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L'exercice de l'aptitude laitière se présente dans des conditions beaucoup plus simples, et moins incompatibles avec la plupart de celles qui appartiennent à la complète précocité. Bornée à un seul organe, au demeurant assez accessoire dans la jeunesse, on observe même qu'elle n'y fait obstacle que fort peu, et dans certains cas pas du tout. Cette aptitude concorde parfaitement avec l'inaction de l'appareil locomoteur, qui lui est d'ailleurs de tout point favorable. Si elle existe commie faculté native, le moment auquel elle se peut développer par son exercice laisse aux procédés de la sélection tels que nous les avons exposés tout le temps d'agir. L'instant le plus hâtif, pour faire saillir convenablement les génisses, ne vient guère en deçà de leur troisième année. Or, c'est précisément le moment où les races les plus précoces atteignent leur âge adulte. Nul empêchement donc à ce que les races laitières ne soient poussées vers la précocité par la sélection. Ce'a est de toute évidence. Nous n'y insisterons pas. Les principes spéciaux du perfectionnement de l'espèce bovine sont maintenant exposés dans tous leurs détails. Nous avons indiqué le but, qui est la précocité, et la méthode capable d'y conduire, qui est la sélection. Nous nous sommes efforcé de faire clairement saisir les relations scientifiques qui existent entre l'un et l'autre, de manière à donner aux éleveurs un guide sûr de leurs opérations, de manière surtout à ce qu'ils puissent toujours s'en rendre compte et suivre en connaissance de cause chacun des effets obtenus. L'appréciation exacte des divers facteurs de l'amélio ration peut seule permettre d'établir leur importance relative, et de les manier pour ainsi dire à sa discrétion. C'est là ce qui constitue la science de l'élevage, en l'absence de laquelle la pratique peut bien être une routine plus ou moins éclairée, mais demeure cependant toujours la routine.

Ces principes sont fondamentaux pour la constitution des races perfectionnées. En dehors d'eux il n'y a pas d'amélioration possible. Ils résument, suivant l'expression de M. Baudement, tout le problème physiologique et économique de la zootechnie de l'espèce bovine. Ils dominent toute tentative de perfectionnement, de quelque nature qu'elle soit. Et ils sont dans une complète erreur, ceux qui croient pouvoir les enfreindre au bénéfice de conceptions exclusivement basées sur l'influence des reproducteurs. Cette influence peut être un utile accessoire du perfectionnement, mais elle n'est rien de plus. Elle ne vaut que par l'application rigoureuse des procédés de la sélection. Nous devons cependant lui faire sa part, afin de ne négliger aucun des moyens qui peuvent concourir à l'œuvre dont nous nous occupons. Et c'est ce que nous allons faire en examinant le rôle du croisement dans ses rapports avec l'amélioration de l'espèce bovine.

Croisement. En définissant d'une manière exacte l'opération par laquelle deux animaux de races différentes sont accouplés pour obtenir un produit intermédiaire ou métis, nous avons établi comment ce métis ne peut pas devenir à son tour

la souche d'une race nouvelle, « Ramené à son importance scientifique réelle, avons-nous dit (p. 455), le croisement est un moyen, un procédé d'exploitation industrielle des animaux qui, à l'exemple de tous les procédés de fabrication, donne des résultats en rapport avec la manière dont il est mis en pratique. » Nous avons ensuite indiqué les principes généraux de l'application de ce moyen, et nous avons insisté sur la distinction qu'il importe d'établir entre le croisement considéré comme principe d'amélioration appliqué aux races, et le croisement envisagé comme moyen de tirer un plus utile parti des individus, pris isolément et dans des conditions déterminées. La nécessité d'une telle distinction, il faut le rappeler en ce moment, est basée sur ce fait que les individus croisés n'ont jamais nulle part, et dans aucune espèce, transmis à leurs descendants, d'une manière certaine et suivie, aucun des caractères essentiels qui les faisaient différer de leurs auteurs immédiats. Il ne nous a pas été difficile de montrer que les apparences contraires à ce principe de zootechnie ont leur source dans une confusion assez généralement commise au sujet de la définition de la race et des caractères sur lesquels elle se fonde. Pour établir que les améliorations se multiplient, se perpétuent et se fixent par voie de métissage, en fondant des races nouvelles, on s'appuie sur des résultats qui prouvent seulement que les modifications maintenues sont celles dans la production desquelles la transmission héréditaire n'a aucune part. Ces modifications sont uniquement dues au régime hygiénique auquel les produits sont soumis. Abandonnés aux seules influences de la génération, ceux-ci reviennent toujours très-promptement au type de celui de leurs ascendants qui était en possession de l'indigénat. C'est-à-dire que les caractères de la race dite amélioratrice disparaissent, pour faire place à ceux de la race qui a été le point de départ de l'amélioration.

C'est donc commettre une grave erreur d'admettre qu'une race puisse être améliorée par voie de croisement. Et ceux-là même qui préconisent un pareil principe fournissent les premiers la preuve de sa fragilité. Si partisans qu'ils s'en montrent, en effet, ils ne manquent point d'insister sur la nécessité d'avoir recours de temps en temps à l'importation de nouveaux étalons améliorateurs pour rafraichir le sang, suivant leur expression. Ils ne s'aperçoivent pas, apparemment, que cette nécessité détruit de fond en comble le principe qu'ils défendent, et témoigne de la justesse de nos contestations. Si l'influence de la génération avait la valeur qu'ils lui accordent, les améliorations une fois acquises par son concours ne disparaîtraient plus, et toute intervention nouvelle du type améliorateur deviendrait inutile. Du moment qu'il n'en est pas ainsi, cela prouve à l'évidence que le croisement ne transmet pas des caractères de race, ou des caractères transmissibles à leur tour. Quelque savantes que soient les combinaisons d'après lesquelles il est entrepris et poursuivi, ce procédé est radicalement impuissant à améliorer la race, il ne peut que concourir à la production d'individus améliorés. Les races ne

sont susceptibles d'être améliorées que par sélection. Nous croyons avoir mis hors de doute la dé monstration de cette vérité.

Voilà les principes, quant au croisement envisagé dans ses rapports avec le perfectionnement des espèces en général. L'application de ces principes généraux à l'espèce bovine, en particulier, est une de celles qui présentent les plus grandes difficultés. Il convient donc de bien préciser à cet égard, afin d'écarter toute méprise lorsque nous parlerons plus tard d'un croisement quelconque, comme moyen d'exploiter plus avantageusement telle ou telle des races que nous aurons à décrire. Il doit être convenu d'avance que les métis obtenus par ce moyen sont purement et simplement des instruments de production, des marchandises, pour mieux dire, ou des agents d'exploitation industrielle, non point des reproducteurs destinés à former race. Ils ne valent que par les conditions dans lesquelles ils sont à proprement parler fabriqués. La science, fondée sur l'expérienc, démontre qu'ils ne peuvent pas être envisagés en dehors de ces conditions, dont ils sont inséparables. Cela conduit à restituer au croisement son véritable rôle et à l'exclure de toute entreprise de perfectionnement fondamental de la race. En ces termes, il devient comme une sorte d'adjuvant souvent fort utile de la sélection, pour en tirer actuellement le meilleur parti, mais c'est là tout. Il est une source de bénéfices présents, lorsqu'il est rationnellement appliqué, parce qu'it fait obtenir des produits plus avantageux; son efficacité cesse, dès qu'il s'agit d'entreprises établies en vue de l'avenir.

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pourrait à cet égard que les amoindrir. Le plus
qu'on en puisse attendre est de leur conserver les
qualités qu'elles possèdent déjà. En conséquence,
l'opération industrielle dont nous nous occupons
n'a rien à faire pour concourir à l'exploitation
avantageuse de l'espèce hovine dans les deux
fonctions économiques qui viennent d'être indi-
quées. Si la race locale n'offre pas des conditions
suffisantes quant à l'une ou à l'autre, la saine
économie rurale commande de la remplacer dans
la ferme par du bétail choisi parmi les races qui
les présentent au degré désiré, non point de cher-
cher à les lui communiquer par le croisement.
C'est ce que font, par exemple, les agriculteurs
éclairés qui se trouvent dans une situation où
l'industrie laitière peut être avantageuse, et qui '
peuplent, pour s'y livrer, leurs étables de vaches
cotentines, flamandes, hollandaises ou suisses. Ils
importent une race laitière, au lieu de s'ingénier
à la produire, en abandonnant leurs capitaux à
tous les hasards d'une entreprise d'amélioration
basée sur le plus incertain et le plus coûteux de
tous les procédés. Quand ils engagent ces capi-
taux, ils savent au juste le bénéfice qu'ils en peu-
vent attendre, car il leur est loisible d'apprécier
la valeur vénale de chacun des individus qui en
représente une portion. Autrement en est-il,
dès qu'il s'agit d'élevage. Outre que dans ce cas
l'opération se trouve singulièrement compliquée,
puisqu'il y a lieu de produire soi-même les agents
de l'exploitation, la valeur même de chacun de
ces agents est soumise à des chances de toutes
sortes et à une immobilisation du capital qui doit
être comptée parmi les conditions les plus défavo-

Nous devons donc maintenant faire au croise-rables de toute entreprise industrielle. ment la part qui lui revient, non pas dans le perfectionnement de l'espèce bovine, mais seulement dans son exploitation. Quant au perfectionnement de l'espèce, sa part est nulle, ainsi que nous venons de le voir; et l'on ne saurait trop s'appesantir sur ce point, dont la méconnaissance a déjà causé tant de mécomptes. Pour ce qui concerne l'exploitation lucrative, les règles et les préceptes à suivre varient suivant la spécialité de fonction économique qu'il s'agit d'utiliser. Il faut donc nécessairement passer en revue chacune des fonctions que nous avons reconnues pour les indiquer. De cette façon, nos enseignements seront plus précis et nous aurons plus de chances d'être bien compris. Tout en nous élevant contre la prétention antiscientifique qui consiste à transformer toutes nos races locales par le croisement, nous montrerons ainsi que nous ne sommes point hostile systématiquement à ce moyen de les exploiter avec avantage, dans tous les cas où la chose est possible, rationnellement et économiquement praticable. En élucidant cette question, nous pouvons avoir l'espérance de concilier les oppositions absolues et de faire taire des dissidences qui n'auront alors plus aucun motif.

En somme, il n'y a pas lieu premièrement de perfectionner l'espèce bovine au point de vue de l'aptitude au travail, cette aptitude devant au contraire progressivement diminuer pour qu'elle puisse donner les plus grands bénéfices qu'il soit permis d'en attendre ; en second lieu, l'industrie de la production du lait et des dérivés de ce liquide, parfaitement distincte en économie rurale des opérations de l'élevage, se conçoit tout à fait en dehors des moyens qui pourraient être applicables à celles-ci, dans le cas où d'ailleurs il ne serait pas démontré que les métis ne sont que bien exceptionnellement même équivalents, sous le rapport de l'aptitude laitière, à celui de leurs ascendants qui présente cette aptitude au moindre degré. C'eu est plus qu'il ne faut pour faire voir que le croisement n'a aucun rôle à jouer dans l'amélioration des produits destinés à remplir l'une ou l'autre des deux fonctions économiques dont il s'agit. Il reste par conséquent à l'envisager au point de vue de la production de la viande, où ses effets sont tout différents.

Tout d'abord il faut faire remarquer que pour | répondre aux besoins du travail et de la laiterie, nous possédons des races indigènes qui n'ont rien à envier à aucune autre, au point de vue de leur aptitude spéciale. Le mieux est donc de les exploiter telles qu'elles sont. Le croisement ne

Mais auparavant nous devons faire remarquer, afin d'éviter toute méprise, que le précepte qui vient d'être formulé au sujet du croisement considéré dans ses rapports avec l'aptitude laitière n'a pas dans notre intention la rigueur absolue d'un principe scientifique. D'excellents esprits, au nombre desquels il faut citer M. le professeur Tisserant, l'ont admis comme pouvant dans certains cas être mis en pratique avec succès. Ils

en vue de la boucherie, et c'est ici que le croisement peut agir avec sa plus complète efficacité. C'est dans ce cas, en effet, que se trouvent réunis les termes du problème que nous avons posé propos du croisement, et que ce problème peut être facilement résolu. «Étant donnée, avons-nous dit (p. 455), une race locale, avec toutes les matières premières nécessaires à son exploitation plus lucrative que celle que permettent ses seules aptitudes naturelles, tirer le meilleur parti possible de ses produits. » Lors donc que, dans une exploitation, les ressources alimentaires ont devancé de beaucoup les aptitudes de la race bovine qui s'élève à l'entour et qui peut y être entretenue, et que ces ressources pourraient suffire au développement d'animaux plus exigeants, mais donnant de plus grands bénéfices par leur aptitude plus prononcée à transformer en viande les aliments consommés en plus grande abondance; dans ces conditions, le plus sage parti est néces

avaient sans doute d'excellentes raisons pour cela,, due et en évitant de les altérer par de systémaquoiqu'ils aient peut-être un peu négligé de les tiques croisements; qu'il convient aussi de redéduire de faits bien précis et bien circonstanciés. noncer à la prétention d'exploiter en vue de la Il nous paraît seulement que la production des production du lait celles qui ne sont pas douées bonnes vaches laitières par voie de croisement | de la faculté nécessaire, et de s'en tenir aux est sujette à trop d'incertitudes et de mécomptes, moyens d'en tirer autrement un plus utile parti. qu'elle nécessite trop de précautions et un con- Le plus immédiatement praticable de ces moyens cours de circonstances trop difficiles à bien appré-est de leur faire produire des individus améliorés cier par le commun des éleveurs, pour qu'il soit sage de la préconiser à titre de moyen de perfectionnement, non pas des races, mais même des individus ou des familles. Il faut, en zootechnie surtout, où il s'agit presque toujours de spécula-à tions à terme plus ou moins long, s'en tenir aux seuls procédés certains dans leurs résultats. L'aptitude laitière ne dépend pas uniquement de la constitution de l'animal; elle tient surtout au développement d'une faculté organique spéciale, au développement et à l'activité des glandes mammaires, dont la transmission héréditaire est loin d'être infaillible, surtout lorsqu'elle n'existe que chez l'un des reproducteurs. Cette faculté se transmet surtout par les måles, dit-on, et M. Tisserant est de cet avis. Mais nous ne croyons pas que ce fait d'hérédité soit assez solidement établi pour qu'on puisse sans chance d'erreur le donner comme règle. La faculté laitière peut aussi bien ne pas passer que passer du père à ses descendants. L'hérédité, d'après tous les faits d'observa-sairement de produire des métis obtenus par le tion, n'est à peu près certaine pour des dispositions organiques de ce genre, qu'autant qu'elles se rencontrent à la fois chez les deux reproducteurs. C'est assez qu'il y ait autant de chances et même moins en faveur de la non-transmission, pour qu'il y ait tout avantage à s'abstenir dans tous les cas des opérations de croisement; du moment surtout, répétons-le, qu'il est beaucoup plus simple et nullement chanceux de choisir, parmi les races laitières que nous possédons en grand nombre, les sujets nécessaires à l'entreprise zootechnique que l'on veut faire, en donnant la préférence à ceux qui sont le mieux appropriés au milieu dans lequel ils doivent être introduits.

En définitive, on ne peut donc pas considérer comme une bonne opération économique, d'entreprendre d'exploiter pour la laiterie une race locale dépourvue de l'aptitude laitière, ou ne possédant cette aptitude qu'à un faible degré, en cherchant à la faire naître chez ses produits au moyen du croisement. Réduite à ses seules forces, l'influence de la génération offre toujours, ainsi que nous l'avons, croyons-nous, suffisamment établi, des conditions trop précaires, pour qu'une entreprise industrielle puisse être sagement assise sur une telle base. Or, nous n'avons pas encore le secret de faire naître sûrement l'aptitude laitière par les moyens hygiéniques dont l'action nous est connue. La science ne possède à cet égard qu'une hypothèse plus ou moins plausible, et qui, lors même qu'elle serait fondée, ne nous laisserait entrevoir la possibilité d'arriver au résultat que dans un avenir fort éloigné, non pas de s'en servir pour des opérations devant donner des bénéfices prochains. Concluons donc qu'il faut s'attacher à conserver les races laitières en les perfectionnant par une sélection bien enten

croisement de la race locale avec une de celles qui sont les plus avancées sur la voie de la précocité. La faculté de développement précoce est celle qui de toutes se transmet le plus facilement par la génération, surtout quand elle est secondée par une alimentation convenable. Elle s'acquiert d'ailleurs d'autant plus sûrement par les produits, qu'ils y sont conduits par deux influences agissant dans le même sens : la puissance héréditaire, d'une part, et le régime alimentaire, de l'autre.

Le croisement, dans l'espèce bovine, peut rendre de réels services, sous la réserve de ces conditions. Qu'il s'agisse de la production des veaux de boucherie, ou que ceux-ci, élevés plus longtemps, doivent être engraissés sans avoir fourni aucun travail, il ne peut y avoir que des avantages à leur communiquer, par le choix d'un père doué des plus hautes qualités relatives à leur destination, l'aptitude native que le régime alimentaire et les autres éléments d'un élevage rationnel doivent ensuite développer. L'action de ces derniers facteurs en est rendue plus efficace, et l'on arrive du premier coup au produit net le plus élevé qu'il soit possible d'atteindre avec la race locale dont l'entretien est commandé par les circonstances.

Ces entreprises de croisement ne sont possibles et utilement praticables que dans une industrie rurale avancée, disposant d'une intelligence et d'un capital suffisants. La raison en est qu'elles constituent des opérations toujours difficiles à bien conduire et nécessitant des avances plus ou moins considérables. Elles ne peuvent du reste être rationnelles qu'à la condition de marcher de front avec la sélection; à moins toutefois qu'il ne s'agisse d'une race dont la disparition ne peut en rien préjudicier aux nécessités écono

miques attribuées à l'espèce bovine. Dès qu'il en est ainsi, il importe peu de la remplacer partout par une population de métis, à la seule condition de maintenir ceux-ci dans les limites d'aptitude et de conformation qui les rendent le plus propres au but de leur destination. Cela donne pour les opérations toute latitude. Le croisement peut être poussé plus ou moins loin, si, comme cela a été dit, les circonstances hygiéniques sont telles qu'elles pourraient entretenir et conserver intacts les produits purs du måle dit améliorateur. Les produits métis peuvent même sans dommage être accouplés entre eux, sous le risque toutefois à peu près certain de n'en point obtenir des résultats aussi bons que ceux donnés par le croisement. Les mâles purs, en effet, possèdent seuls l'attribut de la race, qui est, comme nous le savons, la faculté de transmettre à coup sûr leurs caractères propres. Les métis, eux aussi, font de même quelquefois, mais non le plus souvent. Ils ont en eux la faculté d'atavisme, qui reproduit chez leurs descendants les caractères de la plus ancienne des races dont ils sont issus, et par conséquent la moins ancienne dans l'amélioration. C'est ce qui rend si incretaines les opérations zootechniques dans lesquelles on a recours à ce moyen, que nous devons envisager plus spécialement à présent sous le nom qui lui est donné.

Ce n'est pas toutefois que l'accouplement des métis entre eux ou l'emploi accidentel d'un taureau issu de croisement doivent être interdits d'une manière absolue. Il y a des circonstances où un tel métissage peut être sans inconvénients bien notables. Et c'est surtout lorsque la puissance de l'atavisme est fortement contre-balancée par des circonstances hygiéniques, par un milieu dont l'action s'exerce avec énergie dans le sens des aptitudes qu'il s'agit de faire naître et de développer. Les effets de l'atavisme, nous l'avons déjà dit en son lieu, se manifestent principalement quand ils sont sollicités, et à peu près sûrement, en conséquence, dans le cas où le milieu ne répond pas aux besoins physiologiques du métis reproducteur.

C'est pour ce motif que poser en principe la possibilité des améliorations par le métissage, est commettre une véritable hérésie zootechnique. Le métissage, comme le croisement, est dans des conditions bien déterminées et très-restreintes quelquefois un moyen admissible, au pis aller; ce ne saurait jamais être un principe absolu, comme par exemple la sélection.

Cette thèse sera du reste plus amplement développée dans le chapitre consacré à l'espèce ovine, où elle sera mieux à sa place. Nous ne devions cependant pas négliger de parler du métissage, à l'occasion des principes spéciaux du perfectionneMétissage. On désigne ainsi la multiplica- ment de l'espèce bovine, ne fût-ce que pour lui tion par métis, soit que les individus résultant de dénier explicitement cette qualité, qu'il ne poscroisement s'accouplent entre eux, soit qu'un sède à aucun titre, pas plus pour l'amélioration mâle métis féconde des femelles de race pure. En des races que pour celle des individus. Il n'est thèse générale, on peut dire que l'incertitude des pas toujours un obstacle, à ce dernier point de résultats, dans le métissage, est en raison de la vue, ainsi que nous venons de l'expliquer; mais disproportion qui existe entre les aptitudes de la c'est là tout ce qu'on peut en dire de mieux. Dans race la plus améliorée, parmi celles qui ont con- le plus grand nombre des cas, il est absolument couru à la formation du métis reproducteur, et impossible de compter sur l'influence améliorales conditions hygiéniques au milieu desquelles trice d'un reproducteur métis, quelque irrépros'accomplit l'opération. C'est pour avoir négligé chable de formes qu'il soit d'ailleurs. L'employer cette considération, capitale dans la question, est donc faire au hasard une trop grande part que le principe pourtant si réel en vertu duquel dans l'entreprise que l'on tente, et ce n'est pas les métis mâles doivent être exclus de la repro- avec de pareils éléments que doit agir une indusduction a été controversé. Il est certain qu'au- trie bien conçue et solidement assise, dans lacune entreprise d'exploitation zootechnique ne quelle il ne doit y avoir que le moins possible de peut être solidement basée sur une semblable pra- circonstances aléatoires. Ici comme partout, le tique. Nous en trouverons de nombreuses preuves succès est d'autant plus assuré et les résultats en faisant l'histoire de l'espèce ovine, où le métis-meilleurs, que tout peut y être à l'avance exactesage a été beaucoup préconisé par des hommes ment prévu. justement très-autorisés, et souvent pratiqué sans assez de souci de leurs recommandations relatives à la considération dont nous parlions tout à l'heure. Quant à l'espèce bovine, elle y a à peu près complétement échappé. Ce n'est pas que les tentatives aient manqué, et qu'il ne se soit trouvé des auteurs pour les seconder de leurs efforts. En définissant la race et en étudiant la loi de l'hérédité, nous en avons cité des exemples. Mais enfin il ne paraît point que tout cela ait eu le moindre succès. Le métissage, en tant que procédé de perfectionnement de l'espèce bovine, est fort heureusement demeuré dans le domaine de la spéculation pure, où il est bien désirable de le voir rester, jusqu'à ce que les progrès des études zootechniques, le temps aidant, aient fait disparaître ses partisans.

Tels sont les enseignements de la science zootechnique, au sujet des divers modes d'amélioration des animaux de l'espèce bovine. Nous avons consacré à chacun d'eux des développements suffisants pour qu'il ne soit pas nécessaire d'y revenir, à mesure qu'en décrivant les races si nombreuses que présente cette espèce nous indiquerons les procédés à l'aide desquels on peut les perfectionner ou les exploiter plus avantageusement. Lorsque nous parlerons de sélection, de croisement ou de métissage, le lecteur aura présents à l'esprit lės principes qui régissent ces différentes opérations dans leur application spéciale à l'espèce dont il s'agit. Il ne risquera pas, nous l'espérons du moins, de commettre les confusions si regrettables et pourtant si communes dont ces

opérations sont l'objet, faute de notions suffisam- | dit en passant, de tomber plus qu'aucun de ceux ment nettes sur leur significa ion et leur valeur relatives. Le lecteur saura et demeurera convaincu, pensons-nous, que la sélection seule peut perfectionner les races, et cette conviction se fortifiera davantage encore, par les faits que nous puiserons dans l'histoire des races perfectionnées. On y verra, en effet, qu'aucune de ces races n'est parvenue autrement au degré de supériorité qu'elle a atteint. Il ne sera pas moins bien démontré que le croisement et le métissage n'ont jamais pu servir qu'à la production d'individus améliorés, qu'à la fabrication de produits propres à une exploitation immédiatement plus lucrative, non pas destinés à former souche. Les données générales de la science, qui ont été exposées d'abord en vue de toutes les espèces animales, puis spécialement pour ce qui concerne l'espèce bovine, permettent de le prévoir à coup sûr; l'observation nous montrera que la théorie est ici basée sur la pratique, preuve certaine de son incontestable solidité.

Nous pouvons donc maintenant aborder la description des races. Nous avons essayé de réunir préalablement tous les éléments capables de nous mettre en mesure, non-seulement de les apprécier exactement sous le double rapport de leurs aptitudes et de leur conformation, mais encore d'entreprendre avec fruit l'étude zootechnique de chacune d'elles et de la mener à bonne fin. La distinction des fonctions économiques, les types de beauté qui correspondent à ces fonctions et les principes du perfectionnement nous sont en effet connus. Ce sont là autant d'objets par lesquels notre marche devait être au préalable éclairée.

RACES BOVINES.

La première difficulté qui se présente, pour mettre un peu d'ordre dans la description, est relative à l'établissement d'une bonne classification des races bovines qui peuplent l'Europe. Bien des auteurs ont échoué déjà dans cette tâche. Si la spécialisation complète des aptitudes était un fait acquis, on y trouverait une base aussi certaine que facile, et ce serait assurément la meilleure, pour cette classification. Il suffirait alors d'établir autant de groupes distincts que nous avons admis de fonctions économiques, en nous fondant sur les destinations sociales de l'espèce bovine. Mais il n'en est malheureusement pas ainsi. On rencontre à chaque instant, dans l'examen détaillé du bétail, des races à destination multiple et du reste peu accusée dans un sens ou dans l'autre, que l'on ne sait vraiment dans quel groupe il convient de faire entrer. Ces races n'appartiennent bien décidément à aucun, par cela même qu'elles peuvent pour des raisons également plausibles être adm ses dans plusieurs.

qui l'avaient précédé, dans le même travers, et de contribuer à la propagation de l'erreur en ouvrant à chacune de ces prétendues races dont s'enrichissent, (nous devrions dire plutôt s'appauvrissent) nos catalogues, une catégorie à part. Il faut réagir contre cette tendance, dont le moindre défaut est de perpétuer en même temps la confusion dans les mots et dans les choses, d'altérer la signification réelle de la race, au grand détriment des progrès de la zootechnie. Il est nécessaire que les agriculteurs s'habituent à n'accorder la qualification de race qu'aux groupes d'individus en possédant bien les attributs, c'està-dire l'homogénéité du type et la puissance héréditaire, la constance et la fixité. Il ne suffit pas, ainsi que nous l'avons déjà fait voir en détail, de quelques modifications dans les formes ou dans quelques caractères accessoires, pour constituer les éléments d'une telle distinction. Et dans cet ordre d'idées, nous serons conduits à restreindre beaucoup le cadre des races aujourd'hui généralement admises, tout en faisant comme il convient la part des familles distinctes que chacune des races véritables peut présenter.

Ainsi, absence d'une bonne base de rapprochement entre les différentes races et multiplication outrée des distinctions au sein même de celles-ci : tels sont d'abord les obstacles que l'on rencontre lorsqu'on veut entreprendre de classer l'espèce bovine. Mais ce ne sont pas les seuls. Et il faut bien le dire, ces obstacles sont si nombreux et si grands qu'ils aboutissent en fin de compte à une réelle impossibilité. On ne peut pas chercher en ce genre la meilleure classification; force nous est de nous contenter de la moins mauvaise. Jugez-en par l'examen rapide que nous allons faire de celles qui ont été proposées.

La plus ancienne idée admise à cet égard est celle qui a porté les classificateurs à prendre pour base l'origine des animaux, en se fondant sur ce fait vrai, en thèse générale, que l'identité de milieu hygiénique implique l'identité des caractères. On a donc, d'après cette idée, distingué les races bovines suivant la configuration des lieux où elles avaient pris naissance. De là l'admission de trois groupes principaux, comprenant le premier, les races de montagnes, dites encore de haut crû; le second, les races de vallées, désignées aussi par les noms de races de nature ou de rente; enfin le troisième, les races de plaines, moyennes entre les deux autres classes.

:

Quand on considère cette ancienne classification dans ses rapports avec les races abandonnées aux seules forces productrices naturelles, on est bien obligé de convenir qu'elle réunit en sa faveur beaucoup d'apparences de justesse. Il est certain que les races incultes accusent par des caractères assez positifs l'origine qui leur est propre, et que ces caractères permettent de les grouper ainsi, même au point de vue écono

Autre difficulté: les classificateurs, et le public surtout, ont une fâcheuse tendance à multipliermique, quelles que soient d'ailleurs les difféles désignations de races. Nous avons en France, a dit avec raison un auteur, la manie des distinctions. Ce qui n'a point empêché cet auteur, soit

rences qu'elles puissent présenter dans leur volume, leur pelage, etc. Mais il n'en est plus de même dès qu'on doit faire la part de la culture,

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