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pèce chevaline, une institution ainsi caractérisée par son principe et par les faits d'observation. Il ne peut séparer, dans sa pensée, non plus qu'elle ne l'est dans la réalité, la production du cheval des éléments qui la rendent possible et avantageuse. Il ne saurait concevoir cette production ainsi distraite de l'exploitation agricole où elle s'effectue nécessairement, et dont elle est un élément, au même titre que tous les autres. Comme pour accentuer davantage l'isolement contre lequelle s'élève, de toute la puissance de ses principes les mieux établis, l'économie rurale, l'administration des haras a même cessé, lors de sa dernière réorganisation, de ressortir au ministère de l'agriculture.

dire, bien entendu, du cheval de troupe, ce qui n'est pas tout à fait la même chose; car il ne paraît point que l'on se préoccupe beaucoup des qualités fondamentales du cheval de guerre, qui sont la rusticité, la sobriété, la vigueur, la solidité : tous les efforts étant bornés à l'amélioration des formes extérieures, et surtout de celles du corps, qui flattent l'œil dans ce cheval.

Avec un semblable but, rien de plus logique que de rechercher seulement dans le choix des étalons présentant ces formes au plus haut degré possible de perfection, le moyen de l'atteindre. Le rôle de l'administration est alors principalement de se munir de beaux sujets, et de les répartir de la manière la moins disparate, dans ses dépôts et stations.

En admettant donc, ce qui est loin d'être vrai, que l'industrie chevaline doive être dirigée C'est ce qu'elle a toujours fait, et c'est seulement pour produire les chevaux nécessaires aux besoins ce qu'elle peut faire. L'expérience a prouvé que nationaux; en admettant, ce qui n'est pas plus suivant la direction plus ou moins éclairée impriexact, qu'une direction centralisée, sous quel-mée à ses choix, les résultats obtenus, considérés que forme qu'on la suppose, soit capable de conduire cette industrie dans une bonne voie et de l'y maintenir; en admettant tout cela, on ne peut pas se dispenser de conclure, néanmoins, que cette direction ne saurait être efficace qu'à la condition de se plier avant tout aux exigences agricoles, et d'avoir pour principal but, ainsi que l'ont proclamé eux-mêmes les quelques hommes éclairés qui en ont été chargés, de travailler à se rendre inutile. Malheureusement, les faits ont trop prouvé, jusqu'à présent, qu'on n'a jamais réussi qu'à la rendre nuisible.

Et la raison en est aussi simple que facile à déterminer. Une administration centrale ne peut, par sa nature même, se préoccuper que de la généralisation du système qu'elle a conçu ou adopté. Ce système, basé sur l'idée qui a donné naissance à l'institution, place nécessairement dans les seuls étalons la source du perfectionnement qu'elle a mission de réaliser; il conduit par conséquent de toute nécessité, et par la force même des choses, à l'unité de vues et de pratiques pour des conditions naturellement dissemblables; et cette unité de vues se caractérise par la tendance inévitable à ramener à un seul type, à une seule spécialité de services, toutes les races à améliorer. L'administration des haras est instituée, avant tout, pour pourvoir aux besoins de la défense nationale; l'État n'intervient directement, cela est clair, qu'au nom d'un intérêt public et pressant. On n'a jamais fait valoir, pour justifier la nécessité de son intervention, d'autre argumentation. L'administration doit donc, pour obéir à sa raison d'être, viser, par tous les moyens en son pouvoir, à couler dans le moule qu'elle croit propre au but qu'elle veut atteindre, toutes nos races quelles qu'elles soient.

Cela est nécessaire; et l'observation du passé démontre qu'elle n'a jamais fait autre chose. Si les haras ont paru quelquefois, et paraissent surtout maintenant, disposés à tenir compte de quelques-unes des conditions économiques qui dominent l'industrie chevaline, cela n'a pu et ne peut être qu'à un titre secondaire, et pour les faire plier à son but essentiel, qui est la production du cheval de guerre, tel qu'on le conçoit. Nous voulons

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d'une manière générale, ont été plus ou moins désastreux, mais n'ont jamais cessé de l'être à un degré quelconque. Chaque nouvelle direction a dû toujours mieux faire que la précédente : l'événement est venu prouver chaque fois qu'il ne fallait pas espérer la solution du problème ainsi posé, au mépris des principales données de ce problème; des sommes fabuleuses ont été englouties à la poursuite de ladite solution, sans qu'elle soit beaucoup plus avancée que devant.

Il faut voir dans cette impuissance, non point la faute des hommes toujours bien intentionnés qui ont dirigé l'administration des haras, mais plutôt ́ la condamnation radicale de l'idée anti-économique sur laquelle est basée son institution. L'incapacité notoire, en matière de zootechnie, du personnel de cette administration, recruté de tous temps sans aucun souci des connaissances spéciales approfondies que nécessite l'exploitation rationnelle d'une industrie aussi complexe et difficilè que l'est celle du cheval, même lorsqu'il existait un simulacre d'enseignement de la prétendue science hippique; cette incapacité n'est pas pour grand'chose dans l'impuissance signalée. Une administration des haras, c'est-à-dire la centralisation des moyens d'amélioration de la production chevaline, ne se peut concevoir qu'au mépris de la science économique et des principes les mieux établis de la zootechnie. Les agents les plus éclairés ne sauraient faire que le vice fondamental de l'institution ne vînt paralyser leur bon vouloir. On ne peut unifier et centraliser ce qui de sa nature ne s'y prête pas. L'industrie chevaline, comme toutes les autres branches de l'industrie agricole, est dans ce cas. Les éléments de cette industrie sont tous étroitement liés les uns aux autres, et ils sont divers comme les lieux et les circonstances. Il n'est pas possible de les faire plier aux exigences d'un système unique et préconçu. Ici l'amélioration ne peut être efficacement poursuivie que par la sélection, et c'est dans le plus grand nombre des cas; -là, le croisement a peut-être quelques chances de succès, mais c'est à la condition expresse qu'il sera entrepris avec compétence et suite, de la part de l'éleveur : dans l'une comme dans l'autre de ces circonstan

ces, l'opération ne peut réussir que par le fait de la capacité de celui-ci, par la constante appropriation du but et des moyens aux conditions de la réussite. Nous n'avons plus besoin de le démontrer à présent.

| directrice d'une administration spéciale des haras, lesquels haras n'existent au reste plus, dans l'acception de ce mot. On conçoit fort bien que l'État, si cela est démontré nécessaire, mette à la disposition des producteurs de chevaux des étalons convenables, comme l'ont fait et le font encore quelques départements, sans qu'il soit indispensable d'instituer une administration semblable à celle dont nous venons d'examiner les attri

Or, que peut dans ce sens la direction de l'administration? Et s'il est vrai que l'amélioration de l'espèce chevaline ne puisse pas plus être systématisée que celle des autres espèces, pour les quelles on n'y a point encore songé, Dieu merci,butions. Nous pensons que partout où la proquelle est la raison d'être rationnelle de l'intervention directe de l'État? Pas de direction unique, pas d'administration des haras; cela est de la plus stricte logique.

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A ce compte, on arrive donc forcément à conclure que, pour une administration de ce genre, la meilleure organisation ne vaut encore absolument rien. Si elle respecte les nécessités de l'éco nomie rurale, on ne conçoit plus sa propre nécessité; si elle ne les respecte pas, et il est dans sa nature même de les fouler aux pieds, elle se condamne par ce seul fait. Ce dilemme, qui est inévitable, permet de tirer l'horoscope de l'administration des haras. Avec les idées économiques qui gagnent chaque jour du terrain dans l'opinion publique, et dont le gouvernement lui-même se fait l'initiateur, on peut raisonnablement espérer que l'expérience à laquelle nous assistons sera la dernière.

La pensée qui a fait instituer cette expérience paraît du reste favorable à une telle conclusion; et celle-ci est inévitable, si l'on y demeure fidèle. L'administration des haras a pour mission, d'après cette pensée, de préparer l'émancipation, comme l'on dit, de l'industrie privée. Elle doit s'effacer, partout où il sera reconnu que cette dernière peut se passer de son intervention; et il est de son devoir de l'y provoquer par tous les moyens en son pouvoir. Pour commencer, l'État a renoncé à produire lui-même ses étalons; il a supprimé ses jumenteries et ne fait plus d'élevage.

C'est un progrès considérable, assurément. Il reste à savoir si, par le fait même de son organisation, l'administration peut se renfermer dans un semblable programme. Quoiqu'il soit permis d'en douter, en raison de tous les faits antérieurs, l'expérience seule devra prononcer. On ne peut qu'exhorter les éleveurs à se mettre partout en mesure de la sommer d'avoir à s'y conformer. Déjà, constatons-le avec satisfaction, de louables tentatives sont faites dans ce but. On ne peut que désirer qu'elles soient pour l'industrie privée, en général, des exemples salutaires.

L'argumentation principale de ceux qui considèrent comme indispensable l'intervention directe de l'État dans la production chevaline, sans se placer en aucune façon au point de vue d'où nous venons de l'examiner, est en effet que l'industrie privée, ainsi que cela a été déjà dit, ne saurait actuellement se pourvoir en nombre suffisant pour les besoins de l'amélioration de l'espèce, d'étalons bors ligne. Ceux-là ne prennent pas garde qu'il n'y a absolument rien de commun entre ce fait, qui peut être vrai, et la conclusion qu'ils en tirent, relativement à l'influence centralisée et

duction chevaline livrée à elle-même serait suffisamment lucrative, et là seulement où par conséquent elle peut se développer utilement, l'industrie privée, par ses efforts individuels ou par l'association des capitaux, pourrait parfaitement se suffire; ce qui se passe dans la patrie du cheval percheron et en général dans tous les lieux que peuplent nos belles races de gros trait, le prouve surabondamment; mais nous voulons bien admettre le contraire, et nous ne voyons pas, même dans ce cas, que cette nécessité puisse justifier la conséquence qui en est tirée. Que l'Etat, si l'on veut, mette à la disposition des administrations locales des fonds destinés à l'acquisition des étalons que les éleveurs croiront indispensables pour l'amélioration de leurs produits, cela se comprend jusqu'à un certain point; imposer à ceux-ci des étalons choisis sans leur participation par une administration centrale, qui se proclame meilleur juge qu'eux de leurs propres besoins, cela ne se comprend plus. Prolonger la tutelle n'est pas le moyen d'émanciper le mineur.

La vérité est que l'industrie chevaline n'a pas plus besoin d'être dirigée qu'aucune autre. Il n'est pas un économiste, pas un homme ayant étudié sérieusement les questions de production et de consommation, qui puisse trouver la raison en vertu de laquelle cette industrie, si elle correspond, ainsi que cela n'est point douteux, à des besoins réels, ne pourrait pas trouver en ellemême, comme toutes celles qui sont dans le même cas, les éléments de sa conservation. Les motifs que l'on en donne ne reposent sur rien, et il n'est pas nécessaire, par conséquent, de les discuter. La coïncidence que l'on a établie entre le rétablissement de l'administration des haras, depuis 1806, et le développement de l'industrie chevaline, s'explique mieux par l'influence des événements politiques et économiques, que par celle de cette administration, dont les résultats, il est bon de le répéter, ont toujours été dénoncés comme funestes par tous les agronomies les plus illustres qui s'en sont occupés, et condamnés tour à tour par ceuxlà même qui ont été appelés à la diriger. L'observateur impartial est bien obligé de leur donner raison à tous; ce qui le conduit forcément à condamner l'œuvre sans retour. Le progrès veut que l'industrie chevaline soit débarrassée de ses sauveurs officiels et officieux, et remise en possession d'elle-même. A ce prix seul, elle se développera et deviendra prospère, dans la plénitude de sa liberté.

C'est dire assez qu'à notre avis l'intervention directe de l'État, par l'administration des haras, n'est point de nature à provoquer les améliorations nécessaires, dans la situation actuelle de nos races chevalines. Les zootechniciens les plus compétents

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sont même unanimes pour reconnaître que la nécessité de ces améliorations a été rendue plus impérieuse, par le fait des résultats malheureux produits sous l'influence de l'administration. Elle n'a pu jamais et ne pourrait encore que mettre obstacle à l'application des principes et des procédés de perfectionnement que nous avons dé veloppés. Les doctrines que nous avons combattues ont toujours été et sont encore les siennes. Il ne pouvait en être autrement. Nos critiques retombent donc en plein sur l'institution, et il n'est pas à croire qu'elle puisse s'en relever, aux yeux de ceux qui font quelque cas de la science, de la logique et du bon sens.

Approbation des étalons particuliers. Impuissante à fournir par elle-même à l'industrie chevaline tous les étalons qui lui sont nécessaires, l'administration des haras a songé à intervenir directement dans le choix de ceux qui lui son offerts par les particuliers, au moyen d'une approbation officielle, à laquelle est attachée une prime plus ou moins forte. Cette mesure rentrerait dans la catégorie des encouragements, c'est-à-dire qu'elle ressortirait à l'intervention indirecte, si, dans son application, elle ne rendait obligatoire l'autorité des employés de l'administration.

Il est facile de concevoir, en effet, que par cela même les approbations et les primes ne peuvent être décernées qu'en vue du système qui domine dans cette administration, et toujours au point de vue absolu en dehors duquel celle-ci ne peut plus exister. Il suffit de jeter un coup d'œil sur le titre VII du décret de 1860, où est établi le tarif des primes aux étalons approuvés, pour saisir la portée que peut avoir la mesure dont il s'agit. Ce tarif comporte trois catégories d'étalons approuvés, et pour chacune d'elles une quotité qui donne la mesure à la fois de la doctrine administrative, et de l'importance relative accordée à celles-là. Ces catégories sont fixées ainsi :

Pour un étalon de pur sang.....
Pour un étalon de demi-sang...
Pour un étalon de trait.......

de 500 à 1,500 fr.
de 400 à 1,000 fr.
de 300 à 500 fr.

Le décret ajoute: Toutefois, pour les animaux d'une valeur élevée et d'un mérite exceptionnel, les primes indiquées au paragraphe précédent pourront atteindre les quotités ci-après :

Pour un étalon de pur sang....
Pour un étalon de demi-sang...
Pour un étalon de trait.....

3,000 fr.

1,500 fr.
800 fr.

En outre, des primes de 200 à 600 fr., de 100 à 600 fr. et de 100 à 300 fr., sont attribuées aux poulinières suitées de ces trois catégories.

Tout cela pourrait être fort bien pour stimuler l'industrie privée, n'était l'influence directe de l'administration des haras. Ainsi que nous l'avons vu, celle-ci est forcément conduite à se préoccuper moins, dans les approbations, des nécessités locales que du système général qu'elle a toujours suivi et qu'elle suivra toujours plus ou moins, parce qu'il est son unique raison d'être.

ne conçoit pas que des améliorations puissent être réalisées dans les races légères, en dehors de ce qu'elle appelle pur sang et demi-sang. Le plus bel étalon pur de ces races, réunît-il les conditions de conformation et d'aptitude les plus rapprochées possible de la perfection, ne saurait prétendre ni à son approbation, ni à sa prime. Elle admet cela pour les races de trait, et c'est un progrès dont nous devons lui savoir gré, — mais, quant aux chevaux légers, ce lui paraît évidemment impossible.

L'intervention directe de l'État dans le perfectionnement des races chevalines légères conduit donc de toute nécessité et sous toutes ses formes à la doctrine absolue du croisement par le pur sang, dont nous avons déterminé la valeur. Cela suffit pour la faire condamner quant à l'approbation des étalons particuliers, comme nous avons dû le faire pour le rôle principal de l'administration des haras. La zootechnie scientifique ne se prête pas, encore une fois, aux pratiques généralisées; ses principes fondamentaux seuls sont absolus, et ce sont eux précisément qui s'opposent à cette généralisation. Les pratiques doivent être variables comme les conditions et les circonstances. Nous avons vu précédemment que dans l'état de notre économie rurale, l'amélioration des espèces animales ne peut être réalisée qu'en prenant la sélection pour règle, le croisement pour exception. Or, l'État est ici en opposition formelle avec la science, c'est-à-dire avec l'observation judicieusement interprétée.

C'est, on ne saurait trop le répéter, une conséquence normale et rigoureuse du faux principe de la centralisation. Ce faux principe, au lieu de conduire, comme il l'a fait jusqu'à présent, l'administration à ériger le croisement en système, l'eût-il conduite à en faire de même de la sélection, pour être moins désastreux, puisque la sélection ne saurait faire de mal à aucune race, ce système également absolu n'en eût pas pour cela été moins condamnable, attendu qu'il nous aurait privés d'un moyen qui a sa raison et son utilité dans un grand nombre de cas.

L'approbation des étalons particuliers par l'État ne peut donc être considérée comme un moyen de

provoquer les améliorations zootechniques. Telle qu'elle est pratiquée sous l'empire de la législation actuelle, elle peut, le cas échéant, être bonne pour les races de chevaux de trait, encore bien que celles-ci, de l'avis de tout le monde, n'aient guère besoin d'encouragements ni de direction. Les débouchés faciles et avantageux que rencontrent leurs produits, les conditions économiques dans lesquelles ces derniers s'élèvent, sont pour les éleveurs un stimulant suffisant. Mais les inconvénients du croisement des races légères avec le prétendu pur sang nous ont été révélés, pour le plus grand nombre d'entre elles, par une expérience déjà longue. On ne peut donc accepter sans la combattre une mesure qui y entraîne nécessairement. Il y a là, pour le budget, une dépense que l'on voudrait pouvoir considérer comme seulement inutile. Mais on est bien obligé de lui donner son véritable caractère, qui est de provoquer, par

On en voit la preuve dans son tarif même. Elle l'appât de primes assez fortes, l'industrie étalon

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nistration atteindre des prix élevés. Ils semblent à présent, au moins pour quelques-uns, jouir d'une faveur moins grande; mais cela tient seulement à ce qu'ils ont dans l'industrie privée une concurrence qui les ramène à leur prix normal.

nière des pays propres à l'élève du cheval de selle, à se pourvoir d'étalons qui ne se sont montrés jusqu'à présent que trop capables de faire. perdre à ce cheval les qualités natives qui l'ont pendant longtemps rendu si précieux dans le Limousin, l'Auvergne, la Navarre et tant d'autres lieux.

Bergeries et vacheries de l'État. - Le gouvernement intervient encore directement, mais d'une façon moins générale et plus rationnelle. dans la production des espèces bovine et ovine. Il se fait producteur d'animaux de ces deux espèces appartenant à des races étrangères réputées propres à l'amélioration des nôtres, et les met ensuite chaque année en vente aux enchères publiques. L'ardeur des enchères témoigne de la faveur accordée par les éleveurs aux produits des bergeries et des vacheries de l'Etat, dont ils viennent se disputer l'acquisition de leur propre mouvement, pour les employer dans leurs opérations zootechniques particulières.

Ici le gouvernement est dans son rôle normal d'initiateur. Il lui appartient de montrer la route du progrès et de faire, au nom de l'intérêt public, les expériences chanceuses nécessitées par l'étude de ce même progrès.

L'introduction et l'acclimatation des mérinos, qui ont rendu à jamais célèbres les noms de Tessier et de Daubenton; la même conquête réalisée par M. Yvart pour les races anglaises de Dishley, de New-Kent, de Southdown, sont des titres suffisants pour justifier l'utilité des bergeries nationales, sans parler des expériences à plusieurs égards heureuses qui ont été entreprises et poursuivies dans ces établissements.

C'est en effet la fonction de l'État, de prendre à sa charge de telles expériences. La raison en est que personne ne serait aussi bien en mesure de les entreprendre et de les mener à bonne fin, dans l'intérêt public. Quelle que soit leur issue, les particuliers en profitent. Si elle est heureuse, ils y trouvent un motif de tirer parti, pour leur propre intérêt, des faits qu'elles ont mis en lumière; si elle est malheureuse, ils se trouvent avertis d'avoir à éviter la voie dans laquelle ces expériences ont été tentées. Leur mérite est d'être des moyens d'étude et de démonstration; elles ne portent aucune atteinte à la liberté des producteurs, qui demeurent parfaitement maîtres de ne point acquérir les animaux mis en vente par l'administration.

Les vacheries et bergeries, ayant toujours été administrées comme une dépendance de la direction de l'agriculture, au contraire des haras, ont toujours été considérées, pour ce motif sans doute, comme subordonnées aux convenances agricoles. Si l'esprit de système a quelquefois tenté de s'y introduire, il n'a jamais pu s'y maintenir; et ces établissements n'ont pas cessé d'être de véritables exploitations expérimentales, au point de vue spécial de leur institution. Au début, les animaux reproducteurs offerts aux enchères furent peu recherchés, et c'est à grand'peine que l'on parvint à s'en défaire. A mesure que le progrès se fit dans les esprits, les tentatives d'amélioration devinrent moins rares, et bientôt on vit les élèves de l'admi

En somme, les établissements comme ceux dont nous nous occupons sont avant tout des moyens d'étude et d'instruction. A ce titre, les services qu'ils ont rendus déjà et ceux qu'ils peuvent rendre encore ne sont point douteux. Ils méritent donc d'être placés au premier rang, parmi les institutions propres à provoquer les améliorations en zootechnie.

Étalons départementaux.

Bon nombre de Conseils généraux, en vue de l'amélioration du bétail de leur département, votent des fonds pour l'acquisition d'étalons, qui sont ensuite répartis dans les localités où ils sont reconnus nécessaires. Cette répartition se fait de diverses manières : ou bien, comme c'est le cas le plus général, les étalons sont confiés à des particuliers, qui prennent l'engagement de les livrer à la saillie des femelles pendant un temps déterminé et à des conditions convenues, au bénéfice d'en devenir ensuite propriétaires gratuitement; ou ces étalons sont mis en vente aux enchères ou de gré à gré, suivant ce qui paraît le plus convenable, eu égard à l'état des esprits.

On peut dire qu'en principe c'est là une bonne mesure. Dans l'application, on le conçoit, elle vaut ce que valent les idées sous l'empire desquelles elle est réalisée. Toutefois, l'expérience montre qu'en général elle peut être considérée comme étant bien appliquée. Le seul reproche qu'on lui ait fait doit être pour nous un éloge véritable. On a reproché aux Conseils généraux de se troppré occuper, en cette affaire, de l'intérêt de leur département et pas assez de l'intérêt public; ce qui veut dire qu'ils ont une tendance à ne point faire plier les nécessités locales qu'ils observent, aux exigences de l'esprit de système qu'ils contrecarrent dans ses prétentions.

Les Conseils généraux, en effet, composés d'hommes qui voient de près les choses de la pratique, et renseignés d'ailleurs par les études des zootechniciens de leurs localités, par les délibérations des associations agricoles, dont leurs membres font partie pour la plupart, les Conseils généraux introduisent les étalons qui conviennent à ces localités, parce qu'ils appartiennent à la race la plus propre à donner des bénéfices aux éleveurs. S'il arrive quelquefois que l'erreur l'emporte sur cette condition première de toute saine zootechnie, il faut reconnaître que c'est très-exceptionnellement. Et c'est là le motif des plaintes de ces hippologues transcendants, qui ont la naïveté de croire et de vouloir persuader aux autres que la production animale doit être avant tout une affaire de patriotisme. Dans leurs conceptions pessimistes, ils nous voient toujours sur le point d'être envahis par l'étranger, et gémissent sur cette rengaîne que nous serions, défense, ses tributaires à perpétuité. Que de phrases creuses ont été débitées sur l'exportation de notre or!

pour notre

Il faut pourtant bien que l'on sache que le véritable élément de force, pour une nation, est dans sa richesse, et que le meilleur moyen pour elle d'assurer cette richesse, c'est de se livrer partout et toujours à la production des objets qu'elle peut produire aux meilleures conditions, c'est-à-dire avec les plus grands bénéfices. Les faits surabondent à l'appui de cette assertion, et si c'était ici le lieu, l'on n'aurait que l'embarras du choix pour en citer.

Dans la question des étalons départementaux, on ne saurait donc trop approuver les conseils généraux d'encourager seulement la production des animaux les plus avantageux pour leurs départements respectifs. S'il n'est pas toujours exact de dire que l'intérêt public se compose de l'ensemble des intérêts particuliers, d'une manière absolue du moins, c'est cependant dans ce cas une incontestable vérité. Nous ne croyons pas que l'on puisse trouver un seul exemple, en matière de production, où l'intérêt public ne concorderait pas avec la satisfaction des groupes divers d'intérêts collectifs.

Tant qu'une intervention administrative sera nécessaire en zootechnie, de quelque ordre qu'elle soit, il est permis d'affirmer qu'elle aura d'autant plus de chances d'être efficace et utile, qu'elle sera plus rapprochée des objets auxquels elle se rapporte, qu'elle s'appliquera à des circonscriptions plus restreintes, à des sujets moins divers. Cela conduit à reconnaître que son dernier terme est la collectivité des intéressés au même degré qui, en bonne administration, devraient seuls la diriger. | En attendant que l'instruction économique ait accompli chez nous la mission qui lui appartient; en attendant que la masse des producteurs ait acquis par cette instruction la notion nette de son véritable intérêt, il appartient aux administrations publiques, éclairées et guidées par les hommes spéciaux qui font des questions dont il s'agit l'objet de leurs persévérantes études, de prendre l'initiative du progrès et de mettre à la disposition des intéressés les moyens de le réaliser. C'est en ce sens que les étalons départementaux ou communaux, à quelque espèce qu'ils appartiennent, que ce soient des chevaux, des taureaux, des béliers ou des verrats, ont encore à remplir un rôle utile dans l'amélioration du bétail. Ils peuvent, à coup sûr, remplacer avantageusement ceux de l'administration des haras, précisément en raison du seul reproche qui leur ait été adressé; car, aussi bien que ces derniers, ils suppléent à l'impuissance de l'industrie privée, si impuissance il ya, et ils ont toutes chances d'être mieux qu'eux appropriés aux exigences de la localité. Choisis ordinairement par ceux-là même qui ont un intérêt personnel et direct à ce qu'il en soit ainsi; n'entraînant d'autres frais que ceux de leur achat, et ne nécessitant point cet ensemble de bureaux, d'employés de tous les degrés, pour lesquels le soin de leur propre conservation prime nécessairement tout le reste, attendu qu'on ne saurait fonder aucune organisation administrative sur le dévouement et le désintéressement : les étalons départementaux ont sur ceux de l'État tous les avantages.

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que les

On dira, nous nous y attendons, départements ne peuvent pas, comme l'État, faire les sacrifices nécessaires pour l'acquisition de ces étalons hors ligne de l'espèce chevaline, de ces étalons de tête, en style d'amateur, qui, à l'exemple de Physician, de Flydershman et de quelques autres, ont coûté à l'administration des haras au delà de 60,000 francs. A cela, l'on pourrait répondre qu'ils le feraient fort bien, s'il leur était démontré que cela fût nécessaire pour le bien des intérêts qu'ils ont à sauvegarder. Mais, d'ailleurs, a-t-on exactement supputé la somme des avantages réels produits par le concours de ces privilégiés de l'espèce, dans notre industrie chevaline? Nous n'avons jamais vu nulle part, pour notre compte, que des déclamations à cet égard; et nous voudrions des preuves pour être convaincu. On a bien rencontré, dans la descendance de ces célébrités, des vainqueurs de l'Hippodrome, comme eux; mais c'est en vain qu'on cherche des chevaux de service. Il est vrai que ceux qui ont écrit leur histoire ne s'occupent point de ces derniers.

Or, ce n'est que de ceux-ci que nous devons nous occuper, nous qui visons aux choses pratiques, aux choses utiles. Ce que nous savons, c'est qu'il faut, pour notre utilité, des chevaux solides, durs à la fatigue, rustiques, peu accessibles aux accidents, d'un élevage facile et avantageux, et ayant en outre, si c'est possible, des formes agréables à l'œil. Il ne paraît point que ces étalons, dits de tête, nous aient donné de ces chevaux. Que serait-il arrivé de pis, si nous ne les avions pas eus?

Il est bien vrai que les hommes pratiques des Conseils généraux n'introduisent point le pur sang, ou seulement le demi-sang, dans les départements où prospèrent les races de trait, ou ce que l'on appelle l'industrie mulassière; il se pourrait même qu'ils ne le fissent pas davantage dans ceux qui sont propres à l'élevage du cheval léger; mais quel esprit compétent et sensé pourrait les en blâmer? Mieux placés que qui que ce soit pour se déterminer d'après l'observation et l'expérience, ils feraient ce que font déjà ceux qui ont cru devoir intervenir : ils favoriseraient l'industrie la plus appropriée aux conditions locales, chevaline, bovine ou ovine, et cela sans parti pris pour aucune, par sélection ou par croisement, suivant les cas. Ils feraient, en un mot, de la science et de la saine économie, au lieu de faire de la pure fantaisie.

C'est donc ici tout simplement une affaire de décentralisation administrative. L'intervention directe dans la production animale, en tant qu'elle peut être encore nécessaire pour la fourniture des étalons aux éleveurs, paraît devoir logiquement être bornée aux départements, et non point embrasser l'État tout entier. Eux seuls peuvent préparer l'émancipation complète de l'industrie privée, parce qu'ils n'ont aucun intérêt, ni à la combattre, ni à la retarder. Rien de plus naturel, pour une administration départementale, que de s'effacer devant l'initiative individuelle propre à rendre son intervention inutile: en le faisant, elle se débarrasse d'une charge, qui n'est qu'un des détails nombreux de ses attributions; rien de

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