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que soit la spécialité d'aptitude de l'animal, il y a,
toujours avantage à ce que son squelette soit dis-
posé de telle façon qu'il assure, toutes proportions
gardées, le plus grand développement possible du
tronc. On ne conçoit pas que cela puisse nuire
à aucune fonction. Et nous allons voir tout à
l'heure encore mieux combien la disposition dont
il s'agit est importante pour la principale destina-
tion du bœuf.

poitrine comme une des conditions fondamentales de la belle conformation de l'espèce bovine dans tous les cas, il faut restituer à la science les données qui avaient fait prévoir les relations qui peuvent exister entre ce fait et les aptitudes diverses auxquelles il correspond.

On doit considérer encore comme des beautés absolues chez l'espèce bovine un garrot épais, une ligne du dos, ou mieux une ligne supérieure parfaitement horizontale, depuis le garrot jusqu'à la queue, des lombes ou des reins aussi larges que possible, une croupe longue et large, des cuisses bien descendues, ce que l'on appelle la culotte bien fournie. Du reste, ainsi qu'on l'a déjà dit, tous ces détails de conformation suivent l'ampleur de la poitrine et lui sont subordonnés. Des côtes fortement arquées, qui déterminent la largeur du poitrail par l'écartement des épaules, s'accompagnent nécessairement d'un développement corrélatif des apophyses transverses des vertèbres lombaires, de la cavité du bassin par l'écartement des hanches qui correspondent à celle-ci, et de toutes les parties qui forment la base de la croupe. Ces dispositions entraînent une étendue plus grande des organes musculaires, en longueur et en épaisseur. Quelle que soit la fonction de ceux-ci, production de la force ou assimilation des matériaux de la viande, elle ne peut qu'en être favorisée. Dans le cas même de la spécialité laitière, où ils n'ont rien à faire tant que dure l'activité des mamelles, pour n'être pas nécessaires ils, ne sauraient nuire en aucune façon. Et l'on sait d'ailleurs qu'à

Mais ce n'est point parce que l'ampleur de la poitrine témoignerait d'une activité plus grande de la fonction respiratoire et de la fonction circulatoire, qu'elle peut être considérée dans le cas comme une beauté absolue dans la conformation du bœuf. M. Baudement a parfaitement démontré qu'il n'y a pas une relation nécessaire entre ces deux ordres de faits. Il résulte de ses recherches, revêtues d'un grand caractère de précision, que pour une capacité thoracique égale, l'activité de ces deux fonctions, accusée par le poids des poumons et celui du cœur, diffère sensiblement suivant l'aptitude spéciale de l'individu. Le poids absolu de ces organes est plus élevé, dans le cas de l'aptitude au travail; moins élevé, dans celui de l'aptitude à l'assimilation des matériaux qui forment la viande. Le développement des poumons et du cœur n'est donc pas en rapport avec la capacité de la cavité thoracique, mais bien avec l'activité des fonctions qu'ils exécutent, en raison de l'aptitude spéciale des animaux. L'aptitude au travail, qui nécessite une activité plus grande de la respiration et de la circulation, correspond à des poumons et à un cœur plus denses, par consé-aptitude égale, le produit des vaches à lait est touquent plus actifs pour un volume donné; l'aptitude à l'engraissement s'accompagne d'une densité moins grande de ces organes, et forcément d'une activité moins prononcée de leurs fonctions.

Dans l'un comme dans l'autre cas, l'ampleur de la cavité thoracique a pour corollaire une étendue plus considérable des masses musculaires qui l'entourent, un plus grand développement des épaules, en somme une conformation meilleure; mais la constitution de ces masses musculaires diffère, comme leur volume propre, suivant l'activité des fonctions respiratoire et circulatoire. Les fibres musculaires, les agents contractiles de la force, prédominent lorsque l'exercice a développé l'activité de la vie de relation; les matériaux de l'assimilation nutritive, ce qui constitue la viande en augmentant, non la densité, mais le volume du muscle, sont au contraire prédominants, lorsque cette activité a été restreinte.

Cette conclusion, qui avait été induite des données générales de la physiologie, mais à laquelle une interprétation fautive du fait d'observation relatif à la signification de l'ampleur de la poitrine était opposée, cette conclusion a reçu des recherches de M. Baudement une confirmation éclatante. Il n'est plus possible aujourd'hui d'admettre, sous ce rapport, la conciliation proposée entre les aptitudes diverses. Il est démontré que celte conciliation se rapporte seulement, dans la mesure que nous avons dite, à la capacité thoracique, nullement à l'activité des organes qui y sont contenus. Et s'il est juste de reconnaître l'exactitude du fait extérieur, qui pose l'ampleur de la

jours en rapport avec le développement de leur corps.

En thèse générale, les caractères absolus de la belle conformation de l'espèce bovine sont donc tels que les a indiqués M. Magne, abstraction faite de ce que cet auteur tient pour les conditions fondamentales des aptitudes. Toute spécialité à part, la poitrine ample, le garrot épais, l'épaule longue et oblique, le poitrail ouvert, la ligne supérieure du corps horizontale, les lombes et la croupe larges, les hanches écartées, les cuisses larges, épaisses et bien descendues, la culotte bien fournie, concordent avec les activités de toutes sortes et sont essentiellement favorables à la destination finale de l'espèce. Il n'est pas nécessaire d'insister, en effet, pour faire voir que ces dispositions sont celles qui comportent une plus grande abondance des parties qui fournissent la viande. Elles ne tiennent pas seulement à des dimensions plus étendues du squelette. On conçoit fort bien que ces dimensions entraînent.un développement plus considérable de toutes les parties molles dont les os sont entourés.

Ces caractères, il faut le dire, ne se rencontrent pas dans l'espèce soustraite à l'influence directe de l'homme. Ils sont à proprement parler une création de son industrie. L'animal qui s'élève dans des circonstances où il ne doit pourvoir qu'à sa propre conservation et à celle de son espèce, acquiert dans sa conformation des proportions relativement plus exiguës. Mais nous ne parlons ici que du bœuf domestique, et nous devons le présenter tel que nos soins peuvent nous

le donner. C'est par ces soins qu'il a acquis, à la longue, les aptitudes diverses qui le mettent en mesure de répondre aux besoins sociaux qui ont créé à son espèce des fonctions économiques diverses, par le développement et l'exagération, dans certains cas, de ses aptitudes natives. C'est par le perfectionnement de ces mêmes soins, guidé par les progrès de la science, qu'il doit être amené à satisfaire encore dans une plus large mesure aux nécessités de son but. Ce but est, en définitive, le plus urgent à atteindre, et c'est l'objet de la zootechnie de l'indiquer nettement, tout en tenant compte des transitions par lesquelles il faut passer avant de l'atteindre.

Il résulte logiquement de cette considération, que le type de conformation vers lequel l'espèce bovine doit être conduite en toute circonstance, c'est celui qui la rend le plus propre à la production de la viande. Il convient toujours de l'en rapprocher le plus possible, dans les limites compatibles avec les services auxquels elle doit suffire préalablement. L'économie rurale ne permet pas, comme le voudraient quelques enthousiastes, de subordonner dans tous les cas les nécessités immédiates aù but final et de tout sacrifier au rendement de la viande; mais elle ne se refuse aucunement à sanctionner la marche qui mène progressivement à une complète transformation, pourvu que les harmonies économiques soient toujours respectées; pourvu, en d'autres termes, que les modifications de l'espèce suivent et ne précèdent pas celles du milieu dans lequel elle est appelée à vivre.

Pour nous conformer à ce principe, nous devons donc, en première ligne, mettre sous les yeux de l'éleveur le type le plus achevé du bœuf de

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boucherie. Quel que soit le résultat immédiat qu'il se propose, c'est ce type qu'il lui est commandé d'avoir toujours en vue, comme condition de la perfection économique de l'espèce bovine; non pas pour l'atteindre du premier coup et au mépris de toute autre considération, mais pour viser sans cesse à s'en rapprocher dans ses opérations d'amélioration. La belle conformation de l'animal producteur de viande est l'idéal qu'il doit poursuivre. Les formes, sinon les aptitudes, de cet animal sont le modèle à suivre, de loin ou de près, suivant les circonstances, mais toujours du plus près possible. C'est pour cela que nous allons commencer la description des types spéciaux de la beauté que comporte l'espèce bovine, par l'indication des caractères qui constituent au plus haut degré celui du bœuf de boucherie. Nous faisons voir d'abord le but ; nous montrerons ensuite les moyens. La logique de l'enseignement le veut ainsi.

Bœuf de boucherie. - Pour répondre à son but, qui est de produire dans le plus court espace de temps possible la somme la plus considérable de viande de la meilleure qualité, le bœuf exclusivement élevé pour la boucherie doit présenter, indépendamment des caractères qui viennent d'être considérés comme des beautés absolues, des dispositions spéciales dans les autres parties. de sa conformation. Ces dispositions, jointes aux premières, établissent sa spécialité, mais ne sont point la raison de son aptitude; elles en témoignent seulement, et selon toute apparence elles en résultent, ainsi que nous le verrons. Dès à présent, nous nous bornerons à les indiquer. La taille des animaux, on le sait, est surtout

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tive de la beauté, pour le bœuf de boucherie, est, nomie rurale, non de l'esthétique. Nous nous d'avoir des membres courts, par conséquent la sommes du reste expliqués déjà là-dessus. Passons poitrine près de terre et la taille peu élevée. | donc à la conformation qui convient à une autre C'est là que se trouvent les éléments d'un rende- spécialité. ment considérable en viande nette problème essentiel posé pour tout animal devant être livré à la consommation. Moins les membres sont développés, moins est grand le poids des issues à défalquer du poids vif total.

Il importe encore de diminuer la proportion des régions dont les parties musculaires ne peuvent fournir qu'une viande de médiocre ou mauvaise qualité. A ce titre, le cou est relativement mince et peu musclé, dans le type de boucherie, et pour le même motif, la tête est fine, courte et pourvue de cornes peu développées.

L'exiguïté de la tête, en largeur comme en longueur, tient essentiellement aux caractères du système osseux, en général, qui n'a acquis qu'un faible développement. Le cachet de la perfection, dans la constitution du boeuf de boucherie, c'est précisément une grande disproportion entre les parties musculeuses et le système osseux. Une ossature légère de la tête, des membres, etc., avec une grande ampleur du tronc dans tous les sens, tel est l'idéal, du moins pour la quantité de viande produite.

A cela il faut joindre la peau mince, souple, un poil fin et luisant, avec le moins possible de fanon, ce qui fait dire enfin que l'animal est tendre, et signifie qu'il possède l'aptitude à s'engraisser facilement. Nous y ajouterons la physionomie calme et placide, qui se traduit dans le regard; et, en outre, l'aptitude à acquérir une maturité prompte, cette faculté constitutionnelle qui est connue en zootechnie sous le nom de précocité. En somme, on voit, d'après ce qui précède, que le type de la beauté parfaite du boeuf de boucherie s'éloigne beaucoup de l'idéal de la beauté artistique, pour l'espèce bovine. L'écart entre les deux formes du beau est ici nettement accusé. On pourrait l'exprimer en disant après une école littéraire fameuse : Le beau, c'est le laid et le difforme. Pour l'artiste, en effet, le type de la perfection est dans le cas parfaitement disgracieux. Des lignes droites au lieu de courbes élégantes, un corps se rapprochant aussi près que possible de la forme d'un parallélipipède, c'est-à-dire dont les trois principales faces, supérieure et latérales, peuvent être inscrites dans un parallélogranime ou carré long, et d'autant mieux et plus exactement que la conformation est réputée meilleure; un cou mince et grêle sortant de ce corps énorme et se terminant par une tête petite; des membres courts et disproportionnés supportant le tout : voilà le bœuf de boucherie tel que le fait sa complète spécialisation.

Mais autre est l'impression du zootechnicien, qui doit voir, lui, le beau dans l'utile. Pour si disgracieuses qu'il trouve ces formes, il ne peut oublier qu'elles sont celles qui mettent l'animal dans le cas de mieux utiliser ses rations, de produire en un temps donné, et avec une quantité déterminée d'aliments, la plus forte proportion de viande nette, livrable à la consommation. C'en est assez pour déterminer son choix. Il fait de l'éco

Bœuf de travail. Un premier point est ici à examiner. Qu'est-ce, dans l'état actuel de l'économie rurale, qu'un bœuf de travail ? Quelles sont, à son égard, les limites de la spécialisation? Comporte-t-il, comme le bœuf de boucherie, un type parfait dont il faille poursuivre la réalisation, et vers lequel les efforts d'amélioration doivent être dirigés pour en rapprocher tout ou partie de l'espèce? Telles sont les questions qu'il faut d'abord résoudre.

Quant à la première, il est incontestable que c'est celle par laquelle il faut commencer. Si elle devait être résolue affirmativement, nul doute qu'il n'y eût plus qu'à retracer les caractères de conformation et d'aptitude avec lesquels l'espèce bovine peut être propre à produire la plus grande somme possible de force mécanique, sans aucun souci d'autre considération quelconque. Il faudrait se placer, pour établir le type de la beauté relatif à ce service, au même point de vue qui a guidé déjà pour fixer celui du cheval de gros trait. C'est à cet animal que le bœuf de travail, dans ce cas, pourrait seulement être comparé. L'identité du but à atteindre impliquerait nécessairement l'identité de constitution pour l'individu chargé d'y faire arriver. Un squelette volumineux, des muscles épais et denses, des membres forts, aux articulations larges et solides, des allures dégagées, un tempérament énergique, une physionomie fière: tels seraient, indépendamment des détails de la forme et du type, les caractères du bœuf de travail ainsi compris. Tout en lui devrait être subordonné aux meilleures conditions de la puissance dynamique. Et il en serait ainsi nécessairement si la destination de cet animal était d'être exclusivement utilisé comme moteur.

Mais de ce qu'il se trouve encore dans notre économie rurale quelques situations arriérées, où les choses se passent de cette façon, le fait général est que la nécessité du travail pour le bouf se subordonne dans une mesure plus ou moins considérable à sa destination finale d'animal de boucherie. Dans la plus grande partie des régions où les travaux de la culture sont exécutés à l'aide de l'espèce bovine, le terme fatal de la vie des individus est d'avance fixé. Leur existence se partage en deux phases distinctes. Durant la première, ils fournissent du travail; la seconde est consacrée à la production de la viande, et c'est au commencement de celle-ci qu'ils sont soumis au repos et à l'engraissement. L'observation démontre que dans la marche normale des choses, la durée de la première de ces deux phases tend de plus en plus à se réduire. A mesure que tout s'améliore, dans l'agriculture, on exige du bœuf une dépense moindre de force musculaire. Et ce se rait mal interpréter les faits, de prendre pour contraire à cette conclusion la tendance qui se manifeste à introduire le bœuf comme agent du travail agricole, dans des exploitations où il avait,

à ce titre, été jusqu'alors inconnu. Le nombre | tions, l'aptitude se développe en proportion de des individus travailleurs augmente sans doute, mais la somme de travail fournie par chacun, dans le courant de sa courte existence, diminue pour la même raison. Et s'il n'en était pas ainsi, d'ailleurs, le progrès voudrait que cela fût. Nous devrions par conséquent l'indiquer.

l'exercice qui lui est imprimé, et les organes s'y approprient dans une juste mesure. La difficulté se présente seulement pour l'agriculteur ayant à choisir des bœufs de travail tout élevés. Ici c'est une question de tact, que l'expérience seule peut permettre de résoudre. Il s'agit de proportionner. dans son choix, les caractères de la spécialité travailleuse, le développement des organes de la puissance mécanique, aux effets que l'on en veut obtenir.

Disons seulement qu'à cet égard la force des membres, accusée par leur volume et la largeur des articulations, est principalement à prendre en considération. On ne peut admettre, avee M. Magne, que le volume des membres soit indifférent à l'aptitude travailleuse, la largeur de leurs articulations pouvant suffire. La vérité est que chez l'espèce bovine des articulations larges ne se rencontrent point avec des rayons osseux peu volumineux. Aussi notre savant maître s'est-il vu dans l'obligation, pour appuyer l'opinion qu'il avait conçue à cet égard, d'emprunter ses principaux exemples à d'autres espèces. Et les sujets des races de Salers, d'Aubrac, de Devon, d'Hereford, qu'il cite, et qui travailleraient bien, suivant lui, « quoique ayant une belle conformation de bêtes de boucherie, » sont sans doute encore sous ce rapport à une assez grande distance de la

Le bœuf de travail, d'après cela, ne doit donc pas être rigoureusement spécialisé. Les prescriptions de la science sont au contraire de s'éloigner le plus possible de sa spécialisation. On peut dire qu'à la condition de respecter les lois fondamentales de la zootechnie, l'éleveur avance d'autant plus dans la voie de l'amélioration de l'espèce bovine, que celle-ci s'écarte davantage des conditions propres à la manifestation d'une grande force mécanique. La nécessité du travail est un des éléments essentiels dont il faut le plus ordinairement tenir grand compte dans l'élevage de cette espèce, mais sauf à faire des efforts constants pour en diminuer la nécessité. On ne saurait perdre de vue que la fonction économique dominante du bœuf est la production de la viande, et que, pour ce motif, le sens du progrès est de le conduire vers ce but, sans toutefois rompre les harmonies zootechniques. Nous entendons par là que l'individu doit être toujours approprié au milieu, suivant les principes généraux que nous avons posés; en d'autres termes, que sa constitution doit répondre aux exigences de travail aux-perfection. Quoiqu'ils n'aient plus les membres si quelles il lui faut suffire. Le milieu n'est pas fait pour lui, mais bien lui pour le milieu. Hors de là, l'on s'écarte des conditions pratiques; le progrès n'existe plus. On tombe en pleine fantaisie. Si ces considérations sont bien comprises, il s'ensuit nécessairement l'impossibilité d'établir un type unique et fixe pour la beauté relative du bœuf de travail. Les caractères de ce type varient comme les circonstances. C'est moins une ques-cite encore M. Magne, ne peut pas être une preuve tion de conformation qu'une affaire de tempérament, de constitution. Nous avons vu plus haut que les dispositions fondamentales de la forme du corps sont également propres aux diverses aptitudes. Quant aux lignes, la conformation du bœuf de travail ne diffère donc point de celle du bœuf spécialisé pour la boucherie. Un cou plus épais et plus musclé, une tête plus large et plus forte, un système osseux plus développé, des membres plus forts, des articulations plus puissantes, une peau épaisse, un poil moins fin, une physionomie moins placide, et enfin des allures moins lentes: tels sont seulement ses caractères particuliers.

Mais dans quelle mesure doivent-ils être prononcés? Comme les beautés zootechniques dont il s'est agi jusqu'à présent, ne sauraient-ils jamais être exagérés? C'est là précisément ce qui est tout à fait relatif et ne peut se prêter à des règles fixes. Un seul principe domine la question, c'est celui que nous avons essayé de mettre en lumière tout à l'heure. Les caractères qui témoignent de l'aptitude au travail sont assez prononcés, dès qu'ils suffisent aux exigences de la situation. Telle est celle-ci, tels ils doivent être; et l'embarras n'est pas pour l'éleveur qui utilise lui-même au travail les animaux qu'il produit. Dans ces condi

puissants qui caractérisent leurs races à l'état inculte, ils sont loin de les avoir ce que l'on peut appeler fins. En principe, les membres gros sont l'attribut de l'aptitude travailleuse; en fait, celleci peut subsister dans une certaine mesure, bien que leur volume soit réduit; mais il n'est pas contestable qu'elle est, chez l'espèce bovine, en rapport avec leur volume. La race bretonne, que

du contraire; car s'il est vrai que cette race a des membres fins, ils n'en sont pas moins en proportion de sa taille et de son volume. La race bretonne, d'ailleurs, n'a jamais passé pour une race essentiellement travailleuse. Elle est rustique, énergique et forte pour sa corpulence; mais sa capacité est bornée par cette corpulence même.

Du reste, l'exiguïté relative du système osseux, qui est une des principales qualités du bœuf de boucherie, est en même temps la conséquence nécessaire de la précocité. Or, celle-ci est physiologiquement contre-balancée par l'aptitude au travail, ou plutôt par les conditions fonctionnelles dans lesquelles le travail s'effectue. Elle se produit en raison inverse des activités que ces conditions mettent en jeu. L'animal adulte et complétement développé élabore de la viande lorsque ces activités sont éteintes par le repos et un régime convenable, quelle que soit sa conformation. On peut soutenir même que leur exercice antérieur est favorable aux qualités gustatives de cette viande. Mais il ne serait pas possible de concevoir qu'en principe la finesse relative des membres, attribut essentiel de la précocité, pût être compatible avec l'aptitude au travail, si d'ailleurs les faits bien observés ne montraient qu'elle ne se prononce qu'en raison même de la diminution de

celle-ci. Cela s'applique également, et pour la même raison, à la finesse de la tête.

Ces deux caractères, qui ont une signification identique, sont donc les seuls qui puissent guider, toutes choses égales, dans le choix du boeuf de travail. Seuls ils différencient celui-ci du bœuf spécialisé pour la boucherie, et l'en éloignent ou le rapprochent, quant à sa belle conformation, suivant la puissance mécanique qu'on en veut exiger. En somme il n'y a pas, pour la zootechnie, de type spécial de conformation applicable à une spécialité travailleuse de l'espèce bovine, parce que l'économie rurale, non plus que l'économie sociale, n'admet pas cette spécialité exclusive. Ce mode d'utilisation est un besoin, peut-être même seulement transitoire, puisqu'il tend sans cesse à diminuer. Tant qu'il dure, toutefois, il doit être satisfait et subordonner pour ce motif à ses exigences le type complet qui serait le plus propre à la destination finale de l'espèce. D'où résultent, pour la conformation du bœuf de travail, une multitude de nuances intermédiaires entre celle des races incultes les plus essentiellement propres à la production de la force, et celle du type parfait de l'animal de boucherie, dont nous avons décrit plus haut les caractères. Le bœuf de travail de notre époque, envisagé de ce point de vue, est en état de transition constante, tantôt plus loin, tantôt plus près, de la constitution du bœuf de boucherie, tout en conservant les caractères typiques de la race à laquelle il appartient. C'est en considérant l'un et l'autre de cette façon, que le progrès peut suivre une marche sûre. Alors on a la spécialisation en vue de la boucherie pour but, la diminution des exigences du travail comme moyen. Ce but, l'Angleterre l'a en grande partie atteint, grâce au génie de ses éleveurs les plus illustres et au bon sens de ses agriculteurs. Il serait injuste de méconnaître que les principales nations du continent, et notamment la France, sont entrées depuis quelque temps dans la voie qui doit les y conduire, ainsi que nous le verrons en décrivant les races de notre pays. Les formes que l'on peut qualifier de transitoires s'y montrent sur un nombre chaque année plus grand d'individus; les résultats des concours de reproducteurs en font foi. Elles finiront sans nul doute par prédominer dans notre population bovine, et par la conduire insensiblement au plus haut degré de l'amélioration. Alors il n'y aura plus, à proprement parler, de bœuf de travail, tant l'aptitude travailleuse sera devenue accessoire pour cet animal, sinon tout à fait nulle. En attendant, répétons que la meilleure conformation pour ce bœuf, à notre époque, est celle qui le met en état de fournir, à un moment donné, une forte proportion de viande nette, relativement à son poids vif, tout en lui permettant de suffire jusque-là aux exigences de son service de travailleur. C'est donc celle qui unit à des formes du corps analogues au modèle représenté pour le boeuf de boucherie, une tête plus forte, des membres plus volumineux, rayons osseux et articulations, et une capacité respiratoire plus grande, indice de la vigueur et de la puissance mécanique du système musculaire.

Le bœuf qui offre ces derniers caractères au plus haut degré est le plus apte au travail; son aptitude diminue à mesure qu'ils sont moins accusés; et réciproquement, sa capacité comme producteur de viande s'accroît dans la même proportion. Cela peut donner une idée de la mesure dans laquelle les deux aptitudes sont conciliables, et sépare nettement le principe économique et le fait industriel, que l'on a peut-être trop souvent confondus.

Il nous reste maintenant à consacrer quelques considérations à la vache laitière. Ce qui concerne l'exploitation de l'espèce bovine, au point de vue de la production du lait et de la manutention de ses produits, devant être dans ce livre l'objet d'un chapitre spécial, où le sujet sera envisagé sous toutes ses faces, nous nous en tiendrons à de simples généralités. Nous ne pouvons avoir pour but, en ce moment, que d'indiquer les points par lesquels ce sujet se rattache à celui qui nous occupe.

Vache laitière.

Aucun point de la zootechnie n'a été l'objet de plus de controverses que celui qui est relatif au type de beauté qui correspond à la perfection pour la vache laitière, si ce n'est peut-être la question de l'amélioration de l'espèce chevaline. Dans le conflit des opinions qui se sont produites à cet égard, on retrouve encore la confusion que nous avons déjà signalée à propos du bœuf de travail, entre le fait et la loi scientifique. Cette confusion résulte, ainsi que nous l'avons montré, d'un défaut d'analyse, d'une connaissance insuffisante de la signification physiologique du fait lui-même.

Il a été posé en principe, par exemple, que l'étroitesse de la poitrine était la première condition d'une conformation propre à l'aptitude laitière, parce qu'on était convaincu que cette disposition correspondait nécessairement à une activité moindre de la respiration. Or, les données de la science permettant d'établir une relation physiologique entre la sécrétion laiteuse et l'activité respiratoire, de telle sorte que ces deux fonctions dussent se balancer l'une l'autre et être par conséquent en raison inverse, cela paraissait irrefutable. Cependant, si tel était le fait général d'observation, il n'était point sans exemple de voir une grande activité des mamelles coïncider avec une remarquable ampleur de la poitrine. Et c'est sans doute ce qui avait porté M. Magne à contester, comme il l'a fait à plusieurs reprises, que l'étroitesse du thorax fût, pour la vache laitière, une nécessité. Partant de là, cet auteur admet, pour ce cas comme pour tous les autres du reste, une poitrine ample au nombre des conditions fondamentales de l'aptitude. Suivant lui, « une respiration assez active pour bien élaborer les principes fournis par les intestins, » est indispensable.

Une telle manière de voir est manifestement en contradiction avec les données de la physiologie. L'observation et l'expérience démontrent au contraire que l'abondance de la sécrétion laiteuse est en raison inverse de l'activité de la respiration. Le régime qui convient le mieux aux vaches laitières pour en tirer, en un temps donné, le plus grand profit, témoigne de cela de la manière la

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