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l'hiver. Il est bien plus facile d'ailleurs de former des tas qui ne touchent pas le sol, qui soient séparés des murs par de grosses pailles de navette, de colza ou de féveroles, qui reçoivent l'air de toutes parts, au moyen de cheminées d'appel, de fagots de gros bois, de tuyaux criblés de trous à leur circonférence, ou de cavernes ménagées dans l'intérieur du tas, de donner à propos de l'air aux caves et aux celliers, de déboucher les ouvertures pendant les journées douces de l'hiver et de les reboucher tous les soirs, de peur d'une surprise par le froid. Tout ceci n'est qu'un jeu d'enfant, et il n'en faut pas davantage pour assurer la conservation des tubercules.

gnées de paille; nous formons un encadrement | cultivateurs n'en ont pas à perdre à la sortie de avec quelques planches, puis, nous entassons nos pommes de terre à cette place; ou bien encore, nous mettons quelques claies en travers de bûches de bois, et uniquement pour que les pommes de terre ne touchent point le sol, sans réfléchir que nous prenons là une précaution à peu près inutile. L'important, dans cette circonstance, serait de bien établir et de maintenir le renouvellement de l'air dans le tas. Avec les claies, si le tas en question était peu considérable, l'aération pourrait se produire; mais quand la masse présente beaucoup d'épaisseur, ce moyen ne suffit pas. Des cultivateurs du canton d'Etalle (Belgique) ont eu le bon esprit de le reconnaître, et c'est pour cela qu'ils placent sur les claies, et perpendiculairement, un fagot de gros bois autour duquel on entasse les tubercules. Ce fagot forme cheminée d'appel et entretient convenablement l'aération. On pourrait rendre le procédé plus efficace en plaçant plusieurs autres fagots dans le sens horizontal. Grâce à ces précautions faciles, l'air circulerait dans tout le tas, l'échauffement deviendrait impossible et, partant, la pourriture ne serait pas à craindre comme dans les circonstances ordi

naires.

Mais ce mode d'aération ne nous paraît pas encore suffisant. Nous croyons qu'en général, la température de nos caves est trop élevée, que les ouvertures pratiquées aux murs ne sont pas assez larges, que les courants n'y sont pas convenablement établis. Nous nous permettrons de faire observer, en outre, que nous avons tort de boucher ces ouvertures trop hermétiquement dès les premiers froids, et de ne pas enlever toujours la paille, le foin ou le fumier, dès que l'atmosphère se radoucit. Nous nous arrangeons de façon à faire de nos caves autant de serres chaudes qui provoquent la germination de nos conserves dès le mois de décembre et la favorisent à tel point, qu'à la sortie de l'hiver, les germes des pommes de terre sont si développés que les tubercules ne valent plus guère, ni pour l'alimentation, ni pour la plantation. Donnons donc plus d'air, renouvelons-le par tous les moyens possibles; empêchons la température de nos caves de s'élever, ne prenons de précautions que dans les temps de fortes gelées, et nous n'aurons plus à nous plaindre des ravages de la pourriture et des inconvénients de la germination anticipée. Il n'est jamais trop tard pour rompre avec les pratiques mauvaises et en adopter de bonnes.

Quantité de personnes, vers la fin de l'hiver, perdent leur temps à changer de place leurs tas de pommes de terre, à les porter d'un coin de la cave ou du cellier dans un autre coin, afin qu'elles ne germent pas. On est allé même jusqu'à conseiller de transporter les tubercules de la cave dans les appartements. Assurément, ces procédés sont efficaces; mais leur application exige trop de temps, et les

Dans les petits ménages, une caisse posée sur deux traverses, trouée en dessous et sur les côtés le plus possible, ou bien façonnée rien qu'avec des barres comme celles où l'on met la vaisselle lavée, et exposée dans un courant d'air, suffit pour conserver les provisions. Une espèce de râtelier double, à barreaux très-rapprochés les uns des autres et solidement fixés, rendrait le même service. Enfin, on pourrait encore se servir d'une grande caisse, à large ouverture vers sa partie inférieure. Au fur et à mesure de la consommation, on prendrait les tubercules par cette ouverture, et il se ferait dans le tas un dérangement qui faciliterait le renouvellement de l'air.

Dans beaucoup de localités, il est d'usage de conserver les pommes de terre sur place, ou le plus possible dans le voisinage de la ferme. A cet effet, les uns ouvrent des fosses très-profondes, les tapissent de paille au fond et sur les côtés, et y jettent les tubercules qu'ils recouvrent ensuite de paille et de terre. Ces fosses portent le nom de silos; l'opération porte celui d'ensilage. Les sillons profonds ne valent rien, et souvent les tubercules s'échauffent et la pourriture se déclare. Les autres,

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Fig. 253. Silo à base enterrée.

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acceptent. Quoi qu'il en soit, nous ne conseillons à personne de soumettre les animaux à ce régime; nous ne pouvons pas admettre qu'une mauvaise nourriture puisse donner de bons résultats.

qu'ils élèvent ensuite à une certaine hauteur et qu'ils recouvrent d'une certaine quantité de terre, tout en ayant soin de laisser sortir par le sommet un faisceau de paille qui favorise le renouvellement de l'air. D'aucuns même prennent la précaution d'ouvrir à la base de la butte un fossé plus profond que la première assise des pommes de terre, fossé qui forme drainage et qui, certainement aussi, contribue à l'aération. Cette der-lisé dans les arts et vendu parfois sous le nom nière méthode est excellente; il vaut mieux tenir la conserve hors de terre qu'en terre (fig. 253 et 254).

Emploi de la pomme de terre. Les tubercules de cette plante ont une importance considérable dans l'alimentation des peuples. Partout, mais principalement en Belgique et en Irlande, on en consomme des quantités prodigieuses, sous diverses formes et préparées de diverses manières, selon les goûts et les habitudes contractées.

Tous les animaux : chevaux, bœufs, porcs, etc., s'accommodent de ces tubercules, mais on les donne surtout aux bêtes de l'espèce bovine et de l'espèce porcine, tantôt crus, tantôt cuits. Les pommes de terre crues, administrées aux vaches laitières, augmentent la sécrétion du lait et passent | pour améliorer la qualité du fumier. Les pommes de terre cuites conviennent beaucoup à la volaille. | On assure que 16 000 kil. de tubercules, produit approximatif d'un hectare, valent 8 400 kil. de bon foin.

Dans les pauvres ménages, aux époques de cherté, on mêle souvent des pommes de terre cuites à la pâte du pain, mais on y perd beaucoup en qualité, si l'on y gagne un peu en volume. En 1833, on nous vendait à Paris, sous le nom de pains de dextrine, des pains de fantaisie, dont nous n'avons pas gardé mauvais souvenir, et dans lesquels la pomme de terre entrait dans nous ne savons quelle proportion.

En 1846 ou 1847, alors que le froment était rare et coûtait cher, il fut question d'un moyen de conserver les pommes de terre pendant de longues années. Ce moyen consistait à les faire cuire d'abord à la vapeur, à les dessécher ensuite à l'air chaud et à les réduire en farine. Le projet n'eut pas de suites.

On emploie avec succès, contre les brûlures légères, de la pomme de terre crue et râpée. C'est d'ailleurs un remède populaire, que l'instinct sans doute a découvert et que les médecins ne dédaignent pas.

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L'industrie s'est emparée des tubercules de pommes de terre pour fabriquer de la fécule, du sucre de fécule (glucose) employé pour le sucrage des vins et pour les bières, et un alcool fort uti

de genièvre ou eau-de-vie de grains, qu'il ne vaut pas à beaucoup près. Ce n'est pas seulement une détestable boisson pour le goût, c'est encore une boisson dangereuse, quand sa distillation a été | négligée.

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Beaucoup de ménagères fabriquent elles-mêmes leur fécule, tantôt pour l'associer à de la fécule de froment et en faire des gaufres, tantôt pour l'utiliser à diverses préparations culinaires, tantôt enfin pour faire de l'empois. Voici comment elles s'y prennent : Après avoir pelé les tubercules, elles les ràpent dans un vase où il y a de l'eau; puis, lorsque tout est râpé, elles agitent la pulpe dans l'eau et la laissent reposer. Un dépôt se forme, et, aussitôt formé, nos ménagères versent l'eau avec précaution, de façon à ne laisser dans le vase que le dépôt en question. C'est la fécule. Il ne s'agit plus que de bien la laver, de décanter de nouveau, de laver une seconde fois, de laisser le dépôt se former, de décanter encore et d'enlever la fécule, qui doit être alors d'une blancheur parfaite et que les Ardennaises appellent fleur de pommes de terre. On l'écrase sur des linges ou sur des feuilles de papier non collé; on. l'expose au soleil; on la change de linge ou de papier de temps en temps, et, lorsqu'elle est sèche, on la conserve en sacs. A défaut de la chaleur du soleil, on se sert de la chaleur d'un poêle ou d'un feu doux. P. JOIGNEAUX.

TOPINAMBOUR (HELIANTHUS TUBEROSUS).

Le topinambour nous dispense de toute classification, car nous n'en connaissons qu'une espèce, et une variété qui diffère seulement du type par la couleur jaune des tubercules; dans le type, la couleur est rougeâtre. Cette plante, de la famille des Composées, est, comme la pomme de terre, originaire de l'Amérique, mais elle est loin d'en avoir l'importance. Cependant, elle mérite une attention qu'on a tort de ne pas lui accorder. A diverses reprises, les hommes les plus influents ont cherché à répandre le topinambour dans la grande culture, mais presque toujours les cultiva

Les fines pelures de pommes de terre, comme on sait les faire en Belgique, afin de ne rien perdre de la partie extérieure du tubercule qui vaut mieux que le centre, les fines pelures, disons-teurs s'en sont tenus à de petits essais insigninous, sont données aux lapins, pendant l'hiver. Dans les Flandres, on les laisse sécher, à cet effet, sur les greniers.

Les fanes vertes des pommes de terre précoces, qu'on livre à la consommation avant une complète maturité, sont de mince valeur. On les donne aux vaches qui les mangent très-bien.

Les pommes de terre, altérées par la maladie, ne sont pas perdues partout. Nous connaissons de pauvres cultivateurs qui les servent à leurs vaches. Si quelques-unes les rebutent, d'autres les

fiants et qui n'ont pas été poursuivis. Il n'y a pas plus d'une quinzaine d'années, on découvrait encore, de loin en loin, dans quelques villages de la Côte-d'Or, des morceaux de terrain couverts de topinambours; on n'en faisait point de cas: on ne récoltait pas toujours les tubercules; on respectait la plantation par habitude, parce qu'elle datait de loin, et aussi, parce que, située dans le jardin ou dans le très-proche voisinage des habitations, elle servait de refuge aux poules de la ferme pendant les journées brûlantes de l'été.

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De nos jours, on pousse de nouveau et vivement à la culture du topinambour, et l'on fait bien. Il faut espérer que nous serons plus heureux que nos prédécesseurs. Pourquoi cette plante n'at-elle pas été propagée? C'est uniquement parce qu'on l'a crue indestructible ou à peu près et qu'on n'entendait pas salir des champs à perpétuité. Aujourd'hui, cette croyance s'en va, avec raison, et, par conséquent, le topinambour nous semble appelé à faire son chemin.

Climat. Cette plante est un peu plus difficile que la pomme de terre sur le climat. En voici les preuves: elle ne mûrit pas ses graines où la pomme de terre mûrit les siennes; elle ne fleurit même pas toujours dans l'Ardenne belge où la floraison de la pomme de terre est assurée; et, dans les années constamment froides et pluvieuses, comme celle de 1860, elle n'a pas déFig. 255.- Topinambour. veloppé ses tubercules dans cette même Ardenne, où la pomme de terre a développé les siens. Quoi qu'il en soit, la culture du topinambour peut être conseillée par toute la France, et, pour ainsi dire, par toute la Belgique. Cependant, le Midi doit mieux lui convenir que le Nord.

Terres propres à la culture du topinambour. Tous les terrains qui conviennent à la pomme de terre conviennent au topinambour. Toutefois, plus ils sont riches, plus le rapport en tubercules devient considérable. Ici, nous ne sommes plus arrêté par la question du plus ou moins de qualité, attendu que le topinambour est trèsrarement destiné à la nourriture de l'homme.

Nous demanderions aux cultivateurs de consacrer de bons terrains au topinambour, qu'ils ne nous écouteraient pas; nous nous contentons de leur dire que les sols médiocres et même mauvais peuvent lui convenir à la rigueur, pourvu qu'ils ne soient pas trop mouillés.

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Fig. 257. Tubercule jaune.

bon gré, mal gré, recourir au plant. Les gros tubercules et les tubercules moyens sont ceux qui

méritent la préférence, parce qu'ils ont atteint leur complet développement. Ils n'exigent aucune préparation; on les sort de terre au moment de les replanter, en sorte qu'ils réunissent toutes les conditions de rusticité.

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Plantation du topinambour. Il est d'usage de planter le topinambour à la sortie de l'hiver, en même temps que la pomme de terre, par les mêmes moyens, à la même profondeur et à la même distance. Pour ce qui concerne les moyens et la profondeur, nous ne voyons pas qu'il y ait lieu à critiquer; quant à l'espacement, c'est différent; le topinambour en exige plus que la pomme de terre; aussi nous voudrions qu'il y eût entre les plantes une distance de 60 centimètres au moins, de 80 centimètres au plus.

On a cru, et beaucoup de personnes croient encore, qu'il n'est pas nécessaire de replanter les tubercules de topinambour chaque année, attendu qu'il en reste toujours assez en terre, après l'arrachage, pour en assurer la reproduction indéfinie. C'est une erreur. Les tubercules oubliés ou inaperçus des arracheurs sont si chétifs qu'il n'y a pas à compter sérieusement sur eux. Aux belles récoltes les beaux plants, voilà la règle. On a cru aussi qu'il y avait profit à n'arracher les tubercules de topinambours que tous les deux ans; c'est encore une erreur, et nous le démontrerons plus loin en parlant de la récolte.

Soins à donner au topinambour pendant sa végétation. Ces soins consistent en un sarclage avant la levée, c'est-à-dire quinze jours environ après la plantation; en un second sarclage quand toutes les plantes sont sorties de terre; en un binage profond et un buttage, quand elles

ont de 40 à 50 centimètres de hauteur.

Récolte. On ne doit arracher les topinambours qu'à la fin de l'hiver, alors que les provisions baissent, et au fur et à mesure des besoins. En cave, les tubercules se ramollissent assez promptement et sont sujets à la pourriture, tandis qu'ils se conservent on ne peut mieux dans le sol. En cave, ils redoutent la gelée; en terre, ils ne la craignent point ou la craignent si peu que ce n'est pas la peine de s'en inquiéter. Les nôtres ont supporté des froids de 15°, 20° et plus, sans s'en ressentir. Les campagnols ou les souris les attaquent quelquefois durant l'hivernage, mais faiblement et le plus souvent dans le voisinage des haies et des tas de pierres.

On nous avait dit qu'en arrachant les topinambours au bout de deux années seulement, on obtenait un rendement plus considérable qu'avec l'arrachage annuel. Nous avons donc laissé une partie de notre plantation sans y toucher, afin d'établir la comparaison et de juger par nousmême de ce qui nous avait été rapporté.

Le mercredi 24 mars 1860, nous avons arraché quatorze touffes de topinambours de deux ans, occupant une surface de 5 mètres carrés. Ces quatorze touffes ont donné 35kil,500 de tubercules lavés, c'est-à-dire 7,100 par mètre carré, ou 710 kilos par are, ou enfin 71 000 kilos par hectare.

Nous avons arraché, après cela, des topinambours d'un an et reconnu qu'il fallait vingt touffes de ceux-ci pour produire 35,500; donc vingt touffes d'un an égalent quatorze touffes de deux ans; donc, nous avons un intérêt clair à laisser de côté la culture bisannuelle et à adopter la culture annuelle qui nous rend environ 57 000 kilos.

Tout cultivateur dispose de terrains qui valent pour le moins celui que nous affections à la culture du topinambour; tout cultivateur peut donner à cette plante les petits soins et la petite fumure que nous lui donnions, et prétendre, par conséquent, aux mêmes résultats.

Nos données ne s'accordent guère avec les assertions des auteurs qui placent le rendement de la pomme de terre, en poids, au-dessus du rendement des topinambours. Ce n'est pas notre faute si, chez nous, le topinambour a rendu quatre fois plus que la pomme de terre. Nous parlons d'après la bascule et garantissons l'exactitude de la pesée.

Alors même que le topinambour, comme plante alimentaire, serait d'un tiers inférieur à la pomme de terre, il n'y aurait pas encore lieu de se plaindre. Ajoutez maintenant à l'importance du rapport l'avantage qu'a le topinambour de supporter en place les plus rudes hivers, et vous reconnaîtrez qu'il est du devoir des comices de pousser de toutes leurs forces, par la parole, l'écrit et les faits, à la propagation de ce tubercule fourrager.

Le poids des tubercules de topinambours est à peu près le même que celui des tubercules de pommes de terre. L'hectolitre des uns et des autres pèse de 66 à 68 kilos environ.

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Emploi du topinambour. Les tiges et les feuilles vertes du topinambour sont employées comme fourrage. A cet effet, on doit les couper tardivement, quand le développement du tubercule n'en a plus besoin, et les hacher avant de les donner aux moutons ou aux vaches; mais les tubercules sont bien autrement précieux que ces tiges et ces feuilles. On les administre crus et coupés par morceaux, aux vaches, aux moutons et aux porcs.

L'industrie s'est emparée du topinambour pour le soumettre à la distillation. L'alcool que l'on en retire est abondant et de bonne qualité, mais comme il est impossible d'utiliser les résidus, dont l'odeur est fort désagréable, on préfère la betterave au topinambour. P. J.

CHAPITRE XX.

DES RACINES CHARNUES.

CAROTTE (DAUCUS CAROTA).

Nous plaçons dans la catégorie des racines charnues la carotte, le panais, le navet, le rutabaga et la betterave. Ce ne sont pas assurément les seules racines charnues cultivées, mais les autres, telles que la scorsonère, le salsifis, le scolyme, le céleri-navet, etc., appartiennent de droit au jardinage, et il en sera parlé en temps et lieu. Pour le moment, nous n'avons affaire qu'aux racines charnues de la grande culture.

Classification. La carotte appartient à la famille des Ombellifères, c'est-à-dire des plantes dont les fleurs sont en ombelles; elle constitue un genre qui renferme un certain nombre d'espèces originaires de la France, de la Belgique, du bassin de la Méditerranée et notamment des côtes de la Barbarie. Personnellement, nous ne connaissons que l'espèce sauvage de nos champs, dont la racine offre peu de développement et peu de régularité. C'est, on le croit, cette carotte qui nous a fourni les variétés et sous-variétés connues. Sur ce point, le doute n'est guère possible; M. Vilmorin l'a prouvé de son côté, et nous en avons acquis la conviction du nôtre. En cinq ans et même moins, il est facile de changer la carotte sauvage en carotte cultivée et de donner à sa petite racine un volume considérable. Durant notre séjour en Belgique, un jeune botaniste de ce pays, M. François Crépin, de Rochefort, nous remit de la graine de carotte sauvage récoltée dans la province de Namur. Nous semâmes cette graine sur une planche du potager; elle leva bien et fut sarclée et éclaircie à propos. A l'approche de l'hiver, tous les pieds furent arrachés avec la fourche de fer, puis triés avec soin. Nous jetâmes ceux dont les racines étaient par trop difformes; nous conservâmes les autres en cave, afin de les replanter au printemps. Ces plants repiqués nous donnèrent de la graine vers la fin de l'été ; et celle des principales ombelles seulement fut récoltée par nous

Fig. 258. Carotte en fleurs.

dans un état de maturité parfaite et semée au printemps de l'année suivante. Parmi les nombreux pieds qui levèrent, nous eûmes soin de ne conserver que ceux dont le feuillage se rapprochait le plus des fanes de la carotte cultivée. Tous ceux qui étaient d'un aspect sauvage furent supprimés. Nous arrachâmes de nouveau les racines à l'approche de l'hiver. Dans le nombre, il s'en trouvait de fort laides encore; mais en revanche, il s'en trouvait plusieurs d'un volume déjà remarquable et d'une régularité surprenante. Celles-ci restèrent dans la cave pendant la rude saison et furent transplantées en temps convenable, à titre de porte-graines. La semence qui en provint nous donna des racines énormes qui furent détruites par des maçons occupés à construire une remise dans le voisinage de notre planche d'essai. Si nous avions pu continuer notre travail de transformation, les carottes qui étaient blanches, longues et bien enterrées, auraient fini, peut-être au bout de trois ou quatre années, par nous donner des variétés jaunes et rouges.

Il reste donc à peu près établi que toutes les carottes cultivées dérivent des espèces sauvages ou, au moins, de l'espèce que nous trouvons dans nos champs,

Voyons maintenant quelles sont nos carottes cultivées dans les fermes. Elles se partagent naturellement en trois groupes: 1o Les carottes blanches; 2o les carottes jaunes; 3° les carottes rouges. Nous ne parlons pas de la carotte violette, d'origine espagnole, dit-on, car elle rentre dans le potager avec la courte et la demilongue de Hollande, dont la grande culture ne se soucie point.

Parmi les carottes blanches, nous signalons la blanche à collet vert, très-longue, à collet très-découvert et que nous croyons originaire de la Belgique (fig. 259); la variété dite de Breteuil, d'une forme différente de la précédente et tout à fait enterrée; la variété dite blanche courte des Vosges, moins développée que celle de Breteuil, mais de même forme et également en

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Fig. 260.- Carotte de Breteuil.

Fig. 219.-Ca

rotte blanche

à collet vert.

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