaux à portée des rayons réfléchis sont énergiquement chauffés. Les côtières adossées aux murs en fournissent la preuve.; aussi les réservet-on aux primeurs.

Dans les contrées du nord, où le soleil, en été, reste plus longtemps que chez nous au-dessus de l'horizon, et où par conséquent les nuits sont plus courtes, la terre a beaucoup plus de temps pour s'échauffer que pour se refroidir; aussi la végétation très-lente à se produire, en raison de la durée des hivers, marche avec une rapidité surprenante et ressaisit pour ainsi dire le temps perdu.

Par cela seul que la chaleur active la végétation, il arrive que les arbres d'espalier, à l'exposition du midi, donnent leurs feuilles et leurs fleurs avant que la terre soit convenablement échauffée; et, dans ce cas, les gelées tardives les maltraitent d'ordinaire. Ainsi, même dans le nord de la France, et, en Belgique, dans le Hainaut, la province de Namur et celle de Liége, il y a souvent profit à préférer, pour les espèces et variétés précoces, l'exposition du nord à celle du midi.

La chaleur solaire trop élevée n'est pas seulement nuisible aux végétaux, elle l'est encore aux opérations de la laiterie. La crème ne monte pas facilement en été et le battage du beurre n'est pas expéditif.

La chaleur vitale, comme la chaleur solaire, a ses inconvénients aussi. Les cultivateurs savent très-bien que les graines de navette et de colza, que les céréales au grenier, les pommes de terre, carottes, navets, betteraves, en cave ou en silos, sont sujets à s'échauffer. La température des tas étant élevée par la chaleur vitale, la fermentation s'ensuit. Il convient donc de la prévenir à propos, en chassant cette chaleur par des moyens d'aé| ration dont nous aurons plus d'une fois l'occasion de vous entretenir. Il est inutile d'ajouter qu'une température élevée est nuisible aux fruits de nos

conserves d'hiver, et que le fruitier s'accommode mieux de 5 ou 6o de chaleur que de 12 ou 15. En dernier lieu, nous ferons observer qu'une température d'étable, avantageuse à l'engraissement, serait très-défavorable aux animaux d'élevage, et que, dans nos campagnes, cette question d'hygiène est très-négligée à l'endroit des vaches et des moutons.

Il convient donc, dans bien des cas, de savoir à quoi s'en tenir sur l'état de la température : or, à cet effet, nous nous servons du thermomètre et le déclarons de toute utilité dans nos fermes. Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas nous en rapporter à nos sens, car ils nous tromperaient souvent.

La construction du thermomètre repose sur la propriété qu'ont les liquides d'augmenter de volume quand on les chauffe et de diminuer de volume quand on les refroidit. L'instrument se compose d'un tube de verre, d'un diamètre trèspetit, terminé par un renflement qui contient du mercure ou de l'esprit-de-vin coloré en rouge. Ce tube est fixé à une planchette graduée. Dans le thermomètre centigrade, le zéro indique la température de la glace fondante, les degrés audessus de zéro indiquent l'échauffement de la température; les degrés au-dessous indiquent son refroidissement: 100' au-dessus de zéro marquent la température de l'eau bouillante.

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Thermomètre Réaumur

Thermomètre centigrade.

Dans le thermomètre de Réaumur, la température de l'eau bouillante est indiquée par 80°; dans celui de Fahrenheit, dont se servent les Anglais, l'instrument marque 32° dans la glace fondante et 212o dans l'eau bouillante. Donc 10° centigrades équivalent à 8° Réaumur et à 18° Fahrenheit.

Froid. — Quand la température s'élève d'une manière sensible, nous disons qu'il fait chaud; quand, au contraire, elle s'abaisse, nous disons qu'il fait froid. Que si, maintenant, vous nous demandiez où finit la chaleur et où commence le froid, nous vous répondrions que la ligne de démarcation ne sera pas établie de sitôt, et que le zéro des physiciens n'est qu'une limite de convention. Le Lapon, qui vit dans le pays des rennes et des ours blancs, ne sera point, là-dessus, de l'avis du nègre qui vit sous un soleil à cuire des œufs; l'homme de la plaine et l'homme de la montagne élevée ne s'entendront point sur la limite; enfin, il n'y aura pas non plus d'accord possible entre un individu gras et un individu maigre, entre un individu lymphatique et un individu sanguin. Nous avons des gens qui ouvrent la fenêtre pour se rafraîchir, pendant que d'autres grelottent et soufflent déjà dans leurs doigts. Quoi qu'il en soit, il est à peu près permis d'avancer que sous une température de+8° centigrades, il ne fait pas encore chaud,

Fig. 3.

et qu'en descendant de là vers zéro, il fait déjà froid.

L'abaissement de température ralentit la circulation de la séve; toutefois, il ne la ralentit pas également chez tous les végétaux sans distinction. S'il y a des plantes qui ne bougent plus à l'approche de l'hiver, en retour, il y en a d'autres qui continuent de pousser.

Nous distinguons deux sortes de froid: le froid sec et le froid humide. En agriculture, le premier nous donne de vives contrariétés, car, à la sortie de l'hiver, alors que la végétation se relance, il provoque une évaporation considérable. Le vent de bise ou du nord-est qui, en mars ou avril, souffle huit ou quinze jours durant et rougit l'extrémité des feuilles de nos céréales, est un froid sec qui prend l'eau des plantes en même temps que l'eau du terrain, et plus vite que ne la prendrait le plus beau soleil. Si les cultivateurs s'en plaignent, et avec raison, les ménagères qui font la lessive s'en félicitent, et avec raison aussi.

Ce froid desséchant, que nous désignons sous le nom de hâle, n'a pas seulement l'inconvénient de nuire aux céréales d'automne; il a celui, en outre, d'empêcher la germination des graines, semées de bonne heure, de les découvrir dans les sols légers, et de les priver entièrement de leurs facultés germinatives. En terre schisteuse, chaque fois que nous nous sommes trop hâté de semer, il a fallu renouveler le semis, parce que la graine ne levait point ou que les jeunes plantes levées n'avaient pas la force de résister longtemps. Pour prévenir ces accidents, nous ne connaissons que trois bons procédés applicables aux sols légers: 1° l'emploi du rouleau qui maintient la fraîcheur dans la couche arable; 2° l'usage des fumiers d'étable ou de porcherie en couverture sur les emblaves d'automne et de printemps, parce que ces fumiers, outre qu'ils ne se laissent pas dessécher aisément, ont le mérite de cacher la surface du terrain à l'air et au soleil, et par conséquent de prévenir l'évaporation; 3° l'enfouissement de plantes vertes, à titre de fumure, parce que ces plantes vertes fournissent de l'humidité au fur et à mesure que le froid l'enlève.

Le froid sec de mars et d'avril est nuisible aux arbres en fleurs, attendu qu'il contrarie la marche de la séve au moment de la fécondation. Voilà pourquoi les amateurs de fruits entourent la tige de leurs arbres à mince écorce avec des cordons de paille et arrosent le pied avec de l'eau chaude. Les arbres, dont l'écorce est épaisse, et qui sont, par conséquent, mieux vêtus, ne doivent pas être aussi exposés aux effets du refroidissement, et nous nous demandons si l'usage qui, dans certaines contrées, consiste à enlever l'écorce morte, est absolument avantageux. C'est une simple question.

Le froid sec a le mérite de favoriser la conservation des substances végétales et animales.

Le froid humide est moins redoutable que le précédent, aussi longtemps, bien entendu, que la température se maintient au-dessus de zéro. Bosc lui attribue la propriété nuisible d'empêcher la fécondation des arbres en fleurs, mais

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