Page images
PDF
EPUB

ment universel avec le cheval de course, qui est la conséquence de ce principe, ce cheval étant considéré à tort comme capable d'en transmettre de son propre fait toute la puissance d'action.

Les pratiques de l'entraînement appliquées aux chevaux préparés pour les courses au trot donnent la démonstration de ce que nous venons de 'dire. Nulle différence, si ce n'est que les exercices, au lieu d'être effectués à l'allure du galop de course, le sont à celle du trot. Du reste, mêmes précautions, mêmes gradations successives et ménagées par des promenades au pas. Le corps dans ce cas conserve des formes plus élégantes, parce que, en raison d'une vitesse moins grande, la respiration fonctionne avec une intensité moins outrée et ne consume pas toute la graisse accumulée dans les tissus ou fournie par l'alimentation. C'est aussi ce qui arrive pour le cheval arabe, dont nous allons maintenant nous occuper.

Cheval arabe. De même que le cheval anglais de race est le produit direct des pratiques de l'entraînement, de même le cheval arabe tel que nous le connaissons, est le résultat immédiat des conditions au milieu desquelles il se perpétue depuis une époque qui se perd dans la nuit des temps. Dans la civilisation orientale, immuable depuis tant de siècles, l'homme adulte, le guerrier, ne se sépare pas du cheval. Le coursier fait partie intégrante de la famille ; il est un élément de la vie nomade des populations; il inspire au poëte

ses chants les plus enthousiastes, il est, en un mot, le compagnon aimé du musulman et l'agent principal de sa puissance.

Rien d'étonnant donc, d'après cela, qu'il soit de sa part et dès la naissance l'objet de soins et d'attentions qui ne l'abandonnent jamais. Avec les conditions naturelles de climat au milieu desquelles se forme le cheval arabe, là est le secret de cette perfection qu'il nous présente, non pas dans la légende qui en fait le type primitif de l'espèce chevaline, et qui est acceptée si légèrement. Le cheval arabe est ce que les soins de l'homme l'ont fait, principalement. Il est le plus sobre, le plus rustique, le plus apte aux courses à la fois longues et rapides de tous les chevaux, et en même temps celui qui est doué de la conformation la plus parfaite, de la beauté absolue et relative la plus complète, parce qu'en outre des matériaux solides que fournit à sa constitution le pays où il naît, l'homme lui prodigue incessamment ses soins en vue de sa destination.

Le poulain arabe est de la part de son maître l'objet d'une sollicitude constante. Il n'y a, dans aucune espèce et sur aucun point du globe, un animal plus complétement domestique que celuilà. Dès que ses reins le peuvent, il porte le cavalier et commence les exercices gradués qui doivent le conduire à ce haut degré de puissance qu'il atteint dans l'âge adulte. Monté d'abord par un enfant pour de petites courses, il devient ensuite la monture de l'adolescent, puis de l'homme fait,

[graphic][subsumed][subsumed][merged small]

du guerrier. Il se façonne peu à peu à endurer | tout remarquable, c'est la sollicitude avec laquelle sans souffrance la soif et la faim. Et ce qui est sur- toutes les précautions sont prises pour ménager à

ses aruculations, à ses membres en général, les
accidents qui pourraient en altérer l'intégrité.
Il y a, dans ces pratiques de l'éducation du che-niquer à nos chevaux ces résultats acquis.
val arabe sous la tente, plus d'une analogie de
forme avec celles qui constituent en Angleterre
l'entraînement du cheval de course; quant au
fond, l'identité est complète : c'est toujours le dé-
veloppement parfait des appareils organiques
procuré par leur exercice méthodique, par la gym-
nastique fonctionnelle. C'est pour cela que nous
n'y insisterons pas davantage.

ligents accumulés par le travail des siècles; ce
serait folie de n'en point profiter pour commu-

L'Orient possède plusieurs familles de chevaux qui ne diffèrent entre elles que par des caractères secondaires de physionomie déterminés par les lieux. Nous n'avons pas l'intention de copier ici, | à l'exemple des hippologues, les fables imaginées sur leur origine et qui ont pour point de départ le mythe du cheval primitif. Si loin que l'on remonte dans l'histoire de l'humanité, on retrouve partout la trace du cheval, en même temps que celle de l'homme son contemporain. Toutes ces compositions légendaires peuvent bien occuper l'imagination des oisifs, mais ne seraient d'aucune utilité pour le but que nous nous proposons. 11 importe seulement que nous soyons fixés sur les mérites du cheval oriental, que nous nommons cheval arabe, parce que ses plus beaux types nous viennent d'Arabie notamment de la Syrie, et qui est préconisé pour l'amélioration de nos familles chevalines indigènes légères.

[ocr errors]

Le cheval arabe offre, dans sa conformation, lorsqu'il représente bien le type de sa race, ce cachet suprême de la beauté qui résulte de l'ensemble harmonique de toutes les régions du corps. Nous l'aurons suffisamment décrit en disant que toutes les qualités qui ont été précédemment in- | diquées comme appartenant au type de la beauté du cheval de selle, sont ses caractères distinctifs. Sa taille varie entre 1,45 et 1,56. La moyenne se rapproche plus, toutefois, du premier chiffre que du second. La force unie à la souplesse sont ses attributs. Sa tête au front large et à l'œil intelligent et vif, lui donne une physionomie unique dans l'espèce. Au reste, l'examen attentif du dessin que nous en donnons peut dispenser de toute description. Il suffit d'ajouter que le cheval arabe, pour la forme et pour le fond, est le modèle accompli du cheval de selle, du cheval de cavalerie légère surtout.

Voilà donc sommairement indiqués les deux types de l'espèce chevaline dont les étalons ont été depuis longtemps préconisés et employés pour l'amélioration des chevaux de selle et d'attelage, ainsi que les procédés zootechniques auxquels sont dues les qualités qui les distinguent. Comme on l'a dit précédemment, dans le chapitre consacré aux principes généraux du croisement, et comme nous l'avons répété en commençant ce paragraphe, la plupart des hippologues ont considéré que l'amélioration de toutes les races chevalines pourrait être effectuée en transmettant à leurs produits, par la seule influence de la génération, les mérites propres au cheval arabe ou au cheval anglais. Ces deux types, dit-on, représentent une somme d'efforts et de soins intel

[ocr errors]

Il y a, certes, dans ce raisonnement un fond de vérité; mais c'est à la condition expresse qu'il sera maintenu dans de certaines limites. Nul doute que pour la part qui revient à la génération dans la production industrielle des animaux, il ne soit sage de choisir leurs ascendants parmi ceux qui possèdent le plus de qualités possibles; et à ce titre, l'étalon anglais irréprochable et l'étalon arabe ne le cèdent à aucun autre. Mais l'erreur de la doctrine est de prendre ici pour absolu ce qui est essentiellement relatif, de faire dans la génération à l'étalon, au mépris de la physiologie, une part trop exclusive, et d'oublier aussi que les procréateurs ne peuvent transmettre que des aptitudes, dont le développement est d'une façon impérieuse subordonné à d'autres circonstances, qui sont par là même la base fondamentale de toute amélioration.

C'est dans l'histoire précisément de ces races si perfectionnées, dont nous admirons les mérites, qu'il faut chercher des enseignements à cet égard. C'est pour cela que nous en avons ici donné le sommaire, et c'est pour avoir complétement négligé ces enseignements que l'on a mis nos chevaux de selle et d'attelage dans l'état où nous avons vu qu'ils sont.

Tout problème d'amélioration zootechnique comporte nécessairement deux éléments principaux, qui ont déjà été indiqués en thèse générale: les procédés méthodiques de sélection qui font les individus améliorés, l'accouplement de ces individus entre eux pour fixer et étendre les améliorations. On a vu que c'est bien en vain que la solution d'un tel problème serait cherchée en dehors des limites imposées à la sélection. L'état actuel de l'espèce chevaline de la France, quant aux spécialités de service qui nous occupent, en fournit des preuves malheureusement trop nombreuses et trop convaincantes. Pour ne s'être occupé que d'un seul des éléments du problème, et même que d'une des parties de cet élément unique, on est allé dans la plupart des cas au rebours de l'amélioration. La doctrine absolue et toute métaphysique du croisement a constamment prévalu. On a toujours agi comme si l'amélioration de l'espèce chevaline dépendait uniquement de l'étalon, et même, il faut dire plus, comme si elle avait pour principe unique cette abstraction que l'on appelle le pur sang. De là cet emploi universel de l'étalon anglais de course, considéré comme son véhicule le plus approprié aux nécessités de notre époque.

Nous ne ferons pas la critique de cette malheureuse conception. Si les. principes déjà formulés dans ce livre ont été goûtés, nos réfutations seraient sans objet; dans le cas contraire, nous n'avons rien à y ajouter. Nous devons nous en tenir à poser les bases physiologiques et économiques de l'amélioration des familles chevalines que nous avons en vue en ce moment.

La première condition de toute amélioration dans l'espèce chevaline est inhérente aux circonstances au milieu desquelles la production doit avoir lieu : circonstances d'habit ation, de nourri

[ocr errors]

ture et de soins administrés au produit. L'habita- [ lioration a sa source première dans les matériaux tion et la nourriture ce que l'on appelle le de la constitution du produit, dans l'alimentation climat, sont ce qui agit le plus énergiquement qu'il reçoit et dans l'éducation qui lui est donnée. sur le fond, sur la constitution même du cheval; La preuve en est dans les considérations relatives. les soins par lesquels l'homme intervient directe- aux pratiques de l'entraînement du cheval anglais ment exercent surtout leur influence sur la forme. et dans l'histoire du cheval arabe que l'on a lues C'est ce que nous n'avons plus à démontrer main-plus haut. L'influence de la gymnastique fonetenant.

tionnelle sur le perfectionnement des organes n'a plus besoin d'être démontrée.

Améliorer nos chevaux de selle et d'attelage c'est, d'après la description que nous avons esquis- C'est une loi naturelle que la constitution des sée de leur état présent, faire acquérir aux uns animaux est toujours en rapport exact avec les cirdes formes plus harmonieuses, des membres plus constances au milieu desquelles ils se dévelopgénéralement irréprochables, aux autres plus de pent. Le cheval, pas plus qu'aucun autre, ne sautaille et de régularité dans les aplombs, plus d'am-rait se soustraire à cette loi. Ce ne peut donc être pleur de poitrine, à tous enfin plus d'énergie, de impunément pour lui que par une influence artirésistance à la fatigue et de rusticité. C'est surtout | ficielle quelconque on modifie sa constitution, le cheval de guerre qui doit nous occuper; et ce sans au préalable introduire des modifications corsont là ses principales qualités. rélatives dans son milieu. De la disproportion qui s'établit alors entre les deux résulte nécessairement un développement anormal, insuffisant, des organes, ce que l'on appelle un individu manqué. Et c'est là ce qui s'observe dans tous les lieux où l'on a introduit, comme agents d'amélioration, des étalons dont la constitution résulte de circonstances hygiéniques meilleures que celles dans lesquelles ils doivent agir, c'est-à-dire à peu près partout dans notre pays.

On peut d'ailleurs, pour plus de précision dans l'étude de cette question de l'amélioration de nos chevaux de selle et d'attelage, diviser le pays en deux zones, comme nous l'avons déjà fait en les décrivant. La première, celle du nord, où le che val de taille moyenne domine, et qui est propre surtout, par les conditions naturelles de ses prairies, à la production des chevaux d'attelage; la première de ces deux zones embrasse comme principaux centres d'élevage, la Normandie, la Bretagne, la Vendée et la Saintonge. Elle s'arrête là. La seconde zone, celle du midi, exclusivement appropriée à la production du cheval de selle, et qui ne le céderait sous ce rapport, en raison de ses conditions naturelles, à aucun autre pays, comprend le Limousin et l'Auvergne, les Landes et les Pyrénées. Joignons-y la Camargue et l'Algérie. C'est là que florissaient jadis les races dites légères, dont nos anciens nous ont dit tant de bien. Qu'il s'agisse de l'une ou de l'autre de ces deux zones, pour être établie sur des bases solides et logiques, toute entreprise d'amélioration doit reposer sur les principes zootechniques précédemment posés; elle doit avoir pour moyen fondamental la sélection. C'est-à-dire qu'il ne faut point compter sur des résultats économiques, sur des produits communément bons et d'une défaite facile et avantageuse, en un mot sur une industrie bien assise et pratique, si l'on ne se préoccupe d'abord d'améliorer les éléments essentiels de la production, les conditions de nourriture et d'éducation des produits. Hors de là, l'éleveur peut obtenir de temps à autre quelques bons individus; mais c'est dans tous les cas un effet de pur hasard, dont il ignore absolument la raison : le niveau moyen de sa production est forcément la médiocrité, ainsi que nous l'avons vu.

A l'encontre donc de ce qui s'est pratiqué généralement jusqu'à ce moment, avant de s'occuper du choix de l'étalon capable de transmettre aux futurs produits les aptitudes que l'on désire voir en eux, il importe au préalable de rassembler autour des mères et de ceux-ci les conditions qui peuvent seules procurer le développement de ces aptitudes. Il a été suffisamment établi que l'amélioration ne procède pas essentiellement des reproducteurs, ni surtout exclusivement du père. Il n'y a donc pas lieu d'insister sur ce point. L'amé

Telle est la formule de l'amélioration des produits, pour toutes les espèces, et notamment pour l'espèce chevaline, que cette amélioration ne saurait s'effectuer qu'autant que les conditions hygiéniques sont au moins égales à celles dans lesquelles s'est développé le plus avancé des reproducteurs. D'où découle cette conséquence que c'est aller au rebours de la saine zootechnie, que de commencer une entreprise d'amélioration par l'introduction d'un reproducteur étranger à titre de type améliorateur. Ce type peut avoir son rôle à un moment donné, que nous verrons tout à l'heure; mais commencer par la génération la transformation des aptitudes est le renversement de toute science; et l'on a peine à concevoir que cette façon de procéder ait pu pousser de si profondes racines dans les esprits, en présence surtout des résultats pratiques qu'elle a produits.

En prenant donc l'une ou l'autre des familles chevalines que nous avons en vue, et en considérant qu'il s'agit de l'améliorer, voici comment la science et le bon sens commandent d'opérer.

Choisir d'abord parmi les individus en possession de l'indigénat, en d'autres termes, autant que possible parmi les produits purs de la race locale, ceux qui laissent le moins à désirer sous le rapport de leurs qualités extérieures, pour en faire des reproducteurs. Pour les produits qui en résultent, on conçoit qu'une amélioration quelconque dans les conditions de l'élevage, si petite soit-elle, est immédiatement sensible et acquise. Un supplément de nourriture, de l'avoine, par exemple, distribuée au pâturage; du foin pendant les rigueurs de l'hiver pour ceux qui passent cette saison dehors; un dressage méthodique lorsqu'ils ont atteint l'âge de deux ans, dressage qui peut être en même temps un léger travail productit : tout cela réalise des améliorations certaines, posi

tives, démontrées par l'expérience, et par consé- | dans des conditions déterminées, comme étalons quent à l'abri de toute contestation.

On arrive ainsi, par une application intelligente de la sélection, à élever progressivement le niveau moyen de la population chevaline, et l'amélioration marche d'autant plus vite, que les modifications introduites dans les procédés d'élevage se complètent davantage. A mesure que l'éducation de l'éleveur se fait, à mesure que les ressources fourragères acquièrent plus d'importance, les aptitudes des produits se développent en raison directe, et pour persister, car elles sont l'effet normal des conditions rationnelles de leur développement.

Il se peut faire alors que ces conditions soient telles qu'elles aient devancé le degré d'amélioration atteint par les produits. Ici, mais seulement ici, peut commencer dans l'amélioration le concours d'un reproducteur étranger. Les aptitudes nouvelles et plus avancées qu'il peut communiquer au produit, devant trouver dans le milieu d'élevage les éléments de leur développement complet, nul inconvénient de les transmettre à ce produit.

Que le reproducteur étranger soit de telle ou telle race, cela n'importe point autant qu'on le croit en général, parce qu'on envisage abusivement cette question du point de vue de l'influence absolue de la génération, qui appartient à la doctrine du pur sang. Non, l'important est seulement dans ces trois choses: 1° Que l'étalon étranger représente bien par sa conformation et ses aptitudes le type dont la réalisation est désirée; 2o que les circonstances hygiéniques d'alimentation, de pansage, de dressage, soient appropriées à sa constitution, et au moins analogues, sinon identiques, à celles au milieu desquelles il a été lui-même élevé; 3° enfin, qu'il n'y ait pas une disproportion trop sensible entre ses caractères de taille et de conformation, et ceux de la jument avec laquelle il doit être accouplé. Ces conditions étant remplies, la question rentre, on le voit, dans les principes de la sélection. Cela n'a plus rien de commun avec la notion du croisement, dont l'exacte définition a été donnée dans un chapitre spécial. L'étalon étranger devient un moyen de hâter la marche de l'amélioration, un adjuvant de la sélection; il cesse d'être la base de cette amélioration, comme le veulent les théoriciens du pur sang, tout en imposant néanmoins à sa réussite les conditions que nous venons de voir: en quoi ils ne s'aperçoivent point qu'ils renversent par là même et de leur propre fait, toute leur doctrine du croisement et de l'amélioration par la seule influence de la génération.

Ainsi, des considérations qui précèdent il résulte que les chevaux s'améliorent, d'abord et avant tout par une alimentation plus riche, plus substantielle, plus tonique, et plus abondante; par une éducation donnée de bonne heure et spécialement appropriée au service pour lequel ils sont destinés. Là est la source, d'après Percivall, des mérites supérieurs du cheval anglais; là se trouve aussi l'explication de ceux du cheval arabe. Ces deux types de l'espèce, si remarquables à tant de titres, peuvent être utilement employés,

[ocr errors]

améliorateurs. Nous ne comprendrions pas plus leur répulsion que leur admission systématique. Ce contre quoi nous ne saurions trop nous élever, c'est la doctrine qui fait de l'un ou de l'autre l'agent par excellence, unique et universel, de toute amélioration. Dès que les circonstances hygiéniques et l'état des mères comportent l'emploi d'un reproducteur aussi rapproché que possible de la perfection, du type de la beauté, on ne saurait mieux faire que de le demander à l'une ou à l'autre de ces races. Le choix entre les deux dépend alors du milieu dans lequel le reproducteur doit agir, des ressources alimentaires de ce milieu, de la taille des femelles indigènes. Ce que nous savons maintenant indique que l'anglais doit être généralement préféré dans la zone du nord; l'arabe dans celle du midi.

Mais c'est à la condition expresse que l'un et l'autre surtout le premier n'interviendront qu'exceptionnellement, jusqu'à ce que les familles indigènes aient été amenées, par la rigoureuse mise en pratique des procédés de la sélection, au niveau moyen d'amélioration que comporte leur emploi rationnel; jusqu'à ce qu'on ait fait disparaître par les mêmes procédés cette multitude de produits de croisement manqués, décousus, dont une énergie factice héritée de leur père use prématurément tous les organes mécaniques.

Pour la Normandie et le littoral de l'Ouest, il n'y a qu'à régulariser l'amélioration par un usage plus général et plus méthodique des procédés que l'éleveur capable peut seul mettre en pratique, et qui font malheureusement trop défaut à nos producteurs de chevaux. Pour ces contrées, où se forme le cheval d'attelage, l'administration de l'avoine aux jeunes poulains et l'adoption systématique du dressage progressif et méthodique, sont les seuls progrès qui restent à réaliser. Ce dressage est un véritable entraînement spécial, propre à façonner la constitution du cheval pour son service ultérieur, tout en lui donnant une valeur marchande plus considérable. Notre région du Nord peut comporter à la rigueur et dès à présent, quant au reste, l'usage de l'étalon anglais étoffé et solide, non pas, bien entendu, du grêle coursier d'hippodrome uniquement fait en vue des épreuves actuelles de vitesse. Dans la zone méridionale, où l'arabe et l'anglais, puis l'anglo-arabe et encore l'anglais, se sont disputé pendant si longtemps la destruction des races si renommées du Limousin et des Pyrénées, sous prétexte de les améliorer, là, il y a lieu de procéder autrement. Il faut bannir pour longtemps, si ce n'est même pour toujours, l'étalon anglais, produit d'une civilisation trop avancée pour les ressources du pays, aussi bien que pour l'usage auquel peuvent être employés les chevaux de notre Midi. L'étalon arabe ne doit même y être introduit qu'avec une grande réserve. Ce qui importe avant tout, c'est de faire revenir les familles indigènes aux qualités natives de leurs races, en y choisissant pour les reproduire des individus de moins en moins défectueux.

Le cheval méridional, dans son état de pureté, ne le cède à aucun autre pour l'énergie, la résis

tance, la sobriété, lorsqu'il est le produit naturel de ces contrées privilégiées du Limousin, de l'Auvergne, du pays Basque, de la plaine de Tarbes, de l'Ariége et du littoral méditerranéen. Sa conformation et quelquefois sa taille laissent seules à désirer. La gymnastique fonctionnelle du dressage, dont le cavalier arabe nous donne l'exemple; la sélection attentive des individus sur lesquels ses effets heureux se font le plus efficacement sentir; la seule intervention intelligente des soins éclairés de l'homme, en un mot : ces moyens sont suffisants pour améliorer nos chevaux de selle du Midi. L'exercice méthodique et une nourriture plus abondante donneront avec le temps plus de taille à ceux qui peuvent en avoir besoin; et ce ne sera pas au prix du décousu de leur conformation, de la perte de leur rusticité, de leur sobriété et de leur force de résistance, comme cela est arrivé pour les produits, hélas! trop nombreux, du croisement anglais.

CHEVAUX DE TRAIT.

Si, en décrivant les diverses familles chevalines de la France propres au service de la selle et de l'attelage, il ne nous a pas été possible de les rattacher à des races bien déterminées, cela n'étant plus qu'un ensemble de métis anglais à divers degrés, pour les chevaux de trait, les choses sont toutes différentes. Nous possédons, de l'aveu de tous, les races de trait les plus remarquables de l'Europe, qu'il s'agisse de la spécialité du trait léger ou du gros trait, de l'aptitude à traîner les lourds fardeaux aux allures vives ou au pas.

La raison en est, il faut le dire dès maintenant, à ce que ces races ont trouvé dans les circonstances économiques au milieu desquelles elles se reproduisent, les éléments de conservation qui seuls pouvaient les mettre à l'abri de l'ardeur amélioratrice des protecteurs officiels de l'industrie chevaline. Elles n'y ont pas complétement échappé, toutefois, et à plus d'une reprise on a cherché à les anoblir par l'infusion d'une dose plus ou moins modérée de pur sang. Ce sont surtout les races de trait léger, qui ont été menacées, et quelques-unes même altérées par des tentatives de ce genre-là. Il semble maintenant que l'on soit disposé, d'une part, à n'en plus faire, de l'autre à ne les plus souffrir. Avec les progrès du sens pratique on s'aperçoit que l'influence attribuée au pur sang en tout cas et en tout lieu est autant démentie par les faits que par le plus simple raisonnement. Nos races de trait sont donc dans les meilleures conditions pour s'améliorer en se conservant.

Nous ne séparerons point, dans la description que nous allons en faire, les deux spécialités d'aptitudes que nous avons reconnues. De même que le cheval de selle se confond partout, dans la zone du nord de la France, avec le cheval d'attelage, de la même façon on observe que le cheval de gros trait se trouve fréquemment confondu avec le cheval de trait léger. Néanmoins, il faut dire que quelques races appartiennent d'une manière bien tranchée à l'un ou à l'autre de ces deux types, non pas par leur conformation, bien entendu, mais par

[ocr errors][merged small]

leur volume, qui dépend uniquement du milieu. C'est ce que la revue sommaire que nous allons faire des races de trait, nous montrera une fois de plus. Dans cette revue, au lieu de classer systématiquement les races par spécialités d'aptitudes, nous procéderons tout simplement en les considérant du nord vers le midi, ainsi que nous avons déjà fait. Seulement ici, nous devons nous arrêter aux limites de la région du Midi, car ces limites une fois franchies, les seuls chevaux de trait que l'on rencontre sont des animaux importés de la zone du Nord de notre pays. Les races de trait ne naissent plus au delà de notre plateau central, et du côté de la mer elles ne dépassent pas l'embouchure de la Gironde.

Nous allons donc encore envisager à part la population chevaline de chaque grand centre de production, en décrivant séparément aussi chacune des races qui s'y rencontrent. Commençons par la frontière de la Belgique.

Chevaux du Nord et du Nord-Est.- Parmi les races chevalines qui se rangent dans cette catégorie, il en est deux, la flamande et l'ardenraise, qui nous sont communes avec la Belgique. Bon nombre des étalons employés à la reproduction dans les localités françaises voisines de la frontière, nous viennent même de ce dernier pays, où l'industrie des étalons rouleurs est encore plus répandue que chez nous. Le lieu d'origine des deux races dont il s'agit, le véritable milieu de leur type est d'ailleurs en Belgique. Les autres, essentiellement françaises, sont les races boulonaise, picarde et augeronne. Nous allons les décrire toutes successivement.

[ocr errors]

Race flamande. Quelques auteurs rattachent le cheval flamand à la race boulonaise, qui est pour eux le type autour duquel viennent se grouper plusieurs variétés des départements voisins de son centre de production. Rien ne justifie cette vue purement hypothétique. La race flamande est l'expression des conditions agricoles, belges et françaises, dans lesquelles elle se produit de temps immémorial. Le sol et le climat humides des Flandres lui ont imprimé son caractère propre, ses qualités et ses défauts, sa taille gigantesque et son grand développement.

Le cheval de race flamande, en effet, n'a pas moins de 1,65 et atteint souvent au delà de 1,70. Sa tête est un peu forte, même pour sa grosse corpulence; il a la croupe double, avec des hanches un peu basses, mais fortement chargée de muscles; ses membres sont très-gros, pourvus de crins abondants et grossiers; sa peau est épaisse, ses pieds toujours larges et souvent plats. Toutes ses formes sont empâtées, et dans le service il agit peut-être plus par sa masse que par sa vigueur. On lui reproche d'être mou, d'avoir tous les attributs du tempérament lymphatique. Cette constitution est due à l'influence exclusive d'une alimentation composée de foin des prairies fertiles mais humides des Flandres.

Tel est le cheval flamand dans son type commun, avec son œil trop petit et sa tête trop forte, avec son épaule courte et droite et sa croupe le

« PreviousContinue »