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plupart de ceux qui avaient adopté de prime abord leur système d'exploitation. Il organisa à Meauce, dans le val de l'Allier, un vaste système d'élevage, qui obtint un plein succès jusqu'en 1815, année désastreuse où le typhus contagieux ravagea la contrée et enleva de ses étables, en quelques jours, quatre-vingts têtes de bétail. Cette perte ne le découragea point; en 1818 il vint s'établir à la ferme de la Maison-Rouge, près Germiny-l'Exempt (Cher) où il développa à nouveau l'élevage de la race charolaise. Le soin qu'il apporta dans le choix des reproducteurs fit bientôt de sa souche l'une des plus renommées sous le rapport de la naissance et de l'aptitude à prendre la graisse; le nombre des animaux qu'il vendit dans les vingt dernières années de ses opérations ne saurait être calculé aujourd'hui, mais ce qui est digne de remarque, c'est qu'il en fut acheté dans ses écuries pour retourner en Saône-et-Loire. Il introduisit en même temps dans ses assolements la culture des prairies artificielles, inconnue jusque-là dans cette riche vallée, et put dès lors consacrer aux embouches la majeure partie de ses prairies, dont il avait, du reste, augmenté l'étendue par l'adjonction des fermes de la Garde et des Grivos. Vers 1840, cette partie de son exploitation reçut une extension considérable, et comprenait un chiffre variable de deux cent quatre-vingts à trois cents bêtes mises à l'engrais chaque année dans les herbages.

« Les travaux qu'il accomplit pour la transformation en prairies des terrains froids et compactes de ses fermes ne furent point sans influence sur le mode d'exploitation locale; il eut la satisfaction de les voir reproduire dans toutes les parties du pays susceptibles de recevoir le même traitement; et cette vallée, qui précédemment restait, pour ainsi dire, improductive malgré sa haute fertilité, livre aujourd'hui à la boucherie plus de deux mille cinq cents bêtes grasses chaque année, outre l'élevage considérable qu'on y pratique. Sous l'influence du nouveau système, la valeur foncière des propriétés rurales s'accrut dans une proportion rapide, et le prix des fermages, qui était, en 1815 et 1820, de 20 à 25 fr. par hectare, s'est élevé jusqu'à 100 fr., y compris les terres arables, dont les locations, lorsqu'elles sont isolées, ne dépassent guère 30 à 40 fr. par hectare. La ferme de la Maison-Rouge, qui était louée 1,800 fr., avant 1818, fut affermée 8,500 fr., y compris les menus suffrages, après vingt-sept ans d'exploitation par M. Chamard.

<< On peut voir par ce qui précède, ajoute l'auteur, quelle a été l'influence du système charolais et de l'introduction du bétail de Saône-et-Loire dans le Cher et la Nièvre; on verra prochainement des effets analogues se produire dans une grande partie du département de l'Allier, où cette race pénètre de plus en plus. C'est qu'en effet la race charolaise est éminemment propre à l'engraissenient à l'herbe, et ce système est tellement simple qu'il devient facile à exécuter partout où le sol manque de bras et où l'humidité constante s'oppose à une culture lucrative, même dans les fonds les plus fertiles (1). »

(1) Encyclopédie pratique de l'agriculteur.

Après avoir ainsi fait l'histoire de la première phase des déplacements auxquels la race charolaise doit sa réputation et son succès, M. Chamard indique les changements survenus dans les caractères primitifs de cette race sous l'influence des opérations dont il s'agit. Dès les premières générations, paraît-il, les animaux avaient perdu de leur finesse. Le poil était devenu moins soyeux, la peau moins souple, caractères appartenant à un très-haut degré à la souche originelle. Le système osseux s'était développé davantage, la tête avait acquis plus de volume, les cornes, demi-longues, un peu relevées vers la pointe, lisses et de la teinte de l'ivoire dans toute leur étendue, avaient pris à leur extrémité une couleur verdâtre. L'encolure s'est renforcée, le fanon, peu prononcé dans le type de Saône-et-Loire, est devenu plus prononcé ; à l'expression de douceur du regard a succédé un certain air de fierté; en somme, « l'ensemble de la machine, dit M. Chamard, est devenu plutôt l'expression propre à l'animal travailleur qu'à celui dont les aptitudes sont multiples et la fin dernière la boucherie. » Toutefois le pelage est resté ce qu'il était primitivement, c'est-à-dire uniformément blanc, d'une nuance de crème; le corps n'a pas cessé d'être cylindrique et épais, porté sur des membres courts et relativement peu volumineux. La tête est toujours courte, et large néanmoins, et les naseaux sont bien ouverts. La ligne du dos parfaitement droite, et les lombes larges; la fesse épaisse et arrondie en arrière, avec la queue plantée bas; tout cela n'a point varié. Et tels sont aujourd'hui les caractères de la race charolaise à l'état de pureté, dans toutes les parties de la région qu'elle habite, aussi bien dans l'Allier, le Cher, la Nièvre, la Côte-d'Or, que dans le département de Saône-et-Loire où elle a pris son origine.

Mais sous l'influence des idées zootechniques qui se sont introduites chez nous il y a quelques années par suite des importations anglaises, cette race est entrée dans une seconde phase qu'il convient d'indiquer également, et qui lui imprime une rapide transformation. La race charolaise, qui était, il est vrai, admirablement prédisposée à ce résultat par la finesse native de sa souche, marche avec une grande rapidité vers la précocité. Parmi les éleveurs, assez nombreux, qui sont entrés les premiers dans cette voie, nous citerons particulièrement ceux qui se sont fait connaître dans les concours publics, parce qu'ils ont le plus contribué à l'établissement de la réputation de la race. Et à leur tête il faut placer M. Louis Massé. Ensuite viennent MM. Bellard, le comte de Bouillé et Tiersonnier; mais nous verrons tout à l'heure que les opérations de ces derniers ne méritent pas au même degré notre approbation. Le véritable améliorateur de la race charolaise est M. Louis Massé, qui s'en est tenu exclusivement aux procédés de sélection pour constituer une famille de charolais dont le succès ont longtemps attiré l'attention du monde agricole. Nous allons raconter, d'après M. Chamard qui nous a devancé dans cette tâche, les travaux de cet éleveur distingué.

« M. Massé, dit-il, a commencé ses opérations en 1822, au domaine des Bourgoins, près la Guerche-sur-l'Aubin (Cher), à l'extrémité du val

de Germiny-l'Exempt, et plus tard à Martout, sa résidence actuelle. Les premières vaches furent achetées chez M. Chamard et chez M. Ducret, l'un des importateurs de la race pure en Nivernais. La plupart de ces bêtes étaient de provenance charolaise et présentaient toute la finesse moléculaire désirable; mais la modification physiologique qui s'était opérée dès le début dans l'élevage des fermiers nivernais, modification que nous avons signalée plus haut, ne tarda pas à se faire sentir les produits prirent du gros, de l'os, du poil et de la peau, et se mirent en équilibre avec le milieu qui leur était donné. M. Massé, ainsi qu'il le raconte lui-même, eut bientôt pris son parti; il supprima le mode d'élevage qu'il avait suivi jusque-là à l'imitation des éleveurs charolais, qui, opérant sous un climat plus égal et plus doux, n'avaient point à craindre les mêmes mécomptes; les jeunes animaux furent laissés seuls, pendant la meilleure saison du vert, dans les herbages les mieux composés ; les reproducteurs adultes furent soumis à la stabulation et au régime des trèfle, luzerne, vesces, maïs et autres plantes fourragères très-alibiles; en hiver, le meilleur foin et les racines, betteraves et carottes, furent donnés à discrétion aux adultes et aux jeunes produits; enfin quelques reproducteurs furent achetés de nouveau en Charolais et chez M. Chamard. Ce mode de traitement, qui supprimait l'action locale d'un climat frais et humide, l'alimentation substantielle et abondante appliquée à l'élevage des adultes et des jeunes, déterminèrent promptement, chez les uns et chez les autres, les modifications les plus heureuses : la peau prit de la souplesse, le poil devint plus doux et plus fin, le système musculaire se développa dans une large proportion, et la souche prit un cachet de distinction qu'elle n'avait point présenté jusque-là. Ces qualités obtenues par le régime se reproduisirent dans les descendants et reçurent un caractère de fixité permanent par l'emploi réitéré d'accouplements consanguins. Depuis quinze ou seize ans, M. Massé a renoncé à l'emploi de reproducteurs mâles nés ailleurs que chez lui, de sorte que sa vacherie, qui est aujourd'hui très-nombreuse, ne se compose que d'animaux ayant entre eux un degré de parenté très-rapproché.

« Cette amélioration rapide et radicale du bétail de Martout devint tellement manifeste, que certains esprits prévenus ou envieux avancèrent que M. Massé avait opéré clandestinement des croisements avec la race de Durham. Ce dernier repousse énergiquement les insinuations malveillantes qui ont eu lieu à cet égard, et rappelle avec raison que son bétail était déjà arrivé au plus haut degré de perfection avant l'introduction des Durham dans le Cher, chez MM. Tachard, Acher et Chamard. Du reste, si ces allégations eussent eu quelque fondement, il eût été facile aux intéressés d'établir des faits avec précision; car cet éleveur, distingué à plus d'un titre, n'a jamais refusé à personne l'entrée de ses étables, et nous avons, ajoute notre auteur, été personnellement à même de constater souvent combien sont également erronés les dires de ceux qui

avancent que M. Massé fait pour la nourriture de son bétail des dépenses en tourteaux et en farineux que nul autre autre éleveur du pays n'oserait tenter: nous avons la conviction qu'il n'en est rien, et que l'état d'embonpoint dans lequel se trouve toujours le bétail de Martout tient particulièrement à l'excellence de la souche. Mais voici des faits qui n'ont pas besoin de commentaire.

<< Depuis l'institution des concours de reproducteurs et d'animaux de boucherie, la sous-race (l'auteur veut dire la famille) de Martout a valu à son propriétaire, à Poissy, quinze médailles en or, six en argent et trois en bronze : total vingtquatre; et dans les concours de reproducteurs, quatorze médailles en or, sept en argent et cinq en bronze, soit vingt-six ; et pour la totalité, cinquante prix avec médailles. Ajoutons encore que, dès 1840, la vacherie de M. Massé fut, comme celle de M. Chamard, mise hors concours pour les comices de Sancoins, Néronde et la Guerche, afin de ne point décourager les autres éleveurs. Enfin les exhibitions publiques, en faisant connaître et apprécier le bétail de Martout, ont valu à M. Massé, si nous sommes bien informé et si nos souvenirs sont exacts, la vente à très-haut prix de plus de quatre-vingt-dix à cent reproducteurs, dont moitié au moins pour les mâles, et dans un espace de huit ou dix ans (1). »

Les insinuations relatives aux croisements que M. Massé aurait opérés avec la race de Durham, et dont il vient d'être parlé, étaient le plus bel éloge que l'on pût faire des animaux élevés par lui. Pour que ces insinuations trouvassent créance, il fallait bien que ces animaux présentassent dans leur conformation et dans leurs aptitudes quelque chose de la perfection qui appartient à la race anglaise. C'était, en effet, la réalité ; et nous avons vu en traitant de la précocité que dès 1846 cet éleveur pouvait transmettre à M. Renault des renseignements sur quelques-uns de ses sujets qui, sous le rapport du développement hâtif, ne le cédaient guère aux courtes-cornes. Mais s'il est bien' établi que les sujets de la famille charolaise créée par M. Massé sont tout à fait exempts de croisement Durham et ont été exclusivement améliorés par sélection, les mêmes procédés devant nécessairement conduire aux mêmes résultats; si cela est bien établi, il n'en est pas moins certain que tous les autres éleveurs n'ont pas agi de la même façon. On rencontre fréquemment à présent, parmi les individus de la région dont la race charolaise a pris possession, des traces non équivoques du croisement dont il s'agit. Au point où en sont arrivées les familles améliorées de la race pure, nous ne croyons point que cela puisse autoriser un reproche. Il y a entre le charolais et le Durham ce que l'on peut appeler une telle affinité, il y a une si grande conformité d'aptitude, qu'on chercherait en vain les inconvénients de l'intervention du reproducteur anglais. Il convient seulement de constater cette intervention, parce qu'elle appartient à l'histoire de la race. Et c'est ce que nous allons faire en racontant à leur tour,

(1) Ouvrage cité,

toujours d'après M. Chamard, les opérations de M. le comte de Bouillé.

« La vacherie de M. le comte Charles de Bouillé, dit notre auteur, date de 1826; elle fut établie par M. le comte de Bouillé, son père ; il y joignit un peu plus tard, vers 1830, un essai de bêtes de Durham qu'il s'était procurées chez M. Brière d'Azy. Ce dernier avait, dès 1822, fait des importations de bêtes anglaises à son domaine de Verlotte (Nièvre), confié à la direction de fermiers anglais qui ne surent point tirer parti de la bonne situation des lieux. L'essai fait par M. de Bouillé, limité à quelques domaines, donna d'abord des résultats satisfaisants; mais la vente difficile de ces animaux pour le commerce local, qui n'avait point su les apprécier, et la pleuro-pneumonie contagieuse qui, en 1843, en enleva 25 sur 30, à l'exclusion presque complète (il faut dire tout à fait complète, la maladie étant exclusive à l'espèce bovine) des bêtes chevalines vivant dans les mêmes conditions, firent que M. de Bouillé renonça à l'élevage de la race courtes-cornes, et le décidèrent à concentrer tous ses soins sur la race charolaise, qui était appréciée et d'une santé plus résistante.

«La vacherie fondée par M. de Bouillé père provenait des étables de M. Paignon, de Lille, dont il a été question précédemment, et du bétail de MM. Roux, que nous avons également cités. A ce premier noyau, déjà très-important par le nombre d'animaux, et la qualité des sujets, M. Charles de Bouillé, l'éleveur actuel, joignit un certain nombre d'animaux provenant de MM. Suif du Marais, Nantin et Valot, puis plus tard un jeune taureau acheté par lui chez M. Massé. Le résultat ne se fit pas longtemps attendre; car dès 1844, le mérite de la souche charolaise de Villars fut tellement apprécié que M. de Bouillé put vendre annuellement de quinze à vingt reproducteurs à des prix très-rémunérateurs. Les grandes exhibi- | tions publiques justifièrent, vers 1852, la faveur croissante dont cette sous-race (il faut lire famille) était l'objet dans le val de l'Allier et dans la plupart des contrées voisines. Le succès allant croissant, la souche de Villars obtint, de 1849 à 1859, dans les concours publics et dans les comices de la Société d'agriculture de Nevers, trente prix représentés par sept médailles en or, douze en argent et treize en bronze, total trente-deux médailles, plus 11,730 fr. en numéraire.

« L'amélioration du bétail de Villars est due, poursuit M. Chamard, à deux moyens également puissants le régime et le choix des reproducteurs. En hiver, les jeunes animaux reçoivent à discrétion des racines et le meilleur foin, puis des tourteaux et des farineux; les adultes sont aussi largement nourris, mais seulement avec des racines et du foin; en été, les uns et les autres sont, à peu d'exceptions près, laissés en liberté dans de bons herbages.

«M. de Bouillé apporte le plus grand soin dans les appareillements: il lui arrive fréquemment d'employer des taureaux étrangers à sa vacherie, lorsqu'ils possèdent des qualités qui ont de la précision et qui paraissent susceptibles d'effacer chez les produits des caractères trop peu accentués

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chez les mères. Il conserve généralement plusieurs mâles pour l'usage de la monte, de manière à être toujours en mesure de rectifier dans la production les quelques défauts qui pourraient exister chez les mères, et il fait en même temps un usage fréquent de la consanguinité. Ses meilleurs produits ont été, comme chez M. Massé, ob- . tenus par le moyen qui est encore aujourd'hui repoussé énergiquement par un grand nombre d'éleveurs; en ce moment même (1860) il fait usage d'un reproducteur qui se trouve être le propre frère de son père, et qui lui donne, depuis deux ans, des produits excellents (1) ». A part l'introduction passagère de quelques taureaux de Durham, l'élevage de M. de Bouillé a donc été conduit absolument de la même façon que celui de M. Massé. Le premier a fait dans la Nièvre ce que celui-ci avait fait dans le Cher. La base a été une forte alimentation distribuée aux élèves, et les caractères se sont multipliés et fixés par voie de consanguinité. L'exemple de ces éleveurs distingués a fait des prosélytes qui deviennent chaque jour plus nombreux. La plupart des producteurs de Charolais marchent aujourd'hui sur leurs traces, et au lieu d'aller, comme dans le principe, chercher des taureaux dans Saône-etLoire, c'est aux nouvelles familles qu'ils s'adressent. Les éleveurs de ce dernier département en font eux-mêmes autant. Le mouvement est si bien imprimé, que l'on rencontre maintenant communément dans toutes les parties de la région des bêtes charolaises ayant acquis la conformation qui appartient aux familles dont nous venons de rapporter l'histoire.

Les caractères de cette conformation, comme du reste tout ce qui concerne la race charolaise, ont été très-exactement décrits par M. Chamard. Nous devons lui en emprunter la description. Ces caractères sont : « une tête courte, conique, large à la partie supérieure et ayant un chanfrein droit ou canus avec de larges voies respiratoires; le haut du front plat, surmonté de cornes rondes, petites, d'un blanc d'ivoire, dirigées en avant et légèrement relevées vers la pointe; des yeux grands, saillants, au regard vif et doux ; des joues fortes et paraissant déborder latéralement la région frontale quand l'animal est vu de face; le dessous de la gorge bien fourni et simulant une sorte de double ou triple menton; des oreilles larges, relevées et peu fournies de poils; l'encolure courte, peu chargée et dépourvue de fanon; la ligne dorsale droite et garnie de muscles dans les dernières limites du possible; le rein large, épais et court; les côtes longues et fortement arquées; les hanches effacées, mais aussi larges que possible, ainsi que la croupe et la culotte dont le développement ne saurait être trop exagéré ni descendu trop bas sans se désunir jusque vers le jarret; la queue courte, fine à l'extrémité, peu garnie dans la région du fouet, large à la base et s'arrondissant avec les ischions sans former aucune saillie notable; les membres fins, distingués, bien d'aplomb et d'une longueur à peu près égale au tiers de la taille du sujet; le tronc volumineux

(1) Ouvrage cité.

et arrondi sur tous les angles; la ligne du dessous | donne au système digestif une certaine préponà peu près parallèle à celle du dos et des reins et dérance; la rotule noyée dans le pli du grasset, se prolongeant jusqu'au bas de la culotte, ce qui qui ne saurait descendre trop bas sur le tibia, et

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le coude empâté dans les chairs; la peau d'épaisseur moyenne, mais toujours d'une grande souplesse et recouverte d'un poil fin, lustré et peu fourni; l'ensemble exprimant la douceur et une grande distinction unie à un grand poids; enfin, développement exagéré des parties que la boucherie regarde avec raison comme étant de qualité supérieure, comme le dos, le rein, la croupe et la culotte (1). »

Telle est la race charolaise améliorée. Il serait superflu d'insister davantage sur les pratiques de l'élevage usitées dans les différentes parties de la région que cette race habite. Dans son état actuel, elle réunit aux aptitudes les plus prononcées à l'engraissement compatible avec la situation de notre économie rurale et à la meilleure conformation pour la boucherie, l'aptitude au travail que les cultivateurs du Centre prisent beaucoup, et qu'ils ne voient pas sans appréhension s'amoindrir à mesure que la race s'améliore. Mais leurs craintes à cet égard ne seront point fondées tant que les éleveurs de Charolais demeureront fidèles aux principes de la sélection, qui rendent nécessaire une corrélation exacte entre les aptitudes de l'animal et le milieu qui le produit. Tant que le bœuf sera dans l'Allier, le Cher, la Nièvre, etc., employé aux travaux agricoles, il se produira des familles de Charolais propres à exécuter ces travaux. Ceux qui déploreraient volontiers l'amélioration de la race dans le sens de la précocité ne font pas attention que l'industrie des embouches prend chaque jour plus d'extension dans la Nièvre, et que c'est là, en définitive, le principal débouché pour la race charolaise et la raison qui,

(1) Ouvrage cité.

|

de son centre primitif de production, situé aux environs de Charolles, en Saône-et-Loire, l'a fait s'étendre, en moins d'une trentaine d'années, sur le val de toutes les rivières qui sillonnent la région dont nous avons indiqué plus haut les limites.

De nombreuses constatations faites d'une manière précise ont établi, sous le rapport de la précocité, la supériorité des Charolais sur la plupart de nos races françaises. C'est à ce titre qu'ils ont en grande partie chassé devant eux la race vigoureuse et énergique du Morvan, réduite à une population si minime qu'il n'y a point lieu de s'en occuper ici. La race morvandelle disparaît rabientôt tout à fait et n'appartiendra plus qu'à l'histoire. La facilité des communications et les progrès de la culture, en rendant moins impérieuse la nécessité des pénibles travaux de labour ou de transport dans le Morvan, y font substituer de proche en proche la race charolaise, qui trouve sur les marchés un plus facile écoulement pour les embouches du Nivernais.

D'après M. Chamard qui, par position, a pu étudier la race charolaise d'une manière toute particulière, la taille moyenne, dans cette race, est à un an d'environ 1,14; à deux ans, 1,25; à trois ans, 1,36, et à six ans, 1,44. La largeur moyenne mesurée aux hanches est à un an de 0,25; à deux ans, 0,45; à trois ans, 0m, 52, et à six ans, Om,65. Entre cinq et six ans un bœuf charolais gras pèse moyennement 400 kilogrammes, poids net. Ces chiffres en disent plus que toutes les dissertations sur le mérite de la race.

L'aptitude laitière, chez les vaches, sans être développée au point de pouvoir donner lieu à des spéculations basées sur ce produit, qui du reste n'est exploité nulle part dans la région, cette

aptitude est cependant plus que suffisante pour subvenir largement à l'élevage des veaux. Dans le Nivernais ces bêtes donnent communément de 9 à 10 litres de lait par jour, au moment de leur plus grande lactation. Relativement au volume de la race, ce n'est pas assez pour lui valoir la qualification de laitière. Quant à la richesse de ce liquide, on estime que 30 litres environ sont nécessaires pour obtenir 1 kilogr. de beurre frais. 3 litres suffisent pour faire un fromage de 600 grammes. Le veau ne consomme guère que la moitié du lait de sa mère.

La coutume de bien soigner les élèves pendant le premier hiver qui suit leur naissance se généralise de plus en plus, et c'est là le principal motif de l'amélioration rapide de la race. Dès le commencement de l'hivernage, ils reçoivent des racines, du foin ou du regain de bonne qualité, et de tout cela à discrétion. Au printemps suivant ils sont mis dans de bons herbages pour rentrer encore à l'étable lorsque vient la saison froide et y être soumis au même régime. Les mâles, bistournés de bonne heure, sont dressés au travail à deux ans et demi. Les génisses, toujours tenues à part, sont livrées au taureau à deux ans, de manière à faire leur premier veau dans le courant de la troisième année. Elles sont réformées vers l'âge de huit à neuf ans seulement si elles sont belles, c'est-à-dire lorsqu'elles entrent dans la période décroissante de leur vie; lorsqu'elles n'ont pas des qualités qui les recommandent particulièrement pour la reproduction, elles sont engraissées dès leur deuxième ou leur troisième vêlage.

mère, qu'ils ne tettent que deux fois par jour, un supplément de nourriture composé de racines, de farineux, et un peu de bon foin dès qu'il leur est possible d'en faire usage. Aussi se sèvrent-ils généralement d'eux-mêmes, préférant l'herbage, auquel ils sont mis de bonne heure, à l'allaitement. Quelques-uns cependant, mis en liberté avec leur mère, continuent de teter pendant sept à huit mois.

En résumé, si les éleveurs des départements qui ont adopté la race charolaise continuent de suivre la voie dans laquelle ils se sont engagés après les initiateurs dont nous avons raconté les succès, il n'est point douteux que cette race n'atteigne bientôt le degré de perfection qu icaractérise les plus avancées sous le rapport de l'aptitude pour la boucherie. Dût son aptitude au travail disparaître complétement, si l'amélioration se produit avec tant d'ensemble, c'est que la nécessité de cette aptitude va elle-même en s'affaiblissant, sous l'empire des modifications opérées dans la culture de la région. Il faut obéir, quelques idées préconçues qu'on ait, à la grande loi économique du débouché. Que les adorateurs du passé s'y résignent : les boeufs travailleurs ne leur manqueront point de sitôt; la France possède, hélas ! de quoi les satisfaire amplement sous ce rapport.

Nous avons déjà dit que nous ne parlerions pas de la race morvandelle, au pelage rouge et blanc, à la mine sauvage et rustique comme ses montagnes du Morvan, que M. Dupin aîné a appelées «< un vrai pays de loup. » En zootechnie, il est non-seulement permis mais encore commandé d'abandonner les Ce sont là des errements d'un élevage bien en- puissances qui s'en vont, parce que leur disparitendu et qui expliquent suffisamment les progrès tion s'opère toujours en vertu d'un phénomène accomplis par la race charolaise, surtout quand normal. Or, l'ancienne race morvandelle s'éteint on y joint cette particularité que les élèves reçoi-faute de raison d'être, et cède, comme nous l'avons vent toujours, indépendamment du lait de leur fait remarquer, la place à la race charolaise. C'est

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