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gne pour ce motif sous le nom de race du Bocage. Toutefois M. de Sourdeval reconnaît que là n'est pas le foyer le plus actif de sa production, mais bien dans l'arrondissement de Parthenay, en pleine Gâtine.

croisements normands ou flamands pour améliorer la race au point de vue de la laiterie, sa conclusion finale n'en est pas moins que c'est « aussi par elle-même que la race doit être améliorée pour la lactation; les éleveurs, ajoute-t-il, devraient choisir pour la reproduction les mâles et les femelles dans des familles de bonnes laitières, et, pour agir avec certitude, ils ne devraient conserver, pour les employer à la reproduction, que les veaux et les velles des vaches qui mettent bas pour la troisième fois et qui, pendant plusieurs années, se sont montrées bonnes pour le lait. » Il conseille de joindre à cela l'emploi d'un régime convenable, c'est-à-dire « l'administration d'aliments abondants et propres à développer dans les jeunes vaches l'activité des mamelles. » Telle est aussi notre conclusion. Et elle est pré-solements réguliers, alors l'élevage du bétail, et férable à coup sûr, quelque aptitude qu'il s'agisse de développer dans la race de Salers, à toute espèce de croisement.

Race Parthenaise. — On a décidément adopté ce nom pour désigner une race ancienne, parfaitement homogène, qui habite principalement le territoire de l'ancienne Vendée et s'est progressivement étendue sur tout le littoral de l'Océan depuis l'embouchure de la Loire jusqu'à celle de la Gironde, en se mêlant, dans les exploitations agricoles de la Charente-Inférieure, des Deux-Sèvres, de la Vienne, de la Creuse, de l'Aveyron, avec celle de Salers, sans toutefois qu'il en résulte des croisements entre ces deux races. Son principal centre de production est dans la Gâtine des environs de Parthenay. De là l'appellation de race parthenaise, et celle de bœufs gâtinaux par laquelle les animaux de cette race sont généralement désignés dans la région du centre de l'Ouest.

Les qualités de la race parthenaise trouvent leur facile explication dans la constitution agricole de cette région, célèbre dans les fastes de la révolution française. On sait que le territoire, vendéen qui englobe, dans la nouvelle division, toute la partie septentrionale du département des Deux-Sèvres, comporte trois parties bien distinctes, différant autant par la constitution géologique que par le mode d'exploitation du sol et les mœurs des habitants. Ces trois parties sont le Bocage, la Plaine et le Marais. La première, le Bocage, est ainsi nommée à cause des nombreuses haies mêlées de chênes tètards qui entourent ses champs uniformément divisés en parallelogrammes de 1 à 2 hectares. Son sol accidenté repose sur un fond granitique et schisteux, en général peu fertile, et ne produisant qu'à force de travail et d'engrais. Coupée par quelques ruisseaux dont les eaux sont utilisées pour l'irrigation, c'est sur les bords de ces ruisseaux que se trouvent principalement les prairies. Mais la principale culture fourragère du pays est le chou, que l'on y rencontre de temps immémorial, et auquel sont venus se joindre, grâce au progrès agricole, celles de la pomme de terre, des betteraves, des turneps, etc. C'est dans cette zone que M. Charles de Sourdeval a placé le lieu d'origine de la race dont nous nous occupons, à laquelle il a consacré une intéressante description faite avec beaucoup de talent, et qu'il dési

Il y a tout lieu de croire que cet auteur se trompe en cela. La plaine vendéenne, dont les gâtines herbeuses ont été de temps immémorial soumises au régime pastoral, paraît avoir une part plus grande que celle qui peut revenir aux métairies du Bocage, dans la formation de la race parthenaise. Avant que les défrichements aient implanté dans la plaine la culture avancée que nous y voyons maintenant, et restreint les pacages de bruyères qui s'en vont disparaissant chaque jour devant le progrès, pour faire place à des as

notamment celui de l'espèce bovine, était l'unique industrie de cette seconde partie du territoire vendéen. C'est indubitablement là, dans ces conditions si uniformes, que la race s'est formée, comme c'est aussi là qu'elle s'est améliorée depuis sous l'influence de l'introduction successive des prairies artificielles et des cultures fourragères annuelles. Le nom qu'elle porte est donc légitime. L'usage inmémorial a consacré son appellation locale empruntée à la Gâtine. L'usage consacrera également celle que la zootechnie moderne lui attribue, car l'arrondissement de Parthenay, centre de la Gâtine, est bien son véritable foyer.

Le Marais, conquis sur la mer à une époque relativement récente par des atterrissements, et constitué par une argile marine mêlée de bri, n'a pu que recevoir son bétail de l'intérieur des terres. Et s'il lui a imprimé quelques modifications, ainsi que nous le verrons tout à l'heure, les caractères essentiels du type n'en ont pas moins été conservés.

Cette question d'origine de la race parthenaise est peu importante du reste, puisqu'il s'agit seule ment de deux zones contigues de la même région, et dans lesquelles le bétail se présente avec les mêmes caractères, sinon avec la même ampleur de formes, celles-ci dépendant uniquement de la fertilité du sol. Nous ne devons pas nous y arrêter davantage, pour aborder tout de suite la description du type de cette race. Ce type est considéré à bon droit comme l'un de ceux qui présentent à notre production animale le plus d'avenir, tant il est exactement approprié par ses aptitudes au milieu dans lequel il s'est formé et se montre docile à suivre les perfectionnements imprimés par le progrès agricole à ce milieu.

La race de Parthenay a le front large et plat, la tête courte, le chanfrein droit et le mufle large. Ses cornes sont longues et effilées, blanches dans leur plus grande étendue et noires seulement à l'extrémité; elles sortent d'abord latéralement sous une direction horizontale, puis se courbent gracieusement en avant et se relèvent vers l'extrémité pour se diriger en haut et en dehors. L'encolure est courte et bien musclée, avec un fanon moyen et peu épais. Les épaules sont longues et bien musclées, le garrot large et bas, la poitrine profonde, à côtes souvent plates, mais généralement près de terre; la ligne du dos

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travailleurs. La taille moyenne varie entre 1,35 et 1,45. Lorsqu'ils sont gras, ils atteignent facilement 500 kil. de poids vif. Leur peau relativement fine et moelleuse, comme la placidité de leur caractère, indique une disposition au facile engraissement.

Le pelage de la race parthenaise est fauve, avec des teintes plus claires le long du dos, sous le ventre et à la face interne des cuisses. Chez le laureau, ces nuances sont encore relevées par des taches d'un brun foncé vers les épaules et l'encolure; mais la robe s'uniformise chez le bœuf à mesure qu'il avance en âge, au point de devenir d'un jaune grisâtre et même tout à fait grise. Cette nuance grise est très-commune à la face interne des cuisses, et va parfois jusqu'au blanc argentin. La caractéristique de la race, ce qui lui donne sa physionomie particulière au milieu de celles qui, en assez grand nombre, ont comme elle le pelage fauve plus ou moins nuancé, ce sont précisément des auréoles d'un poil fin et de ce blanc argentin qui existent autour du mufle noir et des yeux aux paupières brunes garnies de longs cils noirs aussi. Ce dernier caractère, fort estimé comme indice de bonne origine, s'exprime en disant que l'animal a les usses blanches, mot du dialecte local qui désigne les sourcils.

Les caractères de la robe sont uniformes dans la race. On n'y observe jamais aucun mélange de couleurs. Et cela témoigne à coup sûr de son entière pureté. On les rencontre, à des nuances près, dans tous les points de la région qu'elle habite.

M. de Sourdeval a donué sur l'élevage des boeufs dont nous nous occupons et sur les transactions commerciales dont les élèves sont l'objet des renseignements qu'on ne peut que reproduire. « Le bétail de ces deux contrées privilégiées, dit-il après avoir parlé du Bocage et de la Gâtine de Parthenay, comme celui des bons cantons du Bocage, est entouré de soins dès son jeune âge; les veaux boivent souvent le lait de deux vaches, et toujours ils reçoivent une alimentation choisie. On pense avec raison que de ces premiers soins dépend tout leur avenir. Les formes, bien développées dans l'enfance, préparent une bonne et saine constitution qui se prête à toutes les aptitudes. Ces animaux sont faciles à élever et d'une douceur remarquable; adultes, ils ont la démarche ferme et aisée, sont courageux au travail; vieux, ils s'engraissent facilement. L'engraissement se fait à l'étable, pendant l'hiver généralement, et à l'aide de récoltes sarclées.

«De temps immémorial, poursuit l'auteur, le reste du Bocage élève une grande quantité de bétail appartenant à la même souche. C'est toujours même conformation et même robe; mais la nuance varie selon le territoire et le degré d'agriculture. C'est le soin, c'est la culture qui développent ces animaux dans leur perfection. Un sol négligé ou rebelle fait bientôt sentir sa triste influence. Les tribus de la race du Bocage qui vivent sur un terrain peu énergique, qui paissent sur la bruyère, perdent leur taille, l'ampleur de leurs muscles, le brillant de leur robe; le duvet perlé qui borde le nez et les yeux, ou double

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les cuisses, cachet si distinctif de la belle race, s'efface à mesure que l'espèce dégénère. Dans quelques localités très-arides de l'arrondissement des Sables la race est arrivée à une petitesse extrême, tout en conservant ses caractères principaux. Cependant, la plupart des cantons entretiennent leur tribu dans un état satisfaisant de pureté et de prospérité, soit par les soins qu'ils donnent, soit par des achats souvent répétés de veaux et de génisses provenant des meilleurs types.

«Le bétail du Bocage est l'objet d'un commerce très-actif, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur même de son territoire. Les veaux et génisses de Parthenay sont très-recherchés par les éleveurs de tout le Bocage, et les attelages qui en proviennent émigrent en foule vers la Saintonge, le haut Poitou et la Touraine, où ils se vendent sous le nom de bœufs de Gâtine. Beaucoup vont aussi dans le pays de Retz, pour être employés aux travaux de l'agriculture et au transport des vins; le commerce de Nantes occupe même un certain nombre de ces animaux pour charrier des marchandises. Les habitants de l'arrondissement de Savenay ne voudraient pas, au contraire, importer dans leur faible culture des animaux d'une race aussi avancée; ils aiment mieux s'adresser aux tribus moins développées qui s'élèvent entre la Sèvre et le lac de Grand-Lieu. Là, ils achètent des veaux de deux ans, qui s'acclimatent aisé ment sur leur sol peu fertile, et qui fournissent aux besoins de leur agriculture; car l'espèce du Bocage, importée à l'état viager seulement, remplit toute la péninsule comprise entre la Loire et la Vilaine cette dernière rivière est rarement franchie par la race bretonne proprement dite. Les cultivateurs de Clisson, Montaigu, Aizenay, la Mothe-Achard, après s'être ainsi défaits avantageusement de leurs médiocres élèves, mettent leur amour-propre à acquérir des veaux supérieurs, provenant directement des plateaux vendéens ou de Parthenay, et qui, sous le nom de veaux de cordes ou du pays haut, se vendent, à deux ans, de 450 à 600 fr. la paire. Les bons cultivateurs bénéficient sur l'échange : les jeunes animaux, bien soignés, bien nourris, prennent entre leurs mains de la taille et de l'étoffe, ils forment de bons et solides attelages pour le travail, et se vendent plus tard, avec avantage, aux foires de Napoléon, la Mothe-Achard, Aizenay, l'Hébergement; mais malheur au cultivateur né gligent qui tente à l'étourdie cette spéculation! ces superbes élèves dépérissent entre ses mains, et il les revend à perte. » Les choses se passent absolument de la même façon chez les cultivateurs du Poitou et de la Saintonge, bù, comme nous l'avons dit déjà, les élèves de la race de Salers et ceux de la race de Parthenay passent ainsi de main en main, à titre tout à la fois d'animaux de travail et d'animaux de rente, l'aisance de chacun étant dans les mœurs du pays accusée par le bon état de ses bœufs.

« Le principal mouvement du bétail vendéen s'opère à l'intérieur même du Bocage, ajoute t-il. Presque sur tous les points on le fait naître, on l'élève, on l'emploie à l'agriculture, on l'engraisse, mais, au-dessus de ce mouvement local, domine une sorte de courant supérieur qui prend sa source dans l'élevage immense des territoires des Herbiers, Pouzauges, Parthenay, qui fait circuler la race de ces localités dans tout le massif du Bocage, qui la dirige particulièrement du nord au midi pour le travail, et qui la ramène vers le nord pour l'engrais; car c'est particulièrement sur la rive droite de la Sèvre, c'est dans le delta compris entre cette jolie rivière et la Loire, qu'est le grand atelier d'engraissement. Là, des milliers de bœufs, vétérans du travail, répartis en des étables obscures et chaudes, sont l'objet de soins assidus pour revêtir la parure de l'holocauste; puis des marchés de Cholet, de Montrevault, ils s'envolent en chemin de fer vers Poissy, théâtre de leur dernier triomphe, et de là vers Paris, lieu du sacrifice inéluctable. » Sur les marchés d'approvisionnenent de la capitale ces animaux ont été pour ce dernier motif de tout temps désignés sous le nom de bœufs choletais. Il n'y a pas d'autre raison pour expliquer comment il se fait que la qualification de choletaise est donnée assez généralement à la race de Parthenay. Et nous n'avons pas besoin, sans doute, de nous arrêter à la discussion de cette épithète.

Il ne sera pas davantage nécessaire, après ce qu'on vient de lire, d'établir qu'il n'y a pas non plus de race nantaise. Les individus que l'on rencontre dans la Loire-Inférieure, et dont le groupe est ainsi désigné, ne diffèrent seulement pas du type de Parthenay par des caractères accessoires; et il y a, comme on vient de le voir, d'excellentes raisons pour cela. On comprend, jusqu'à un certain point, l'erreur en vertu de laquelle la prétendue race maraîchine est admise. En s'élevant dans les marais de la Charente-Inférieure et de la Vendée, les bœufs gâtinaux prennent des formes moins massives, un corps un peu élancé, des proportions moins régulières, et surtout un pelage grossier, plus brun. Exposés aux intempéries des saisons et soustraits aux soins de l'homme, ils ont le poil touffu, le corps sale, et conservent longtemps leur fourrure d'hiver, qui est terne. Mais ils n'en présentent pas moins le cachet de la race à laquelle ils appartiennent, c'est-à-dire le mufle noir et les auréoles blanches du nez et des yeux. Il suffit d'ailleurs de les rentrer à l'étable pour leur faire reprendre bientôt le pelage fauve clair du type.

Ce type est celui de la race parthenaise, et il règne dans toute la région, dans le Marais comme dans le Bocage et la Plaine. Mais nous n'avons encore parlé que du mâle. Le moment est venu de consacrer quelques mots à la femelle.

« Dans cette race, dit M. de Sourdeval, la vache est essentiellement plus petite que le bœuf; ses formes potelées sont en même temps légères, dé

M. de Sourdeval s'occupe particulièrement delicates; on demande pour elle la même robe, la la Vendée; mais ce qu'il dit s'applique tout aussi bien aux autres parties de la région. Nous pouvons donc sans inconvénient continuer de le citer.

même coiffure, enfin le même cachet de race que pour les boeufs. Elle est médiocrement laitière, en quoi elle diffère de sa voisine du Marais, qui ·

l'est à haut degré. (Les circonstances expliquent | suffisamment cette différence.) Cette dernière, comme la vache de Suisse et d'Auvergne, se rapproche infiniment plus du bœuf pour l'ampleur des formes que ne le fait celle du Bocage. Les vaches de la Vendée ne vont pas, comme les mâles, courir les aventures d'un commerce lointain; modestes ménagères, elles restent au village, où leur fonction unique est de perpétuer et d'étendre la famille dans tous les priviléges de sa race. Leur lait est employé à la nourriture des élèves, sauf la portion nécessaire pour les besoins de la ferme; c'est un principe admis parmi les bons agriculteurs du pays qu'on ne doit y conduire que des veaux et des génisses bien nourris, et cette généreuse idée est une des causes principales du beau développement et de toutes les qualités de l'espèce. Les villes de Nantes, d'Angers et autres, attirent quelques vaches qui sont choisies à l'âge adulte, sur les apparences de leurs qualités lactifères; celles-ci, après avoir donné ce qu'elles peuvent en ce genre, sont livrées aux herbages de la Loire. Le reste des vaches du pays est engraissé sur les lieux mêmes ou dans les marais de la Charente. Jamais ces bêtes ne sont soumises au travail. »

Nous avons vu aussi, chez M. Martin de Lignac, dans le département de la Creuse, une superbe vacherie de quarante vaches de Parthenay, donnant en moyenne de 1,800 à 2,000 litres de lait chacune par saison. Le produit total de la vacherie est de 430 litres par jour, au moment de la pleine lactation, et le lait est très-riche.

Ces vaches avaient été directement importées par M. Martin de Lignac ; mais il faut dire que la Creuse est généralement occupée par le type de Parthenay, qui, en s'y reproduisant, a subi seulement un amoindrissement de stature. Ce type s'étend, du reste, sans interruption ni lacune, depuis son lieu d'origine jusqu'aux montagnes d'Aubrac, où il s'est implanté pour former la tribu décrite sous le nom de race d'Aubrac. En se reportant à la description de cette prétendue race, on s'apercevra facilement maintenant de son identité parfaite avec celle de Parthenay. Le mouvement commercial dont celle-ci a toujours été l'objet, de l'ouest vers le sud-est, explique fort bien son implantation dans les pâturages propres à l'élevage de la montagne d'Aubrac, qui n'ont pas pu donner naissance à un type si différent de celui de Salers, son voisin.

Il est facile de voir, d'après la description détaillée qui vient d'être faite, combien la région du centre de l'Ouest offre de ressources pour l'amélioration progressive de la race de Parthenay, et combien aussi cette race peut elle-même s'y prêter par sa propre constitution. Aucun de ces éleveurs d'élite, dont les succès attirent l'attention, ne s'en est encore occupé d'une manière suivie, et nous l'avons bien des fois regretté, pour notre compte, en faisant des efforts personnels en vue d'en lancer quelques-uns dans cette voie féconde pour leur gloire et leur intérêt. Dans un pays où l'espèce bovine est l'objet de tant de soins de la part des petits cultivateurs ou métayers qui l'entretiennent, il ne serait pas bien difficile d'a

mener à un haut degré de précocité les familles dont la sélection serait habilement dirigée pendant quelques générations. Cependant, il faut le dire, le niveau moyen de la race monte chaque jour, à mesure qu'on en exige moins de travail, non-seulement en intensité, mais encore en durée. La demande de la consommation, depuis l'établissement du chemin de fer de Paris à Bordeaux, enlève de plus en plus de bœufs à la charrue. Les attelages adultes deviennent de plus en plus rares. Et l'on sait l'influence qu'exercent de telles circonstances sur l'amélioration du bétail. Nous y avons insisté au sujet de l'amélioration effectuée dans la race d'Angus.

Le même phénomène aura, dans le Poitou et la Vendée, les mênies conséquences pour la race de Parthenay. L'amélioration marche lentement, mais elle marche sans cesse. Vienne le concours de quelques hommes d'initiative qui, par une sélection complète, lui fournissent des types améliorateurs en nombre suffisant, et cette race ne le cédera bientôt à aucune pour la boucherie, car les individus qui la composent peuvent être rangés dès à présent parmi les meilleurs consommateurs. Il y a là de quoi tenter plus d'un agriculteur éclairé du Poitou. Nous appelons de tous nos vœux un célèbre éleveur de la race de Parthenay.

Race charolaise. Voici, sans contredit, la plus avancée des races bovines françaises, dans la voie de l'amélioration. Aussi est-ce à peu près la seule qui ait une histoire et dont la population gagne du terrain, à mesure que le progrès agricole se fait autour de ses principaux centres de production. Depuis un siècle, la race charolaise s'est répandue de proche en proche dans tous les départements du centre de la France, en chassant devant elle le bétail travailleur et rustique du versant septentrional de notre plateau central, à tel point que le moment n'est pas éloigné sans doute où elle y régnera sans aucun partage. Ce fait d'expansion, tout à fait analogue à celui qui s'est produit dans les lowlands d'Écosse pour la race d'Angus, mérite de notre part une grande attention. C'est pour cela que nous lui consacrerons quelques détails.

L'histoire de la race charolaise a été tracée avec une compétence qui n'avait pas encore été atteinte, par M. Chamard. Nous ne saurions donc mieux faire que de citer cet auteur textuellement. « C'est dans le département de Saône-et-Loire, dit-il, et particulièrement dans les communes de Briant, Saint-Christophe, Oyé, Sarry, Saint-Didier, Varennes, l'Arcome, Saint-Julien de Civry, Amanzé et la Clayette, parties comprises dans l'ancien Brionnais, qu'ont existé les premières et les meilleures vacheries; de là elles se sont répandues dans l'ancien Charolais et jusque sur les rives de la Saône. Du reste, la nature des herbages et le climat de Saône-et-Loire ont tout fait pour la race charolaise, et personne parmi les anciens n'a conservé le souvenir de la moindre tentative faite dans un but d'amélioration.

« Le Brionnais et le Charolais reposent sous un climat doux, plutôt humide que sec, et sur un sol

fertile, généralement argilo-calcaire et argilo-siliceux, mais néanmoins perméable, et particulièrement favorable à la végétation des trèfles et des graminées de premier ordre; les ondulations du terrain, l'abondance et la richesse des eaux ont permis d'établir, jusque sur le sommet des co teaux, des herbages qui ne le cèdent à ceux de la Normandie que sous le rapport de la quantité. C'est dans ces conditions extrêmement avantageuses que la race charolaise a acquis depuis des siècles les caractères que nous avons, dit M. Chamard, énumérés plus haut (et que nous énumérerons, nous, plus loin), et la finesse de tissus qui l'a de tout temps fait préférer à toute autre par la boucherie de Lyon.

« Les anciens éleveurs, et les plus importants dont le souvenir ait été conservé, sont MM. Mathieu d'Oyé, dont les fils sont venus plus tard habiter le Nivernais; les Despierre, dont les uns habitaient Saint-Julien de Civry et les autres Saint-Didier; les Glassard de Busseuil, Ducroux de Poisson, Lamotte de Saint-Didier, Tiveaud d'Oyé, Darmazin de la Rivière d'Oyé, les Goin et Ravier d'Anzy-leDuc, Tuchon de Vauban, Buchet du Lac, Monmessin de Saint-Laurent, les Ducret de Saint-Laurent et d'Amanzé, etc. Tous ont contribué dans des proportions diverses à faire la réputation de la race charolaise, et à la répandre dans les contrées limitrophes.

« L'impulsion donnée par eux et leurs contemporains à la production en grand du bétail déveveloppa bientôt cette industrie sur une très-large échelle, et quelques esprits actifs, secondés du reste par la fertilité des herbages et la facilité extrême de la race à se bourrer de chair et de graisse, se lancèrent dans la spéculation des embouches, qui n'avait point jusque-là reçu un très-grand développement, mais qui ne pouvait manquer de devenir profitable en présence de la consommation toujours croissante de Lyon et de ses environs. En quelques années, cette nouvelle manière d'exploiter devint générale et fut appliquée à tous les meilleurs fonds; l'élevage en grand dut, pour rester avantageux, s'éloigner de plus en plus des centres qu'il avait primitivement occupés. Cependant les bénéfices réalisés à court terme dans la nouvelle industrie devinrent tellement considérables qu'on vit affermer dans le pays certains herbages à raison de 140 fr. par bœuf, soit environ 280 fr. par hectare net pour le propriétaire, l'hectare pouvant, dans un grand nombre de cas engraisser jusqu'à deux têtes. C'est aussi vers la même époque qu'on vit s'enrichir un grand nombre de fermiers dont les descendants, malgré la division des fortunes, ont conservé une grande position dans le pays. Mais cet état de choses ne pouvait durer longtemps; la diminution de l'élevage et la concurrence entre les engraisseurs, dans les foires de bœufs maigres, amena une hausse soutenue dans les prix; d'autre part, la location des herbages allant toujours croissant, les profits s'amoindrirent, et quelques fermiers peusèrent à porter plus loin leur industrie.

« Vers cette époque, en 1770, autant qu'il est permis de préciser, un des Mathieu, de la famille des Mathieu d'Oyé, dont il a été question plus haut,

et dont le fils Mathieu (Antoine) fut connu plus tard dans le Nivernais sous le nom de Mathieu d'Aulnay, vint s'établir dans la terre d'Anlezy, magnifique ferme située près du village du même nom, à 24 kilomètres de Nevers et à 12 kilomètres environ de la ville de Decize, amenant avec lui son bétail charolais et le mode d'exploitation par herbages. Le sol frais et fertile d'Anlezy le servit à merveille dans ses combinaisons, et bientôt, à la place de terrains dont la culture dispendieuse ne laissait aux détenteurs qu'un bénéfice illusoire, on vit s'étendre d'immenses prairies couvertes de bêtes blanches, dont l'exploitation dans sa plus grande simplicité n'occupait plus que quelques domestiques.

« Les résultats financiers de cette entreprise furent si satisfaisants que de nouveaux fermiers charolais vinrent occuper successivement dans la Ničvre les positions les plus fertiles. M. Lorthon se fixa à Sovigny près Cercy-la-Tour; M. Massin, à Limanton et aux environs de Montigny; enfin M. Ducret fit la ferme d'Anlezy, précédemment occupée par l'importateur Mathieu, et MM. Mathieu aîné et Camille, l'un et l'autre fils de Mathieu d'Oyé, qui fut l'un des meilleurs éleveurs du Charolais, vinrent s'établir, le premier à Montat, dans le voisinage de Limanton, le second à Espeuil, commune de Montapas, et plus tard à Aulnay, ferme précédemment occupée par Mathieu (Antoine), fils de l'importateur; les Monmessin se fixèrent à Montigny, etc.

«Mais pendant que ces faits s'accomplissaient, et que le sol frais et humide, quelquefois frais et fertile, de la Nièvre se convertissait en herbages sous la main des nouveaux venus, les agriculteurs nivernais ne restaient point inactifs. Doués généralement d'un esprit entreprenant et hardi, ils eurent bientôt compris l'excellence d'un système qui s'appliquait si bien au pays et les avantages d'une race aussi apte au travail que la race locale mais infiniment plus propre à l'engraissement. Ce fut comme une traînée de poudre.

« La Nièvre ne possédait à cette époque que la race énergique du Morvan, les foires étant pour la plupart envahies par les jeunes bœufs limousins et ceux de la race de Salers, de la souche des environs de Mauriac, qui y avaient une vogue justifiée par leur utilité réelle à titre de travailleurs; on retrouvait encore un peu partout une foule d'animaux sans caractères distincts, sans spécialité déterminée. Cet état de choses, plus ou moins micdifié par les importations charolaises et les croisements qui eurent lieu sur tous les points, dura jusque vers 1815, époque à laquelle les travaux intelligents de MM. Boitard, Cornu (Antoine), Cornu (Nicolas), Cornu de Montgazon, Roux de Crecy, Roux d'Achum, et enfin de M. Paignon père, imprimèrent à l'élevage une direction plus rationnelle et mieux définie : ce dernier surtout influa puissamment sur la production par l'excellence de sa souche et le nombre considérable de reproducteurs qui sortirent de ses étables. Nous Citerons encore M. Chamard père, qui commença ses opérations en 1808 et les termina en 1851, voisin et ani de M. Paignon, et, du reste, en relations constantes avec les principaux introducteurs et la

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