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bien faite, en sorte qu'on l'emploie plus souvent quadrangulaire, pointillée, se renouvelle andans les arts que dans les cuisines.

GALÉOPE TÉTRAHIT (GALEOPSIS TETRAHIT).

Dans ces dernières années, nous avons appelé l'attention sur une plante réputée presque partout mauvaise ou au moins inutile. Nous voulons parler du galeopsis tétrahit, que l'on connaît dans le centre de la France sous le nom de cramois, dans le Morvan sous celui de chevenelle, dans l'Ardenne belge sous celui de donate. Il sera de nouveau question de cette plante au dernier chapitre du livre Ier. Pour aujourd'hui, nous nous bornerons à faire observer que le galeopsis n'est pas indigne de figurer parmi les plantes oléagineuses. Voici pourquoi :- Nous connaissons, dans les forêts du Luxembourg, une quantité de bûcherons qui ne le perdent pas de vue dans les taillis, qui en récoltent les graines et en tirent une huile à brûler. D'aucuns même, mais les plus audacieux parmi les plus pauvres, s'en servent pour la salade.

20 litres de graines de galeopsis rendent environ 5 litres d'huile; malheureusement la récolte de cette graine est difficile, car elle mûrit irrégulièrement. On doit s'y reprendre à trois fois, d'août en septembre, et avec de grandes précautions. La méthode la plus expéditive consiste à s'affubler d'un long tablier de femme que l'on relève de la main gauche, en même temps que, de la main droite, on secoue dans ce tablier, des poignées de galeopsis sur pied. Les graines mûres se détachent très-facilement. On nous a assuré que dans une journée, un homme diligent peut récolter ainsi 40 litres de graines.

Les tourteaux provenant de la fabrication de l'huile peuvent être donnés aux vaches et employés comme engrais.

Pour plus de détails sur le galeopsis, nous prenons la liberté de renvoyer nos lecteurs au chapitre suivant qui traite des PLANTES NUISIBLES OU qualifiées telles.

30 PLANTES TINCTORIALES. GARANCE (RUBIA TINCTORUM).

Voici une plante dont la réputation vingt fois séculaire, est presque contemporaine de celle du froment. Elle ne nourrit pas l'homme cependant, mais une de ses plus vieilles passions, le luxe. Un écrivain qui aurait des prétentions à l'érudition agricole, vous dirait qu'un Grec, le médecin Dioscoride, en fait l'éloge en vingt endroits divers, et que deux Latins, le conquérant Jules César et le naturaliste Pline, lui ont accordé une mention honorable dans leurs doctes livres. Ses titres à cet honneur sont la belle couleur rouge que l'on tire de ses racines, couleur fort appréciée dans le temps où le manteau de pourpre était l'insigne de la royauté.

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nuellement, tandis que les racines en sont vivaces. Elle se divise en sections ou étages, séparées par des collerettes de feuilles étroites et pointues. De leurs aisselles partent des ramilles surmontées

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Climat. Connue en Italie, principalement chez les Étrusques, elle le fut aussi dans les Gaules où la culture de cette plante survécut à l'invasion des Francs. L'histoire nous apprend que, sous le règne du roi Dagobert, la garance alimentait le marché de Saint-Denis, comme objet d'exportation.

Aujourd'hui, elle est spécialement cultivée sur deux points de la France fort distants l'un de l'autre, les plaines sablonneuses du Bas-Rhin, au nord de Strasbourg, et les paluds de la Vaucluse, terrains limoneux que baignent la Sorgues et le Rhône. Nous avons lu dans les archives de Haguenau, que la garance y fut directement importée de Smyrne, vers le milieu du seizième siècle. Un Arménien, Jean Althen, l'introduisit à Avignon en 1756, sur les terres de M. de Clausemette.

Il est donc très-probable que cette plante est d'origine orientale, et qu'avant son introduction, elle vivait sous une latitude plus voisine du tropique. Notre opinion à ce sujet est assise sur un

fait facile à constater, c'est que, dans le centre et le nord de la France, elle ne passe point par toutes les phases de la végétation. On la voit fleurir, mais sa graine ne mûrit qu'exceptionnellement, sous un soleil semblable à celui de 1859 ou de 1861.

rance.

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Terres propres à la culture de la gaLa garance à l'état sauvage peut croître dans toutes sortes de sols; mais la nature de ses produits, et le mode de culture qu'elle exige ne permettent de lui consacrer que les terres qui réunissent la légèreté à la profondeur. Vous rejetterez donc les terres fortes, quelque fertiles qu'elles soient, car une culture à laquelle la main-d'œuvre prend tant de part, nécessiterait trop de frais dans un sol de cette nature, sans compter que le succès de la récolte y serait très-problématique ; vous rejetterez également les terres qui n'ont pas de fond, c'est-à-dire qui ne mettent à la disposi tion du cultivateur qu'une mince couche végétale. En procédant ainsi par élimination, vous en viendrez à ne trouver à peu près que trois variétés de sols propres à la garance: 1o les terres franches d'alluvion, telles qu'il en existe dans la banlieue de Strasbourg; 2° les terres sablonneuses couleur de cendre ou nuance rouge sombre, mélangées d'une faible dose d'argile et assises sur un sous-sol humide telle est la composition des terrains que le petit pays de Haguenau consacre à la garance; 3o enfin le palud, terre très-riche en humus provenant de la décomposition des végétaux, noire, lorsqu'elle est humide; blanche, lorsqu'elle est desséchée. C'est elle qui forme le sol des célèbres garancières de la Vaucluse. Elle est très-chargée de carbonate de chaux, tandis que les terres sablonneuses des environs de Haguenau sont totalement dépourvues de calcaire. Ce principe n'est donc pas indispensable pour la

garance.

Place de la garance dans les assolements. A proprement parler, la garance n'a pas de place dans les assolements. Exigeant un sol spécial, séjournant deux ou trois ans, selon les contrées, dans les entrailles de la terre, elle reste à peu près étrangère à la rotation. Toutefois, si vous avez un champ amaigri par les cultures précédentes, mais réunissant d'ailleurs les conditions voulues, introduisez-y cette plante industrielle; les labours profonds et le défoncement auxquels il devra être soumis, la grande quantité d'engrais que vous aurez à lui fournir, pendant le séjour de la garance dans son sein, produiront sur lui un effet réparateur, et rendu à sa fertilité première, il sera propre, après l'enlèvement de cette racine, à toute espèce d'emploi.

Engrais qui conviennent à la garance. Il n'est pas de plante dont l'appétit soit plus ouvert que celui de la garance. Elle ne rend qu'à proportion des engrais qu'on lui donne, et des principes assimilables que renferme le sol. On ne saurait donc en être trop prodigue, lorsqu'il s'agit d'une pareille hôtesse. L'excès, qui dégénère en défaut partout ailleurs, reste qualité ici.

Tout engrais néanmoins ne lui convient pas. Trop pailleux, il ne se décomposerait pas assez vite. Il faudra donc l'écarter, à moins d'avoir planté la garance dans une terre forte, car alors, en soulevant le sol, il facilitera la circulation des racines. Une terre très-légère s'en accommode aussi à la rigueur, parce que, étant sans consistance, elle donne accès aux agents atmosphériques, sous l'action desquels la décomposition est rapide.

Les vrais engrais de la garance sont le fumier fuit, le tourteau, le guano, les engrais à base de sang et de poudre d'os, enfin les engrais liquides, tels que purin, courte-graisse, colombine. L'action en est immédiate. Les engrais liquides se répandent surtout vers la fin de l'hiver ou au commencement du printemps, à l'époque du réveil de la végétation.

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Labours préparatoires. La garance est une des plantes dont la culture est le plus favorable à la petite propriété, parce qu'elle est susceptible de produire beaucoup sur un espace à dimensions restreintes, avantage qu'offrent également le tabac et le houblon. Dans ces conditions, la possession de quelques arpents suffit à l'entretien d'une famille. Pour le grand cultivateur, la main-d'œuvre qu'exige la garance est très-coûteuse, quoique les instruments perfectionnés que l'agriculture possède aujourd'hui diminuent singulièrement le chiffre de ces frais.

Les travaux préliminaires s'exécutent dans le cours de l'hiver qui précède la plantation. Vient d'abord le défoncement. Les Alsaciens le pratiquent avec des outils à bras à la profondeur de deux fers de bêche, ce qui correspond à peu près à 70 centimètres. Dans cette opération, la couche de terre entamée est retournée sens dessus dessous, la partie supérieure étant mise au fond de la tranchée et le sous-sol ramené à la surface. Outre la bêche, on emploie à Haguenau, pour cette opération, un instrument que nous n'avons pas rencontré ailleurs; c'est une espèce de pioche en forme de forceps, formée de deux branches rentrant l'une dans l'autre. Lorsque la tranchée est descendue à la profondeur voulue, les ouvriers minent avec cet instrument la partie inférieure de la couche et en rejettent la terre à la surface, derrière eux. Le reste s'affaisse sous son propre poids, et comble l'excavation.

Il y aurait certainement avantage à exécuter un tel travail en automne. Mais la main-d'œuvre, très-recherchée à cette époque, est en même temps plus rare et plus chère. Si l'ouvrier opère pour son propre compte, il est naturel que, pour l'entreprendre, il attende le retour du chômage. Dans le cas contraire, l'humanité jointe à l'intérêt fait un devoir au propriétaire et au cultivateur de ménager de l'occupation, pendant l'hiver, aux bras de l'honnête journalier qui n'a pas fait divorce avec la bêche et le hoyau. C'est le secret de l'attacher au clocher du village. Le manque d'ouvrage pousse les ouvriers des champs vers les grands centres de population: la démoralisation les y retient.

En dernière analyse, il importe que le défonce

ment s'exécute dans les premiers mois d'hiver, | usage, la prudence vous conseille de soumettre afin que la partie du sol ramenée à la surface leur vertu germinative à l'épreuve indiquée par absorbe, le plus longtemps possible, les principes Mathieu de Dombasle, en plaçant quelques-unes fertilisants de l'air. Sous son action, la terre saud'elles entre deux morceaux de drap humectés vage se civilise; les mottes se délitent, les parti- d'eau tiède. cules se désagrégent, le sol s'ameublit, conditions indispensables pour le succès de la garance.

On sème au printemps, dans des lignes faites à main d'homme ou avec le rayonneur. Dans le premier cas, ces lignes sont ordinairement transversales, distantes l'une de l'autre de 20 à 30 centimètres, et offrent des carreaux ou compartiments séparés par une bande non ensemencée, formant sentier, de laquelle on tire la terre des

on consacre à cette destination la voie longitudinale qui sépare chaque champ. Les Alsaciens le font. Les graines seront espacées régulièrement et très-peu recouvertes; 75 kilos suffisent à l'hectare. Elle lève ordinairement au bout de 20 à 25 jours.

Le but de l'opération ne consiste pas seulement dans l'ameublissement du sol, mais aussi dans son nettoyage complet. Arrière donc les plantes parasites et les herbes adventices; hors de son domaine ce ténébreux ennemi, infatigable, dont les longues racines armées de deux pointestinée à rechausser la jeune plante; souvent aussi semblables à des épieux envahissent le sol sans même que vous vous en doutiez ! Les plus terribles combats des végétaux ne se livrent pas à la surface de notre planète. Vous voyez quelquefois languir une tige de garance ou de toute autre plante, et pourtant rien ne semble manquer à la belle capricieuse. Elle a l'eau du nuage, le soleil du firmament, le fumier de l'étable, le labour de la bêche. Pourquoi donc languit-elle ? C'est que le chiendent est là, l'enlaçant de ses racines effron- | tées et robustes, la profanant de ses étreintes. Voilà pourquoi elle se meurt de consomption, et pourquoi aussi nous préférons le défoncement à bras d'homme. Seul il peut rendre au terrain sa virginité.

Que si, malgré ces raisons, vous trouvez de l'avantage à employer les instruments aratoires, libre à vous. La charrue ordinaire vous creusera un premier sillon, tracé le plus profondément possible, et la charrue fouilleuse, marchant derrière elle, remuera le sous-sol.

Souvent l'opération du défoncement est accompagnée de celle de la fumure. Cependant avant de planter ou de semer la garance, on donne toujours au sol une dernière dose d'engrais, prébende nécessaire, surtout lorsque la couche végétale a été renversée sur elle-même, car il est évident que, dans ce cas, la partie la plus fertile du sol occupe le fond de la tranchée. M. de Gasparin qui, en traitant de la garance, a surtout en vue la culture de la Vaucluse, évalue à 880 quintaux la quantité de fumier qu'exige un hectare semé ou planté de garance. Cette évaluation ne saurait être qu'approximative, étant nécessairement modifiée par la nature du sol et la puissance intrinsèque de l'engrais. A l'époque où M. de Gasparin s'exprimait ainsi, on ne connaissait encore que de nom les puissants auxiliaires que la culture trouve dans les guanos et leurs similaires artificiels. Le mieux est de se régler, pour chaque sol et dans chaque climat, sur les données fournies par l'expérience.

La ga

Dans le nord-est de la France, deux causes on! jeté de la défaveur sur la multiplication de la garance par semis: d'abord, la durée de son séjour dans le sol, trois ans au lieu de dix-huit mois; ensuite, les dangers que court la jeune plante, dans la première phase de sa végétation.

En effet, une gelée tardive, une sécheresse prolongée suffisent pour compromettre la récolte. La prudence conseille donc d'en reculer l'époque jusqu'en avril.

Plantation de la garance. Quant à la plantation, elle a lieu en novembre, pour le Mid1; en avril et en mai, selon le temps, pour l'Alsace. On emploie, à cet effet, des tronçons de racines, ou des plants enracinés, obtenus en pépinière. M. Sacc porte à 4 000 kilos le poids de ces tronçons ou de ces plants enracinés nécessaires pour un hectare.

« Le terrain étant préparé, dit M. de Dombasle, on le divise en planches alternativement larges et étroites, ordinairement de 3,33 et de 1,33: on plante dans les planches larges en lignes distantes de 50 à 66 centimètres. Pendant le reste de la saison et les années suivantes, on tient le sol parfaitement net de mauvaises herbes par de tréquents binages.

« Lorsque les plantes grandissent, on enlève à la pelle de la terre des planches vides pour chausser la garance, en élevant le sol des planches où elle est plantée. Dans l'automne de l'année suivante, on continue la même opération, en couvrant toujours les planches de nouvelle terre mêlée de fumier, en sorte que le terrain présente des planches très-bombées à côté de fossés profonds. >>

Nous avons suivi avec intérêt, dans une commune rurale du Bas-Rhin, cette opération faite par un petit propriétaire assisté de sa famille. Armé de la houe à long manche et à large lame, instrument si propre à la culture, dans les sables,

Choix des semences de garance. rance se sème et se plante. La multipl'cation par semis est utile par intervalles afin d'empêcher la dégénération de la plante, et d'obtenir des variétés nouvelles. Toutefois, on préfère générale-il ouvrait un petit sillon dans lequel ses enfants ment la plantation.

Voulez-vous semer? A moins d'appartenir au Midi, n'employez pas une semence indigène. I est à parier que la majorité des graines seraient improductives; si vous persistez à vouloir en faire

plaçaient les plantes et les arrosaient. Ce sillou était refermé avec la terre enlevée dans le sillon suivant, et le sol raffermi par les pieds des travailleurs placés dans les intervalles des lignes. Curieux de connaître le résultat de ce travail, nous

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alors sur la garance doit avoir plus d'épaisseur et recouvrir entièrement. Le but que l'on se propose d'atteindre est moins de la garantir contre la gelée, que de provoquer le développement de nouvelles racines.

L'irrigation est dans le Midi une opération trèsutile; il en est de même, en temps de sécheresse, pour les autres contrées, mais elle n'est praticable qu'exceptionnellement.

La seconde année, le sarclage devient moins nécessaire, ou même inutile, parce que la plante, ayant pris tout son développement, occupe l'étendue de la superficie. Au cultivateur à juger si ce travail lui paraît encore nécessaire, et s'il convient de recharger les ados.

n'avons point perdu de vue le champ de garance ainsi aménagé, et nous sommes en mesure d'affirmer que le repiquage a parfaitement réussi. Ce procédé paraît être le plus généralement usité dans le Bas-Rhin. Il l'est certainement à Haguenau. Tous les cultivateurs ne procèdent pas à la plantation d'une manière uniforme. Les uns, comme le rapporte Schwerz, se servent, pour ce travail, d'un couteau, dont la lame en forme de lancette est emmanchée à la façon d'une truelle; cette lame a 156 millimètres de longueur et présente une largeur de 78 millimètres à son extrémité affilée. Les autres ouvrent tout simplement des rigoles de 6 à 8 centimètres de profondeur et 32 centimètres de distance, mettent les plants à 7 ou 8 centimètres de distance dans ces rigoles, recouvrent ces plants avec la terre provenant de la rigole voisine et tassent légèrement. Ceux-ci, dans la grande culture, ménagent entre les lignes un espace d'au moins 60 centimètres, afin de substituer les sarclages et binages mécaniques aux travaux faits à bras d'hommes; ceux-là enfin plantent sur ados, c'est-à-dire à la crête de deux tranches de terre adossées l'une à l'autre par la charrue, afin de rendre l'extraction des racines plus facile. Ce dernier mode est économique sans doute, puisqu'il permet l'arrachage à la charrue, mais il donne des produits inférieurs en quantité et ne doit être appliqué qu'à des sols d'une certaine consistance, à cause de son action très-production, l'emploi à titre de plants de trondesséchante.

La largeur des billons, indiquée par M. de Dombasle, est ordinairement dépassée en Alsace où elle est de 6 mètres environ, tandis que dans le département de Vaucluse elle n'atteint que

2 mètres.

Pour ce qui regarde les soins d'entretien, ils sont les mêmes partout et tendent à la propreté la plus parfaite, soit que, dans ce but, l'on mette en œuvre les bras ou les machines. Ils tendent également partout à provoquer une végétation vigoureuse et une émission de nombreuses racines par les rechaussements du printemps et les apports de terre en couverture à l'entrée de

l'hiver.

L'opération du sarclage est ordinairement confiée à des femmes ou à des enfants, qui, penchés ou souvent même à genoux, arrachent avec les mains les mauvaises herbes, et tassent le terrain de leurs pieds ou même sous le poids de leur corps. L'emploi de la houe serait dangereux et même impossible, parce que, malgré les précautions, on ollense toujours avec cet instrument les racines traçantes de la jeune garance. Ce n'est pas trop de trois sarclages, la première année, depuis l'époque du repiquage jusqu'à l'entrée de l'hiver. En même temps, on rechausse la plantation et on la couvre d'une mince couche de terre prise, soit dans les intervalles, soit dans la raie de séparation pratiquée entre la garancière et les champs voisins. Si elle est divisée en carreaux, la terre se prend aussi dans les fossés divisionnaires. A la terre jetée sur les ados, il est bon de mêler du fumier bien consumé ou de l'engrais pulvérulent. La plus importante des opérations est celle qui précède l'hiver. La couche répandue

Maladies de la garance. — La seule affection redoutable pour la garance est due à un champignon, appelé rhizoctonia rubiæ, qui enveloppe les racines d'un réseau couleur lie de vin, se développe avec une grande rapidité et détermine la mort de la plante.

Ce champignon, inconnu en Alsace, n'est vraisemblablement lui-même que le résultat de l'altération des tissus végétaux. Mais d'où provient cette altération? On l'ignore. Nous appelons donc sur ce point l'attention des observateurs. Le retour trop fréquent de la garance à la même place, la qualité douteuse des semences destinées à la re

çons pris sur de vieilles garancières provenant elles-mêmes de tronçons dégénérés, ne seraientils pour rien dans cette affaire?

Quoi qu'il en soit, dès que la garance est attaquée, il faut l'arracher.

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Dans les contrées

Récolte de la garance. méridionales, on n'arrache la garance qu'au bout de trois ans, on pourrait même la conserver plus longtemps en terre, mais il est rare qu'on le fasse. En Alsace, dans les Flandres et dans la Campine limbourgeoise on récolte cette plante au bout de dix-huit mois, à moins qu'elle n'ait été multipliée de bouture. Dans le Midi, non en Alsace, on commence cette récolte par faucher les tiges en fleur. Ces tiges sont un bon fourrage pour les vaches. Dans ce climat, où l'on est en droit de compter sur la maturité parfaite des semences, on réserve nécessairement des parties de garancière, et quand la graine est d'un violet foncé, on coupe les tiges, on les transporte sur l'aire, et du moment où elles sont desséchées à point, on les secoue avec une fourche, ou bien on les bat très-légèrement avec le fléau. 1 hectare donne environ 300 kilos de graine. Les pailles peuvent encore servir à la nourriture du bétail, mais elles sont loin de valoir la garance fauchée en fleur. Les cultivateurs expérimentés estiment que le poids des racines en terre est double du poids du fourrage obtenu la seconde année.

L'arrachage des racines se fait à l'automne ou au printemps dans le Midi; à l'automne toujours dans le Nord, et d'ordinaire en octobre ou même en novembre. On emploie, à cet effet, la bêche ou la charrue, selon l'importance de la garancière,

mais le plus souvent la bêche. On ouvre une tranchée qui atteigne l'extrémité des racines, on enlève ces racines avec soin; puis, avec la terre de la seconde tranchée, on comble la première, et ainsi de suite. On opère donc de la sorte un véritable défoncement. A mesure que les racines sont enlevées du sol, on les jette sur le terrain vide, ou mieux sur des linges et dans des paniers; afin de les transporter sur l'aire à sécher. Là, on les remue, on les retourne avec la fourche pour hater la dessiccation et en détacher la terre, et en dernier lieu, on les transporte dans un local de la ferme, bien sec et bien aéré. Dans le Nord, il n'y a pas à compter sur cette dessiccation au soleil; on doit forcément recourir à la chaleur artificielle de l'étuve ou des fours, ou mieux les vendre fraîches aux industriels. Ceux-ci les dessèchent plus complétement afin de les pulvériser sous les meules.

Dans les terrains de bonne qualité, on estime le rendement de racines sèches par hectare à 3 500 kilos, et plus; très-souvent, dans les terres sèches, on ne dépasse pas 2 500 kilos, on porte à 4 ou 5000 kilos de foin sec le poids moyen des tiges par hectare, dans le Midi.

«Quand la dessiccation n'est pas assez rapide, fait remarquer le docteur Sacc dans son Essai sur la garance, les racines se décomposent, noircissent, et sont alors totalement perdues, ce qui fait qu'on préfère généralement, en Europe, les sécher dans des étuves chauffées entre 35° et 40° c. où elles perdent 60 à 75 pour 100 d'eau et deviennent cassantes. On les bat au fléau pour enlever l'épiderme, les radicelles ainsi que la terre, et obtenir la garance robée, qu'on soumet à la mouture. La poudre obtenue est tamisée et mise dans des barriques de 1,000 kilogrammes, où elle s'améliore jusqu'à quatre ou cinq ans, époque à laquelle elle commence à se détériorer. Comme cette poudre est hygrométrique, elle gagne avec le temps 4 à 6 pour 100 en poids et jusqu'à 25 pour 100 en force colorante, ce qui infirme l'assertion des chimistes qui veulent que les racines fraîches teignent mieux que les poudres sèches. »>

En l'an IX, on ne comptait en France que onze moulins à garance, et aujourd'hui il y en a plus de cinquante, rien que dans le département de Vaucluse. Ce même département, qui ne produisait pas, en 1805, pour 4 millions de garance, en produit aujourd'hui pour plus de 20 millions.

La garance a beaucoup perdu de sa faveur en Alsace pendant les quinze dernières années qui viennent de s'écouler, à cause de l'avilissement du prix. Le houblon et le tabac, ses puissants rivaux, avaient envahi les terrains qu'elle occupait autrefois. Aujourd'hui, une heureuse réaction tend à lui rendre le rang qu'elle tenait autrefois dans la culture alsacienne. Les prix décideront toujours la question dans ce triple litige. Au reste, les garances de la Vaucluse ont de tout temps obtenu, dans le commerce, la préférence sur celles d'Alsace. Cela paraît tenir à la présence du carbonate de chaux dans les paluds, tandis que les terrains sablonneux du Bas-Rhin en sont à peu près dépourvus. Or, le carbonate de chaux est nécessaire pour fixe: le principe colorant de

la garance, principe qui réside principalement dans l'aubier.

Observation.-Dans toutes les contrées où la garance se cultive en grand, il existe des négociants qui en font commerce et l'achètent directement au producteur. Munis de séchoirs, de fours et de moulins, ils lui font subir toutes les manipulations qu'elle exige. La conservation de la garance ne concerne donc point le cultivateur. Il la vend fraîche à l'époque des approvisionnements de la fabrique (mois de novembre et de décembre). Cependant, comme il peut se faire que des circonstances particulières imposent au cultivateur l'obligation de conserver ce produit, il le tiendra dans un lieu sec, aéré et à l'ombre. Le grenier réunit en général ces conditions. La garance se vend au poids. Le prix de 30 fr. le quintal est rémunérateur. Il nous est impossible aujourd'hui de le déterminer d'une manière précise, à cause de ses fréquentes oscillations.

Emploi. Il est inutile, ce nous semble, d'insister sur l'emploi de la garance. Personne n'ignore que c'est une plante tinctoriale, donnant le rouge des pantalons d'uniforme que portent les soldats de notre armée. Elle sert aussi de mordant pour l'application de certaines couleurs.

Autrefois, quelque lucrative que pût paraitre la culture de la garance, il eût été imprudent de la conseiller et de l'entreprendre loin des usines et des centres de fabrication. L'obligation de la transporter à grande distance en eût annihilé le bénéfice. Aujourd'hui que les chemins de fer ont fait disparaître cette difficulté, toute la question se réduit à savoir si elle offre un avantage assuré.

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