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qu'en précipitant leur action pour les faire arriver rapidement à l'appui.

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PAS RELEVÉ. Le pas relevé ou haut pas, est une allure plus exceptionnelle, plus rare que l'amble. Les quatre membres qui l'exécutent, se meuvent par paires diagonales comme dans le trot, et successivement, de sorte qu'il y a quatre battues comme dans le pas ; mais elles ont lieu suivant un ordre particulier : les deux pieds de chaque bipède diagonal exécutent successivement leur battue. Le cheval à chaque pas fait entendre quatre foulées, « mais dont celles exécutées par chaque bipède diagonal seront plus rapprochées l'une de l'autre et feront entendre un bruit qu'on pourrait rendre par les mots patra, patra. » (MAZURE.)

Le pas relevé est propre aux chevaux qu'on appelle en Normandie bidets d'allure. Quand ils ne le marchent pas naturellement, on les y habitue en attachant leurs membres de deux en deux, par paires diagonales, avec des cordes qui vont de l'avant-bras au-dessus des jarrets.

Cette allure est plus rapide que le pas ordinaire. Malgré son nom, elle n'est pas relevée : les chevaux qui la marchent sont plus exposés à raser le tapis que les trotteurs. «Ils sont moins propres à faire des courses dans les chemins de traverse. »

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Les allures défectueuses sont celles qu'exécutent quelques chevaux usés. Nous rangeons dans cette catégorie l'aubin et le traquenard.

Dans l'AUBIN, les chevaux galopent de devant, c'est-à-dire lèvent les deux membres antérieurs simultanément comme dans le galop, et trottent de derrière. Il y a trois battues : celle du pied gauche postérieur, celle du pied droit postérieur, et celle des deux antérieurs.

Les chevaux usés qu'on pousse, et qui ne peuvent ni trotter ni galoper, exécutent quelques temps de cette allure, mais ils ne la soutiennent que peu d'instants.

Le TRAQUENARD ou amble rompu, diffère de l'amble proprement dit, en ce que les pieds de chaque bipède latéral se meuvent successivement. Il y a quatre battues, mais séparées par des intervalles inégaux. Les battues des deux pieds de chaque bipède latéral sont plus rapprochées que celles des pieds des deux bipèdes.

Le traquenard est ordinairement l'allure des chevaux usés par des services pénibles.

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à un homme qui fait le commerce des chevaux. On peut croire qu'il a réminiscence du coup de fouet qu'on lui donne chaque fois qu'on l'approche.

On donnera d'abord un coup d'œil à l'ensemble du corps, à la taille, et l'on portera son attention sur les membres. Si l'animal ne s'appuie que sur trois membres et que le quatrième soit fléchi et tenu en avant, hors de la ligne d'aplomb, on le remarquera : il est possible qu'il soit sain, mais la position qu'il a est un signe de faiblesse ; et il faudra en examiner le jeu avec soin quand on fera marcher le cheval.

La manière dont le cheval porte la tête, tient les oreilles, mange, n'est pas indifférente. Tire-t-il le foin avec énergie, a-t-il les oreilles dressées, les porte-t-il, ainsi que la tête, du côté d'où il entend du bruit? c'est un signe de force et d'intelligence; tandis que l'abandon de la tête sur la crèche ou son soutien par la longe, l'indifférence de l'animal à ce qui l'entoure, sont des signes de mollesse et d'inaptitude au travail.

On examinera ensuite la poitrine et l'œil, principalement la pupille.

Les mouvements du flanc doivent être lents et réguliers. Si l'on se trouve à l'ombre, la pupille devra être moyennement dilatée. Dans tous les cas on remarquera l'état du flanc et de l'œil pour avoir plus tard des points de comparaison.

Cette inspection terminée, on ordonnera qu'on fasse tourner le cheval pour le sortir, et l'on observera les quatre membres ; si l'un d'eux fléchit au moment où il est appuyé sur le sol, on le remarquera pour l'examiner plus tard.

Quand le cheval sera arrivé sur la porte, on examinera de nouveau les yeux: l'iris devra se contracter, et la pupille, qu'on aura déjà vue, devra se resserrer à mesure que la lumière arrive plus vive sur la cornée lucide.

C'est alors qu'il faut examiner aussi l'âge, le nez, l'auge, etc.

Après cet examen, on laissera conduire le cheval dehors sans faire aucune observation; mais on remarquera la manière dont il est placé par le marchand. Presque toujours la partie du cheval qui vous sera présentée est celle qui peut le mieux supporter l'examen. Après avoir fait enlever tous les harnais sans exception en ne laissant qu'un licol très-simple, vous ferez conduire l'animal dans l'endroit qui vous paraîtra le plus convenable pour pouvoir en examiner toutes les parties sans le faire déplacer.

Après un coup d'œil à l'ensemble, vous commencerez votre examen par la tête, je suppose, et vous suivrez exactement toutes les parties, en faisant le tour de l'animal et en donnant une attention particulière aux mouvements des flancs et des côtes. Il faut non-seulement regarder, mais encore toucher la nuque, le dos, les reins, soulever la queue, palper les tendons de haut en bas; lever les quatre pieds, examiner les fers, voir si l'animal est doux, etc.

On procédera après cette visite à l'essai de l'animal: à cet effet on le fera marcher successivement au pas et au trot, conduit par la longe d'abord, et ensuite monté; presque toujours on borne l'essai à ces deux allures. On se sert du col

lier et de la voiture quand on veut savoir si l'animal reçoit bien les harnais, s'il est franc du collier, s'il tire sans se rebuter et s'il est docile à la main qui le conduit.

On fera l'essai sur un pavé ou du moins sur un sol dur mais uni et non glissant, afin que si on observe des défectuosités dans la marche on ne puisse pas les attribuer à des accidents de terrain. Autant que possible on aura soin de faire conduire le cheval par une personne qui ne sera pas intéressée à en cacher les défauts, qui aura soin de le laisser libre, c'est-à-dire de lui donner beaucoup de longe et de le conduire avec douceur.

exemple, tous les pieds font entendre des sons semblables et si ces sons sont également espacés les uns des autres ;

Si dans le trot, il n'y a que deux battues rendant un son net. « Le cheval faible trotte mollement et le son provenant de l'appui des deux jambes qui tombent n'est pas un son net; c'est un son traîné résultant de leur chute discordante et non exactement simultanée, rappelant le son qu'on fait entendre en prononçant la syllabe tro. »

C'est même dans l'exercice seulement qu'on peut reconnaître quelques-uns des plus graves défauts dont peut être affecté le cheval qu'on expose en vente. On ne doit donc pas se borner à le faire trotter ou aller au pas, ni même à le faire aller suivant une ligne circulaire; on doit le faire avancer et reculer alternativement: c'est un moyen de reconnaître s'il est libre dans tous ses mouvements, si les jarrets sont souples et les reins solides, s'il n'est pas atteint d'immobilité. (Voyez plus loin.)

Ces précautions sont souvent utiles: un homme expérimenté peut cacher une boiterie même assez forte. Le cheval qui est mené rudement, qui se croit menacé du fouet ou de l'éperon, qui est vigoureusement maintenu par une main brutale, est préoccupé de son cavalier; il oublie la douleur et marche droit quoique souffrant d'une affection qui le fait boiter quand il est libre. En faisant exécuter des mouvements désordon-Lorsqu'un membre souffre, le mouvement en nés à un cheval, en provoquant des ruades, ou en est borné et lent et le pied correspondant est faisant soulever le train antérieur, en faisant posé à terre avec précaution; il fait moins de porter la tête ou à droite ou à gauche, le cavalier bruit et reste appuyé sur le sol pendant moins peut cacher de graves défauts, peut faire passer de temps que le pied du membre sain correspour très-vigoureux un cheval qui n'est que ca- pondant. Il résulte de là une différence dans le pricieux. bruit que font les pieds et une inégalité dans les espaces de temps qui séparent les-battues. Les personnes qui reconnaissent la plus légère boiterie en entendant seulement marcher un cheval ne sont pas rares.

Une fois ces précautions prises, on fera partir le cheval au pas, en ayant soin de le regarder par derrière quand il s'éloigne, et par devant quand il revient. Lorsqu'on croit l'avoir assez vu ainsi, on le fait marcher de manière à pouvoir l'examiner de profil.

Après l'exercice au pas, on renouvelle l'examen au trot, et on le pratique avec les mêmes précautions.

Les boiteries même légères sont surtout apparentes au moment où les animaux s'appuient sur le membre souffrant. Elles sont quelquefois invisibles à cause du peu de temps que dure l'appui du membre malade dans l'exercice fait en ligne droite; tandis qu'elles deviennent apparentes quand les animaux tournent sur le membre souffrant à cause du temps plus long pendant lequel dure l'appui sur ce membre et quelquefois à cause du mouvement de rotation qui tiraille les tissus douloureux.

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Le moment où le cheval qu'on examine se retourne pour revenir au lieu d'où il est parti, est donc le plus favorable pour voir s'il souffre d'un membre. Si on n'est pas bien expérimenté, on le fera se retourner des deux côtés en ordonnant, si l'on a des doutes sur un membre, qu'on le fasse tourner sur ce membre. Si peu que le membre souffre, il fléchira au moment où il fera la pirouette en supportant le poids du corps.

Il est même toujours prudent, quand on achète un cheval, de le faire aller pendant un certain temps au pas ou au trot sur une ligne circulaire d'un petit diamètre.

Il est difficile d'analyser, dans l'examen d'un cheval, les différents temps des allures; mais on peut assez aisément reconnaître si elles se font d'une manière régulière, normale.

On remarquera facilement si dans le pas, par

Il n'est pas nécessaire de posséder la théorie des allures, pour reconnaître si chaque bipède latéral se meut selon un plan parallèle au plan médian du corps, ou si un des membres est rejeté à droite ou à gauche, ce qui prouverait que l'animal n'est pas d'aplomb. On dit que l'animal billarde, quand au lieu de porter les pieds en avant selon une ligne droite, il leur fait décrire des arcs de cercle.

Il est encore facile de voir, en faisant l'examen de profil, si les quatre membres parviennent à la même hauteur, s'ils se meuvent avec symétrie, s'ils arrivent tous au point où ils doivent arriver, s'ils restent un temps égal sur le sol, et s'ils ne fléchissent pas au moment de l'appui.

On distingue encore facilement si un cheval qui s'éloigne se berce, si, au lieu de tenir le corps droit et la croupe selon une direction horizontale, il la balance d'un côté à l'autre, ce qui indiquerait soit un effort, une douleur de la région lombaire, qu'on augmenterait en pressant les lombes, soit une faiblesse dans les articulations. Un léger balancement se fait toujours remarquer sur les chevaux épais, bien ouverts de devant et de derrière; mais ce balancement, léger du reste, est un signe de force sinon de vitesse.

Enfin chacun peut reconnaître également, avec la moindre attention, si le cheval se coupe, c'està-dire s'il frappe, avec le membre qu'il déplace à chaque pas, le boulet de celui qui est au repos, ce qui serait un signe de faiblesse ou de mauvaise conformation, d'étroitesse de la poitrine; s'il forge, si, pendant la marche, le trot notamment, les pieds postérieurs atteignent les membres anté

rieurs, ce qui indiquerait ou de la faiblesse, ou trop de développement du train antérieur, ou trop de brièveté du tronc, ou une mauvaise ferrure; si toutes les articulations fonctionnent convenablement, si elles se fléchissent aisément, si les épaules ne sont pas raides, chevillées, et si les pieds antérieurs sont portés assez en avant: on reconnaît que les épaules sont chevillées, nonseulement à ce qu'elles paraissent raides, fonctionnent mal, mais encore à ce qu'elles sont saillantes en avant et font paraître le poitrail enfoncé; à ce que les pieds sont souvent resserrés, à talons élevés et douloureux.

Enfin, si les jarrets sont souples, se fléchissent et s'étendent régulièrement ou s'ils se relèvent convulsivement à chaque pas, ce qu'on exprime en disant que le cheval harpe, qu'il est affecté d'éparvin sec.

L'exercice fait même reconnaître des maladies autres que celles des organes de la locomotion. Nous citerons comme les plus intéressantes, au point de vue de l'extérieur, l'immobilité, le cornage et la pousse.

Le cheval affecté d'immobilité ne recule pas ou recule difficilement; en outre il a les yeux fixes, les oreilles peu mobiles et se montre indifférent à ce qui se passe autour de lui. A la crèche, il mange irrégulièrement : quand il entre à l'écurie il tire le foin avec précipitation; mais à peine en a-t-il mangé quelques bouchées, qu'il s'arrête, et laisse quelquefois la tête immobile, en conservant en entier le foin qu'il a dans la bouche. Si on lui croise les membres antérieurs, en plaçant le membre droit devant le gauche ou le gauche devant le droit, il reste dans cet état.

C'est surtout quand le cheval immobile a été contrarié, quand il a été essayé, que la maladie est bien apparente.

On ne manquera pas, durant l'exercice, de faire attention au bruit respiratoire ; s'il est plus fort que pendant le repos, la respiration est embarrassée, l'air ne parcourt pas librement les conduits aériens. Le cheval peut être affecté de cornage; c'est un défaut toujours désagréable, quelquefois très-grave. On le reconnaît en soumettant les animaux à un exercice pénible, en les attelant à une voiture lourdement chargée. Ce défaut est ainsi nommé, parce qu'on a comparé le bruit que font entendre les animaux à celui qu'on produit en soufflant dans une corne; c'est un vice rédhibitoire comme l'immobilité et la pousse.

Enfin, si on s'aperçoit aux mouvements des naseaux et du flanc, que les mouvements respiratoires sont accélérés, irréguliers, on peut soupçonner l'existence de la pousse, et l'on ne manquera pas de soumettre les animaux à l'examen particulier qui peut faire reconnaître ce défaut. (Voyez Flanc.)

Après ces divers exercices, on donnera encore un coup d'œil au cheval en le laissant libre de choisir sa position; on remarquera comment il fait son appui. S'il souffre d'un membre, très-probablement i le tiendra à moitié fléchi et avancé, ce sera sans doute le membre qu'il cherchait déjà à soulager à l'écurie. On l'examinera avec

la plus grande attention, et en prenant les précautions que nous avons indiquées.

RUSES DES MAQUIGNONS.

Pour comprendre l'utilité des précautions que nous venons de conseiller, il faut connaître les moyens qu'emploient certains marchands pour tromper les acheteurs. Quelques-unes de leurs ruses sont tellement grossières qu'on ne les croirait pas possibles si on ne savait qu'elles ont été mises en usage: ceux qui les pratiquent y sont encouragés par cette indifférence qui nous porte à négliger les précautions les plus simples, parce qu'elles nous paraissent inutiles en raison de la facilité avec laquelle on peut reconnaître les actes contre lesquels elles devraient être dirigées. Il y a aujourd'hui beaucoup de marchands parfaitement honnêtes auxquels on peut s'en rapporter quand on s'adresse à eux de confiance; mais lorsqu'on va choisir un cheval, l'examiner, soit dans une écurie, soit sur un marché, le vendeur ou son domestique se croit obligé d'employer tous les moyens pour faire valoir sa marchandise et pour en cacher les défauts. Il se croit d'autant plus autorisé à agir ainsi, qu'on a agi envers lui, quand il a acheté, comme il se propose d'agir envers les autres.

Mais si nous admettons d'honorables exceptions parmi les marchands, nous devons ajouter que les précautions conseillées dans ce chapitre sont loin d'être toujours inutiles quand on achète à des cultivateurs.

Combien d'éleveurs sont aussi madrés que le commun des marchands! Nous avons vu plusieurs fois les officiers des remontes acheter avec plus de confiance à des marchands qu'à des producteurs.

Dans tous les cas c'est ici le lieu de dire: « Excès de précautions ne peut pas nuire. »

Du jour où certains marchands reçoivent des chevaux, ils en commencent l'éducation. Adroits, cruels, ils se font craindre des animaux les plus revêches comme des plus indifférents. Toutes les fois qu'ils les approchent, ils les frappent sans prononcer aucune parole. Après un court séjour dans leurs écuries, les chevaux ne peuvent voir approcher un homme sans exécuter les plus vifs mouvements. Le cheval le plus mou se tourmente, s'agite, paraît tout feu.

Nous ne voulons pas décrire toutes les ruses des maquignons, rappeler qu'ils pratiquent audessus de l'anus une ouverture appelée sifflet, rossignol, pour diminuer la pousse, opération qui n'a aucune utilité et qui du reste n'est plus pratiquée de nos jours; qu'ils insufflent de l'air dans les enfoncements (salières) situés au-dessus de l'œil, pour masquer un signe de vieillesse ; que sur les chevaux noirs, ils teignent en cette couleur le poil des tempes blanchi par l'âge; qu'ils enlèvent une partie de la peau sur la nuque et font une suture aux deux bords de la plaie pour relever les oreilles ; qu'ils placent une éponge dans le nez pour cacher un jetage; qu'ils arrachent le crin des tendons, des fanons pour faire paraître

les chevaux plus distingués; qu'ils introduisent du poivre ou du gingembre dans l'anus pour faire relever la queue et donner au cheval un air de distinction, une apparence de grande vigueur; qu'ils cachent des ulcères à la gorge, au garrot, sur le dos, avec des brides, des licous en sangle, des surfaix, des couvertures; qu'ils se servent d'un bouchon de paille mis comme ornement pour cacher une queue postiche; qu'ils entourent la gourmette d'un linge ou la remplacent par une bande d'étoffe pour masquer une plaie de la barbe; qu'ils font marcher le cheval dans la boue pour cacher un crapaud ou des crevasses; qu'ils rempliront de cire ou de mastic les fentes du pied; qu'ils feront mettre un fer fortement ajusté pour masquer le défaut d'un pied plat, un fer à planche ou un fer couvert pour cacher une maladie de la fourchette, ou une bleime, un fer à forts crampons pour élever un cheval trop petit, un fer sans étampures en dedans pour empêcher le - cheval de se couper; qu'ils peindront en blanc le poil du front pour simuler une marque blanche à la tête d'un cheval noir; qu'ils peindront en noir le poil blanc venu sur une tare, sur une cicatrice; qu'ils couvriront avec du cambouis et du poil soigneusement collé le genou couronné, etc., etc.

Nous ne rappellerons pas non plus leurs phrases hyperboliques sur les qualités de leurs animaux qu'ils ont vu élever, qu'ils connaissent depuis longtemps, qu'ils ont achetés de confiance d'un ami.

Nous ne dirons pas qu'il ne faut jamais les écouter ni surtout les croire, mais nous dirons qu'il ne faut pas discuter avec eux, ni même contester leurs plus grossières exagérations. Ne faites pas attention à leurs paroles, même quand ils vous font connaître un défaut de leur cheval; ils ne veulent que détourner votre attention d'un défaut grave en vous parlant d'un prétendu défaut, d'un défaut sans importance.

Le marchand a tout disposé chez lui pour mettre en évidence les qualités de ses chevaux. Il a relevé le sol de l'écurie pour faire paraître les animaux plus grands; il a fait distribuer le jour pour ne laisser distinguer que les parties du corps les moins exposées à avoir des tares, et toujours il fait en sorte que ses chevaux défectueux soient en état de supporter l'examen d'un acheteur.

Si un cheval est affecté d'une boiterie à froid, s'il a un membre raide, on l'aura promené sur un terrain doux, et on vous le présentera échauffé et suffisamment préparé : il fera sans boiter l'exercice auquel on soumet d'ordinaire les animaux que l'on achète.

Est-ce un cheval qui boite à chaud ? Par des bains, des cataplasmes, par un long repos, on aura apaisé la douleur, et on pourra vous le présenter parfaitement redressé.

Souvent, par un régime rafraîchissant, par la saignée, on fait disparaître pour quelque temps les vieilles affections des organes pectoraux et on masque la pousse.

Avant de sortir le cheval, on ne manque jamais de lui faire sa toilette, de lui donner le coup de peigne, et bien entendu, on ne néglige rien de ce

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qui peut en augmenter l'apparence; on mettra une couverture très-étroite sur le cheval trop court, et l'on en placera une qui laissera à peine voir l'extrémité de la croupe sur le cheval trop long; une autre fois c'est une coiffe artistement arrangée, en apparence, comme parure, et destinée, en réalité, à relever les oreilles d'un cheval qui les porte mal.

On sort ensuite le cheval, en ayant bien soin, s'il souffre d'un membre, de ne pas le faire tourner sur ce membre. Dehors, on le placera sur un endroit en pente, les pieds de devant plus relevés, pour faire paraître le garrot élevé. Si cependant, en examinant le cheval dans l'écurie, vous aviez paru le trouver un peu trop grand, on aura soin de le placer dans un lieu bas.

Si un cheval a une partie défectueuse, on fera en sorte de vous la cacher, de la placer du côté d'un mur, et de ne la faire passer devant vos yeux qu'au moment où votre attention sera attirée par un autre objet. Si le cheval a un défaut d'aplomb, ce ne sera pas toujours facile de vous en assurer, car il sera habitué à se tourner, à se retourner, à se camper.

Les marchands n'ont pas besoin, pour faire valoir leur marchandise, d'être dans leur établissement où tout est disposé pour la présentation des chevaux ; ils savent tirer parti de tous les accidents de terrain, et ils placent avantageusement leurs animaux, même dans le local où vous leur aurez dit de se rendre.

Le cheval est dehors et exercé, monté ou à la longe. S'il a un écart à une épaule, un effort aux lombes, une faiblesse à un jarret, il sera conduit de manière qu'il vous sera difficile de reconnaître son état. Poussé, retenu, torturé, il ne fera pas dix pas sans changer dix fois d'allure; tantôt il trottera ou il galopera, tantôt il ira au pas ou il fera des sauts, mais vous ne pourrez ni comparer ses mouvements ni les juger.

Si le marchand fait trotter le cheval à la longe, il portera à sa main une pointe ou un bâton pointu qu'il tiendra près de la tête de l'animal ; il le piquera au besoin pour le forcer à se relever, à prendre un air de vigueur, d'agilité. Le plus souvent cependant, l'instrument ne sera pas employé devant l'acheteur. Le cheval est dressé, cela suffit.

Ces gens-là, disait Garsault, ont une façon de conduire si étrange, qu'on ne peut rien découvrir, si on ne fait monter le cheval par quelqu'un de confiance.

C'est dans les foires de campagne que les maquignons montrent leur grande habileté. La plupart ont été palefreniers chez des marchands, ils ont acquis une grande habitude des chevaux, et une habileté extrême dans l'art de les conduire; ils connaissent les précautions que prennent les acheteurs, et essaient toujours de les déjouer.

Les animaux sont-ils vicieux, on leur donne des spiritueux ou des narcotiques; sous l'influence de ces agents, les chevaux les plus difficiles deviennent doux, maniables; ils sont hébétés, ont l'œil fixe, l'air indifférent. Mais comme cet état est naturel à certains animaux, il est assez difficile de reconnaître la fraude; c'est le vin, l'ivraie qu'on

administre. Pour donner une idée de ce qui est possible, nous ne dirons pas que, d'après un fait rapporté par M. Cardini dans son Dictionnaire d'hippiatrique et d'équitation, on aurait cru mort et écorché un cheval qui aurait mangé de l'ivraie avec de l'avoine, et que ce cheval se serait réveillé ensuite de son assoupissement; mais nous dirons qu'on voit dans la Vendée des animaux qui perdent, en mangeant de l'ivraie dans les pâturages, la faculté de se conduire et tombent dans les fossés. Ce qui peut permettre de soupçonner la méchanceté des animaux, ce sont les traces de l'action du serre-nez ou de la moraille qu'on a été obligé d'employer pour ferrer le cheval, pour le seller, etc. Le marchand vous dira qu'on a fait usage de ces instrumen's pour panser une plaie, pour arrachér un cor ou pour tout autre motif qui ne doit plus se représenter; mais si on a lieu, d'après le regard, la pose des oreilles, de soupçonner les animaux d'être méchants, ces cicatrices seront un motif de plus de se méfier.

Des ruses plus souvent pratiquées sur un champ de foire sont les suivantes : Si le marchand a un cheval rétif, sans être méchant, il ne le sortira jamais seul de la place qu'il occupe sur le champ de foire. Un compère ira toujours devant, comme pour essayer un autre cheval, il vous laissera sortir de la place où se trouve le cheval que vous marchandez, et vous ne vous apercevrez pas qu'il vous suit; mais aussitôt qu'on montera votre cheval pour l'essayer, il passera à côté monté sur le sien, et vous attribuerez à la vivacité de celui que vous marchandez ce qui n'est dû qu'à un caprice, au désir de suivre un camarade avec lequel il vit depuis quelques jours. Et si vous ne vous apercevez pas du stratagème, au lieu d'un cheval docile et vigoureux que vous aviez cru acheter, vous aurez un animal rétif et capricieux.

D'autres fois, le cheval aura été promené plusieurs jours de suite sur l'emplacement où on a l'habitude d'essayer les chevaux, il sera familier avec le terrain et n'opposera aucune résistance. Ce moyen est surtout employé pour les chevaux ombrageux, pour ceux qui ont mauvaise vue, qui sont aveugles même. Les chevaux aveugles apprennent à connaître le terrain sur lequel ils marchent souvent, et quand on les y promène, soit montés, soit à la longe, mais conduits par une personne qu'ils connaissent, ils vont avec une assurance complète, relèvent à peine les pieds plus qu'à l'ordinaire, et, si on ne porte à leur examen une attention particulière, on est fort exposé à être trompé.

Combien de fois on présente sur les foires, des juments suivies de poulains qu'elles n'ont pas faits on vend ainsi comme excellentes poulinières, des juments qui n'ont jamais pu élever un poulain.

Une des ruses fréquemment employées consiste à faire des plaies légères pour masquer des ulcères ou des maladies incurables.

Un cheval est-il affecté d'un écart à l'épaule,

d'une distension des ligaments de l'articulation de la cuisse, le marchand fera une écorchure à l'avant-bras, à la jambe, qu'il dira produite par un coup de pied, et à laquelle il attribuera la boiterie dont l'animal est affecté.

Un cheval a-t-il la fluxion périodique ? il introduira un brin de foin entre la paupière et le globe de l'œil, et vous soutiendra que le mal n'existe que depuis la veille; il s'offrira de vous le garantir et vous engagera à faire visiter l'animal. En attendant, le brin de fcin sera découvert en votre présence, par un compère, ou plus tard, par la personne chargée de visiter le cheval, si vous ne l'avez déjà découvert vous-même. Le marchand ne manquera pas alors d'invoquer sa bonne foi, et se félicitera d'avoir pu, si à propos, vous en donner des preuves.

D'autres fois, il fera des contusions, des plaies aux tempes, aux paupières, pour simuler une ophthalmie aiguë, due à une cause externe; il enlèvera des croûtes à des plaies anciennes, et les fera saigner pour pouvoir attribuer à des causes récentes des blessures produites sur les hanches, les côtes, la tête, par un long séjour sur la litière pendant de graves maladies ou par des chutes sur le sol, contre des murailles, dans les cas de vertige, de coliques, d'épilepsie.

On ne doit jamais se charger d'un cheval malade ou blessé. « Ruiné, fils de ruiné, celui qui achète pour guérir, » disent avec raison les Arabes.

Il ne serait pas possible de prévoir toutes les ruses employées par les marchands; ils savent toujours trouver de nouveaux moyens et de nouveaux prétextes pour cacher ou expliquer les défauts les plus graves. Nous ajouterons que c'est seulement en examinant les animaux avec méthode, et sans se laisser ni détourner, ni distraire, qu'on peut éviter leurs tromperies, et nous terminerons par l'indication d'une promesse que font volontiers les marchands et qui n'est pas la ruse la moins préjudiciable aux acheteurs. Elle se rapporte à la rédhibition.

Certains vendeurs, quand ils voient que l'acheteur hésite à prendre l'animal qu'il examine, s'engagent à garantir tous les vices rédhibitoires. Ils rédigent un billet conçu à peu près dans les termes suivants : Je, soussigné déclare garantir le cheval vendu à exempt de tout vice rédhibitoire.

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Abusés par cette promesse, à laquelle ils attachent de la valeur, quelques acheteurs se décident à donner du cheval le prix demandé et négligent même de l'examiner : c'est une duperie. Cette garantie est complétement illusoire. Les vices rédhibitoires sont garantis par la loi et la promesse écrite par le marchand ne sert qu'à faire accepter par l'acheteur des chevaux tarés, affectés de vices, quelquefois très-graves, mais non rédhibitoires, et qui ne donnent pas le droit de faire résilier la vente.

J.-H. MAGNE.

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