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De son côté, Schwerz, dont le nom fait autorité, ct à juste titre, a écrit dans ses Préceptes d'agriculture pratique : — « Je connais des exemples de l'emploi immédiat des résidus de la fabrication d'eau-de-vie de pommes de terre. Un arpent qui avait déjà porté des pommes de terre deux années de suite, fut arrosé avec ces résidus étendus d'eau et planté une troisième fois en pommes de terre, et il produisit dans la proportion de 6,000 kil. sur 11 ares. Une pareille fumure doit convenir surtout à un sol léger et sablonneux. Mais, à cause des moineaux et des chenilles, qui sont trèsavides des débris fermentés de la pomme de terre, il faut que cet engrais soit enfoui de suite. »

On assure que les cônes de houblon qui ont servi aux brasseurs, sont d'un bon effet sur les prés et les champs. Nous pouvons affirmer qu'ils conviennent tout spécialement aux houblonnières.

Les touraillons de brasseries, autrement dit les germes des céréales employées à la fabrication de la bière, fournissent un bon supplément d'engrais à l'orge et au froment. Mathieu de Dombasle l'employait, au printemps, dans la proportion de 30 à 40 hectolitres par hectare.

Marcs de raisins, de pommes et de poires. - On donne le nom de marcs aux résidus des fruits, dont on a exprimé le jus par une forte pression pour en faire, par exemple, du vin ou du cidre. Ces marcs, en bonne justice et en bonne culture, doivent retourner aux vignobles et aux vergers qui se sont appauvris pour les produire. Les cultivateurs n'admettent pas toujours ce principe, mais d'aucuns pourtant l'admettent parfois. Ainsi, dans les grands crus de la Côte-d'Or, le marc des raisins est rendu à la vigne, et souvent même, cette vigne ne reçoit pas d'autre engrais ; cette restitution toute naturelle, toute rationnelle, a l'immense mérite, à nos yeux, de sauvegarder la délicatesse des vins. Les cultivateurs d'Argenteuil assurent que le marc de raisin est précieux pour les figuiers.

Les marcs de pommes et de poires qui ont servi à la fabrication du cidre ordinaire et du poiré, restent très-souvent sans emploi. Cette perte est d'autant plus regrettable qu'ils constituent l'engrais naturel des vergers. On les rebute, nous le savons, parce qu'ils sont très-acides et que dans cet état, ils peuvent contrarier la végétation. La remarque est juste; mais comme il est très-facile de détruire cette acidité, il nous paraît plus convenable de triompher de l'inconvénient que de reculer devant lui. Du moment que l'on voudra se donner la peine de mélanger les marcs de pommes et de poires ou avec de la chaux, ou avec des cendres de bois, ou avec des fumiers de ferme, on réussira certainement à corriger les défauts de cet engrais végétal. Ce conseil a été publié souvent, mais jusqu'à cette heure, il n'a été suivi que de loin en loin.

Selon nous, le meilleur mode d'emploi des marcs ainsi préparés, serait de les enterrer au pied des arbres par un léger labour, aussitôt après la chute des feuilles. Il ne serait pas nécessaire de

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les étendre sur une large surface, attendu que les racines des arbres sont pour ainsi dire des drains naturels qui conduisent les liquides entre terre et bois, jusqu'à leurs extrémités.

Les fruits pourris sont un engrais au même titre. que les marcs. Au lieu de les jeter dans la rue ou sur les fumiers, ce qui est plus convenable, on devrait, quand le nombre en vaut la peine, les mettre à part, les écraser un peu, les saupoudrer de chaux ou de cendres de bois, les arroser de temps en temps avec de l'eau de fumier, et s'en servir dans le courant de l'hiver, pour fumer les arbres du jardin ou du verger. Là, au moins, ces fruits pourris seraient à leur véritable place.

Feuilles mortes. Les parties vertes des végétaux forment assurément de plus riches engrais que les parties sèches ou mortes. Quand on peut récolter les fougères au moment de leur fructification, le myrtillier en pleine végétation, les roseaux bien vivants, on aurait tort de ne pas le faire. Quand on a sous la main des débris de légumes très-frais, on aurait tort également de ne pas les ajouter au compost du potager; mais ce n'est point une raison pour dédaigner les débris morts qui, en fin de compte, ne sont pas sans valeur.

Commençons donc, vers la fin de l'automne, par ramasser avec soin les feuilles mortes qui nous appartiennent, et faisons-les pourrir en tas ou en fosse, en les arrosant de fois à autres avec des urines, des eaux de récurage ou des eaux grasses. En France, les connaisseurs savent bien que les feuilles pourries forment l'engrais par excellence des plantes délicates, et nous nous rappelons que Soutif, un nom connu des horticulteurs parisiens, l'affectionnait particulièrement pour

ses fraisiers et ses treilles de chasselas. Dans le Westland, aux environs de La Haye, les jardiniers ont des composts de feuilles de dix-huit mois à deux ans, dont ils font le plus grand cas, et certes les jardiniers du Westland sont des modèles en Europe. Dans la Campine Belge, où les engrais sont préparés avec des soins merveilleux, les feuilles ou épingles de pins et de sapins sont très-recherchées. Dans tous les villages, et derrière chaque maison, vous verrez une fosse maçonnée ou planchéiée, ou garnie de claies, dans laquelle les feuilles mortes de toute nature vont se mêler au fumier de chèvres, aux matières fécales, aux eaux sales et aux eaux de lessive et de savon.

Dans les diverses localités, où l'enlèvement des feuilles des bois est permis ou toléré, les cultivateurs vont les ramasser avidement et en emplir des paillasses vides ou des chariots doublés de toiles. Ils en font litière aux bêtes ou bien ils mêlent ces feuilles au fumier, par couches alternatives, au moment de la mise en tas.

Les feuilles mortes n'ont pas, indistinctement, une même valeur; celles du noyer sont considérées comme étant de mauvaise qualité, à cause de leur amertume très-caractérisée. Cependant, il y a lieu de supposer que si l'on avait la sagesse de les appliquer aux arbres qui les produisent, ceux-ci s'en trouveraient bien. Les feuilles de peuplier ne jouissent pas non plus d'une bonne réputation et

passent pour être nuisibles aux prairies qu'elles recouvrent à l'automne. Sur ce point, tous les praticiens s'accordent. Donc, il y aurait pour eux double profit à les râteler, à les mettre en tas, à les transformer en composts en leur adjoignant le purin, la cendre ou la chaux. En même temps qu'ils délivreraient le gazon d'une couverture nuisible, ils créeraient un engrais convenable.

Si nous nous en rapportions à ceux de nos savants qui établissent la valeur des engrais d'après la quantité d'azote qu'ils renferment, nous dirions nécessairement que les feuilles de chêne valent un peu moins que les feuilles de hêtre, puisque les premières contiennent un peu moins d'azote que les secondes. Nous aimons mieux nous en rapporter aux praticiens qui soutiennent justement le contraire, et préfèrent de beaucoup les feuilles du chêne à celles du hêtre. Lorsque nous avons à nous prononcer entre les résultats du chimiste et les résultats du cultivateur, nous n'hésitons jamais.

autorisez l'appauvrissement du fonds; du moment que vous empêchez celui-ci de gagner, vous le constituez en perte. Comment s'y prend-on parfois pour rendre productives des terres de dernier ordre? On y plante des arbres verts qui, tous les ans, y fabriquent de l'humus avec leurs feuilles mortes, et au bout d'un quart de siècle ou d'un demi-siècle, on peut défricher et cultiver. Où rien ne poussait, tout poussera. En serait-il ainsi si les propriétaires de la sapinière détournaient ou laissaient détourner chaque année de leur destination le quart ou le tiers des feuilles? Évidemment non.

Si nous savions seulement nous servir de nos yeux, nous verrions bien vite que la nature nous fait la leçon et que sa manière de cultiver est une critique permanente de la nôtre. Elle fournit aux terrains qu'elle occupe les provisions pour les plantes et la réserve pour le garde-manger. Les bons cultivateurs l'imitent; mais combien sontils? Pour un qui lui emboîte le pas, nous en comptons des milliers qui prennent le contre-pied de sa méthode et font pâtir du même coup les récoltes et le terrain.

On ne ramasse pas toujours les feuilles mortes, vers la fin de l'automne; soit négligence, soit défaut de temps, certains cultivateurs ajournent souvent cette récolte à la sortie de l'hiver. En ceci, nous prenons la liberté de les blâmer, car il est de notoriété publique dans les villages voisins des forêts, que les feuilles enlevées de bonne heure font un engrais préférable à celui des feuilles qui ont passé l'hiver au bois. D'où vient cette différence? L'explique qui pourra. Elle existe, et nous nous contentons de la constater ici. Cependant, nous pourrions rapporter, sans nous compromettre, que les uns attribuent l'appauvrissement des vieilles feuilles à un commencement de fermentation qui les priverait d'un peu d'azote, tandis que les autres l'attribuent à une perte de sels solubles qui s'en iraient dans le sol, comme s'en va la potasse du bois flotté ou du bois exposé long-d'eaux grasses, d'eau de savon, de purin, d'eaux temps à la pluie. ·

Les fumiers, auxquels on ajoute les feuilles mortes, conviennent à tous les terrains.

L'administration forestière est très-avare des feuilles mortes de ses bois et ne les laisse prendre que lorsqu'elle ne peut faire autrement. Il serait à désirer qu'elle pût concilier ses intérêts avec ceux du public, mais la chose ne nous paraît pas facile. On a dit que la restitution complète des feuilles n'était pas absolument nécessaire aux forêts et qu'il n'y aurait pas d'inconvénient sensible à leur dérober un quart ou un tiers de leurs dépouilles. On nous permettra de répondre que cette thèse n'est pas soutenable, et que si elle conduit à une popularité facile, c'est toujours aux dépens de la vérité. Le feuillage mort est le fumier des bois, la nourriture des arbres; la nature ne l'a point destiné aux champs. Les arbres ne se dépouillent pas de leurs feuilles uniquement pour restituer ce qu'ils ont emprunté au sol pendant le cours de leur végétation; ils ont un second but, celui d'améliorer le terrain et de lui donner de la plusvalue au profit du repeuplement. Plus il y aura de feuilles pourries, plus le sol s'enrichira, plus le fonds aura de valeur réelle, plus la végétation y deviendra rapide et luxuriante. Du moment donc que vous autorisez la soustraction des feuilles, vous

Engrais Jauffret. Un cultivateur provençal, du nom de Jauffret, a eu le mérite de perfectionner la fabrication d'un engrais, que les pauvres gens des contrées mal cultivées connaissent tous parfaitement. Dans ces contrées, soit que vous alliez vers le nord, soit que vous descendiez vers le midi, il est d'usage de cultiver plus de terres qu'on n'en peut raisonnablement fumer; au besoin donc, on remplace assez souvent le fumier des animaux, au moyen de mauvaises herbes, de rameaux de bruyères, de débris végétaux quelconques, que l'on entasse en un trou, près de la porte ou autre part, et que l'on arrose d'urines,

de récurage. C'est là aussi qu'on jette la cendre, la suie, les débris de chaux ou de plâtre, les excréments de chevaux et de vaches ramassés sur les chemins, les balayures de la maison, les excréments humains, la paille pourrie des vieux toits, etc. Vous avez pu voir préparer cet engrais dans la Provence et sur certains points du Morvan, comme nous l'avons vu préparer dans l'Ardenne Belge. Eh bien, de là à l'engrais Jauffret, il n'y a pas loin; mais si courte fût-elle, encore fallait-il franchir la distance, et se creuser un peu la tête à cet effet. Jauffret y songea et se mit à la besogne. Il réunit des mauvaises herbes de toutes les sortes, des roseaux, des ajoncs, des bruyères, de la paille, du foin gâté, tout ce qui lui tomba sous la main, et avec ces débris végétaux, il fit une meule, qu'il arrosa avec ce qu'il appelait sa lessive. Cette lessive, préparée tout à côté de la meule, pour la facilité de l'opération, se composait de :

100 kilogr. d'urine et de matières fécales, 25 kil. de suie, 200 kil. de plâtre pulvérisé, 30 kil. de chaux vive, 10 kil. de cendres de bois non lessivées; 500 gr. de sel de cuisine, 320 gr. de salpêtre raffiné, et de 25 kil. de jus de fumier, provenant d'une précédente opération et que l'on pouvait remplacer à la rigueur par 25 kilogr. de

matières fécales fraîches. Ce dernier ingrédient, ajouté à la lessive, était désigné sous le nom de

Fig. 13.- Meule Jauffret.

levain d'engrais. Jauffret délayait le tout dans une fosse avec de l'eau, de façon à obtenir 10 hectolitres de lessive qui suffisaient pour changer en fumier artificiel 500 kilogr. de paille ou 1,000 kil. de débris végétaux, qui donnaient 2,000 kil. de fumier.

On arrosait abondamment et trois fois, à quelques jours d'intervalle. La meule s'échauffait par la fermentation, et au bout de cinq jours, elle fumait et répandait une bonne odeur de fumier ordinaire. Après le troisième arrosage, la chaleur s'élevait au milieu de la meule jusqu'à 75°. A partir du quinzième jour, quand les mauvaises herbes n'étaient pas très-coriaces, l'engrais était bon à employer; dans le cas contraire, il fallait attendre trois semaines ou un mois.

| Jauffret dans l'art de faire pourrir les mauvaises herbes et la ramille; on a donné à sa découverte une portée qu'elle n'avait pas, on l'a enveloppé d'éloges, on lui a parlé de fortune, de récompense nationale, de tout ce qui pouvait lui troubler la tête; enfin, on l'a bercé d'espérances folles, on l'a étourdi de conseils ridicules, et on lui a préparé la mort la plus cruelle qui puisse frapper un homme. Jauffret, abreuvé de déceptions, est mort de chagrin, à la suite des insuccès qu'il essuya à Bordeaux.

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Sciure de bois. -Que reste-t-il de la sciure que nous brûlons? Des cendres qui, de l'aveu de tout le monde, constituent un excellent engrais; donc la sciure contient de l'engrais. L'essentiel c'est de le mettre en état d'agir, et l'on y parvient en convertissant cette sciure en humus ou terreau. Il suffit, pour cela, de la jeter dans la fosse au purin et de l'y laisser pourrir. On arriverait au même résultat en arrosant les tas de sciure avec de l'eau de fumier et des urines, mais on y dépenserait plus de temps. Quelques personnes pensent que le meilleur moyen de décomposer la sciure de bois consiste à en former litière aux animaux; mais on répond à ceci qu'elle a l'inconvénient d'attirer les puces et d'en favoriser la multiplication. La première fois que ce reproche étrange fut formulé en notre présence, nous partimes d'un éclat de rire; cependant, nous revînmes un peu de notre scepticisme en nous rappelant que les ménagères font le même reproche aux copeaux des menuisiers et ébénistes. La chose est donc à vérifier.

Les cultivateurs n'ont pas à compter beaucoup sur la sciure de bois; cependant, par exception, nous avons des pays de forêts où le sciage des arbres sur place en a produit des quantités trèsimportantes. Alors que les communications étaient difficiles, personne ne songeait à tirer parti de cette sciure, mais aujourd'hui que les routes en permettent le transport à des conditions raisonnables, on aurait peut-être tort de la dédaigner, et d'autant plus qu'elle est plus ou moins décomposée déjà, et qu'en la mélangeant avec de la chaux et des cendres de bois, ou qu'en l'arrosant avec de l'eau de chaux ou de l'eau de lessive, on obtiendrait en peu de jours un engrais d'assez bonne qualité. Nous l'avons employée dans le jardinage, dans la culture des fleurs et n'avons eu qu'à nous en louer.

Jauffret ne s'en tint pas à cette unique recette; il en donna une seconde plus économique, applicable aux pailles et siliques de colza, mais relevant, comme la première, de l'empirisme, et n'ayant qu'un grand mérite, à nos yeux, celui de réunir une quantité de substances fertilisantes diverses, parmi lesquelles il s'en trouvait assez de fermentescibles. Avec de la bonne volonté et du temps qui ne serait peut-être pas tout à fait perdu, on varierait à l'infini les recettes du levain de Jauffret; mais on nous permettra de ne pas accorder à ce sujet plus d'importance qu'il n'en mérite. Le procédé de Jauffret ne convient pas aux pays bien cultivés, où l'on fabrique de meilleur engrais que le sien et à meilleur compte. Quant aux pays pauvres, les cultivateurs ont quelque chose de mieux à faire aussi que le fumier artificiel de Jauffret; c'est de cultiver peu et bien, de créer des fourrages, d'augmenter le chiffre des têtes de bétail, de nourrir plus à l'étable qu'au pâturage, de modifier leurs systèmes de culture au lieu de se moquer des nouveautés heureuses. Ils arriveront ainsi à fabriquer de l'engrais de pre-reau végétal. Les saules fournissent de nombreux mière qualité. Voilà, en deux mots, la plus avantageuse des recettes.

Au lieu de préconiser celle-ci, on a exalté outre mesure le perfectionnement introduit par

Philippe Miller, il y a plus d'un siècle, recommandait l'emploi de la sciure fraîche dans les terres fortes, où, avançait-il, elle avait le double avantage de fumer et de diviser le sol. Il va sans dire qu'en rappelant cette recommandation, nous ne l'appuyons pas. Elle nous paraît fort hasardée.

Bois pourri.- Il arrive souvent que le bois des arbres avancés en âge se décompose sur pied et forme au cœur même de ces arbres un véritable ter

exemples de cette décomposition; et vous avez pu remarquer que certaines plantes ne se déplaisaient point dans le bois décomposé ou pourri et y prenaient même un rapide développement. De cette

remarque à l'application, il n'y avait qu'un pas. Lorsque ce terreau a été exposé au soleil pendant quelques semaines ou mélangé de suite avec un peu de cendres de bois ou de chaux qui lui enlèvent son acidité, plus rien n'empêche de l'utiliser, à titre d'engrais, dans la culture des fleurs de pleine terre. Ce bois pourri du cœur des arbres a peu d'importance aux yeux des praticiens et ne vaut ni plus ni moins que la vieille sciure des forêts, dont nous parlions tout à l'heure.

Tannée ou vieux tan. Dans les localités où le combustible est cher, les tanneurs tirent parti de leur vieille écorce ou tannée en fabriquant des mottes à brûler; mais sur beaucoup de points, la tannée ne sert à rien et les tanneurs s'en débarrassent comme ils peuvent.

mois ou d'un an; seulement, nous avions soin ou de la mélanger à volume égal avec notre fumier d'étable, ou d'en former, à l'automne, de petits tas sur lesquels on versait, pendant l'hiver, des urines, des eaux de lessive et des eaux de savon. La tannée que l'on associe aux matières fécales, perd vite les propriétés nuisibles qu'elle doit au tannin, et marque bien sa place dans les prés et les champs où on la répand. C'est ainsi que nous l'avons vu employer avec un succès très-satisfaisant sur l'exploitation du pénitencier de Saint-Hubert. (Belgique.)

Chaque fois que nous avons eu des plantations d'arbres à faire au printemps, dans un terrain léger et sujet à souffrir de la sécheresse, nous avions soin d'asseoir nos arbres sur une brouettée de compost formé d'un tiers de bonne terre, d'un tiers de tannée et d'un tiers de fumier de vache complétement pourri. Nous n'avons eu qu'à nous féliciter du procédé.

Tourbe.

Philippe Miller, dont le nom fait encore autorité, est, à notre connaissance, le premier qui ait appelé l'attention des cultivateurs sur les propriétés fertilisantes de la tannée. Nous lisons dans Placée en litière sous les bêtes et recouverte la huitième édition de son Dictionnaire des jardiniers de paille, la tannée se transforme en engrais au et des cultivateurs: « L'écorce de chêne que les bout de cinq ou six semaines. Nous le savons par tanneurs rejettent après l'avoir employée à la pré-expérience et n'hésitons pas à conseiller ce procédé. paration des cuirs, lorsqu'elle a été mise en monceaux et qu'elle est bien pourrie, forme un excellent engrais pour les terrains rudes, durs et froids; une seule voiture de cette matière forme un meilleur engrais, et dure plus longtemps que deux voitures de fumier; cependant, il est ordinaire de voir de gros tas de tan rester inutiles pendant plusieurs années dans quelques endroits de l'Angleterre, où d'autres espèces d'engrais sont fort rares, et qu'on est obligé de transporter 'd'une grande distance..... Après m'être servi de tan pour une couche, je l'ai employé comme engrais, en le répandant sur la terre, et j'ai observé que cette terre avait acquis un degré considérable d'amélioration. On répand ce tan sur la terre, un peu après la Saint-Michel, afin que les pluies de l'hiver puissent le faire pénétrer également partout; mais si on l'emploie au printemps, il brûle l'herbe et devient très-nuisible..... On a observé dans quelques endroits, où l'on s'est servi de cet engrais pour les jardins, que les plantes potagères qu'on y a semées y ont acquis un degré de perfection très-marqué; de manière qu'il est étonnant qu'on n'emploie pas à cet usage le tan qu'on rejette des tanneries partout où l'on peut s'en procurer. »

Schwerz n'accorde à la tannée que le mérite d'absorber les engrais et voudrait que l'on s'en servit après l'avoir arrosée d'eau de fumier, ou après l'avoir mélangée avec de la chaux ou avec des cendres de savonnerie qui hâtent sa décomposition. Dans ces conditions, il la trouve utile aux prairies. Si Miller dit trop de bien de la tannée, Schwerz, en retour, n'en dit pas assez. Selon nous, la vérité est entre ces deux opinions. Pendant six ou sept années consécutives, nous nous sommes servi de la tannée, et voici ce que nous en savons : L'expérience nous a démontré que de la tannée de 25 à 30 ans d'âge est un excellent engrais pour le potager mais où en serions-nous s'il nous fallait un quart de siècle pour la confection d'un engrais! A diverses reprises, il nous est arrivé d'employer de l'écorce qui ne comptait pas plus de six

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La tourbe sert ordinairement de combustible; mais lorsqu'elle est très-abondante et de peu de valeur, on s'en sert aussi pour fumer les terres. Ses propriétés fertilisantes ne sont d'ailleurs contestées par personne. La mauvaise réputation qu'ont les tourbières parmi les cultivateurs ne tient qu'à deux causes : à l'eau stagnante et aux acides. Du moment que l'on a fait disparaître l'eau et les acides en question, la tourbe devient très-fertile et se suffit à elle-même durant plusieurs années. Avec des tranchées profondes et multipliées, il n'est pas difficile d'égoutter, d'assainir une tourbière: et aussitôt cette première opération terminée, il n'est pas difficile non plus de détruire l'acidité de la tourbe. On y réussit par un labourage profond en temps chaud et deux années de suite ou bien en levant la couche supérieure avec une houe, pour en faire de petits tas très-rapprochés. Par ces procédés, on favorise l'action de l'air chaud; la tourbe se désacidifie naturellement et devient terre arable au bout de dix-huit mois ou deux ans. Quand on ne se soucie point d'attendre, on écobue la tourbière assainie, autrement dit, on lève en été d'épaisses plaques de tourbe, on les laisse se dessécher au soleil, puis on en forme des monceaux auxquels on met le feu. Les cendres d'écobuage sont ensuite éparpillées le plus également possible et enterrées avec la charrue. Veuton se dispenser de l'écobuage? On le peut en chaulant la tourbière, à raison de 100 à 150 hectolitres de chaux par hectare, et aussitôt après l'avoir labourée. Il ne reste plus qu'à mélanger le mieux possible la chaux avec la terre par des hersages répétés.

Les meilleurs fermiers écossais et irlandais prennent de la tourbe ressuyée à l'air pendant six semaines ou deux mois et la mélangent avec du fumier de ferme, dans la proportion de 2,500 kil. pour 1,000 de fumier. C'est à lord Meadowbank qu'on doit l'idée de ce mélange.

Hodges conseille aussi de prendre de la, tourbe

sèche et de l'arroser avec de l'eau de fumier pour | latées avec de la terre ou avec des cendres de la convertir vite en bon engrais. Le conseil est ex- tourbe qui ne les valent pas. cellent. Schwerz l'a également donné, de son côté. — « Pour obtenir, dit-il, de cette utile substance tous les avantages qu'elle peut procurer, il faut que la tourbe, aussi divisée, rendue aussi pulvérulente que possible, soit amoncelée, et le monceau fréquemment arrosé avec du purin, de la lessive, de l'eau de savon ou tel autre dissolvant. Après six semaines ou deux mois, on retourne la masse et on y mêle de la chaux ou de la cendre. Quelque temps après qu'on a de nouveau retourné la masse on peut la regarder comme suffisamment désacidifiée et décomposée. Dans cet état, elle forme un excellent engrais à donner en couverture au printemps. »

Le célèbre agronome allemand recommande aussi et avec raison de placer la tourbe desséchée dans les cours de ferme et d'élever sur cette tourbe les tas de fumier. Elle reçoit ainsi de précieux égouts. Dès que le fumier est enlevé, on met la tourbe à part, on la divise pour la soumettre aux influences atmosphériques, et, au bout de quelques semaines on la mélange avec le cinquième de son volume de chaux, ou bien avec de la marne, mais à volume égal.

On peut enfin se servir de la tourbe sèche comme de litière, que l'on masque avec de la paille, et en quelques jours, cette litière est convertie en bon engrais.

La tourbe convient surtout aux terres légères, quelle que soit d'ailleurs la nature de ces terres.

Cendres de bois. Les cendres qui proviennent de la combustion du bois contiennent nécessairement les substances minérales enlevées au sol, de leur vivant, par les arbres, arbustes ou arbrisseaux qui nous fournissent le bois à brûler. Nous y trouvons des sels de potasse et de soude, de la chaux, de la magnésie, de l'oxyde de fer, du soufre, du phosphore, de la silice, du chlore, etc. Par cela même que la composition des terrains est très-variable, celle des cendre doit l'être aussi et l'est en effet. Il est donc tout naturel qu'il y ait désaccord dans les chiffres entre les analyses chimiques faites sur diverses essences et sur des points différents. La cendre ne peut rendre en fin de compte, que ce que le bois a pris, et le bois ne peut prendre à un terrain que ce qui s'y trouve. Dans les cendres de bois des montagnes calcaires, par exemple, nous découvrirons de la chaux en quantité notable, tandis que dans les cendres de bois des contrées schisteuses, nous n'en découvrirons que des traces. Le vieux bois ne nous donne pas non plus les mêmes résultats que le jeune bois; celui qui a été mouillé par le flottage ou par l'eau des pluies, diffère très-sensiblement de celui qui n'a pas été mouillé, et les cendres du premier n'ont pas la valeur de celles du second. Mais dans la pratique, nous ne nous occupons guère de l'origine de cet engrais; quand celles de notre foyer ne suffisent point à nos besoins, nous nous en procurons de tous les côtés, sans nous demander de quels bois elles sortent, et ne souhaitons qu'une chose, c'est qu'elles ne soient point fre

On n'utilise que bien rarement les cendres vives, dont le prix d'ailleurs serait très-élevé; on ne se sert que des cendres lessivées, connues sous le nom de charrée; et, chose étrange, au premier abord, celles-ci jouissent, au moins dans beaucoup de localités, de la réputation de produire plus d'effet que les premières. Cependant, les cendres vives sont riches en potasse, tandis que les cendres lessivées n'en contiennent plus guère, et, de l'aveu de tout le monde, la potasse est un précieux élément d'engrais. D'où vient donc que la cendre quien contient le plus n'est pas la plus recherchée ? On nous permettra de hasarder une explication. Les cendres de bois sont surtout employées dans les terres argileuses, désignées sous les noms de terres fortes, d'herbues, d'eaubues, de boulbènes, etc. Ces terres ne sont pas dépourvues de potasse, et, pour peu que l'engrais en contienne une faible dose, elles s'en contentent. En conséquence, la charrée leur suffit à ce point de vue; mais vous remarquerez que ces mêmes terres sont pauvres en substance calcaire et que la charrée qui, parfois, en contient une quantité importante, doit leur rendre un service que ne leur rendraient pas des cendres vives utilisées en de faibles proportions. En d'autres termes, les cultivateurs qui répandent une soixantaine d'hectolitres de cendres lessivées par hectare, fournissent à leur sol plus de chaux qu'ils n'en fourniraient en répandant de 20 à 30 hectolitres de cendres vives. D'après ce que nous avons vu dans les terrains argileux de la Côte-d'Or et de la Bresse, nous sommes porté à croire que les grands succès qu'ils obtiennent des cendres lessivées sont dus à la présence de la chaux autant ou plus peut-être qu'à celle de la potasse; et ce qui nous arrête à cette opinion, c'est que les cendres agissent d'autant mieux qu'on leur associe le fumier de ferme ou qu'on les applique à des terrains précédemment bien fumés. Lorsqu'on ramène ces cendres plusieurs fois de suite à la même place, les effets s'amoindrissent rapidement et l'on dit, en termes du métier, qu'elles dégraissent trop le terrain. Or, vous voudrez bien noter, en passant, que ces remarques et ce raisonnement ont lieu aussi à propos de l'emploi de la chaux. Les bons cultivateurs qui se servent de charrée ont la sage précaution de fumer alternativement avec cette charrée et avec l'engrais de ferme, ou, mieux encore, de fumer en même temps avec moitié charrée et moitié fumier. Puvis a constaté, dans une commune du département de l'Ain, où cette dernière méthode est admise, que les récoltes provenant du mélange étaient supérieures à celles que l'on obtenait soit avec le cendrage scul, soit avec le fumier de ferme répandu isolément.

Les observations qui précèdent concernent la charrée riche en chaux, comme celle dont se servent, par exemple, les cultivateurs bourguignons et bressans. Mais nous avons des contrées où les cendres de lessive ne contiennent que des traces de chaux et n'en produisent pas moins d'excellents effets. Dans le cas particulier, c'est la potasse surtout qui agit. Or, dans ces contrées il est à croire que les cendres vives, en proportion conve

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