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Schwerz dit le plus grand bien des cendres non

nable, seraient bien supérieures à la charrée. Les bois qui produisent la cendre pauvre en chaux ap-lessivées et de la charrée, et constate qu'une terre partiennent aux terrains schisteux, sablonneux, granitiques, c'est-à-dire à des terrains légers, poreux, à des climats plus ou moins rudes et pluvieux. Les pluies lessivent fréquemment et promptement le sol qui a besoin de renouveler la potasse enlevée plus facilement que de nos terres fortes.

On a dit des cendres qu'elles produisent d'excellents résultats parce qu'elles divisent le sol; cette explication donnée par les cultivateurs de terrains argileux, ne saurait être admise sans réserve, puisqu'elles accusent également ces résultats dans les terrains très-divisés. Cependant, à la rigueur, on doit reconnaître que les sols compactes qui, à la suite d'un cendrage, ont porté de riches récoltes, sont d'un labourage plus facile qu'auparavant; mais ceci ne tient pas, comme on le croit encore généralement, à la division qui serait opérée dans les argiles par une couche presque insignifiante de matières poudreuses. La véritable cause, à notre avis, est celle-ci : Par cela même que la charrée introduit dans les argiles un nouvel élément de fertilité, la chaux, les produits s'y portent mieux, s'y développent mieux. Or, plus une plante absorbe d'engrais pour se nourrir, plus elle prend d'eau, plus elle dessèche le terrain, et nous savons tous que moins une terre argileuse est mouillée, plus elle offre de facilité au travail de la charrue.

Les cendres de bois conviennent principalement aux terrains frais ou aux terres légères des climats humides ou brumeux. Elles n'agissent sur les terrains secs des climats doux que dans les années pluvieuses ou lorsqu'on les y enterre avec une récolte verte. Toutefois, il faut reconnaître que les sols trop mouillés leur sont défavorables et que les pluies battantes à la suite d'un cendrage, empêchent son effet de se produire. Cela tient à ce que, dans le premier cas, les racines des plantes ne fonctionnent point ou fonctionnent mal dans un sol trop mouillé, quelle que soit la qualité de l'engrais mis à leur disposition; et à ce que, dans le second cas, les eaux pluviales emportent l'engrais avec elles, soit hors des champs, soit dans les couches profondes et hors de la portée des racines. Ceci revient à dire que les cendres doivent être répandues sur des terres assainies d'abord, et par un temps qui ne fasse craindre ni pluies battantes ni pluies prolongées.

M. Fouquet rapporte que dans les Flandres belges, on consomme beaucoup de cendres de bois pour la culture des terres sablonneuses, et cela avec un plein succès, mais, en même temps, il a soin de faire observer que ces terres sablonneuses retiennent une assez forte proportion d'eau, au moins pendant l'hiver, et que les cultivateurs sont obligés de leur appliquer les modes d'assainissement usités dans les terres argileuses.

Par cela même que les cendres contiennent des alcalis, chaux et potasse, elles sont précieuses pour l'amélioration des terrains acides, qu'elles désacidifient. A ce titre donc, on en conseille avec raison l'emploi dans les sols tourbeux, les défriches récentes, les prairies plus ou moins aigres.

cendrée profite plus dans la suite des autres engrais que si elle ne l'avait pas été. Selon lui, la cendre des savonniers est la meilleure de toutes, parce qu'elle est chargée de calcaire et de substances animales incomplétement décomposées. Viennent ensuite la cendre des blanchisseries et celle des fabricants de potasse. L'effet de ces cendres se fait sentir pendant 8, 10 et 12 ans. Schwerz n'exagère pas; il reste même au-dessous de la vérité. On nous a montré dans l'Ardenne belge des parties de terrain qui ont reçu, il y a vingt-cinq ans, des résidus de la fabrication du salin, et qui se distinguent encore parfaitement des parties voisines qui ne reçurent pas de ces résidus.

On répand les cendres lessivées à raison de 40, 50, 80 et 100 hectolitres par hectare. Sur certains points de l'Allemagne, on va jusqu'à 150. L'opération se fait, soit au moment des semailles d'automne, soit à la sortie de l'hiver. En septembre, en octobre, on dispose ces cendres sur les champs par petits tas également distancés, que l'on éparpille ensuite à la pelle; après cela, on sème la céréale et l'on enterre du même coup la graine et l'engrais, tantôt avec la herse, tantôt avec la charrue, lorsque le semis se fait sous raie. Au printemps, on répand les cendres sur les récoltes levées, sur les tréflières, sur les prairies naturelles.

Les cendres conviennent tout particulièrement aux céréales, aux fèves, colzas, navets, lentilles, maïs, trèfles, vesces, pommes de terre, topinambours, prairies naturelles et vignes; et, pour ce qui regarde le potager, aux haricots, pois, épinards, tomates, artichauts, oignons, asperges et fraisiers.

Beaucoup de cultivateurs ont le tort, ceux-ci de jeter la charrée sur le fumier, ceux-là de l'exposer à découvert dans la cour. Dans le premier cas, on la transporte aux champs avec la partie de fumier qui en est chargée, et certaines places du terrain trop cendrées ne produisent rien; dans le second cas, l'eau des pluies appauvrit considérablement la charrée. Le mieux est donc de la conserver sous un hangar couvert et de la répartir le plus également possible, quand vient le moment de s'en servir.

Cendres noires. Van Aelbroeck, dans son Agriculture pratique de la Flandre, nous dit : — « On emploie encore sur les terres légères une autre espèce de cendre, composée d'un mélange de cendres de bois, de tourbe, de l'ordure du grain, de la paille du colza, enfin de tout ce qui se brûle dans les polders, dans le nord de la Flandre et dans les environs de Nieuport. Ces cendres arrivent en bateaux par le canal de Bruges à Gand. On leur donne le nom de cendres noires, et on les emploie beaucoup pour les jeunes trèfles et les prairies. Elles ne sont pas chères. »>

M. Fouquet qui, dans son Traité des engrais et amendements, désigne les cendres noires sous le nom de cendres de pailles, nous fournit des détails intéressants sur leur fabrication et leur emploi. - « Dans quelques localités des Flandres, dit-il, on prépare, en brûlant les déchets de paille, les

menues pailles, les balles de céréales et les déchets | du tarare, des cendres très-estimées. L'essentiel, dans cette préparation, consiste à diriger convenablement le feu, de manière à ce que la matière organique ne soit pas entièrement détruite, mais carbonisée. Ces déchets précités sont disposés sur le sol, en tas longs et étroits, afin de pouvoir diriger plus aisément la combustion. Celle-ci doit s'effectuer sans flammes, et quand on s'aperçoit que sur certains points de la masse, le feu agit trop vivement, on le modère en y projetant de l'eau. »>

Les cendres noires sont préférées aux cendres de bois pour la culture du lin, parce qu'on peut les répandre sans inconvénient sur le sol peu de temps avant de semer la graine de cette plante textile, tandis qu'il n'en est pas de même avec les cendres de bois.

Noirmoutiers, de cendres. » On l'emploie, à l'époque des semailles de printemps, sur la plupart des récoltes, mais particulièrement sur le sarrasin, et à raison de 100 hectolitres par hectare.

Cendres de tourbe. Dans les contrées où la tourbe est exploitée comme combustible, on fait plus ou moins de cas de ses cendres pour les besoins de l'agriculture. Leurs qualités dépendent de leur composition qui est extrêmement variable et subordonnée à la constitution géologique des localités. Les unes contiennent ou beaucoup de silice, ou beaucoup de chaux, ou beaucoup de plâtre ; les autres en contiennent fort peu; cellesci renferment de faibles doses de phosphates ou des sels de potasse et de soude; celles-là n'en renferment que des traces insignifiantes; la tourbe des marais de la vallée de la Somme ne ressemble pas à celle des environs de Soissons; la tourbe des terrains schisteux n'est pas à comparer à celle de la Hollande, en sorte que leurs cendres ne sont pas à comparer non plus.

Les meilleures cendres de tourbe, entre toutes, sont incontestablement celles de la Hollande, appelées aussi cendres de mer. On attribue leur supériorité à la présence du sel marin.

Il est à croire que la qualité des cendres noires tient à ce qu'elles sont préparées avec des plantes voisines de la mer, et contenant par conséquent du sel marin. Vraisemblablement, nos plantes de l'intérieur des terres ne donneraient pas les mêmes résultats, et ce que nous avons de mieux à faire avec celles-ci, quand il n'y a pas lieu de les utiliser d'une façon plus avantageuse, c'est de les brûler sur place et d'éparpiller les cendres sur le sol qui les Au dire de Schwerz et des praticiens les plus a produites, comme nous faisons avec les fanes de compétents, une cendre de bonne qualité doit être pommes de terre, avec les mauvaises herbes de blanche ou grisâtre et ne donner qu'un poids de chenevière, etc., et comme font encore quelques 50 kilog. par hectolitre. Plus elle pèse, moins elle cultivateurs des montagnes de Saône-et-Loire qui vaut. La couleur blanche ou grisâtre accuse une mettent le feu aux éteules après la moisson. Ce quantité considérable de substance calcaire, tandernier procédé, qui date des temps les plus re-dis que la couleur rouge indique la prédominance culés, n'a pas seulement, à nos yeux, le mérite de de l'argile. rendre au sol sous forme de cendres, une partie de ce qu'il a fourni aux plantes ; il a celui, en outre, de détruire beaucoup d'insectes nuisibles et d'anéantir la faculté germinative d'un grand nombre de mauvaises graines, répandues parmi les éteules. L'écobuage, enfin, nous fournit les cendres des débris végétaux accumulés depuis un temps plus ou moins reculé sur le sol des landes.

Cendres de plantes marines. Il en coûterait trop de transporter les plantes marines à une certaine distance du littoral; on les brûle donc incomplétement, afin de les utiliser à l'état de cendres. Les cultivateurs les estiment beaucoup et les achètent sous le nom de soude de varechs. On en prépare des quantités considérables sur nos côtes de la Basse Normandie et dans le département des Côtes-du-Nord, où, d'après M. Girardin, on les emploie seules, à la dose de 25 à 30 hectolitres par hectare, et à raison de 1 fr. 50 c. à 2 fr. l'hectolitre. Le chimiste anglais Hodges rapporte que la soude de varech se vend ordinairement sur les côtes d'Ulster, 75 fr. les 1,000 kilog.

Les cultivateurs du nord de la France et des Flandres belges, ainsi que les cultivateurs hollandais, attachent une grande importance aux cendres de tourbe, et s'en servent dans la culture du trèfle, de la luzerne, du lin et des prairies naturelles. Les | Luxembourgeois prônent leur efficacité sur les colzas, au moins dans la contrée ardennaise.

Les cendres de Hollande sont d'un prix élevé, mais les Flamands les considèrent comme indispensables aux trèfles, et disent que si l'individu qui achète des cendres les paie bien, l'individu qui n'en achète pas les paie deux fois. On les répand au printemps, à raison de 32 à 50 hectolitres par hectare. Les Hollandais seuls élèvent la dose jusqu'à 100 hectolitres et plus.

Suie. Ce produit de la combustion du bois et de la houille est un engrais fort recherché. Cependant l'on ne s'en douterait pas toujours. Nous avons encore ici par les campagnes et même dans les petites villes des gens qui vous diront qu'avec les cinquante centimes, les soixante-quinze centimes et les francs même que demande le ramoneur, a Dans l'ile de Noirmoutiers, » dit M. Girardin, selon les endroits, on peut se procurer bœuf et « on mélange les cendres de varechs avec de la bouillon, et qu'il y a par conséquent économie à terre, du sable, de mauvais sels marins, des varechs mettre le feu à la cheminée, que c'est le meilleur frais, du fumier d'étable, des coquillages et toute mode de ramonage, que ça ne gratte pas le morespèce de débris organiques. On mouille les tastier, et qu'autrefois les anciens ne s'y prenaient jade temps en temps avec de l'eau salée; on les remanie à cinq ou six reprises différentes; alors le mélange ressemble à du terreau. On l'expédie ainsi dans toute la Bretagne sous le nom d'engrais de

mais autrement. N'écoutez pas ces gens-là; vous vous exposeriez, en les écoutant, à payer une belle et bonne amende, à mettre le feu dans la maison si la cheminée n'était pas solide, et à perdre la suic.

La suie est un riche engrais; mieux vaut en avoir peu que de n'en avoir point. Elle rembourse toujours et même au-delà les frais de ramonage. Si vous ne possédez ni champ, ni jardin, vendez-la; elle vaut, pour l'effet, presque le double des cendres de bois ; si vous avez un jardin, ne la vendez pas, gardez-la dans un coin du grenier, de la cave ou du hangar, et, au printemps, vous la sèmerez sur vos oignons. Si vous avez un champ, si vous avez des prés, ce que nous vous souhaitons sincèrement, ne vendez pas la suie non plus, achetez-en au contraire, et autant que possible. Abondance de bien ne nuit pas.

Vous la répandrez à raison de 20, de 30 et même de 40 hectolitres à l'hectare, dans les terres un peu sèches, non point sur les argiles, et toujours par un temps calme et pluvieux. Vous en nourrirez l'herbe de vos prés, et la mousse s'en ira; vous en nourrirez les jeunes pousses de vos trèfles, et ils feront merveille; vous en sèmerez sur vos céréales d'automne et par-dessus la neige, puis, au moment de la récolte, vous nous en donnerez des nouvelles.

Suie de bois, suie de tourbe, suie de houille, toutes sont bonnes, et au dire même de plusieurs qui s'y connaissent, celle de houille qui passe dans certains pays pour ne rien valoir, serait la meilleure des trois.

Malheureusement, la suie ne nous arrive pas par bateaux comme le grain. N'en a pas qui veut, même en payant.

dessus de nouvelles plantes qui donnent de nouvelles bêtes, et quand le tour du cercle est parcouru, nous recommençons la même promenade, et toujours, et sans discontinuer.

Précédemment, à l'occasion des engrais tirés du règne végétal, nous avons donné aux cultivateurs le conseil de restituer autant que possible ces engrais aux terrains qui les produisent. En ce qui regarde les engrais tirés du règne animal, nous maintenons nécessairement le principe, ce qui revient à dire, par exemple, que les déjections des bêtes qui ont mangé l'herbe seront mieux à leur place dans la prairie qu'autre part, et que les déjections de l'homme qui a vécu de pain, du pigeon ou de la poule qui a mangé le grain, seront mieux à leur place aussi parmi les champs que parmi les prés. En un mot, quand nous savons d'où sort l'engrais, nous savons où il doit retourner. S'il sort de différentes sources, nous l'emploierons sur différents sols et pour diverses récoltes; s'il vient d'une source unique, nous spécialiserons l'emploi. Voilà pour la théorie, et toutes les fois qu'on pourra se conformer à ses exigences, on se trouvera bien de le faire; mais, avec la pratique, il est des accommodements, et, dans bien des cas, nous sommes forcés de dévier de la règle. Et, en effet, comment sortirions-nous d'affaire dans la grande culture, si nous devions classer rigoureusement nos engrais d'après la nourriture donnée aux gens et aux bêtes? Ce seraient des distinctions à n'en plus finir. L'essentiel, c'est de s'écarter le moins possible de la règle, quand on ne peut pas la suivre tou

ENGRAIS PROVENANT DE L'HOMME ET DES ANIMAUX. jours.

Cette seconde catégorie comprend les excréments humains ou matières fécales, la colombine, la poulaitte, le guano, les excréments des moutons parqués, ceux du cheval, de la vache, le fumier des pauvres, les urines de l'homme et des animaux, le sang, la chair des bêtes mortes, la corne, les os, le noir animal, le sulfate d'ammoniaque, les marcs de colle, les poils, les chiffons et déchets de laine, la bourre de soie, les plumes, les poissons pourris, les larves de vers à soie, le suint, les eaux grasses, etc.

Nous tournons constamment dans un cercle et nous pouvons répéter ici ce que nous avons dit ailleurs. La terre produit les végétaux et les reprend morts et pourris sur une friche pour en reproduire d'autres. Si, au lieu d'avoir affaire à une friche, nous avons affaire à une terre cultivée à bras d'homme, les bêtes et les gens profitent de la récolte, la mangent ou l'emploient en litière; puis ils nous rendent en urine, excréments, fumier, ce qui doit retourner au sol qui leur a fourni leur nourriture. Tout animal, homme ou bête, si rien n'était perdu, pourrait fumer autant de terrain qu'il lui en faut pour produire les végétaux nécessaires à sa subsistance. La terre donne les végétaux; ces végétaux nourrissent les animaux ou font la chair que d'aucuns mangent, et ces animaux, après avoir rendu en fumier, au sol, une partie de ce que celui-ci leur a avancé, finissent par lui rendre le tout, chair, os, poils, plumes, cornes, sang et le reste. Il pousse là

Arrivons maintenant à l'examen de chacun des engrais classés dans notre seconde catégorie :

cales.

Excréments humains ou matières fé- Il s'agit ici d'un des engrais les plus énergiques qu'on puisse rencontrer, et l'avidité avec laquelle on le recherche dans les pays de riche culture prouve que ses qualités sont connues et appréciées, sinon partout, au moins sur un grand nombre de points. Nous avons encore, en France surtout, de nombreuses populations qui reculent de dégoût, à la vue seule de cet engrais; mais nous espérons bien que la raison triomphera quelque jour des susceptibilités de l'odorat, et que l'on arrivera, 'par des transitions bien ménagées à vaincre une répugnance qui tourne au détriment de la richesse publique et privée. Nous ferons observer, en passant, que les contrées où les excréments humains sont en grande estime parmi les cultivateurs, sont précisément celles où règne la propreté la plus rigoureuse, tandis que les pays où l'homme croirait se déconsidérer en manipulant les produits des vidanges, sont justement ceux qui se distinguent par une malpropreté révoltante. Non-seulement, dans ces contrées, on recule devant la manipulation de la matière fécale, mais on jette de la défaveur sur les récoltes qu'elle produit. Cette susceptibilité est plus pardonnable que la première; néanmoins, il faut qu'elle cède devant des considérations d'ordre supérieur. D'ailleurs, en utilisant les matières fécales à petites doses ou en mélange avec

d'autres engrais, il est facile d'en dissimuler l'influence, de sauvegarder convenablement la saveur des produits.

On utilise les matières fécales à l'état frais ou plutôt après les avoir laissées fermenter pendant trois ou quatre mois. Dans cet état, elles portent le nom d'engrais flamand, de courte graisse et quelquefois celui de gadoue qui, cependant, s'applique surtout à Paris aux boues des rues. On les utilise encore, après les avoir désinfectées par des moyens que nous ferons connaître. L'engrais Salmon ou noir animalisé est l'un des résultats de la désinfection des matières fécales. On les utilise aussi à l'état de poudrette, c'est-à-dire après les avoir desséchées et réduites à l'air pendant plusieurs années. On les utilise enfin à l'état de composts, c'est-à-dire mélangées avec des terres, des fumiers, des mauvaises herbes, etc.

Les matières fécales conviennent aux terres fortes comme aux terres légères; cependant il y a une distinction à établir. A l'état de poudrette, vous les réserverez aux terrains argileux; à l'état frais, vous les donnerez de préférence aux terrains légers. Les matières fécales sont très-énergiques, mais par cela même que leur influence est prompte et vive sur la végétation, elle ne dure guère. Ces matières donnent le coup de feu aux récoltes en vert, s'usent principalement à faire de l'herbe et n'ont plus assez de force quand vient le moment d'aider à faire le grain. C'est un de ces engrais qui ne laissent rien ou pas grand' chose derrière eux, qui donnent vite ce qu'ils ont à donner; et la poudrette en particulier est l'engrais par excellence des fermiers à fin de bail. Si elle donne de la plus-value au sol, celle-ci n'est guère sensible.

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de bons dégustateurs de lait distinguent parfaitement le lait des vaches nourries dans une prairie fumée avec les déjections humaines, de celui des vaches nourries autre part. Sur les plantes à saveur prononcée, telles que le chou, l'oignon, l'ail, l'échalotte, le poireau, qui se développent merveilleusement avec les matières fécales, l'influence de cet engrais ne se fait point sentir au préjudice de la qualité. On peut donc, sans inconvénient, le donner à ces plantes du potager. Dans la grande culture, on fera bien de le réserver aux plantes industrielles, à celles qui ne servent pas à la nourriture de l'homme et des animaux, à moins cependant qu'on ne modère les doses et qu'on n'emploie les matières fécales en mélange avec des fumiers ou des terres qui corrigent leur défaut.

Arrivons, si vous le permettez, aux divers modes d'emploi de l'engrais humain. Il est assez rare de voir utiliser les vidanges à l'état complétement frais, c'est-à-dire immédiatement après leur sortie des fosses. Cependant, cette pratique existe sur quelques points, notamment aux environs de Lyon. L'Agriculture française rapporte que, pendant l'hiver, les cultivateurs de Vaux, Villeurbanne, Bron, Meizieux, etc, dans le département de l'Isère, achètent les produits de latrines et en arrosent les champs de froment et de seigle, durcis par la gelée, à raison de 150 et 180 hectolitres par hectare. Alors, le tonneau de 3 hectolitres, rendu à 12 15 kilomètres de Lyon, leur coûtait 3 ou 4 francs. Les mêmes cultivateurs répandent les vidanges, au printemps, sur les terrains destinés à être ensemencés quelques semaines plus tard en orge, chanvre ou plantés en pommes de terre. Par ce moyen, des sols maigres ont été transformés dans l'espace d'un demi-siècle, et des cantons d'une pauvreté extrême sont devenus très-riches.

ou

Dans le midi de la France, on emploie les matières fécales dans la culture des raisins muscats, des oliviers et des figuiers.

Dans l'est, l'ouest et le centre, les vidanges ne sont utilisées que très-exceptionnellement par un petit nombre de cultivateurs d'élite, et beaucoup plus souvent encore à l'état de poudrette et d'engrais désinfecté qu'autrement. Il serait plus facile qu'autrefois, sans doute, d'y rencontrer des cultivateurs disposés à s'en servir, mais on ne trouve

Par la raison que les niatières fécales activent vigoureusement la végétation, elles communiquent aux plantes une saveur plus ou moins prononcée. Plus les tissus sont tendres, c'est-à-dire plus vite ils ont été formés, plus il y a eu d'engrais absorbé et plus la saveur est forte. Dans les contrées où les matières fécales sont employées à produire les plantes destinées à la nourriture de l'homme aussi bien qu'à celle des animaux, on vous soutiendra que nous sommes dans l'erreur, que nous cédons à un préjugé. N'en croyez rien; on ne saurait être bon juge dans sa propre cause. Pour bien apprécier l'influence des matières fé-rait ni journaliers ni domestiques disposés à macales sur les produits végétaux, il convient d'établir une comparaison entre ces produits et ceux d'une culture où les excréments humains ne sont pas employés. Mangez des asperges, des laitues, des épinards, des navets, des pois obtenus avec les excréments humains, et vous ne serez pas en peine de retrouver le cachet de cet engrais. Fumez ou prisez du tabac, nourri avec des matières fécales, vous n'aurez pas de peine non plus à en reconnaître l'influence; on dit que ce tabac est fort, âcre, piquant, qu'il manque de douceur. Dans la grande culture, cet engrais se trahit toujours plus ou moins dans la saveur des graines de céréales, puisque des cultivateurs exercés peuvent vous dire, en mâchant du grain: Celui-ci provient de la poudrette; celui-là, des fumiers ordinaires; dans la saveur des fourrages, puisque

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nipuler les matières fraîches. En trouvât-on, le public jetterait du discrédit sur les produits, et la vente sur place aurait à en souffrir. Sous ce rapport, nous sommes loin d'être à la hauteur des Flamands, des Allemands, des Toscans, des Anglais même et des Chinois surtout. Notre département du Nord est le seul qui sache tirer avantageusement parti de l'engrais humain, sous le nom de courte-graisse. Cet engrais se trouve associé aux urines du bétail quand il est, par hasard, trop épais et qu'il devient nécessaire de le délayer; ou bien, quand il est trop clair, on l'épaissit en y jetant des tourteaux de colza et de pavot. La courte graisse, dans l'arrondissement de Lille, est versée dans des bassins en briques ou dans des fosses imperméables, et on l'y laisse fermenter avant de s'en servir. Il va sans dire que ces fosses et ces bassins,

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rapprochés de chaque exploitation, sont couverts avec soin. La courte-graisse est destinée principalement à la culture des plantes oléagineuses et du tabac. Les fabricants de sucre ne se soucient point de la voir employer sur les betteraves. « On la répand, lisons-nous dans l'Agriculture française, avant ou après les semailles, souvent aussi après le repiquage. Dans le premier mode, peu de jours avant d'arroser le terrain, on donne un labour, on passe ensuite la herse et le rouleau à différentes reprises, afin que la terre soit bien meuble et bien nivelée, et l'on charrie ensuite l'engrais. A l'une des extrémités de la pièce se trouve une cuve d'un quart de mètre cube environ; un carton (garçon de ferme) y verse un tonneau de courte-graisse ; un ouvrier répand alors le liquide à 7 mètres environ autour de lui, au moyen d'une poche en bois garnie d'une perche de 2 à 3 mètres de longueur. La cuve vidée, le carton la transporte plus loin, le tombereau avance alors de quelques pas; on verse de nouveau la courte-graisse dans la cuve, on la répand comme il vient d'être dit, et l'on continue ainsi de suite l'opération, jusqu'à ce que l'on soit parvenu à l'extrémité de la pièce. Il est bon d'observer ici qu'aux environs de Lille tous les champs sont labourés en planches de 4 ou 5 mètres. Certains cultivateurs, peu de temps après que la surface du champ a été arrosée, font passer la herse pour recouvrir légèrement l'engrais; mais la plupart regardent cette précaution comme superflue, les matières liquides étant promptcment absorbées par une terre parfaitement ameublie.

« Aux environs de Lille, on emploie la courtegraisse dans la proportion de 130 à 160 tonneaux, contenant chacun 125 litres, par bonnier (1 hectare 41 ares 87 centiares).

«La méthode que l'on suit pour répandre la courte-graisse sur les plantes repiquées de colza ou de tabac, n'est pas la même à l'égard de l'une

et de l'autre récolte. Pour le colza, on se contente de répandre l'engrais sous forme de pluie, au moment où la végétation s'apprête à partir, au printemps; quant au tabac, un ouvrier fait, avec un plantoir, un trou près du pied de chaque plante; un autre ouvrier y verse une cuillerée d'engrais sur laquelle il rabat un peu de terre avec son pied.

« Rien de plus énergique que la courte-graisse. Répandue avant les semailles, elle fait germer la graine dans l'espace de quelques jours; jetée sur les plantes en végétation, elle les ranime, leur communique une grande vigueur et leur conserve de la fraîcheur même par les fortes sécheresses. Cette sorte de fumure n'agit que sur la récolte de l'année. »

Nous ferons observer à l'auteur des remarques qui précèdent, que la fraîcheur des plantes en temps de sécheresse n'est due à la courte-graisse qu'indirectement. C'est parce que les plantes ont poussé de longues racines qu'elles trouvent, dans les profondeurs du sol, l'humidité qui les soutient en temps chaud.

En Belgique, dans la Flandre et le Hainaut, l'emploi de la courte-graisse, ou courte fumure ou engrais Flamand, ne diffère de la méthode

lilloise que par certains petits détails. Partout les déjections solides sont recueillies avec soin, et l'on ne se contente pas de ce que fournit le personnel de la ferme; on achète encore des matières qui arrivent de loin par bateaux; on va chercher à grands frais celles des villes les plus rapprochées, et à la rigueur, on ne recule pas devant une distance de 20 à 25 kilomètres. On se sert, à cet effet, de tonneaux, dont la capacité varie avec les localités, ou tout simplement de chariots doublés d'une toile à voiles. Ici, nous avons des tonneaux de 2 hectolitres environ, les mêmes que nous voyons sur les beignots ou chariots à engrais du

Fig. 14.

Beignot ou chariot à engrais.. Courtrai, nous avons des tonneaux de la contenord de la France; là, comme aux environs de nance de 10 hectolitres et plus; autre part, comme aux environs de Thourout (Flandre occidentale), riots ordinaires, et d'une toile à voiles qui forme les tonneaux sont supprimés, et l'on se sert de cha

bassin. On verse les matières fécales dans cette

toile, dont on lie ensuite les bouts à une solide perche qui passe par le milieu du chariot et s'ap

puie fortement aux deux extrémités. Les ridelles sont matelassées avec de la paille, afin d'amortir les secousses imprimées par les cahots; quelques poignées de paille enfin sont jetées à la surface de l'engrais plus ou moins liquide, afin d'empêcher les vagues qui, sans cette précaution, le jetteraient par-dessus les bords, durant le trajet. Cette mẻthode, encore peu répandue, a le double mérite futailles, et de lui permettre de transporter des de débarrasser le cultivateur du poids inutile des marchandises de la ferme à la ville, d'où il rapporte l'engrais.

Au retour des chariots, on verse la courte graisse dans des citernes maçonnées, ouvertes soit dans le proche voisinage de l'habitation, soit à l'extrémité des pièces de terre qui aboutissent à un chemin.

Ces citernes, dont nous donnons ici le modèle, (fig. 15) peuvent contenir, d'après M. Fouquet, de

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