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nous semble, suffire, dans la plupart des cas, à la fumure de deux hectares de prairie. Dans certains pâturages du département du Nord où les bêtes séjournent depuis le printemps jusqu'à l'hiver, on se contente d'une fumure ordinaire tous les trois ans. En revanche, nous connaissons des contrées, notamment en Bourgogne, où les prairies ne reçoivent jamais d'engrais de ferme; mais il convient de remarquer qu'elles sont submergées en hiver par des eaux troubles de rivières qui y déposent leur limon. Aussi longtemps que l'on s'est contenté d'une coupe et que l'on a fait pâturer le regain, ce limon a suffi, mais aujourd'hui que le tout est fauché, le sol se fatigue et nos cultivateurs commencent à s'en apercevoir.

Cependant, chose bien triste à dire, on ne serait pas en peine de trouver des cultivateurs qui sont persuadés qu'une prairie n'a pas besoin d'engrais pour se soutenir et que l'eau toute seule suffit. L'eau fait l'herbe, disent-ils, quand il serait plus juste de reconnaître qu'elle aide à la faire en lui abandonnant le limon ou les substances miné- Lorsqu'une ferme occupe une position élevée rales qu'elle peut contenir ou les parties de terre et que les prairies se trouvent au-dessous et dans fumée qu'elle emporte des champs cultivés. Si elle le proche voisinage de cette ferme, il est avantaétait pure, elle ne servirait qu'à réparer les pertes geux d'y déverser le purin de la basse-cour en de liquides produites dans les plantes par l'éva- temps de pluie, soit au moment où la première poration. L'eau sert principalement à conduire | herbe pousse, soit au moment de développer le l'engrais aux racines de l'herbe, à le dissoudre et regain. Le purin très-concentré serait plus nuisià l'introduire dans le corps des plantes. Voilà ce ble qu'utile; d'ailleurs il serait difficile de le rédont il faut bien se convaincre. Quand elle ne partir en quantité convenable. Voilà pourquoi porte point d'engrais avec elle, elle prend les nous devons choisir un temps pluvieux pour le substances fertilisantes du sol aussi longtemps répandre. Dans le cas où la sécheresse nous conqu'elle en rencontre, les use, et il ne reste bientôt trarierait, il faudrait étendre le purin avec quatre plus où elle a passé qu'une terre épuisée. Ceci ou cinq fois son volume d'eau de puits, avant de revient à dire que plus on arrose avec de l'eau l'envoyer sur la prairie et choisir la nuit pour claire, plus on doit fumer. Sans cette précau- cette opération, afin d'empêcher une évaporation tion, les herbages auraient d'autant moins de trop rapide. L'effet du purin sur le gazon, quand durée que la porosité du sol serait plus grande. les conditions indiquées sont bien observées, est très-prompt. C'est de la séve toute faite, et l'herbe en profite de suite.

Quand les prairies sont placées en aval de villes ou de bourgs et reçoivent les égouts des rues, il arrive souvent que la quantité des engrais qui s'y rendent est telle qu'il n'y a pas nécessité d'y adjoindre des fumures supplémentaires. Parfois aussi l'on peut s'en dispenser lorsque les prairies occupent des pentes et que ces pentes sont couronnées par des champs bien engraissés, car l'eau des pluies se charge de la fumure; mais du moment où l'on n'a point à compter sur ces précieuses épaves, il importe de fumer directement, comme on fume les terres arables. La quantité d'engrais à répartir par hectare varie nécessairement avec l'état du sol et avec le mode d'emploi des produits. Si le fonds est déjà riche par luimême, il en coûtera moins de l'entretenir que s'il était pauvre; s'il a de la consistance, il usera moins d'engrais que s'il était poreux ou léger; s'il est drainé, il usera plus d'engrais que s'il ne l'était pas; si on fait pâturer l'herbe toute l'année, il se montrera moins exigeant que si on la fauchait, attendu que, dans le premier cas, le bétail laisse l'engrais sur place; si le regain est pîturé, il faudra un peu moins d'engrais que si l'on fauchait le tout. C'est d'après ces principes qu'il faut régler les fumures.

Il n'est pas nécessaire de donner aux prés autant d'engrais qu'il est d'usage d'en donner aux champs, surtout dans le Nord, parce que l'herbe fauchée en fleur ou avant la floraison n'épuise pas autant le sol que des récoltes granifères, et que cette herbe deviendrait sujette à verser. Le fumier de trois bonnes vaches qui seraient soumises à la stabulation permanente, devrait, ce

Lorsque la situation de la ferme ne permet pas au cultivateur d'employer le purin aussi aisément, il faut ou se servir du tonneau d'arrosage ou recourir à l'usage des pompes foulantes et des conduits souterrains, dont il a été question au chapitre des engrais (pages 54 et 55). Les Anglais doivent leur grande production d'herbe à ce procédé, et aussi à leur climat. En France, nous ne sommes pas, sous ce rapport, dans des conditions aussi heureuses que nos voisins, et nous aurions tort fort souvent de copier servilement leurs méthodes. Avant de nous livrer à des frais considérables pour réaliser ici ce qu'ont réalisé chez eux les Chadwick, les Kennedy, les Mechi, il convient d'y bien réfléchir.

Par cela même que l'effet du purin est rapide, il est court nécessairement, et l'on doit répéter les arrosages.

Toutes les époques ne sont pas indistinctement convenables pour fumer les prairies. Si l'engrais ne doit pas agir de suite; si, par exemple, nous nous servons d'un compost formé de substances d'une décomposition lente, comme la corne, les os, la laine, la bourre, et de terre compacte, difficile à désagréger, nous ferons bien d'appliquer cet engrais avant l'hiver, afin de donner le temps à la décomposition et à la désagrégation de se faire. Si nous disposons de fumiers longs, nous pourrons également les répandre avant l'hiver; mais dans le cas où l'engrais abandonne aisément ses sels solubles à l'eau, comme la cendre de bois, la suie, le fumier très-consumé et diffé

rents composts commerciaux, il ne faut s'en servir, ainsi que des engrais liquides, qu'au moment où la végétation se produit, en mars ou avril, et cinq ou six jours après l'enlèvement du foin, pour développer les regains. On ne peut que perdre à livrer de tels engrais aux prairies pendant l'hiver, alors que l'herbe ne manifeste aucun besoin et que les pluies et les neiges les entraînent ou sur les pentes ou au-dessous du niveau des racines.

Toute prairie fumée à l'automne, au printemps, ou en été, après une coupe, a besoin d'eau pour dissoudre ses engrais; mais l'irrigation ne doit commencer qu'avec la végétation. Nous n'avons pas besoin d'ajouter que les prairies habituellement couvertes d'eau pendant l'hiver, ne doivent point recevoir d'engrais à l'automne.

Parfois, lorsqu'il s'agit d'entretenir les prairies avec des terres rapportées, on n'attend pas que le gazon verdisse pour y conduire ces terres; on saisit le moment des fortes gelées, afin de ne pas ouvrir de fondrières dans le gazon, et l'on forme de distance en distance des tas que l'on étend à loisir dans le courant de février ou, au plus tard, pendant les premiers jours de mars.

Dans l'entretien d'une prairie par les engrais, il ne faut pas seulement avoir en vue une forte production de fourrage, il faut encore veiller à ce que ce fourrage soit de bonne qualité. Les matières fécales fraîches, les composts où il entre de la chair et du sang d'animaux, produisent assurément une herbe vigoureuse, mais il n'est pas rare de voir les bêtes, les chevaux principalement, la rebuter en vert et en sec. Le mieux pour les prairies comme pour les plantes des champs, c'est de former des composts ou des purins où il entre le plus de substances diverses, sans que l'une domine trop sur l'autre. Ne perdons pas de vue non plus que le phosphate de chaux contribue à la richesse du lait, que les herbages en enlèvent beaucoup au sol et qu'il est prudent de le lui rendre sous forme de fumure.

De l'entretien des prairies au moyen de l'eau. Nous venons de parler de l'entretien des prairies au moyen des engrais; parlons à présent de leur entretien au moyen de l'eau, et d'abord rappelons de nouveau que l'eau est utile à la végétation de l'herbe parce qu'elle contient des substances nutritives en suspension et en dissolution, parce qu'elle dissout les engrais sur lesquels elle passe, parce qu'elle conduit ces engrais à leur destination, parce qu'elle est absolument nécessaire aux parties herbacées qui en contiennent souvent plus de 70 p. 100, parce que la transpiration des plantes et l'évaporation occasionnent des pertes de liquide qu'il faut remplacer, parce qu'il n'y a pas de végétation possible sans humidité.

Il s'agit, à présent, de nous demander si toutes les eaux sont indistinctement propres à l'irrigation des prairies. La plupart, nous nous empressons de le reconnaître, conviennent dans ce but ; toutefois, il est à remarquer que leur degré d'efficacité est très-variable. Les eaux de rivières et de ruisseaux valent mieux ordinairement que les

eaux de source, et, parmi les eaux de rivières, celles qui viennent de loin sont préférables à celles qui viennent de près, celles qui sont un peu limoneuses sont préférables à celles qui sont trèslimpides. Les eaux qui ont parcouru des contrées bien cultivées valent mieux aussi que les eaux qui ont traversé des cultures négligées et des friches, parce qu'elles reçoivent plus d'engrais des champs en temps de pluie ou par l'effet du drainage. Pour cette même raison encore, les rivières qui occupent le pied des coteaux et reçoivent les égouts des versants, roulent des eaux plus riches que celles des pays plats. Quant aux eaux de source, on les dit bonnes toutes les fois que le voisinage du bassin et de la rigole de parcours se couvre d'herbes bien vertes. Cependant, il est prudent de ne pas trop se fier à ce signe, car l'herbe en question se réduit beaucoup au fanage et ne rend qu'un foin très-pauvre. Cette eau de source appelle l'engrais plus que l'eau de rivière.

Il est encore de notoriété publique que les eaux poissonneuses sont excellentes pour l'arrosage des prairies, tandis que les eaux où il n'y a guère de poissons ont peu d'efficacité. Vraisemblablement les eaux poissonneuses ont sur les autres l'avantage de contenir beaucoup de substances animales en suspension et de n'être pas acides. On sait que les étangs qui se peuplent le mieux et où le poisson se développe bien, sont ceux qui se trouvent au milieu de terres cultivées avec soin et copieusement fumées, tandis qu'on se plaint des étangs qui reçoivent en abondance les eaux acides des forêts. Celles-ci d'ailleurs sont détestables pour l'arrosage des prairies, et quand on est forcé d'y recourir, on doit les faire passer dans un bassin ou dans un bief où l'on a mis du fumier, de la chaux ou des cendres de bois. Au fur et à mesure que les eaux acides y arrivent, on remue le compost avec des bâtons. De cette manière l'acidité se trouve détruite, et l'eau, au sortir du bassin ou du bief, emporte avec elle une partie de l'engrais. Il y a donc ainsi amélioration de deux côtés. « Les eaux d'une rivière qui coule sur un sol argileux ou calcaire, dit M. Keelhoff, dans son Traité pratique de l'irrigation, conviennent parfaitement à l'arrosage des prairies établies sur des terrains sablonneux. Réciproquement, une prairie à sol compacte se trouvera très-bien de l'eau provenant d'une rivière qui traverse un sol sablonneux.

« De l'eau fortement chargée de sulfate de fer sera une véritable cause de destruction pour les herbages, sur un terrain ordinaire, tandis qu'employée sur des terrains calcaires, cette eau produira de très-bons effets. »

Dans le midi de la France, quoi que l'on fasse, les eaux dont on pourra disposer pour l'arrosage des prairies, ne seront jamais en quantité assez considérable pour que les abus de l'irrigation soient à craindre, mais dans les contrées du Nord et partout où les eaux abondent, on en abuse trèssouvent, comme on abuse des choses qui ne coûtent rien; aussi, contrairement à l'opinion de certains auteurs, et aussi longtemps que le gaspillage de l'eau sera maintenu, nous affirmons qu'il faut et qu'il faudra dépenser plus d'engrais dans

prendre moins d'eau. Veut-on mettre la prairie à sec, on ferme la vanne en A et on ouvre celle

le Nord que dans le Midi pour l'entretien des prairies irriguées. C'est une question de lessi

vage.

Des divers modes d'irrigation. Lorsque nous avons affaire à des terrains de plaine, nous pouvons irriguer par submersion et par planches disposées en ados. Si, au contraire, nos terrains offrent de fortes pentes, nous devons irriguer par rigoles de niveau, ou irriguer en forme d'épi.

Ce

De l'irrigation par submersion. système d'arrosage, très-primitif et d'une exécution très-facile dans certains cas, est excellent et doit être pratiqué: 1o lorsque nous ne disposons que de petits cours d'eau, abondants vers la fin de l'automne, mais incapables de subvenir aux exigences des arrosages de l'été; 2o lorsque les eaux sont troubles, très-chargées de limon et que la rouille de l'herbe serait à craindre avec des arrosages pendant la végétation; 3° lorsque nous nous proposons de livrer les prairies au pâturage, attendu que, dans ce cas, nous n'avons pas à craindre les dégâts des animaux. Où il n'y a point de rigoles tracées, il n'y a rien à défaire.

Une prairie n'est submersible avec avantage qu'en terrain plat. S'il existait de grandes inégalités, on devrait multiplier les digues et s'imposer trop de frais. Dans nos contrées les mieux appropriées à la submersion, il est rare de voir suivre les principes conseillés par les ingénieurs. Trèssouvent on se contente d'établir un barrage ou bátardeau sur le cours d'eau, d'ouvrir un fossé en amont de ce barrage et d'entourer la prairie parun autre fossé de clôture. On ne se donne pas toujours la peine de ménager une pente douce qui assure la submersion régulière de toute la surface. Aussi n'est-il pas rare de rencontrer des parties incomplétement submergées, quand d'autres le sont trop par défaut de nivellement; aussi n'est-il pas rare non plus de voir des parties mises à sec quand d'autres conservent plus que de raison des eaux croupissantes.

Pour procéder avec quelque méthode, le terrain doit être bien nivelé et offrir une pente d'environ un centimètre par mètre dans le sens de la longueur à partir de la rivière R pour aller à la décharge G. Les deux parties de prairie P, P qui se trouvent à droite et à gauche du fossé principal, doivent de leur côté présenter une pente transversale insensible de 0,005 par mètre; et, à l'extrémité du fossé principal, on doit élever des digues de 5 centimètres, tandis que le bord de la rivière est maintenu au niveau de celui du canal de prise d'eau A. Lorsque l'on veut submerger ou inonder, on barre la rivière en Bet l'eau s'élève dans le bief ou canal A, un peu supérieur au fossé f. On ouvre la vanne qui met A en communication avec f, et on ferme en C. Le fossé principal doit avoir 0,35 de profondeur vers la prise d'eau et 0,40 vers l'extrémité attenante au canal de décharge, c'est-à-dire en C, en estimant le parcours à 54 mètres. Lorsque la prairie est couverte d'une nappe d'eau de 0,04 ou 0,05 au-dessus des parties les plus élevées, on réduit l'ouverture de la vanne en A, afin de

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Fig. 349. Irrigation par submersion.

en C, afin de dégager les eaux par le canal de décharge G.

Dans les terres très-poreuses, une grande quantité d'eau peut être absorbée par infiltration; mais, dans les terres de quelque consistance, et une fois le sol imbibé, l'eau dort à la surface, et il ne s'en perd plus guère que par évaporation. Avec la submersion, on approvisionne le terrain d'humidité pour les jours de sécheresse, mais si l'eau employée est limpide, il convient de fumer au printemps; si, au contraire, l'eau est limoneuse, les substances qui se déposent sur le gazon tiennent lieu de fumure.

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De l'irrigation par planches en ados. Les Campines belges nous offrent sur ce point des modèles à suivre. Nous allons essayer d'en donner une idée assez exacte pour que nos lecteurs saisissent bien le mérite du système. Voici ce que nous avons vu sur le parcours du canal qui réunit la Meuse à l'Escaut et ce que nous avons écrit dans l'Agriculture de la Campine: « De distance en'distance, des prises d'eau sont ménagées, et les propriétaires riverains peuvent s'en servir à des époques déterminées. L'eau du canal arrive, à cet effet, dans une rigole de distribution, parallèle au canal, et passe de là dans la prairie à irriguer. Cette prairie se compose de planches en ados, de 6 mètres de largeur le plus ordinairement, mais qui devraient en avoir 10, selon M. Keelhoff, sur 25 mètres de longueur. Chaque planche est perpendiculaire à la rigole de distribution, et porte à sa crête ou à son sommet une rigole de déversement de 0,25 de largeur sur 0,20 à 0,30 de profondeur. Cette rigole, d'une profondeur beaucoup trop considérable, au dire de quelques irrigateurs, s'arrête à 1,50 de l'extrémité de la planche, où elle forme un plan incliné, un talus qui lui a fait donner le nom de pignon.

«La rigole de distribution donne l'eau à la rigole de déversement, qui la laisse déborder de droite et de gauche sur les ailes de la planche. Les égouts sont reçus de chaque côté de cette

planche par les rigoles d'égouttement qui ont 0,20 de profondeur à l'origine, 0,25 à l'extrémité inférieure, et 24 mètres de longueur, c'està-dire un mètre de moins que la planche. Enfin, des rigoles dites de colature, ouvertes parallèlement à la rigole de distribution, à l'extrémité des planches et en contre-bas, reçoivent les eaux des rigoles d'égouttement et les conduisent à une nouvelle rigole de distribution pour le service des prairies inférieures. >>

Pour nous faire mieux comprendre, si c'est possible, servons-nous d'une figure. C représente un canal ou une rivière. C'est là que nous prenons l'eau pour la conduire par une ouverture A

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dans une rigole B parallèle à ce canal ou à cette rivière. De cette rigole, dite de distribution, nous amenons l'eau dans la rigole de déversement E, ouverte à la crête et au milieu de la planche bombée. De la rigole de déversement, elle déborde et ruisselle à droite et à gauche sur les ailes ou ados D, D de la planche en question et s'en va de chaque côté dans les rigoles d'égouttement F, F pour se rendre dans la rigole de colature GG. Si, après cela, nous avons des prairies inférieures, nous conduisons l'eau de la rigole de colature dans une nouvelle rigole de distribution et dans de nouvelles rigoles de déversement.

On établit le plafond de la rigole de distribution à 0,30 au moins au-dessous du point de flottaison du canal ou de la rivière, pour que la prise d'eau soit régulière; et l'on donne à cette rigole 0,50 de largeur sur 0,25 de profondeur, avec une pente de 0,0005 par mètre au plafond, et une hauteur d'eau de 0,20. « L'expérience, dit M. Keelhoff, à qui nous empruntons ces chiffres, nous a prouvé que ces dimensions suffisent pour desservir régulièrement l'arrosage d'un compartiment d'un seul bief de 200 mètres de longueur, distance qu'on ne dépasse jamais, car il est rare que, sur cette longueur, le terrain soit tout à fait horizontal. >>

La pente transversale des ados des planches varie avec la nature des terrains. Ainsi, dans les

terres argileuses, où l'infiltration est faible, on peu se contenter d'une pente de 0,02 par mètre; mais dans les terres poreuses, où l'infiltration est rapide, la pente des ailes des planches doit être plus forte, autrement les eaux de déversement seraient absorbées par la crête, et il en arriverait à peine aux rigoles d'égouttement. Dans les sols sablonneux, il faut adopter une pente transversale de 0,05 par mètre.

Ce mode d'irrigation par planches ou par déversement fait une grande dépense d'eau. Plus il y a de rigoles de déversement et plus elles sont profondes, plus aussi cette dépense augmente. Avec ce système, il ne faut point songer au pàturage, car les bêtes détruiraient les rigoles et nécessiteraient des réparations qui sont assez coûteuses déjà après chaque hiver.

De l'irrigation par rigoles de niveau. Ce mode d'irriguer convient parfaitement aux prairies en pente. Il consiste à amener l'eau dans une rigole supérieure ouverte transversalement à la pente. Cette eau débordant s'échappe en nappes minces par le bord supérieur de la rigole et se rend dans une seconde rigole placée au-dessous de celle-ci, et ainsi de suite dans les rigoles inférieures jusqu'à la rigole de colature. Toutes ces rigoles sont tracées avec le niveau et ne sauraient être parallèles; leur éloignement ou leur rapprochement l'une de l'autre dépend de la conformation du terrain. Plus les pentes sont fortes, plus les rigoles doivent être multipliées.

De l'irrigation en forme d'épi. - « Pour pouvoir appliquer cette méthode d'irrigation, dit M. Keelhoff, il faut un terrain plus spécial que pour la méthode précédente; il doit être disposé en une suite de contre-forts et de petites vallées.

« La méthode consiste en rigoles de distribution, construites sur le faîte ou dos des hauteurs, dans le sens de la pente du terrain. A ces rigoles prennent naissance, de part et d'autre, des rigoles de déversement en forme d'épi de blé, dont la largeur diminue progressivement jusqu'à leur extrémité, où elles se terminent en pointe, disposition qui force l'eau à déverser assez régulièrement sur toute la longueur, les rigoles ne pouvant plus contenir l'eau à mesure qu'elles se rétrécissent.

Des époques et de la durée des irrigations. S'agit-il de submerger ou d'inonder avec des eaux troubles, il convient de profiter des premières crues de l'automne, attendu qu'elles coïncident avec les semailles et qu'elles sont ordinairement enrichies par les égouts des champs. Dès que cette eau s'éclaircit, dès qu'elle a déposé son limon, rien n'empêche de lever la pelle du conduit qui met la rigole principale en communication avec la rigole d'égouttement, et de dessécher la prairie, pour l'inonder ensuite, et à diverses reprises dans le courant de l'hiver. Mais il est rare que l'on s'y prenne à plusieurs fois. D'habitude on inonde tardivement et on laisse le gazon submergé jusqu'à la fin de la rude saison.

Avec les autres modes d'irrigation, il est bon

modérément. L'eau ne doit que passer et fonctionner en passant; lorsque la terre en est rassasiée, elle séjourne et ses effets deviennent regrettables. La végétation s'arrête souvent au lieu de continuer, et où poussaient des herbes de bonne qualité il s'en montre de mauvaises.

d'arroser et de tremper la terre en automne et même en hiver, quand il ne gèle pas. Cependant, lorsqu'on dispose d'une suffisante quantité d'eau pour les arrosages du printemps, nous croyons qu'il est sage de ne pas trop irriguer dans la saison morte. A quoi sert de s'approvisionner d'une humidité que l'on peut fournir et entretenir en temps utile? A quoi bon user sa terre et son engrais en pure perte? Nous admettons les irrigations très-fréquentes et prolongées sur les terrains secs du Midi, mais nous ne pouvons en reconnaître l'utilité dans le Nord et dans les terrains frais, lorsque cet arrosage est possible au printemps. S'il s'agissait d'employer de l'eau trouble, ce serait différent, puisque les dépôts de limon ne doivent pas s'opérer en temps de végétation. Nous n'entendons parler ici que de l'emploi d'une eau limpide.

La durée des irrigations n'est d'ailleurs pas facile à fixer, elle est subordonnée à la nature des terrains; dans les sols argileux, elle doit être courte; dans les sols sablonneux, elle doit être prolongée.

Il est d'usage, avec les eaux limpides, quand, bien entendu, elles sont abondantes, de commencer les irrigations aussitôt que le gazon verdit, de les continuer quinze jours ou trois semaines, en ne les interrompant que pendant les nuits froides, et de les reprendre de huitaine en huitaine quatre ou cinq jours de suite, jusqu'au moment de faucher. Selon nous, c'est un abus. Cet excès d'irrigation dès que le gazon verdit, provoque un abaissement de température très-inopportun. La chaleur n'est pas encore assez forte pour qu'il soit raisonnable de la diminuer. Nous voudrions que, dans le Nord au moins, on fût trèssobre d'eau en mars et avril et qu'on réservât ses prodigalités pour le mois de mai. Et alors même, nous n'admettrions point les irrigations de nuit qui ne conviennent que pendant l'été.

Six ou huit jours après chaque coupe, il faut encore irriguer afin de lancer la végétation du regain, mais seulement la nuit, ou dans la journée par un temps couvert. Lorsque le soleil est ardent, l'évaporation de l'eau est prompte, et non-seulement on en perd une partie sous forme de vapeur, mais on provoque un refroidissement trop brusque qui contrarie beaucoup la végétation.

Nous adresserons aux cultivateurs le reproche de ne point raisonner assez leurs opérations. Voyons-nous jamais les meilleurs jardiniers arroser leurs légumes une quizaine de jours de suite et sans discontinuer, dès la sortie de l'hiver, lorsqu'il ne fait pas encore très-chaud, ou bien lorsqu'il pleut ? Certainement non; ils attendent que les journées soient chaudes et que les plantes aient soif; puis ils n'arrosent que dans le matinée et vers le soir c'est bien assez d'eau déjà pour perdre la saveur des légumes et nous en fabriquer qui ne sentent plus rien. Or, on reconnaîtra sans difficulté qu'entre les plantes du potager et celles de la prairie, il n'y a pas la distance que l'on suppose; l'excès d'eau affadit celles-ci comme celleslà. C'est un fait démontré le foin des prairies abondamment irriguées ne vaut pas celui des prairies qui ne le sont point ou qui ne le sont que

La stagnation de l'eau n'est pas seulement funeste en temps de végétation; elle l'est en outre en temps de gelée, et surtout lorsque le gazon a été pâturé et que les pieds des animaux ont fait empreinte dans ce gazon. Méfiez-vous toujours des glaçons sous lesquels il y a un vide, c'est-àdire qui sonnent le creux, pour nous servir d'une expression vulgaire, et méfiez-vous-en surtout quand le soleil les frappe, car l'herbe qu'ils recouvrent est exposée à être détruite. Il faut ou les rompre ou les masquer avec de la terre.

Du roulage des prairies à la sortie de l'hiver. L'emploi du rouleau sur les prairies irriguées est fort avantageux, quoique bien rarement pratiqué. Il a pour but et pour résultat de refouler le gazon soulevé par les gelées dans quelques terrains et de chasser devant l'instrument l'excès d'eau qui peut se rencontrer sous ce gazon. La prairie consolidée et ressuyée par ce moyen à la sortie de l'hiver, végète plus tôt, plus vigoureusement et se garnit mieux du pied que si l'on négligeait le roulage. Nous avons entendu M. de Mathelin, un ancien élève de Roville, recommander vivement cette pratique dans le Luxembourg.

De l'étaupinage.-C'est surtout au printemps, à l'époque où le gazon commence à s'animer, qu'il faut défaire les taupinières et en répandre la terre menue sur les prairies. On a deux raisons pour cela: avec les taupinières, le fauchage offrirait de grandes difficultés; avec la terre de ces taupinières, on enrichit la prairie; en étaupinant, on lève donc les difficultés en question en même temps que l'on améliore le sol.

Lorsque l'on opère sur une petite échelle ou que les taupinières sont peu nombreuses, on se sert d'une pelle de fer pour les éparpiller, mais quand on opère sur de grandes surfaces, on a recours soit à l'étaupinoir, soit à la pelle à cheval.

N

Fig. 351.

L'étaupinoir se compose de plusieurs pièces de bois de 0,15 à 0m,16 d'équarrissage, et solidement assemblées entre elles; chacune des traverses est armée d'une lame de fer fixée par des boulons, et de l'épaisseur d'un centimètre ou un centimètre et demi. On y attelle des chevaux comme à une

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