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fallu que quelques exhibitions de nos propres richesses, pour faire évanouir toute cette fantasmagorie et montrer que nous n'étions pas précisément si pauvres qu'on s'était plu à le proclamer.

C'est là, entre autres grands services rendus par les concours, celui qui doit peut-être le plus les recommander à notre attention. En nous donnant confiance en nos propres forces, ils nous ont portés à en tirer meilleur parti. Toujours est-il qu'à dater de ce moment, on a vu la doctrine de l'amélioration par le croisement quand même perdre chaque jour du terrain, et celle de la sélection en gagner en proportion corrélative. Cela juge la question, et ne permet pas de douter de l'efficacité des concours d'animaux reproducteurs des deux sexes, pour provoquer l'amélioration du bétail.

Au reste, un seul de leurs caractères suffirait, en définitive, pour établir qu'ils peuvent être justement considérés comme l'un des meilleurs encouragements: c'est leur qualité de moyen pratique d'instruction, de procédé d'enseignement et de démonstration. Or, l'instruction est la base incontestable de tous les progrès; sans elle tous les autres éléments demeurent stériles au moins, et souvent nuisibles. Nous sommes donc sans réserve pour les concours qui contribuent à la répandre le plus largement.

Concours d'animaux de boucherie. Pour avoir une portée moindre que celle des concours de reproducteurs, attendu leur spécialité, ceux-là exercent cependant une influence heureuse sur l'amélioration du bétail. Nous ne nous arrêterons pas longuement à le démontrer, car ils agissent les uns et les autres de la même manière, et nous ne pourrions par conséquent que répéter les raisons qui ont été déjà données en faveur des concours de reproducteurs.

Si l'on en croit M. Magne, et il n'y a aucun motif de douter de son affirmation, c'est sur sa proposition et d'après un programme rédigé par lui, que la Société d'agriculture de Lyon aurait institué en 1842 le premier concours d'animaux de boucherie qui ait eu lieu en France. Le programme de ce concours stipulait que le prix serait accordé « au bœuf qui, par sa conformation, par son état de graisse, paraîtrait avoir, relativement à son poids, une plus grande quantité de viande nette. » Il ajoutait que le volume, le poids total du corps, seraient considérés comme des qualités secondaires, et que, à droits égaux, on accorderait la préférence au boeuf le plus jeune.

La Société offrait également des prix pour les moutons et les porcs, aux mêmes conditions que pour les boeufs; mais, quant aux premiers, on devait prendre en considération la finesse et le tassé de la laine. Il était dit aussi que les femelles des trois espèces seraient admises au concours. Deux ans après, c'est-à-dire en 1844, l'administration de l'agriculture créait à Poissy, à peu près sur les mêmes bases, un concours du même genre, d'où les femelles de l'espèce bovine étaient cependant exclues. Depuis, ce concours est de

venu central, et des concours régionaux ont été successivement établis à Bordeaux, Nîmes, Lyon, Nantes et Lille. Dans cette dernière ville seulement, on eut la bonne idée d'admettre les vaches à concourir.

L'économie des programmes de ces divers concours fut entendue de manière à favoriser l'engraissement précoce des animaux; on divisa les concurrents en deux classes, suivant leur âge, et le prix d'honneur du concours de Poissy fut réservé, pour chaque espèce, à la catégorie des jeunes concourant entre eux. Une autre disposition du programme, qui subsista longtemps et qui a maintenant disparu, divisait les animaux par régions, sans distinction de race. C'était là un reste de l'esprit absolu qui, dans cette matière, a dominé jusqu'à ces derniers temps la zootechnie officielle, mais qui a dû fort heureusement céder, lui aussi, devant les démonstrations de la science.

Désormais en effet, sans cesser de présenter la précocité de l'engraissement comme le but à atteindre, les concours de boucherie, en faisant concourir entre eux les animaux de la même race, auront pour résultat de stimuler le progrès compatible avec les nécessités de la pratique. Ils seront, de cette façon, le corollaire logique des concours d'animaux reproducteurs, et ne préjugeront rien quant à la question économique. Ils feront juger chaque race pour ce qu'elle vaut en réalité, au point de vue de l'engraissement, et montreront ce que l'on en peut obtenir en la dirigeant dans le sens de la précocité. La multiplicité des catégories et des prix aura encore ici la même influence que nous lui avons justement attribuée, croyons-nous, à propos des reproducteurs. Et cette influence sera d'autant plus grande, que l'on s'est enfin décidé à l'étendre aux vaches, qui, par une inconcevable faute, avaient été jusque-là exclues de la plupart des concours, et de celui de Poissy en particulier.

Les dispositions des programmes, que nous n'avons pas à détailler ici, et les principes qui semblent avoir toujours dirigé les jurys des concours de boucherie, surtout dans l'attribution du prix d'honneur des jeunes bœufs, ont été chaque année, depuis l'institution de ces concours, l'objet de vives discussions. La raison en est, bien certainement, que parmi ceux qui ont attaqué les décisions prises, comme parmi ceux qui les ont défendues avec la même chaleur, personne n'a su se placer au véritable point de vue d'une pareille question. On retrouve toujours dans ce cas, de même que dans tous les autres du même genre, cette interprétation fautive que nous avons fait ressortir de la manière dont les concours agissent sur le progrès. On a beau voir que depuis que le concours de Poissy a été institué, loin de s'étendre, les opérations qui y ont toujours été placées en première ligne ont au contraire perdu chaque année du terrain ; cela n'empêche point de considérer la distinction dont elles sont l'objet comme un encouragement direct pour les éleveurs et les engraisseurs à se lancer dans la même voie. On fait toutes sortes de supputations et de calculs pour montrer, d'une part, que le salut de la production et de

la consommation est là, de l'autre, que ce serait la ruine pour les deux. Et pendant que les prophètes des deux camps dissertent et lancent leurs prophéties, le progrès suit sa marche logique et normale, sans plus de souci des unes que des

autres.

Après tant de luttes stériles, il serait bon, cependant, d'apercevoir les choses sous leur véritable jour.

mettre en relief des faits absolus, de mesurer la valeur des procédés zootechniques, dans leur application dégagée des considérations de l'ordre économique, avec leur signification simple et nette, de manière à ce qu'ils puissent être bien saisis. Les concours de boucherie ne peuvent avoir pour but de constater purement et simplement des résultats pratiques : ce sont des données scientifiques, ce que l'on appelle en logique des faits simples, qu'ils doivent fournir. Il importe

le trouble dans les esprits et nuisent au progrès, que tout le monde se pénétrât bien de cette vérité, et consentît à prendre ici les choses pour ce qu'elles sont.

Malheureusement, par cela seul que chacun peut élever tant mal que bien des animaux, suivant la routine traditionnelle, il se croit volontiers en mesure de disserter sur la zootechnie; et ce sont peut-être ceux auxquels les éléments de la science du bétail sont le plus étrangers, qui hésitent le moins à formuler à cet égard des préceptes et des leçons.

Il est élémentaire que si les concours de boucherie ne devaient avoir pour but, ainsi que tantrait, pour faire cesser des malentendus qui jettent de gens le soutiennent, que de mettre en évidence et de récompenser les opérations d'engraissement les plus économiques, c'est-à-dire celles qui donnent le plus de bénéfices, ces concours seraient absolument inutiles. Le marché suffirait pour cela. On n'apprend rien à personne en démontrant, chiffres en mains, que les animaux les plus gras du concours ont coûté à l'engraisseur plus qu'ils ne peuvent être vendus; et c'est faire œuvre de grande puérilité, de craindre que les agriculteurs qui font de l'engraissement une industrie, en soient incités à s'engager dans cette singulière voie de la production à perte. Si les contempteurs Assurément, personne ne doute, parmi les gens des races précoces, comme leurs partisans fanati-sensés, que ce serait folie d'entreprendre la proques, avaient des idées plus saines en économie duction courante d'animaux de boucherie comme politique, ils sauraient fort bien que l'industrie ceux auxquels on accorde chaque année la plus sérieuse, - la seule qui mérite que nous en avons haute distinction dans les concours. Ceux qui les souci, n'a pas d'autre stimulant réel que le produisent en doutent eux-mêmes moins que perdébouché, et par conséquent le bénéfice. S'il con- sonne, parce qu'ils sont mieux en mesure que qui vient à quelques amateurs de négliger ce détail et que ce soit de savoir ce qu'il leur en a coûté. Mais de n'avoir en vue que l'absolu, certes, cela ne il serait nécessaire que l'on vît bien que ce n'est peut être qu'exceptionnel et à négliger dans la pas du tout de cela qu'il s'agit. Qui peut le plus, question. L'industrie sérieuse ne peut donc être peut le moins, dit-on avec raison. Or, pour enseiinfluencée par les résultats des concours, que gner la possibilité du moins, rien n'est efficace dans la limite compatible avec cette première et comme de montrer la possibilité du plus. Les confondamentale considération. On perd trop de vue cours de boucherie meitent en évidence cette qu'elle ne vient pas là, docile et soumise, cher- dernière possibilité; et leur succès toujours croischer des ordres et subir des commandements; sant a fait voir, malgré des critiques inintelligenelle y vient pour discuter, juger et s'instruire. tes, qu'elle a exercé une influence heureuse sur l'amélioration du bétail; non point, bien entendu, dans le sens que ses aveugles partisans désirent et que ses détracteurs peu clairvoyants redoutent, ce qui prouve que les uns et les autres sont bien manifestement dans l'erreur, mais dans son sens logique, c'est-à-dire à titre d'enseignement.

Or, c'est précisément pour ce motif que les concours de boucherie, à l'exemple de tous les autres, ne peuvent et ne doivent être que des moyens d'instruction; c'est-à-dire des exhibitions aussi complètes que possible de tous les faits zootechniques relatifs à l'industrie de l'engraissement, envisagés chacun à son point de vue le plus absolu. Ils doivent mettre en évidence les limites de la possibilité, au moment actuel, dans la voie qui peut seule conduire toutes les races ou leurs produits métis au but final de la production de la viande, à savoir la précocité.

C'est aussi pour le même motif que leurs programmes, pour être rationnels, doivent offrir et leurs jurys accorder les plus forts encouragements aux individus qui se rapprochent le plus de ce but final, précisément parce que, en s'en rapprochant davantage, ils s'éloignent des conditious de la production économique. Les animaux produits dans ces dernières conditions n'ont pas besoin, nous le répétons, d'autre récompense que le bénéfice certain qui les attend sur le marché; le rôle des concours n'est pas de provoquer directement leur production, sans cela il serait, encore un coup, trop manifestement inutile: ce rôle est d'amener des expérimentations instructives, de

Ainsi, jusqu'à présent, la coupe d'honneur, qui est la plus haute récompense du concours de Poissy, est à peu près exclusivement échue à de jeunes bœufs métis de Durham, parce qu'en réalité ce sont ces animaux qui se montrent les plus précoces, les plus susceptibles d'être conduits de bonne heure à un engraissement achevé. C'est là le fait principal que les concours ont mis en évidence, dégagé de toute autre considération. Eh bien, si ce fait avait été de nature à agir d'après la signification qu'on lui prête, on eût dû voir bientôt augmenter le nombre des compétiteurs à la coupe d'honneur, et en même temps celui des métis qui, dans l'état actuel des choses, peuvent seuls y prétendre. Or, c'est précisément ce qui n'a pas eu lieu. Pour un nouveau qui est entré en lice, un autre s'est retiré; depuis plusieurs années, on n'en compte pas plus de deux, et ce sont toujours les mêmes : ce sont des

engraissement, par l'ampleur de leur poitrine, la finesse de leur peau et de leurs extrémités; on les a vus enfin se rapprocher du type parfait dont le modèle avait été mis sous les yeux des producteurs, pour leur fournir un objet d'étude. C'est au point qu'il a pu venir à la pensée de quelqu'un de comparer d'une manière absolue certains de ces jeunes animaux purs au lauréat de la coupe d'honneur, sans que la comparaison fût trop choquante pour les premiers. Nous ne parlons pas, bien entendu, du point de vue économique, auquel elle ne pouvait être que tout en leur faveur.

personnages qui, pouvant faire à la science ce sa- 1 plus remarquables par leur conformation et leur crifice, poursuivent de leurs deniers une expérience dont l'enseignement est profitable à tous, absolument comme un riche amateur monte à ses frais des appareils compliqués et coûteux, pour résoudre un problème de science pure, de mathématiques, de mécanique ou de physiologie. Aucun esprit raisonnable ne contestera qu'un tel désintéressement mérite d'être dignement honoré; non pas seulement à cause des résultats scientifiques auxquels il peut conduire, et des conséquences pratiques qui peuvent découler de ces derniers; mais surtout, dans l'espèce, parce qu'il honore lui-même l'industrie à laquelle il se rapporte. On est bien près d'être guéri de la sotte tentation de considérer comme infime la profes-tre, quand on étudie cette question avec un ession d'éleveur ou d'engraisseur de bétail, quand on voit d'anciens ministres, par exemple, briguer les distinctions qu'on peut obtenir en l'exerçant. Mais revenons à notre raisonnement.

Nous disions donc que dans les concours d'animaux de boucherie, le nombre des jeunes métis de la première catégorie n'a pas sensiblement augmenté, bien que seuls jusqu'à présent ils eussent pu conduire à la coupe d'honneur. Ce fait étant incontestablement établi, il n'y aurait pas lieu de tenir compte de l'opinion de ceux qui ne veulent point consentir à y voir la preuve que la coupe d'honneur n'agit pas en provoquant la multiplication de ces métis, si toutes les aberrations, hélas! n'avaient chance de trouver des partisans. Celle-ci, comme nous l'avons déjà dit, en a de deux sortes, également peu soucieux, bien entendu, de la méthode d'observation. Ils se sont fait là-dessus des idées, en pensant à ce qui pourrait bien être, et ils se sont ainsi fortement convaincus que cela était. On les reconnaît surtout à l'intolérance, nous allions dire à la violence de leurs discussions.

Il faut donc insister et répéter que, puisque depuis qu'ils obtiennent la coupe d'honneur, les métis de la race courtes-cornes n'ont pas été sensiblement multipliés, en dehors des quelques régions où les croisements semblent rationnels, c'est là une preuve incontestable que la constitution des concours de boucherie n'a pas été un encouragement à leur multiplication. La réalité de l'existence d'un principe se juge par les conséquences de ce principe. Or, pas de conséquence, pas de principe. On ne pourrait se tirer de là qu'en contestant l'exactitude du fait; mais alors il suffirait de jeter un coup d'œil sur les catalogues des concours passés pour se convaincre de sa parfaite vérité.

A mesure que, dans les concours, cette catégorie de métis poussés aux dernières limites de la précocité se maintenait dans les proportions d'un résultat purement expérimental et en conservait la signification, on a vu les races pures s'avancer progressivement sur les degrés de la même échelle, et fournir en nombre toujours croissant des animaux engraissés et pouvant être livrés à la consommation à un moment de moins en moins rapproché de l'âge normal de leur état adulte; on a vu les boeufs au-dessous de quatre ans, dans la catégorie des races pures, devenir plus nombreux et

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Il n'est à coup sûr point possible de méconnai

prit dégagé de préventions, qu'il y a nécessairement un lien logique entre les deux faits si divers en apparence que nous venons de voir. On trouve dans leur rapprochement une nouvelle preuve de l'exactitude de la signification que nous attribuons aux concours en général. On y voit une fois de plus que ces institutions n'agissent sur les progrès de l'amélioration, que par les faits de toute nature dont elles provoquent l'exhibition aux yeux de tous; et il en faut conclure, encore ici, que leur meilleure organisation est celle qui fait exhiber une plus grande variété de ces faits, en dehors de toute idée systématique. Les déterminations économiques de la spéculation obéissent à d'autres impulsions, qui sont assez puissantes par elles-mêmes pour ramener dans la bonne voie les imprudents qui pourraient s'en écarter, en méconnaissant la véritable signification des résultats récompensés dans les concours. Quant aux éleveurs éclairés, ils ont prouvé par les circonstances qui viennent d'être indiquées, qu'ils savent voir dans ces résultats ce qu'il y a réellement en eux, c'est-à-dire des sujets d'étude et des enseignements propres à leur indiquer les moyens d'améliorer leur bétail, dans les proportions relatives aux besoins de la consommation et aux conditions économiques dans lesquelles ils opèrent.

Les concours de boucherie provoquent la manifestation de la perfection absolue, pour faire entrevoir le but à atteindre, et celle de l'amélioration relative qui doit y conduire : ils n'ont pas, en principe, autre chose à faire. Dans cette mesure, ils méritent la complète approbation des zootechniciens dignes de ce nom.

Nous n'avons pas à examiner en détail les programmes d'après lesquels ces concours sont présentement organisés. Il suffit à notre plan d'avoir fait ressortir l'idée générale qui les inspire, et dont la connaissance peut permettre à chacun de les apprécier. Disons seulement qu'on y rencontre l'application logique et exacte de cette idée générale, en y suivant l'enchaînement naturel des faits. Par suite de cet enchaînement, le résultat pratique immédiat est placé à la base, sous forme de bandes d'animaux gras, dans chaque espèce; le résultat purement expérimental, au sommet, sous forme d'animaux ayant atteint les dernières limites de la précocité, qui doivent être indiqués comme le but pratique de l'avenir; les

points intermédiaires sont occupés par les individus qui, dans chaque race, sont en marche vers ce but. Nous n'apercevons pas ce que l'on pourrait dire de sensé contre cette organisation.

Primes d'encouragement. Les primes diffèrent des encouragements dont nous nous sommes occupés jusqu'à présent, en ce que leur distribution n'implique pas la nécessité d'un concours entre les animaux auxquels elles peuvent être accordées; et c'est sans doute pour cela qu'elles ont en général une efficacité moindre, comme moyen de provoquer les améliorations. Instituées toutefois par l'Etat ou les associations particulièrės, pour constater et récompenser un résultat déterminé d'avance, et acquises à tous ceux qui ont atteint ce résultat, elles peuvent, comme adjuvant des concours avec lesquels elles se concilient parfaitement, contribuer dans certains cas au progrès.

Nous avons vu, en nous occupant de l'administration des haras et des approbations qu'elle accorde aux étalons particuliers, la quotité des primes jointes à ces approbations, et aussi les chiffres de celles qui peuvent être accordées aux poulinières suitées. Il faut ajouter que la même administration distribue maintenant des primes d'une autre espèce, destinées à provoquer la pratique de la castration et le dressage des poulains à la selle ou à l'attelage, à un âge déterminé. Le nombre de ces primes, on le conçoit, n'est pas invariablement fixé d'avance, autrement que par prévision pour l'établissement du budget; il est subordonné à celui des individus capables de les mériter; ce qui est seulement invariable, c'est leur quotité.

Les comices, les sociétés d'agriculture, les conseils généraux même, consacrent également chaque année des sommes plus ou moins fortes, pour être distribuées en primes aux éleveurs des diverses espèces animales qui ont réalisé des améliorations spéciales, auxquelles l'attribution de la prime est acquise, et qui varient suivant le but que l'on s'est proposé en l'instituant. Dans quelques départements, ces primes ont pour objet les cultures fourragères et le nombre de têtes de bétail entretenues sur un espace donné; et ce n'est certainement pas la forme la moins utile et la moins efficace de leur institution.

Quelques auteurs se sont mépris, à notre sens, lorsqu'ils ont envisagé les primes comme des moyens d'attirer l'attention des cultivateurs sur une opération déterminée, peu lucrative, par la promesse d'une récompense. Il nous paraît que c'est précisément le contraire qui est vrai. La prime n'a aucune signification, ou elle est la récompense d'un résultat économiquement utile, qu'il importe de signaler à l'attention des intéressés. C'est pour cela qu'elle constitue un mode d'encouragement à la portée seulement des associations locales, des comices surtout, qui peuvent en faire l'attribution à bon escient.

On conçoit que, d'une manière générale, les primes sont un mode d'encouragement destiné à disparaître, à mesure que l'instruction zootechnique fera des progrès, à mesure que les con

cours seront plus suivis et mieux appréciés. C'est un moyen transitoire, qui a, sans doute encore sa raison d'être dans un très-grand nombre de cas, mais que l'on ne peut pas considérer comme un des principes de l'enseignement de la zootechnie.

Nous ne devons donc pas nous en occuper davantage. Nous montrerons plus loin, en examinant l'influence des débouchés, qu'ils constituent la véritable et seule prime d'encouragement de toute production; que par conséquent le moyen le plus efficace d'encourager celle-ci, est d'agir sur les éléments dont ils dépendent, en les élargissant et les facilitant le plus possible, ce qui les rend nécessairement avantageux.

Courses. Il n'est pas nécessaire de faire ici l'histoire de l'institution des courses; cette histoire se trouve étroitement liée à celle de la création du cheval anglais dit de pur sang; car nous avons vu précédemment le rôle qui revient | dans ladite création à l'entraînement que les courses nécessitent.

Nous n'avons pas non plus à décider la question controversée de savoir si, dans le principe, ces joutes de vitesse ont été instituées en vue du perfectionnement de l'espèce chevaline, ou si ce n'est pas plutôt à titre d'amusement public. On trouve dans l'histoire d'Angleterre un édit qui réglemente en même temps les jeux de boules, les combats de coqs et les courses de chevaux ; ce qui tendrait à faire croire que la seconde opinion est la plus vraie. Dans ce cas, le cheval aurait été fait pour les courses, et non les courses pour le cheval. Si c'était ici le lieu, il ne serait peut-être pas bien difficile d'établir par les faits que c'est ainsi que la question doit être comprise; mais cela est indifférent au but que nous nous proposons. Il s'agit seulement pour nous d'examiner si les courses de chevaux, sous leurs différentes formes, peuvent être justement considérées comme des moyens de provoquer l'amélioration de l'espèce chevaline.

Car telle est la prétention des partisans de l'institution. Indépendamment des subventions considérables que l'État alloue dans ce but aux sociétés de courses qu'ils ont formées, et dont la principale est la Société d'encouragement pour l'amélioration de l'espèce chevaline, encore connue sous le non anglais de Jockey's club, pour la fondation de prix importants, les villes, les compagnies de chemins de fer, tous ceux qui ont, en un mot, intérêt à ce que le spectacle des courses soit bril- ̧ lant et attire un grand concours de public, contribuent pour leur part à augmenter le nombre de ces prix. De cette façon, la partie se trouve avoir plus d'attrait, le jeu est, comme on dit, plus intéressé, et les joueurs sont plus nombreux.

Il est bien incontestable, en effet, quel que soit d'ailleurs leur but final ou leur résultat, relativement à l'amélioration de l'espèce chevaline, il est bien incontestable que les courses sont d'abord un jeu, dont les chevaux coureurs sont les cartes ou les dés. Et là, comme à l'écarté, ce ne sont pas seulement ceux qui tiennent les cartes qui engagent leurs enjeux. Quiconque a mis, une fois en sa vie, le pied sur un hippodrome, ou seu

Dans ces limites, les courses peuvent être considérées comme des encouragements réels; malheureusement, c'est là une conception à peu près utopique. Admissible et même inattaquable en théorie, cette conception s'évanouit dès qu'on suit son application dans la pratique. Parfaitement rationnelle, non-seulement comme moyen de constater des qualités acquises, mais encore à cause de la nécessité de l'éducation spéciale, de l'entraînement fonctionnel, qu'elle implique, et dont nous avons dit l'importance dans un des chapitres précédents, au point de vue de l'amélioration de l'espèce, on voit qu'en fait elle manque le but, parce qu'elle le dépasse toujours.

lement jeté les yeux sur un de ces comptes rendus, même que ces concours existent actuellement, de courses que font si agréablement nos sportsmen dans une certaine mesure; car certaines courses journalistes, en termes mêlés d'anglais et de fran- au trot, instituées dans quelques circonscriptions çais qui constituent une sorte de jargon spé- de notre pays, n'ont pas sous ce rapport d'autre cial, celui-là ne peut ignorer qu'il s'établit, pour caractère. chaque course, des paris nombreux et importants, et que, à ce point de vue, il existe une sorte de cote officielle. pour chaque cheval, suivant sa réputation ou les espérances que son entraînement a fait concevoir aux parieurs. Dans chaque engagement, il y a ce qu'on appelle un favori. Il faut dire, en outre, que dans tout cela l'habileté du jockey est bien aussi comptée pour quelque chose, et ne point négliger d'ajouter non plus qu'à ce jeu-là, il y a, comme à tous les autres, des cartes biseautées et des dés pipés. L'auteur de l'Histoire du cheval anglais, William Youatt (traduit par M. H. Bouley), en parlant de l'institution des courses sous Charles ler, de triste mémoire, dit en propres termes : « Les courses de cette époque n'étaient pas déshonorées par ces filouteries et ces fraudes qui, dans ces derniers temps, semblent être devenues presque inséparables des amusements du turf. Le système des grosses gageures n'existait pas; le prix consistait dans une cloche de bois ornée de fleurs; plus tard on lui substitua une cloche d'argent, qui était donnée principalement le mardi gras « à celui qui avait <«couru le mieux et le plus loin; » de là l'expression encore usitée de gagneur de cloche (bearing away the bell), pour désigner celui qui a gagné le prix. »

Ce n'est pas notre affaire de nous occuper, au point de vue de leur moralité, de ces amusements du turf, dont les filouteries et les fraudes sembleraient être devenues, dans ces derniers temps, presque inséparables; il nous appartient uniquement de voir jusqu'à quel point ils sont de nature à justifier leur réputation, quant à l'influence qui leur est attribuée sur l'amélioration de l'espèce

chevaline.

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Établissons d'abord une distinction importante, si nous ne voulons pas tomber dans la confusion commune à la plupart de ceux qui ont jusqu'à présent discuté cette question. Il n'est point douteux qu'en se plaçant au point de vue abstrait, et en considérant les courses au galop, les seules dont il s'agisse pour le moment, comme des épreuves seulement destinées à constater la capacité des étalons améliorateurs; si l'on admet la doctrine du pur sang dans toute son étendue; il n'est point douteux, disons-nous, que la conservation de celui-ci, et par conséquent l'amélioration qu'il peut seul produire, d'après cette doctrine, ne soient indissolublement liées à l'institution des courses de vitesse. Présentées de cette façon, c'està-dire purement et simplement comme des épreuves de capacité, les courses se conçoivent et se justifient, même en dehors de la question du pur sang. Il est possible d'imaginer des concours de ce genre, entre les chevaux destinés à la reproduction, qui auraient pour effet de mettre en évidence l'aptitude plus ou moins grande de ces chevaux au service qui est la destination utile de leurs produits, et qu'ils doivent leur transmettre en vertu de la loi d'hérédité. On peut ajouter

C'est que les choses obéissent avant tout et forcément à leur logique. Si les courses ont pour prétexte, et, nous le voulons bien même, pour but éloigné, l'amélioration de l'espèce chevaline, il n'est pas contestable que la condition indispensable de leur succès est qu'elles soient, pour le public, un spectacle amusant, ou du moins attrayant, à quelque titre que ce soit, fût-ce même par les accidents qu'elles entraînent; - pour ceux qui y prennent part, un moyen de spéculation, un jeu aux péripéties rapides, aux courtes et vives anxiétés, comme celles causées par la rouge et la noire sur le tapis vert. Il faut que la partie soit promptement vidée, que les enjeux se renouvellent souvent, que la revanche qui doit compenser la perte par un gain ne se fasse pas trop longtemps attendre, que les spéculations se puissent entreprendre à des échéances aussi rapprochées que possible. Cela est dans la nature même de l'institution des courses publiques, et elles n'y pouvaient échapper, sauf à périr. Jouer avec des chevaux coureurs, avec des cartes, des dés ou la roulette, c'est toujours jouer; et le jeu glisse sur une pente fatale, soumise comme toutes les pentes aux lois physiques de la chute des corps. Le temps s'y précipite et les forces s'y accumulent, à mesure qu'on la parcourt.

La conséquence inévitable de ce fait, en ce qui concerne les courses, était que la durée des épreuves imposées aux coureurs allât toujours en diminuant, et qu'ils y pussent être soumis à un moment de moins en moins éloigné de leur naissance, en d'autres termes, que les prix de course pussent être disputés par des poulains, et que la distance à parcourir fût assez courte pour que champions gagnassent en vitesse, sans avoir besoin de déployer une vigueur et une énergie soutenues, apanages de qualités solides et difficiles à obtenir.

les

Sous l'empire de ces tendances, qui étaient dans la logique inévitable de l'institution, nous pouvons voir, par l'observation des faits actuels, de quelle nature est l'influence des courses sur l'amélioration de nos chevaux de service. Nous ne pourrions mieux faire que d'emprunter le tableau de ces faits à l'auteur anglais déjà cité. On sait que sur le turf nous sommes en toutes choses les imi

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