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qui a imprimé au bétail des modifications capables de l'éloigner toujours davantage de son origine. Sous l'influence du progrès zootechnique, les conditions tendent à se niveler, et si les aptitudes natives persistent en se développant, du moins pour celles que les fonctions économiques rendent de plus en plus utiles, les caractères originels s'affaiblissent ou disparaissent tout à fait, pour faire place à une uniformité de physionomie et de conformation qui découle absolument des mêmes principes physiologiques.

en dehors des habitudes zoologiques, pour que l'on puisse s'y arrêter un seul instant. L'idée de la proposer ne serait point venue à un zootechnicien suffisamment instruit eu physiologie.

La seule distinction qui paraisse rationnelle, pour établir la classification zootechnique des races bovines, est celle qui s'appuie moins sur leurs caractères que sur leur destination ou fonction économique, dans les limites que nous avons posées. Cela conduit à admettre trois classes pour l'espèce entière, comprenant, l'une les races C'est ce qui a porté sans doute M. Auguste de propres au travail, l'autre les races de boucherie, Weckherlin à entreprendre de concilier les deux la troisième les races laitières. Non pas, il faut le nécessités, en demeurant cependant fidèle au répéter, que cette division corresponde exacteprincipe de l'origine. L'habile zootechnicien ment à des aptitudes bien tranchées dans tous allemand divise le bétail en races originaires et les cas. La première, en effet, se confond avec la races intermédiaires, comprenant des groupes basés seconde par des gradations insensibles, et la troisur la couleur ou la nuance du pelage. On peut sième ne diffère souvent de celle ci que par juger par là seulement combien sa classification | l'aptitude laitière de plus. L'unique raison de la doit être compliquée, peu claire, et au demeurant distinction se trouve dans ce fait, qu'avant d'apeu commode. Dans cette classification, on peut boutir à leur destination finale commune, les dire que tout est à peu près artificiel et se sent unes fournissent d'abord du travail durant unc fortement de l'idéologie allemande. On y voit en période plus ou moins courte de leur vie, les aueffet figurer, parmi le bétail rouge, les préten- tres du lait, tandis que celles qualifiées de races dues races du Limousin et d'Agen, dont les indi- de boucherie produisent exclusivement de la vidus se font précisément remarquer par l'uni- viande. Il ne doit plus y avoir, et il n'y a déjà formité de leur pelage jaune, dit froment; parmi guère plus, en réalité, de véritables races de trale bétail pie-noir, les races de Durham et de la vail, depuis qu'on est entré résolûment dans la Normandie, qui sont remarquables en ce qu'au voie des améliorations. Celles qui ont longtemps cun sujet n'y présente jamais cette robe, les taches mérité cette classification passent, pour une nonoires étant considérées, dans le pelage du table partie de leur population, à l'état de races Durham, par exemple, comme un signe certain mixtes, dont le groupe a été judicieusement étad'impureté. bli par M. le professeur Tisserant (1), en même temps que les trois autres dont il vient d'être parlé.

L'origine ne peut donc point être prise pour base d'une classification satisfaisante des races bovines. Aussi les zootechniciens y ont-ils pour la plupart renoncé, au bénéfice de l'aptitude. Si celle-ci, comme nous l'avons déjà dit, est bien loin de pouvoir fournir un criterium complétement satisfaisant, en raison des incertitudes qu'elle présente pour sa détermination précise dans quelques races, elle est du moins assez accusée chez un certain nombre et assez prédominante, pour que ces races puissent être placées à la tête de quelques classes dans lesquelles viennent se grouper assez naturellement celles qui ne s'en éloignent pas trop.

Dans cet ordre d'idées, toutefois, l'ancienne division en animaux de travail et en bétail de rente ne serait plus suffisante. Le mode actuel d'exploitation de l'espèce bovine ne comporte plus de races exclusivement propres au travail, car nous avons vu que la tendance progressive est de réduire cette dernière aptitude à sa plus simple expression. On en peut dire autant d'une autre division qui a été proposée et qui a pour but d'exprimer le même fait en le faisant dépendre d'une condition de tempérament. Partant de là, il faudrait diviser l'espèce bovine en races énergiques et races lymphatiques. Mais qui ne voit à quel point cela comporte l'arbitraire, et combien il resterait en dehors de la classification de races qui ne pourraient entrer ni dars l'une ni dans l'autre des deux catégories, soit par leur aptitude principale, soit par leur tempérament? Du reste une telle base, de classification est trop

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Nous adoptons donc la classification du savant professeur de l'École vétérinaire de Lyon, avec cette restriction toutefois que nous n'admettons pas comme lui deux classes pour les races de travail, l'une comprenant ce qu'il appelle les races énergiques, l'autre les races mixtes. Nous différerons aussi sensiblement quant au groupement des races dans chaque classe, surtout pour le bétail anglais. Mais ce ne sont là que des dissidences de détail. L'important est que nous soyons d'accord sur la base, et qu'il soit convenu que, sous l'unique désignation de races de travail, nous comprenons toutes celles que M. Tisserant qualifie de races mixtes, pour ce motif qu'à notre avis toutes les races bovines doivent acquérir ou possèdent déjà les caractères d'après lesquels il établit sa quatrième catégorie.

Le plan de ces études nous oblige en outre à introduire une autre modification. Nous devons distinguer le bétail de chaque contrée de l'Europe et le décrire dans l'ordre de son propre perfectionnement. Le plus près de la perfection, pour chaque spécialité d'aptitude, devant servir, d'après les principes plus haut exposés, à l'amélioration de celui qui est moins avancé ou tout à fait en retard dans la voie, la méthode fait une obligation de commencer par lui. C'est dire que nous allons décrire en premier lieu les races bovines de l'Angleterre, et que pour cette contrée de l'Europe

(1) Guide des propriétaires et des cultivateurs dans le choix, l'entretien et la multiplication des vaches laitières. 2o edition, Lyon, 1861.

nous nous occuperons d'abord des races les plus perfectionnées quant à la production de la viande. De cette façon, nous ferons connaître d'abord les typès que nous aurons plus tard à signaler comme pouvant être avantageusement employés dans les croisements. A tous les titres, d'ailleurs, le bétail des îles Britanniques mérite le premier rang.

- Il ne

ESPÈCE BOVINE DES ÎLES BRITANNIQUES. s'agit pas ici d'enseigner aux éleveurs anglais des principes de zootechnie. Nous ne pouvons convenablement nous occuper de leur bétail que pour leur emprunter des faits et par conséquent des enseignements. A ce point de vue, la description des races de la Grande-Bretagne est une source précieuse, car elle montre, indépendamment des types de perfection qu'elle fournit aux observateurs, jusqu'à quel point nos voisins, avec l'admirable sens pratique qui les caractérise, se sont tenus en garde contre l'engouement irréfléchi dont la plupart de leurs admirateurs français ont fait preuve pour la plus remarquable de leurs races bovines. A voir l'enthousiasme dont cette race a été l'objet de ce côté du détroit, et la chaleur avec laquelle elle a été préconisée comme capable d'améliorer et de transformer toutes celles du continent, on serait tenté de croire que ses créateurs nous ont à cet égard donné l'exemple, et qu'on doit la rencontrer dominante dans le Royaume-Uni. Il n'en est absolument rien. Et c'est sous ce rapport que la description de l'espèce bovine des îles Britanniques est surtout intéressante. L'espèce compte dans ce pays de nombreuses races, réparties dans les divers comtés qui le composent, et parfaitement distinctes par leur type, sinon par leur conformation et leurs aptitudes, ainsi que nous allons le voir.

Pour le motif que nous avons dit en commençant, nous ne les décrirons cependant pas toutes. Il convient de se borner aux principales, à celles qui ont été le plus améliorées et qui, à ce titre, sont introduites sur le continent, en indiquant sommairement les caractères de celles qui peuplent en même temps l'Angleterre, l'Ecosse, l'Irlande et les îles de la Manche. L'histoire résumée que nous allons faire de celles de ces races dont le nom est le plus connu montrera le point de départ du perfectionnement de l'espèce bovine en Europe, et pour ainsi dire la mise en action des principes qui ont été développés plus haut. Dans ce but, nous devons moins tenir compte de l'ordre chronologique que des documents certains, et plutôt, pour ce motif, commencer par les travaux des continualeurs de Bakewell que remonter jusqu'à lui. Non pas que nous puissions avoir la pensée d'amoindrir le mérite de cet éleveur illustre, qui est bien le véritable créateur de la méthode zootechnique à laquelle on a donné depuis le nom de sélection, et qui a conduit le bétail anglais au point de perfection où nous le voyons à présent. Nous procéderons ainsi uniquement parce que la race longues-cornes, sur laquelle sa sagacité s'est exercée, est aujourd'hui de beaucoup dépassée par la plupart des autres, notamment par celle des courtes-cornes, au moyen de l'application de ses procédés, toutefois, et aussi

parce que nous avons à son sujet des renseignements plus précis. La description et l'histoire de cette dernière, qui fournit le type le plus complet de l'animal de boucherie, doit donc à tous égards nous occuper d'abord. Ce serait bien le cas de dire d'ailleurs: A tout seigneur tout hon

neur.

Race de Durham. - On doit à M. Chamard une remarquable étude de la race connue en France sous ce nom et plus généralement désignée en Angleterre sous l'appellation de Teeswater ou courte-corne (short horned). Cette étude, publiée dans l'Encyclopédie pratique du cultivateur, nous paraît avoir sur celles qui l'ont précédée le mérite au moins de l'impartialité, sinon même de l'exactitude. Elle nous servira de guide, ainsi du reste que la plupart de celles consacrées dans le même ouvrage au bétail anglais. Il serait puéril d'entreprendre de refaire de toutes pièces des choses qui ont été bien faites avant nous. Le moindre défaut d'une autre manière de procéder ne serait peut-être pas le manque de justice.

Le durham, dit M. Chamard, présente dans les meilleurs types « un corps volumineux, supporté par des jambes fines, courtes et distinguées; le pelage est blanc, rouge ou mélangé de ces deux teintes dans les proportions et les dispositions les plus variées; l'épaule est ronde, le garrot épais et prolongé, le dos droit et la croupe d'une grande largeur; l'encolure, légère chez les femelles, est courte et renforcée chez les males, néanmoins elle ne présente point à la partie supérieure le développement qui distingue certains taureaux actifs et batailleurs de nos races communes ; elle s'unit à l'épaule sans saillie notable et ne présente à la partie inférieure aucune trace de fanon. La peau a une certaine mollesse et se trouve unie au tronc par une sorte de matelas formé d'un tissu cellulaire abondant; le poil est généralement fin, doux, luisant et peu fourni ; les oreilles sont minces, larges, dressées et peu garnies de poils; les cornes sont de longueur et de grosseur moyennes, ordinairement dirigées en avant, et moins pointues que dans la plupart de nos races françaises; la tête est petite et conique, mais large dans la région frontale; les joues sont prononcées et semblent se réunir vers la gorge, où elles forment une sorte de double ou triple menton; les yeux sont grands, proéminents, et laissent supposer par leur position la faible épaisseur du crâne; le regard, doux et humide, exprime généralement la confiance et la tranquillité la plus parfaites; les yeux ne sont cependant pas sans éclat, mais le genre de vivacité qui les distingue paraît exprimer plutôt l'énergie des fonctions gastriques que l'activité des fonctions morales (?); le système digestif est prépondérant et la poitrine quelquefois développée à un degré tel qu'il en résulte pour les animaux un grand embarras dans la marche; le sternum est prononcé en avant, et la pointe des ischions plus sortie que dans la plupart de nos races françaises ; la queue est relativement courte, fine, garnie d'un fouet peu fourni, s'arrondissant parfaitement avec les ischions et présentant à la base un renflement

plus ou moins développé. L'ensemble du corps | les lignes sont taillées carrément, et le tronc a n'a point la rondeur que nous estimons en France, assez l'aspect d'un cube allongé à l'état maigre

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les formes paraissent anguleuses et les sujets manquent de culotte; à l'état d'embonpoint moyen, les maniements sont aussi sortis que chez nos bêtes françaises bien engraissées; à l'état gras, la métamorphose est complète : les maniements disparaissent sous une couche de graisse de 10 à 12 centimètres qui forme sur toutes les parties du corps, et principalement dans le voisinage des maniements ordinaires, une foule de maniements secondaires, le plus souvent irréguliers, dont nous ne pouvons prendre aucune idée par l'examen des animaux les plus remarquables de nos meilleures races. Les lignes du dessus se développent à un point extrême et représentent une large table; la croupe, les hanches, les ischions, les angles même les plus saillants se couvrent de graisse à un degré tel qu'il s'y forme parfois des maniements monstrueux; » et à cet égard l'auteur que nous citons parle d'une vache dont ces parties, désignées en terme de métier sous le nom de couverture, avaient atteint une exagération si grande, qu'on estimait généralement sa graisse externe à une épaisseur de 30 centimètres depuis les hanches jusqu'à la queue, à 25 centimètres sur toute la surface des reins et à 22 centimètres sur les épaules.

Il vient d'être écrit pour la première fois dans ce livre un mot qu'il sera bon de définir avant de poursuivre, bien que l'occasion d'y insister doive se présenter ultérieurement dans un chapitre spécial. On donne, dans l'art de l'engraissement, le nom de maniements aux parties extérieures du corps où la graisse s'accumule particulièrement chez toutes les races, lorsqu'elles prennent de l'embonpoint. Limitées à certaines régions qui seront indiquées, pour les races non améliorées, cette faculté s'étend à peu près toute la surface dans les races anglai

ses, et particulièrement pour celle de Durham. « Dans nos habitudes françaises, ajoute M. Chamard, cette disposition à faire de la graisse externe est moins prisée qu'en Angleterre, et nous aimerions mieux retrouver en équilibre parfait les deux éléments constitutifs de la viande, la chair et la graisse, avec mélange intime des deux parties; non pas que ce mélange n'ait point lieu dans l'état actuel de la race, mais parce que la proportion de muscles qui entre dans la composition de la viande paraît relativement trop faible. Nous sommes loin néanmoins de vouloir à ce sujet exercer aucune critique : cette particularité, que quelques personnes blâment au point de vue de la consommation directe, donne aux meilleurs types de durham une importance capitale lorsqu'il s'agit de les croiser avec les races rustiques et travailleuses chez lesquelles le muscle, compacte et rigide, est resté prédominant. C'est sans doute aux avantages énormes qu'ils présentent sous ce rapport, plus encore qu'à l'éclat de leur renommée, qu'on doit attribuer la rapidité avec laquelle ils se sont répandus non-seulement en Angleterre et sur le continent européen, mais encore dans les États-Unis d'Amérique et jusque dans les colonies anglaises de la mer du Sud, où ils prospèrent parfaitement. >>

A cette occasion l'auteur de la réflexion qui vient d'être reproduite trace les limites de l'extension prise en Angleterre par le type de Durham. « Au nord du val de la Tees, dit-il, d'où elle rayonne comme d'un centre, la race améliorée s'étend, ainsi que l'a constaté le professeur David Low, dans le comté de Durham, le Northumberland, le val de la Tweed, les basses-terres de l'Écosse orientale et jusqu'au golfe de Pentland; au sud, elle couvre en grande partie le comté d'York, où elle a été élevée fort en grand; elle a

pénétré dans le district de Holderness, et les nombreux croisements auxquels elle a donné lieu avec la race de ce pays paraissent avoir modifié notablement sa conformation, sans altération sensible des facultés laitières qui distinguent encore aujourd'hui, à un degré supérieur, les Holderness améliorés. On la retrouve également sur les bords de l'Humber, dans le Lincolnshire et dans les districts voisins; à l'ouest, elle s'est étendue dans le Leicestershire et dans la plupart des contrées du centre, dans le comté de Lancaster, dans celui de Westmoreland, et dans les parties voisines où les races longues cornes étaient, dès les âges les plus reculés, les seules en possession du sol; enfin elle a pénétré en Irlande, et, dans un laps de temps relativement fort court, elle a opéré un changement radical dans la plupart des pays d'élevage. »

nait d'un croisement Durham-Kyloc. Pour les uns, c'est donc le père qui n'était pas pur, et pour les autres la mère. La vérité est que les doux l'étaient également. Cela résulte, quant à la mère, d'un certificat délivré à Hurworth, près Darlington, le 6 juillet 1822, par John Hunter, fils de l'ancien propriétaire de cette vache. Il est visible qu'ici comme toujours les assertions contraires n'ont de fondement que dans le préjugé. Personne n'a positivement constaté la réalité du rôle que les historiens à l'imagination féconde font jouer aux importations de sir William SaintQuintin, et tout ce que la tradition locale a conservé, permet au contraire de soutenir que les individus qui passent pour avoir été les fondafeurs de la race améliorée, et dont les noms figurent en tête du Herd-Book où sont inscrits ses titres de noblesse, descendaient purement et sin

Tees.

Ce n'est pas à dire toutefois que dans ces di-plement d'animaux originaires des bords de la verses régions des îles Britanniques les races locales aient fait place complétement à la race de Durham. Toutes celles qui étaient susceptibles d'amélioration ont été conservées et perfectionnées, ainsi que nous le verrons, par les mêmes procédés qui avaient amené son propre perfectionnement. Cela nous conduit à aborder son histoire sommaire et à montrer comment elle a été amenée à offrir les caractères que nous lui connaissons maintenant.

Les auteurs sont généralement d'accord pour admettre que la race courtes-cornes est originaire des bords de la Tees, petite rivière qui sépare le comté d'York de celui de Durham. De là lui vient son nom de race Teeswater. Cependant, cette race n'a point échappé non plus à la manie d'après la quelle certains esprits, dominés par leurs idées préconçues sur l'influence amélioratrice du croisement, veulent absolument attribuer à toutes les espèces qui ont atteint un haut degré de perfectionnement une origine étrangère. Si l'on en croyait ces créateurs de généalogies, le point de départ de la race actuelle aurait été l'importation de taureaux hollandais effectuée par William SaintQuintin, propriétaire à Scampton, et dont le croisement avec les vaches du pays aurait donné naissance à des métis qui, envoyés par sir James Pennyman à M. Snowden, l'un de ses fermiers, au nombre de six femelles et un mâle, auraient été la souche première de la race améliorée de Durham. C'est en effet de ce mâle croisé hollandais, et de l'une des six vaches de même provenance que, d'après cette version, serait né le fameux taureau Hubback, le premier dont se soit servi le célèbre éleveur auquel est justement attribué le moderne perfectionnement des courtes

cornes.

Mais cette origine d'Hubback est fortement et victorieusement contestée. Ceux qui l'attribuent à un croisement ne sont même pas d'accord sur la nature de ce croisement. Ainsi, l'on affirme que le taureau dont est issu celui dont il s'agit descendait, en troisième génération, du vieux Studley-Bull, dont la pureté n'a jamais été contestée effectivement, mais on soutient, d'un autre cô'é, que la vache avec laquelle celui-ci fut accouplé pour donner naissance à Пlubback, provc

Les éleveurs du comté de Durham font d'ail leurs remonter bien plus haut qu'à l'époque de l'intervention d'Hubback la supériorité de ces animaux. Ils citent, dit M. Chamard, à l'appui de leur opinion, la réputation de ceux élevés à Stanwin vers 1640, dans les vacheries de sir HughSmithson, les opérations entreprises à StudleyPark par quelques descendants de la famille des Aislabies, dans le cours du dix-septième siècle, et l'élevage de Newby-Hall par les ancêtres de sir Edward Blackett.

« La souche primitive, ajoute le même auteur, était laitière, d'une forte corpulence et d'une couleur invariablement rouge ou blanche, ou mélangée de ces deux teintes; elle joignait à une conformation régulière une grande profondeur de poitrine, une certaine largeur de hanches, une ossature légère, des extrémités fines, et la souplesse de peau qui distingue habituellement les animaux aptes à faire de la graisse; mais un grave défaut, la haute taille, ou, pour mieux dire, la longueur des jambes, balançait chez elle la plupart de ces qualités : les animaux étaient gros nangeurs et d'un engraissement tardif et dispendieux, ce qui arrive ordinairement chez les sujets dont le thorax présente de grandes dimensions du sternum au sommet du scapulum (observation qui manque de justesse, faisons-le remarquer en passant), et dont certains rayons osseux se trouvent par leur allongement assez détachés du tronc pour indiquer des dispositions à l'activité physique.

«L'ancienne souche était encore, vers le milieu du dix-septième siècle, l'expression presque complète du sol et des pâturages fertiles sur lesquels elle reposait; mais, vers 1750 et dans les années qui suivirent, une grande impulsion fut donnée à l'élevage par quelques éleveurs éminents, et des noms particuliers furent appliqués aux reproducteurs les plus remarquables. C'est ainsi que l'on connut le vieux Studley-Bull, père de plusieurs taureaux renommés et grand-père de Dalton-Duke, vendu au prix alors très-élevé de 1,475 fr.; c'est ainsi que sont restés les noms de Sowden's-Bull et de Masterman's - Bull, père el grand-père du taureau HUBBACK, auquel on

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D'après ces chiffres, et d'après aussi les considérations qui précèdent, on voit que le perfectionnement subi par la race de Durham, dans la seconde moitié du dix-huitième siècle, a eu surtout pour but et pour effet de lui communiquer les caractères de la précocité. Cela résulte nécessairement du rapprochement que l'on peut faire entre les faits qui viennent d'être rappelés et la description de son état actuel, tel qu'il a été énoncé en commençant. L'histoire anecdotique de ce perfectionnement n'est pas dépourvue d'un certain intérêt, à divers points de vue. Il nous faut donc la raconter brièvement.

Cette histoire est en même temps celle des frères Charles et Robert Colling, qui portèrent à son plus haut point la réputation de la race Teeswater. Elle commence vers 1770, époque à laquelle Robert, alors âgé de vingt ans, s'établit à Brampton, tandis que Charles, qui n'en avait que dixneuf, se fixait à Ketton, dans les environs de Darlington. L'un et l'autre, par les opérations auxquelles ils se livrèrent sur le bétail du pays, ne tardèrent point à se distinguer; mais ce fut surtout Charles, qui était l'ami du plus grand éleveur de l'Angleterre, du célèbre Bakewell, malgré son jeune ge, que l'on du après quelques années seulement reconnaître pour le premier éducateur de courtes-cornes. Il est à croire, fait observer à ce sujet M. Chamard, que l'expérience acquise par ce dernier ne fut pas étrangère aux succès du jeune Colling. Mais on doit remarquer avec lui cependant, qu'en appliquant à une autre race les principes d'amélioration employés par le fermier de Dishley-Grange pour perfectionner les longues-cornes, bien moins propres à les subir efficacement, il fit preuve d'une initiative dont tout l'honneur doit lui être conservé.

Quoi qu'il en soit, on met en première ligne, parmi les titres de gloire de Charles Colling, l'acquisition qu'il fit du taureau Hubback dont nous avons déjà parlé, et que l'on considère comme son coup de maître. Les circonstances de cette acquisition méritent d'être conservées. Nous en emprunterons le récit à l'auteur déjà cité.

« Hubback et sa mère, dit-il, avaient été vendus au marché, par M. Hunter, à un forgeron de Darlington; ce dernier garda la mère et donna le veau comme cadeau de noce à sa fille, qui habitait le village d'Hornby, près Kircleavington; le jeune veau fut remarqué sur les communaux d'Hornby par Waistel et Robert Colling qui l'achetèrent, et le cédèrent, un an plus tard, au prix de 211 fr. 68 cent., à Charles Colling qui le connaissait depuis longtemps; mais à peine celuici en fut-il devenu possesseur qu'il refusa de faire saillir par lui-même, aux prix les plus élevés, toute vache étrangère à son troupeau. Les pro

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duits qu'il en obtint furent tous uniformément distingués, d'une grande finesse moléculaire et d'une aptitude extrême à faire de la graisse, disposition qu'il tenait de sa mère, qui la possédait elle-même au plus haut degré. Malheureusement, il ne put faire longtemps la monte; il s'engraissa outre mesure, devint lourd et improductif. 11 était, dit-on, épais, compacte (?), court de jambes et d'une grande finesse; sa peau était particulièrement souple, et son poil, doux et soyeux, se renouvelait tard au printemps; on ajoute encore qu'il avait les cornes petites, lisses et d'une teinte jaune beurre frais; son regard était vif mais doux, et son caractère d'une tranquillité parfaite. »

Au grand regret des partisans de l'exactitude et de la précision en toute chose, et au nôtre en particulier, l'histoire zootechnique de la race améliorée de Durham n'a point été écrite par Charles Colling, ailleurs que dans ses magnifiques créations. A l'exemple de tous les grands éleveurs de l'Angleterre, il agissait et ne dissertait point. Au lieu d'informer le monde de leurs conceptions à peine écloses, comme c'est le propre du caractère français, ces illustres novateurs, ainsi que nous en avons déjà quelque part fait la remarque, s'appliquent plutôt à les réaliser. Cela leur assure sur nous d'incomparables avantages, mais la postérité n'est pas moins par ce fait réduite à se contenter de conjectures sur leurs opérations; et parmi ces conjectures son embarras est de choisir les plus plausibles, en se gardant des écarts de l'imagination, toujours prompte à obscurcir la vérité.

C'est en vertu de cette tendance, et à la faveur du vague que laisse dans la question l'absence de documents émanant directement de l'heureux et habile acquéreur d'Hubback, que l'influence de ce taureau dans l'amélioration de la race actuelle a été contestée. On s'est fondé pour cela sur son infécondité précoce. N'est-ce pas, au contraire, une raison pour l'affirmer davantage, quand on songe au motif de cette infécondité? Ne sait-on pas, en effet, qu'elle fut due à une aptitude extrême au prompt engraissement, et que c'est là précisément la qualité éminente qui distingue entre toutes la race de Durham? Il n'y a pas lieu de s'arrêter donc aux assertions de ceux qui en font plus volontiers honneur à des mères telles que Duchesse de Stanwix, Haughton, l'ancienne Daisy, et surtout la belle Lady Maynard, comme l'appelle M. Chamard en contestant le fait, tout en admettant que ces vaches ont pu y avoir une part; non plus que de tenir aucun compte de l'intervention que d'autres prêtent à des croisements avec la race de Galloway, qui auraient été effectués par Charles Colling, et dont la seule trace sc trouverait dans l'emploi du taureau O'Callaghan's of Bolingbroke, issu d'une vache écossaise sans cornes et du taureau pur Bolingbroke, qui, avec Johanna, donna Grandson of Bolingbroke, lequel produisit lui-même Lady avec Phoenix. Cette Lady, d'après cela, compte dans ses ascendants trois générations de pur Durham contre une de Galloway; et il faudrait en vérité bien méconnaître les plus élémentaires principes de la zootechnie pour attribuer dans son mérite personnel, comme

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