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large sert à introduire et à extraire l'engrais; l'autre, placée ordinairement du côté du nord, sert à donner de l'air et à favoriser la fermentation. Cette fermentation dure plusieurs mois et a pour but de rendre la courte-graisse plus active, plus promptement assimilable.

On la répand en automne, en hiver et au printemps, dans la proportion de 50 à 200 hectolitres par hectare, selon l'état de fertilité du terrain, selon qu'on veut donner une fumure complète ou simplement une fumure supplémentaire, selon que l'on a affaire à des récoltes industrielles trèsexigeantes, ou à des récoltes qui se contentent de peu, selon enfin que l'engrais est très-puissant ou plus ou moins affaibli. Tantôt on l'emploie pure, tantôt on y ajoute de l'eau, du purin d'étable et des tourteaux.

En raison même de l'effet rapide des matières fécales, il convient de les appliquer au sol très-peu de jours avant les semailles et de les recouvrir de suite avec la herse. Quand on les applique à des récoltes levées, il faut choisir un temps couvert ou brumeux, et saisir autant que possible le moment où la reprise de végétation est sur le point de commencer.

Comme dans le nord de la France, on conduit la courle-graisse dans un tonneau, parmi les champs, et on en remplit un baquet vide, (fig. 16,

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et 17) muni de crochets et transportable de distance en distance. Une fois le baquet rempli, on y puise l'engrais avec une écope à long manche, au moyen de laquelle on le lance également à de grandes distances (fig. 18, 19, 2, 20 et 21.) Pour que la répartition soit bien uniforme, il faut nécessairement confier ce travail à des ouvriers exercés.

Fig. 17.

Dans certains cas, en temps de soleil, par exemple, l'épandage à l'écope aurait des inconvénients; l'engrais désorganiserait les feuilles des végétaux ou les salirait. Aussi, quand il s'agit de fumer du tabac ou des pommes de terre, on fait ruisseler l'engrais dans des rigoles, entre les lignes plantées, ou bien on le verse avec une cuillère dans un trou pratiqué au pied de chaque plante. M. Fouquet indique, en outre, une méthode qui nous était inconnue. - « Un homme, dit-il, porte T'engrais dans une espèce de hotte en bois, fixée sur le dos, maintenue par des courroies ou de

Fig. 22.

dans la Flandre, la courte-graisse, bien que trèsénergique et très-coûteuse, ne dispense pas de l'emploi du fumier de ferme. Voilà le secret des l'on Ꭹ obtient. prodigieuses récoltes que

Schwerz rapporte que dans notre département des Alpes maritimes (ancien comté de Nice), chaque cultivateur entretient devant sa ferme une guérite pour engager les cavaliers qui passent à mettre pied à terre. Les Chinois vont plus loin encore, puisque, au dire de certains voyageurs, on nourrit les hommes pour avoir leurs excréments et qu'on leur fait toutes sortes de gracieusetés pour les retenir et les empêcher de les porter plus loin. En Chine, les matières fécales constituent la fumure principale, mais pour les employer, on les mêle avec de l'argile et l'on en forme des pains appelés taffo, pains que l'on vend dans toutes les villes de l'empire et que l'on pulvérise au moment de les répandre sur les récoltes. Il suit de l'usage presque exclusif de cet engrais qu'il n'y a point de mauvaises herbes parmi les champs.

Il résulte de l'analyse des matières fraîches, qu'elles contiennent du carbonate de soude, du sulfate de soude, du sel marin et des phosphates de chaux, d'ammoniaque et de magnésie. Il va sans dire que les proportions sont très-variables et qu'il

existe de grandes différences de qualité entre les excréments humains. Tant vaut la nourriture de l'homme, tant valent ses déjections. Les vidanges des grands restaurants sont bien supérieures à celles des casernes, des hôpitaux et des prisons. Les vidanges allongées avec des eaux sales ne valent point les vidanges épaisses. Les cultivateurs le savent bien. -« C'est, au reste, dit Van Aelbroeck, un genre de connaissance très-commun chez les fermiers intelligents, que de savoir à quoi s'en tenir sur la qualité des vidanges, à ne les juger que d'après l'odeur et la couleur. »

On nous assure que dans la Flandre et le Hainaut, les excréments solides et liquides d'un homme, par année, sont estimés 46 fr. environ.

Dans ces contrées, les jours choisis pour l'épan; dage de la courte-graisse sont véritablement des jours de fête, car les ouvriers reçoivent une haute paie, non pour les récompenser d'un travail répugnant, mais d'un travail assez rude. Personne ne songe à se plaindre des mauvaises odeurs qui infestent parfois l'atmosphère d'Anvers à Gand; quand, à pareille époque, il arrive à un étranger de trouver la distance un peu longue, même en chemin de fer ou de se terrir le nez dans un mouchoir parfumé, c'est à qui rira et se moquera. Cependant, soyons justes et reconnaissons qu'un voyage dans le pays de Waës, au mois d'avril ou vers la fin de mars, n'a pas tous les agréments qu'on pourrait désirer. Nous en savons quelque chose par expérience, et l'avouons tout naïvement, malgré notre amour profond pour l'agriculture et notre admiration pour les engrais. Donc, où l'habitude des choses n'est pas devenue une seconde nature, il nous semble tout naturel que l'on y regarde à deux fois avant de manier de main de maître l'engrais humain, et que l'on cherche divers moyens de le transformer de telle sorte que la vue et l'odorat ne soient plus contrariés.

La désinfection des vidanges, leur transformation en une matière qui ne répugne à personne, a son mérite sans doute, puisqu'elle fait admettre un tel engrais par ceux qui jusqu'alors l'avaient repoussé, et que la richesse publique y trouve son compte; mais elle a, en retour, l'inconvénient d'amoindrir l'énergie des vidanges en ralentissant soit leur décomposition, soit leur assimilation. Vous nous répondrez peut-être que ce que l'on perd en effet rapide, on le gagne en durée. Nous le croyons sans peine, mais les cultivateurs qui recherchent les matières fécales, préfèrent de beaucoup la rapidité de l'action à sa durée, et n'ont pas tort. Ce qu'ils veulent, avec les colzas et le tabac surtout, c'est le prompt développement de la feuille; ce qu'ils veulent, avec les céréales qui ont souffert des rigueurs de l'hiver, c'est un prompt rétablissement. Donc, en ceci, les produits désinfectés manquent le but. Notez, en outre, que tout en valant moins, sous ce rapport, que les produits non désinfectés, ils ont le désavantage de coûter beaucoup plus cher.

Maintenant que la distinction est suffisamment établie, parlons des diverses modifications que l'on a fait subir aux vidanges, afin de triompher du dégoût des populations. Nous commencerons par la poudrette. C'est de la matière fécale, débarrassée

de ses parties liquides, exposée à l'air pendant plusieurs années, dégagée de ses plus mauvaises odeurs et réduite à sa plus simple expression; en deux mots, voici comment on prépare la poudrette: de vastes bassins en maçonnerie ou en terre glaise et de peu de profondeur, au nombre de quatre ou cinq, sont disposés à la suite l'un de l'autre, en manière d'escalier, et communiquent entre eux par des ouvertures. On verse la matière fraiche dans le premier bassin ou bassin supérieur, puis, au bout de quelque temps, alors que la matière solide est allée au fond, on lève la vanne et la partie liquide se rend dans le second bassin, où les substances solides entraînées par l'eau se déposent à leur tour. Quand ce second bassin est rempli, on lève la vanne, et le liquide coule dans le troisième. bassin pour y former un autre dépôt, et ainsi de suite jusqu'au quatrième ou cinquième bassin qui déverse le liquide dans une rivière ou un puits perdu. Les matières épaisses, ainsi égouttées, sont enlevées avec des pelles de fer et placées sur une aire battue, légè rement inclinée et exposée à toutes les influences de l'air. Le soleil les dessèche, la pluie les mouille et entraîne des sels sur la pente du terrain ; la fermentation s'active ou se ralentit selon l'état de

l'atmosphère; les mauvaises odeurs s'exhalent peu à peu, et d'autant mieux qu'on manipule ces matières de temps à autre, qu'on les coupe, recoupe et les met sens dessus dessous. Cependant, malgré ces soins, il ne faut pas moins de trois ou quatre ans pour obtenir de la poudrette parfaite.

Dans ces derniers temps, on a proposé de substituer au procédé des bassins le procédé trèsexpéditif des bâtiments de graduation, dont nous n'avons pas à parler ici, parce que les projets ne sont pas des faits.

Il est évident que l'engrais humain, séparé des urines, lessivé par les pluies, maltraité de toutes les façons, a beaucoup perdu de sa richesse, lorsqu'il arrive à l'état de poudrette. Néanmoins, malgré ces pertes, il conserve encore une énergie remarquable et produit de bons effets dans les terrains argileux, à raison de 30 hectolitres par hectare. Mais il y a loin de son action à celle de la courte graisse, et Schwerz n'a pas eu précisément tort de se moquer un peu de nous, en disant :- <«< La transformation d'une si précieuse substance en poudrette, à la manière des Parisiens, est un procédé dont l'utilité entrerait difficilement dans la tête d'un cultivateur allemand. Réduire à la capacité d'une tabatière un tombereau d'excréments, est d'un résultat trop puéril, à raison de la quantité de substances perdues, pour pouvoir se justifier ailleurs que dans des villes d'une étendue démesurée, et autrement que par l'impossibilité d'emmagasiner des masses trop considérables. Partout ailleurs un pareil procédé est à considérer comme le nec plus ultra du gaspillage. »

Nous ne répondons pas à Schwerz, attendu qu'en agriculture on perd plus qu'on ne gagne à se constituer l'avocat d'une mauvaise cause.

Nous préférons le tuffo à la poudrette, autrement dit le procédé chinois au procédé français. Il est certain qu'un mélange de vidanges fraîches

et d'argile est plus riche en substances fertilisantes que de la matière lessivée et aux deux tiers usée par trois ou quatre ans de séjour à l'air. Nous le savons d'ailleurs par expérience. A Saint-Hubert (Belgique), nous avions l'habitude d'ouvrir un trou dans un tas de terre vierge, de nature argileuse, et d'y faire jeter les vidanges fraîches que l'on recouvrait aussitôt avec la terre en question, en une seule fois ou lit par lit. Au bout de quelques semaines, l'engrais avait pour ainsi dire disparu dans la terre et ne dégageait plus de mauvaise odeur. Nous n'avons eu qu'à nous féliciter de ce mélange. Alors même que la terre ne serait pas de nature argileuse, on arriverait à un résultat tout aussi complet. Oui ; mais ce procédé ne nous dispense pas du dégoût de l'extraction, et pour la plupart de nos cultivateurs, l'essentiel n'est pas de désinfecter les matières au sortir de la fosse, mais bien de les désinfecter avant l'extraction, sans quoi, dans un grand nombre de localités, on aurait de la peine à faire exécuter cette besogne.

Un industriel, M. Salmon, eut le premier l'idée de désinfecter les matières fécales dans la fosse même, au moyen d'une poudre charbonneuse. Quelque temps après, en 1834, un pharmacien de Meaux, M. Siret, voulut obtenir une désinfection plus complète et se servit, à cet effet, d'une poudre composée de charbon de bois, de couperose verte ou sulfate de fer, de sulfate de zinc et de plâtre. Le succès ne laissa rien à désirer et l'Inslitut décerna une récompense de 1,500 fr. à l'auteur de cette découverte. Avec 15 grammes de la poudre Siret, délayée dans un demi-litre d'eau, on peut chaque jour désinfecter les déjections d'une personne. Donc, une dose de 45 à 60 grammes par jour, valant moins de 5 centimes, suffirait à un ménage de trois à quatre personnes. Le procédé, malgré son mérite réel, ne s'est point vulgarisé, peut-être parce que l'introduction journalière du liquide désinfectant dans les fosses devenait une sujétion. On est donc revenu au procédé Salmon, après l'avoir modifié et amélioré. On a remplacé le poussier de charbon par des terres calcinées et des résidus de fabrique renfermant de l'acide sulfurique ou huile de vitriol, avec lesquels on brasse la matière fécale à sa sortie des fosses. Vers 1846 ou 1847, un essai de ce procédé eut lieu à Dijon sous nos yeux. En moins de cinq minutes, l'odeur des matières et leur consistance pâteuse disparurent, et l'on obtint une sorte de terre bien sèche, tout à fait inodore et que chacun pouvait employer sans répugnance. Voilà l'engrais connu sous le nom de noir animalisé, engrais Salmon et engrais Baronnet. On a dit que 15 hectolitres, à raison de 5 fr. l'hectolitre, suffisaient pour fumer un hectare; c'est une grosse erreur. Il n'en faut pas moins de 30 à 40 hectol.

Tout en reconnaissant le mérite du procédé perfectionné, nous faisons observer qu'il a sur le procédé primitif de Salmon et sur celui de Siret un désavantage capital, celui de ne pas triompher du dégoût que provoque l'extraction des matières. S'il convient à des vidangeurs de profession, il ne saurait convenir à des cultiva

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teurs; nous adressons le même reproche au procédé de M. Corne. L'essentiel pour nous, c'est que l'opération se fasse dans les fosses. On y réussit par divers moyens que nous allons indiquer rapidement.

Vous pouvez acheter, en fabrique ou chez un pharmacien de la ville, de la couperose verte ou sulfate de fer, comme disent les chimistes. Si vous avez à désinfecter une centaine de litres de matières, par exemple, vous ferez dissoudre 2 ou 3 kilogr. de cette couperose dans de l'eau chaude, mais en vous servant d'une chaudière ou d'une marmite au rebut, attendu que la couperose est un poison. Aussitôt la dissolution faite, vous y jetterez quatre ou cinq poignées de chaux, autant de charbon de bois pilé, deux ou trois pelletées de suie; vous verserez le tout dans la fosse, et vous remuerez avec un bâton. La mauvaise odeur disparaîtra comme par enchantement.

Vous pouvez encore adopter la recette de M. Girardin: « Pour 3 hectolitres de matières stercorales, dit-il, on projette dans les latrines, en remuant avec un grand bâton, 12 kilogr. de poussier de charbon, 1 kil. de plâtre cru et 1 kil. de couperose médiocre, réduits en poudre fine, et intimement mélangés à l'avance. Les matières peuvent être ensuite extraites sans qu'il se répande au dehors la moindre émanation désagréable. La dépense ne s'élève pas à 1 fr. 50, et la poudrette, qu'on obtient ainsi, a une efficacité bien supérieure à celle de la poudrette ordinaire et du noir animalisé du commerce. »>

Rien qu'avec un mélange de poussier de charbon, ou de tourbe bien sèche, de sciure de bois, de tannée, de plâtre et de terre cuite, on obtiendrait la désinfection des fosses d'aisances. A défaut de tannée, on pourrait se servir de balles d'orge ou d'avoine. Suivant M. Schmitt, 133 litres de charbon de bois en poudre suffisent pour désinfecter 10 hectolitres de matières.

Enfin, avec 12 kil. de plâtre cuit et pulvérisé et 2 kil. de poussier de charbon, on désinfecte et l'on solidifie de suite l'engrais humain produit dans une année par un individu.

Colombine. La colombine, dans la véritable acception du mot, ne comprend que les déjections du colombier, que les excréments de pigeons. Très-fréquemment, cependant, on comprend sous cette désignation les déjections de tous les oiseaux de basse-cour, ce qui est un tort, attendu qu'elles ne se valent pas indistinctement et qu'il y a une distinction à établir. Les excréments de pigeons sont supérieurs à ceux des poules et des dindons, et ceux des poules et des dindons sont bien préférables à ceux des oies et des canards. Cette différence paraît tenir aux divers modes d'alimentation. La nourriture des pigeons, qui se compose surtout de graines sèches et riches, fournit nécessairement un engrais moins aqueux, plus chaud, plus puissant que la nourriture des autres volatiles, dans laquelle il entre plus ou moins d'herbe.

La colombine possède, sur la plupart des autres engrais, l'avantage de n'être exposée ni au soleil ni à la pluie et de conserver, ainsi à couvert dans les

pigeonniers, toute sa richesse et toute sa force. Il n'est pas un seul cultivateur qui méconnaisse son activité mais comme on ne peut se la procurer que par petites quantités, n'en a pas qui veut, et on ne l'applique d'habitude qu'à titre d'engrais auxiliaire, sur des cultures de printemps ou sur des récoltes qui ont pâti des rigueurs de l'hiver, afin de les relancer vigoureusement.

« Lorsqu'on a un colombier dans l'exploitation, écrit M. de Dombasle, on ne doit jamais mêler aux autres fumiers celui qu'on en retire; on doit faire sécher la colombine, si elle n'est pas bien sèche lorsqu'on la recueille, la réduire ensuite en poudre au moyen du fléau ou de toute autre manière, et la répandre à la main sur les récoltes en végétation, ou au moment de la semaille, au mois de mars ou d'avril, sans l'enterrer; de cette manière, elle produit bien plus d'effet qn'en la mêlant aux autres fumiers. »>

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<< La colombine, écrit de son côté M. Boussingault, est connue pour un engrais chaud, tellement actif qu'il faut en user avec prudence. Le fumier de pigeons convient à toutes les cultures. Les cultivateurs flamands (France) se procurent la colombine dans le département du Pas-de-Calais, où il existe de nombreux pigeonniers. On loue un pigeonnier à raison de 100 francs par an, pour la fiente de 600 à 650 pigeons; c'est ordinairement la charge d'une voiture. Dans les environs de Lille, on emploie particulièrement cet engrais sur le lin et le tabac. Selon M. Cordier, la fiente de 700 à 800 pigeons suffirait pour fumer un hectare | de terrain. On peut juger la valeur de la colombine par la forte proportion d'azote qu'elle renferme celle de Bechelbronn en contient 8,33 pour 100. Ce résultat ne doit pas surprendre, quand on sait que la matière blanche qui se trouve mêlée à la fiente des oiseaux est de l'acide urique presque pur. »

Schwerz, dont l'autorité ne doit jamais être oubliée, conseille de faire litière aux pigeons et aux poules avec des balles de grains, de la sciure de bois, du sable, des chenevottes ou de la paille de lin, d'y recevoir les déjections de la volaille, d'enlever souvent ce fumier et de le conserver en lieu couvert jusqu'au moment de s'en servir. D'après lui, la colombine répandue avec la semence des céréales, produit sur les terrains humides, froids et tenaces, les plus grands effets qu'il soit possible d'obtenir d'un engrais quelconque. Il l'a appliquée avec beaucoup de succès sur le trèfle, mélange avec de la cendre de houille. Il recommande de l'employer par un temps calme, un peu humide mais non mouillé. Sur ce point, d'ailleurs, tous les praticiens sont d'accord.

en

M. Fouquet nous dit que dans les Flandres belges, la colombine est surtout recherchée pour les plantes industrielles, telles que lin, colza, etc.; quand on peut se la procurer en quantités suffisantes, on s'en sert de préférence pour les récoltes de lin, à la dose de 20 à 25 hectolitres par hectare. Sur les céréales en retard, on se contente d'une dose de 6 à 10 hectolitres.

Olivier de Serres, qui tenait la colombine en haute faveur, affirmait qu'elle convenait essentiellement aux vignes et qu'elle donnait de la qua

lité aux vins. M. le comte Odart lui attribue, au contraire, une influence fâcheuse et recommande de ne pas l'employer seule sur les vignes. Nous appelons donc sur ce point l'attention des vignerons de la Haute-Garonne qui l'appliquent communément au potager, au lin et à la vigne.

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La colombine fraîche ne convient pas aux récoltes; il faut de toute nécessité qu'elle soit desséchée et pulvérisée le mieux possible. Dans les temps de sécheresse soutenue, elle n'agit pas ou n'agit guère; quand une pluie arrive quelques jours après l'épandage, l'effet est rapide et merveilleux; mais par cela même que l'effet est rapide, il a peu de durée. Le plus souvent, on sème la colombine sans l'enterrer; quelquefois cependant on la recouvre par un léger coup de herse. On perd beaucoup à trop la recouvrir.

Dans la culture potagère, la colombine rend de grands services. Voici, selon nous, la meilleure manière de s'en servir: On la pulvérise bien et l'on en jette quelques poignées dans l'arrosoir. On la délaye dans l'eau et l'on arrose avec le goulot le pied des plantes que l'on veut pousser. Elle précipite le développement de tous les légumes, mais son effet est surtout remarquable sur les plantes de la famille des cucurbitacées, telles que courges, pâtissons et concombres, et aussi sur les oignons.

Poulaitte ou poulinée. C'est le nom que l'on donne aux déjections des poules et des dindons. La poulaitte ne vaut pas la colombine, mais elle s'en rapproche beaucoup. On doit s'en servir exactement de la même manière, sur les mêmes récoltes et dans les mêmes circonstances. Nous ajouterons qu'elle est très-favorable au chanvre, et, à ce propos, nos lecteurs se rappelleront que le chènevis fait assez souvent partie de la nourriture des poules. L'application de la poulaitte aux chenevières est donc une restitution normale.

Les excréments d'oies et de canards ne sont recueillis qu'accidentellement, parce que ces volatiles sont plus souvent hors de la ferme que dans l'intérieur. Quand on nettoie les loges, on doit jeter les déjections sur le fumier, ou dans l'eau des citernes. On les redoute beaucoup sur les prairies, parce qu'elles y tombent à l'état frais; il en serait ainsi des déjections de pigeons et de poules, appliquées dans le même état. Donc, de ce que les excréments de canards et d'oies surtout font du mal à l'herbe, il ne faut pas conclure au rejet pur et simple de ces excréments. S'ils étaient desséchés, ils ne seraient pas à dédaigner.

Guano. — On nous permettra de ne pointclasser cet engrais parmi ceux du commerce. Si les hommes l'exploitent, le transportent et le vendent, il n'en est pas moins vrai qu'ils ne sont pour rien dans sa fabrication, à moins qu'ils n'y mettent de temps à autre la main pour le frauder. Ce sont les oiseaux de mer qui l'ont fait ; c'est une colombine, une poulaitte particulière, un amas d'excréments qui datent de plusieurs siècles et qui rendent aujourd'hui de signalés services à l'agriculture. Ces

excréments sont-ils fossiles ou ne le sont-ils pas ? | répandent une forte odeur d'ammoniaque par la Peu nous importe, ceci n'est point notre affaire; décomposition des matières azotées. l'essentiel c'est qu'ils fassent pousser de bonnes récoltes et ne coûtent pas trop cher, car en agriculture, nous cherchons le bénéfice net avant la gloire, et du moment que le prix de revient des fumures compromettrait le profit, nous en ferions peu de cas.

Il en est du guano comme de tous les engrais. Sa qualité est nécessairement subordonnée à la nourriture des oiseaux qui l'ont fourni et aux circonstances au milieu desquelles il s'est conservé jusqu'à ce jour. Les oiseaux de mer qui ont le mieux vécu ont fourni le meilleur guano; les climats sous lesquels il est tombé le moins de pluies sont ceux qui naturellement possèdent les dépôts de guano les moins lessivés et par conséquent les plus riches en sels solubles et les plus énergiques. On s'explique, d'après cela, les distinctions de valeur établies entre les différents guanos, selon les lieux de provenance.

Les principaux dépôts de guano se trouvent dans certaines îles de la mer du Sud, sur les côtes du Pérou et sur quelques points de la côte d'Afrique. M. de Huniboldt qui avait été témoin des excellents résultats obtenus chez les Péruviens avec cet engrais, le signala de suite à l'attention des cultivateurs de la vieille Europe, dans les premières années de ce siècle, mais l'introduction se fit longtemps attendre. Il n'y a pas plus de quinze à vingt ans que nos cultivateurs connaissent cet engrais. Aujourd'hui, la consommation que l'on en fait est énorme; malheureusement, l'appât du gain et la fièvre de la concurrence ont amené la fraude et affaibli la confiance des cultivateurs. Il existe sans doute des moyens de distinguer le guano pur du guano falsifié, mais les praticiens ont bien rarement recours à ces moyens qui ne leur paraissent pas assez expéditifs. Leur grand tort, à nos yeux, c'est de courir au bon marché. A notre avis, quant à présent, les meilleurs guanos sont précisément ceux qui coûtent le plus cher. Nous consignons un fait, rien de plus, fait qu'il serait imprudent de convertir en règle invariable. Les cultivateurs n'ont ni le temps nécessaire, ni les connaissances voulues pour dépister les fraudeurs d'engrais; ce travail délicat incombe naturellement à l'administration, à titre de devoir. La composition des guanos du Pérou et d'Ichaboë est connue; on peut donc les prendre pour types.

Les bons guanos contiennent surtout des phosphates terreux et des sels ammoniacaux, auxquels .il faut ajouter des sels de soude, de potasse, du plâtre ou sulfate de chaux, de l'humus et de l'eau. Hodges nous dit que dans les contrées, comme le Pérou, où il pleut rarement, les parties solubles des excréments desséchés par la chaleur du soleil subsistent pendant des siècles et que les matières qui contiennent de l'azote, ne se changent pas en composés volatils, de sorte que l'odeur d'ammoniaque se fait à peine sentir dans les échantillons bien conservés de guano du Pérou, tandis que ceux qu'on apporte des endroits qui ne sont pas situés aussi favorablement pour leur conservation, ne contiennent presque plus de sels alcalins et

Le guano agit rapidement et dure peu. Il ne doit pas dispenser de l'emploi des fumiers ordinaires ; les cultivateurs flamands ne l'ignorent pas et ne s'en servent qu'à titre d'engrais supplémentaire qu'ils sèment à raison de 300 ou 400 kilos par hectare, en automne, en hiver et surtout au printemps, parce que l'humidité de ces saisons favorise l'action de cet engrais pulvérulent. Quand on le répand sur une terre nue, on le recouvre de suite par un léger trait de herse, puis on ensemence; quand on le répand sur des récoltes levées, on se dispense de l'enterrer. M. Fouquet constate que dans les Flandres on applique le guano aux céréales d'automne et de printemps, aux betteraves, aux pommes de terre, au colza, aux jeunes trèfles; mais on l'évite dans la culture du lin, en terre légère surtout, parce qu'il altère la qualité de la filasse. Le guano est plus favorable au développement de la feuille qu'à celui de la graine.

Nous ajouterons que le guano produit d'excellents effets dans les champs de maïs et sur les prairies naturelles. Dans les Campines anversoise et limbourgeoise, où l'on crée d'immenses prairies, on l'a employé d'abord isolément sur les terres sablonneuses; mais on a remarqué qu'il ne faisait prospérer que la houque laineuse et la flouve odorante, tandis que toutes les autres graminées, ainsi que le trèfle et la lupuline, disparaissaient presque aussitôt levées. On l'a mélangé ensuite avec de la terre argileuse, et le succès a été complet. Ces faits, rapporte M. l'ingénieur Keelhoff, se sont produits sur deux prairies, l'une de 160 et l'autre de 80 hectares, où le guano avait été employé pour unique fumure; mais dès qu'il est accompagné d'un amendement argileux, ces phénomènes ne se présentent plus, et dès lors toutes les variétés de graines confiées au sol acquièrent la même vigueur.

Aujourd'hui, bien que le guano soit encore semé isolément dans beaucoup de localités, il est reconnu qu'il y a profit à l'utiliser en mélange avec d'autres substances. M. Huxtable, qui occupe un rang distingué parmi les agronomes anglais, a conseillé le mélange suivant quelques semaines avant les semailles: parties égales de guano, de sel marin et de plâtre. De bons fermiers anglais se contentent d'ajouter au guano des cendres de plantes marines; en Écosse, il est résulté d'essais comparatifs faits avec le plus grand soin que 10 000 à 14 000 kilogrammes de fumier de ferme mêlés avec 150 et jusqu'à 250 kilogrammes de guano donnaient une récolte plus considérable que 30 000 à 40 000 kilogrammes de fumier seul, et laissaient le terrain dans un état sinon plus, du moins aussi favorable pour les récoltes suivantes, avec moitié moins de dépenses pour l'engrais.

On peut se contenter de mélanger le guano avec trois ou quatre fois son volume de terre ordinaire bien divisée, ou avec un volume égal de cendres lessivées, ou avec du plâtre, ou avec du sel marin.

On a dit à ce propos que le principal mérite du plâtre et du sel marin consistait à retenir une partie des sels volatils du guano. Cette explication

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