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mier de vache, très-consumé avant d'être enfoui, ou employé frais en couverture, est d'un bon effet.

Labours préparatoires. - En sol léger, on se contente souvent d'une seule façon, et l'on a tort. Quelle que soit la nature du terrain, nous recommandons deux labours, l'un à l'automne et profond, l'autre superficiel quelques jours avant d'ensemencer. Si les lentilles ont parfois beaucoup à souffrir des sécheresses du printemps, c'est parce que le sol n'a pas été convenablement travaillé avant l'hiver. Les racines rencontrent de la résistance, tracent au lieu de pivoter, et subissent par cela même, en temps de sécheresse, un malaise qu'elles ne subiraient point si elles pouvaient s'allonger librement dans les couches profondes.

Choix des semences. — Un bon choix serait d'autant plus utile que la maturation des graines de lentilles s'opère très-irrégulièrement. Quand on prend la semence au tas, il est clair qu'il s'y trouve, à côté de graines parfaites, des graines moins défectueuses. Nous voudrions qu'aussitôt l'arrachage fait, on frappât légèrement avec une baguette les lentilles récoltées et placées sur un drap. La semence, qui se détacherait sans effort de la gousse, serait de toute première qualité et en même temps précoce. Cette opération terminée, on donnerait au reste des gousses le temps de mûrir à l'air, et en bottes. Il y aurait peut-être mieux à faire encore : ce serait de semer à part les porte-graines, et de les soigner tout particulièrement.

Terres propres à la culture de la lentille. « Cette plante, dit M. de Dombasle, aime un sol de consistance moyenne, et elle réussit également dans les sols argileux calcaires, lorsqu'ils sont bien ameublis au printemps par un labour donné en automne ou en hiver. » Nous ajouterons que cette plante réussit très-bien dans les terrains légers, fumés en couverture, et qu'elle y prospérerait dans tous les cas, n'étaient les sécheresses du printemps, qui compromettent très-souvent la ré-plus ou colte. Voilà pourquoi nous conseillons les fumures en couverture, qui ont le mérite de protéger les racines de la plante contre les influences désastreuses d'un soleil ardent ou des vents du nordest. Dans le midi de la France, il est évident que les terrains frais deviennent de rigueur comme pour les haricots.-« Les meilleures lentilles qu'on connaisse à Paris, écrivait Bosc au commencement de ce siècle, viennent de Gaillardon, près Rambouillet, dans des sables quartzeux, et des environs du Puy, dans des sables volcaniques. La plupart des communes sont apportées des environs de Soissons, et proviennent de terres calcaires trèslégères. » — Aujourd'hui que les voies de communication sont très-multipliées et très-rapides, Paris reçoit ses lentilles de toutes les directions, et la Lorraine lui fournit un ample contingent.

La levée des Préparation des semences. lentilles est si prompte et si facile, qu'on ne soumet la semence à aucune préparation; cependant il pourrait arriver qu'il y eût profit à semer de la graine de deux ans, quand celle de l'année ne vaut rien. Dans ce cas, on se trouverait bien de l'arroser avec de l'eau tiède, une heure ou deux avant de s'en servir. Par ce moyen, on réveille les facultés germinatives engourdies.

Semailles de la lentille.

Place de la lentille dans les assolements. La lentille succède sans inconvénient à toutes les plantes. On la cultive souvent sur jachère, et sa récolte peut être suivie d'un semis de navets; On sème cette mais c'est beaucoup exiger des terres maigres. légumineuse en mars ou au commencement d'aMieux vaut s'en tenir à la récolte principale et pré-vril, mais de préférence en mars, tantôt à la volée, parer ensuite le terrain pour des céréales d'automne, et en particulier pour le seigle. Il va sans dire que dans une terre substantielle on doit préférer le froment au seigle.

Engrais qui conviennent à la lentille. Nous ne dirons pas que cette légumineuse est plus sobre que toute autre; nous dirons seulement qu'elle gagnerait à l'être. Quand on la nourrit copieusement, elle profite des vivres et s'en réjouit; elle se développe avec un luxe de végétation inaccoutumé et finit par se rouler à terre faute de pouvoir se tenir debout. Cet état pléthorique ne saurait faire le compte du producteur qui veut de la graine avant tout, et n'obtient cette graine qu'aux dépens de la feuille. Donc, dans une terre en bon état, nous ne conseillons que le cendrage. Dans une terre maigre et sèche, le fu

tantôt en lignes, tantôt par touffes. Le semis à la volée et par touffes convient aux climats et aux terrains secs; le semis en lignes est préférable dans les terrains frais et dans les climats où l'humidité est à craindre.

Pour les semis à la volée, on emploie 150 litres de graines de lentille blonde par hectare, et seulement 130 ou 140 litres de lentilles à la reine. Avec la culture en lignes ou par touffes, on dépense naturellement un peu moins de semence. Dans certaines contrées, on place les lentilles sur ados, par touffes ou en lignes, comme, par exemple, à la suite d'une plantation de vignes ou d'asperges. Il est d'usage, en bon terrain, de maintenir entre les lignes une distance de 50 centimètres; mais ailleurs on se contente de 30 à 40 centimètres. On enterre la graine à la profondeur de 2 ou 3 centimètres.

Soins à donner à la lentille pendant sa végétation.—Ces soins consistent en un sarclage, dès que la plante sort de terre, et en deux binages, le premier quand la lentille a 8 ou 10 centimètres de hauteur, le second quand la floraison commence, et, autant que possible, par un temps couvert. Un buttage en ce moment, dans les années sèches, pourrait rendre des services.

Maladies de la lentille. Nous ne lui connaissons pas de maladie, dans la rigoureuse acception du mot. Quand l'année est pluvieuse et que la plante a trop de développement, elle tombe, et ses feuilles comme ses gousses moisissent et pourrissent; quand elle a trop chaud ou trop soif, au printemps, les fruits ne nouent pas, et la récolte est compromise: voilà tout. La lentille souffre encore de la voracité de la bruche des pois; mais nous n'y pouvons rien.

Récolte.- « Il faut, dit Bosc, veiller à l'époque de la maturité des lentilles, car, lorsqu'on les récolte trop tard, on risque d'en perdre beaucoup par l'effet de l'élasticité des gousses, et par suite des ravages des mulots, des pigeons et autres animaux, qui sont très-friands de leurs graines. On reconnaît cette époque, qui arrive ordinairement, dans le climat de Paris, à la fin de juillet, à la couleur grise ou roussâtre que prennent les gousses et à la chute des feuilles inférieures. Alors on arrache les pieds, et on les étend, réunis en petites bottes, pendant deux ou trois jours, la tête en bas, contre des murs, sur des haies, des échalas, etc., pour qu'ils complètent leur maturité et s'y dessèchent. Lorsqu'on les laisse sur terre, les graines prennent une teinte verdâtre, et se rident par l'effet de l'humidité. Il est mieux de les apporter immédiatement à la maison, pour les étendre et les surveiller, que de les laisser dans les champs. Une dessiccation lente est toujours plus favorable à leur bonté et à leur beauté qu'une trop rapide.

« J'ai eu occasion de voir une récolte importante, ainsi abandonnée, être entièrement mangée par les pigeons, venus par milliers des cantons voisins.

« Il est utile de ne battre les lentilles qu'à mesure du besoin ou de la vente, parce qu'elles se conservent mieux dans la gousse que séparées. Elles se battent avec le fléau. »

Assez fréquemment, toutefois, on laisse les bottes de lentilles sur le sol, les pieds en l'air, et, lorsque le temps le permet, on bat les lentilles sur le terrain. Il s'ensuit qu'on ramasse avec la graine quantité de petits cailloux qui ont de très-gros inconvénients. La lentille à la reine, de provenance méridionale, se distingue sous ce rapport. Avis aux consommateurs qui ont l'appétit bien ouvert, et qui tiennent à ménager leurs dents. En sol riche, les lentilles rendent par hectare de 20 à 30 hectolitres.

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ser au four ou à l'étuve, pour les dessécher et détruire les bruches. Les lentilles décortiquées donnent une bonne purée, de digestion facile. Réduites en farine, on en forme des aliments plus ou moins déguisés sous des noms étranges, plus ou moins vantés par le charlatanisme, et auxquels on attribue des propriétés merveilleuses. Nous ne voyons, nous autres, de merveilleux en ceci que le prix de la chose et la crédulité des braves gens qui le paient.

Les tiges et feuilles sèches de lentilles entrent dans l'alimentation des animaux.

Les lentilles vertes forment un délicieux fourrage, fané ou non. Il en sera question plus tard. P. J.

FÈVES (FABA).

Classification.-Les botanistes ne reconnaissent qu'une seule espèce de fève, que l'on dit originaire des bords de la mer Caspienne, et qui est la fève commune. Cette espèce a produit un certain nombre de variétés, qui sont la fève de marais, la fève de Windsor, la fève de Mazagan ou de Portugal, la five verte de Chine, la fève en éventail, et enfin la fève de cheval ou féverole. Ces variétés ont à leur tour produit des sous-variétés, dont il sera question lorsque nous parlerons de la culture potagère. Nous n'avons à nous occuper ici que des fèves cultivées en plein champ, c'est-àdire de la féverole (Fig. 241) et de la fève commune.

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Fig. 241.

Climat.- Les fèves ne sont pas difficiles quant au climat. Nous les rencontrons aux deux extrémités de la France, dans le midi et dans le nord: nous les rencontrons en Belgique et jusque dans la province de Luxembourg; mais, là, il serait téméraire de répondre toujours de la maturité. Les sécheresses prolongées, aussi bien que les pluies qui durent trop, sont défavorables à cette plante; un peu d'ombre ne lui déplaît pas. La culture des féveroles est très-répandue dans notre département du Nord, aux environs de Dunkerque et d'Armentières, et aussi dans la Lorraine ; celle des fèves communes occupe une place importante dans le midi de la France et en Alsace. En Lorraine, la côte de Saverne sert d'extrême frontière à ces deux sortes de fèves. A l'une, la routine dit : Tu ne descendras pas plus bas ; à l'autre Tu ne monteras pas plus haut. Et elles obéissent, dociles qu'elles sont. Ajoutons, en passant, qu'il existe une féverole d'hiver, plus robuste que celle que nous cultivons d'habitude.

En Belgique, la culture des féveroles est pratiquée sur une très-grande échelle, comme on peut s'en convaincre en parcourant surtout le Hainaut, les Flandres, la province d'Anvers et celle de

Namur.

Terres propres à la culture des fèves. Bosc a dit : « Ce sont exclusivement les terres argileuses un peu humides, c'est-à-dire les terres froides propres au froment, qui conviennent à la culture des fèves. » Nous remarquons également dans le nord-est que les sols argilo-calcaires et argilo-sablonneux sont préférés par la féverole; cependant, pour être juste, il convient de n'être pas trop exclusif et de reconnaître que, même dans les terrains légers, elle réussit parfaitement quand, bien entendu, l'humidité du climat vient en aide à ces terrains. Dans le Nord, on redoute les terres rouges.

Place des fèves dans les assolements. En Lorraine, où, dans la plupart des grandes fermes, l'assolement triennal est encore en pleine prospérité, malgré toutes les protestations du progrès, la fèverole occupe, dans la rotation, l'année qui suit le froment et qui précède la jachère. Ce n'est donc pas, dans ce pays, une préparation pour la céréale. Toutefois, le plus ordinairement, sur les divers autres points de la France, la culture des fèves précède celle du froment, et est considérée comme une excellente préparation. Dans les terrains riches, où la féverole est sujette à s'emporter et à produire plus en tiges qu'en gousses, on peut sans inconvénient la ramener deux et même trois années de suite à la même place. Le plus souvent, on ne la ramène que tous les trois ou quatre ans.

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Engrais qui conviennent aux fèves. — Les engrais riches en potasse et en phosphate de chaux sont, entre tous, ceux que les fèves affectionnent. Les cultivateurs, qui ne se préoccupent guère des prescriptions de la chimie agricole, leur donnent ce qu'ils ont, principalement du fumier de ferme ; mais ils se trouveraient bien de lui associer du guano, des cendres de bois, de la poudre d'os et du noir animal. Par cela même qu'il s'agit d'une culture destinée à mettre le sol en bon état pour une récolte de froment, on doit fumer copieusement; mais, s'il en est ainsi dans différentes contrées, les choses se passent autrement en Lorraine. Quoique la féverole s'accommode fort bien du fumier, et qu'elle soit assez raisonnable pour en laisser une bonne part aux convives qui viendront après elle s'asseoir au banquet, le fermier la traite à peu près comme ses chevaux relativement à l'avoine; il ne lui en donne guère ou pas du tout. Elle se résigne, et fournit consciencieusement son contingent, lorsque les intempéries de l'année ne viennent pas la contrarier dans sa végétation. Elle se montrerait moins accommodante sur une terre blanche ou sablonneuse. Là, le fumier, c'est la vie, c'est la récolte.

Les engrais pulvérulents, et notamment le guano artificiel à base de sang (système Gasparin), produisent un puissant effet sur la fève. Nous devons le privilége d'avoir cette année une récolte leur dont la beauté ressort du contraste d'un champ de fèves voisin, dont la mine piteuse, les tristes tiges et les cosses plus tristes encore, ne couvriront certainement pas les frais de culture.

Labours préparatoires.

La féveroie, surtout dans les terres compactes, exige des façons qui ameublissent bien la place. Dans le nord de la France, du côté de Dunkerque, la terre reçoit trois labours : le premier, en août, pour retourner les éteules; le second, en décembre, et à une grande profondeur; le troisième, à l'époque des semailles. Dans le Midi, on s'en tient à deux labours. Nos cultivateurs éclairés de la Lorraine, les vrais disciples de Mathieu de Dombasle, ont des égards pour la féverole, et voici de quelle manière ils la traitent. Avant l'hiver, labour profond afin d'ouvrir le sous-sol à l'influence des agents atmosphériques et de permettre aux racines de la plante de descendre aussi bas qu'elle voudra le faire. Immédiatement après le dégel, labour transversal, si le morcellement ne s'y oppose pas; enfin dernier labour suivi de l'ensemencement; on fume en automne ou avant de donner la dernière culture.

Le sort de la fève d'Alsace doit faire envie à la féverole de Lorraine. Si l'âge de fer est arrivé pour celle-ci, l'autre est encore en plein âge d'or, traitée avec les plus grands égards, vénérée, comme la fève de Pythagore, car elle est, sans doute, de plus noble lignée. Mais c'est aussi un diminutif de la grosse fève de marais qui partage les honneurs du potager avec la carotte, le chou, le navet et autres notabilités du domaine culinaire.

Le grain de cette fève d'Alsace est plat plutôt que cylindrique, couleur blond pâle, plus volumineux, mais moins rustique que la féverole.

Dans le Bas-Rhin, sa présence sur un sol précède celle des céréales et l'y prépare admirablement. Là, le cultivateur n'est pas asservi, comme en Lorraine, à la tyrannie de l'assolement triennal. Grâce à la multiplicité des chemins vicinaux, il sème ou plante sur son terrain ce que bon lui semble, sans avoir à s'inquiéter du voisin. Aussi, quel admirable bariolage! Comme elle est zébrée de vert, de jaune, de blanc, de couleurs aux mille nuances, cette plaine ou plutôt cet immense tapis qui commence au pied des Vosges et finit aux bords du Rhin!

Le sol qu'on destine à la fève d'Alsace est soumis à plusieurs labours, dont un au moins précède l'hiver, et est délivré ainsi du chiendent et des plantes vivaces à racines traçantes. La dernière culture a lieu dès le retour du printemps, ou, pour mieux dire, immédiatement après les gelées. Elle sert à enfouir le fumier.

Choix des semences. Comme presque partout, les graines qui ont une belle apparence sont celles que l'on recherche pour la reproduction de cette légumineuse; on ne se demande pas si elles proviennent des gousses longues ou des gousses courtes, des gousses de la partie inférieure ou de celles de la partie supérieure des tiges, si elles ont mûri tôt ou si elles ont mûri tard. Cependant, il résulte des observations de la physiologie qu'il y a toujours de l'avantage à faire un choix raisonné. Nous n'en sommes pas encore là, mais quelque jour, il faut l'espérer, nous y viendrons.

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Semailles des fèves. En Lorraine et ailleurs encore, même dans les pays en renom, on sème les féveroles à la volée et on les enfouit avec la herse aussi profondément que possible. Cette opération qui a lieu vers la fin de l'automne dans le midi de la France, s'exécute chez nous après l'hiver. Sollicitée par l'instinct de la végétation, la féverole veut être confiée de très-bonne heure à la terre. C'est, avec le pois, la plus impatiente des semences de mars, et son mars, à elle, c'est le mois de février, même à la Chandeleur, si le climat et l'année en donnent l'autorisation. Pour les plantes annuelles, on le sait, la richesse du rendement est en rapport direct avec la période de temps pendant laquelle elles occupent le sol.

En Lorraine, nous n'avons pas encore rencontré un seul champ de féveroles semées en lignes. M. de Dombasle recommande cependant cette méthode et la pratiquait lui-même.

La seule règle à observer, lorsqu'on sème la féverole à la volée, c'est de l'espacer assez pour que les tiges ne se gênent point dans leur végétation. Trop rapprochées, elles ne donnent des fleurs que par le haut, et réduisent la récolte à ses plus minces proportions. Dans les années où le prix des céréales est très-élevé, on voit au retour du printemps la campagne se couvrir de champs de féveroles, témoin les années 1847 et 1848, 1853 et 1854. C'est qu'alors la féverole, transformée en farine, déserte l'étable pour le pétrin. Lorsqu'on sème à la volée, il faut employer à peu près 2 hectolitres à l'hectare.

En Alsace, les cultivateurs, autrement soigneux que les Lorrains, sèment la fève commune en lignes, soit en suivant la charrue et en laissant tomber les grains un à un, soit en ouvrant de petites tranchées avec le soc ou quelquefois même avec les instruments à main. Dans ce dernier cas, le fumier est mis au fond de la tranchée, en dessus ou en dessous de la semence, car nous avons vu pratiquer les deux méthodes, sans remarquer de différence dans le résultat obtenu. L'espacement observé entre les lignes varie de 60 à 75 centimètres. Dans ces tranchée ouvertes au hoyau, la fève est enterrée à une profondeur de 7 à 8 centimètres. Elle l'est moins profondément à la charrue, car l'Alsace a le tort d'ignorer la valeur des labours profonds. Les magnifiques résultats obtenus, cette année, par M. Schattenmann, résultats rendus plus évidents encore par les déconfitures de ses voisins, convertira sans doute à cette théorie les plus obstinés disciples de la routine.

avril, et sur labour frais. Ils sèment en lignes espacées de 27 à 32 centimètres. Des femmes suivent la charrue qui ouvre le sillon et placent les graines à 5, 8 et même 10 centimètres l'une de l'autre sur la ligne. Dans le canton d'Armentières, où l'espacement est surtout observé, on fait parler les fèves comme la Fontaine faisait parler les animaux ; de voisine à voisine, elles se disent donc : Eloigne-toi de moi, je rapporterai pour toi. Dans cette localité, il faut 3 hectolitres de semences par bonnier de 1 hectare 41 ares 4 centiares.

Les cultivateurs du midi de la France, ceux du Tarn, par exemple, sèment les fèves communes en octobre ou en novembre, dans un terrain copieusement engraissé avec du fumier bien consumé. La quantité de semence employée varie entre 2 et 3 hectolitres par hectare. Le semis se fait en lignes, tandis que dans les Hautes-Pyrérées, on sème à la volée sur le fumier, après quoi, l'on enterre le tout avec la charrue. On estime que 25 litres de fèves suffisent pour l'ensemencement de 22 ares 76 centiares.

Soins à donner aux fèves pendant la végétation. En Alsace, ainsi que dans notre Flandre française, un hersage énergique, pratiqué au moment où la plante commence à sortir de terre, détruit les mauvaises herbes qui cherchent à s'emparer du sol.

Le semis en lignes permet tous les travaux d'entretien propres à favoriser le succès de la récolte, binage, sarclage, buttage; l'Alsacien n'y manque jamais. On conseille l'écimage ou décapitation de la plante, immédiatement après la floraison, opération faite dans le but de forcer la séve à refluer vers les gousses au lieu de se dépenser follement en luxe de végétation. Elle la débarrasse en même temps des innombrables légions de pucerons qui, s'établissent aux extrémités de la tige, pour en extraire la substance sucrée qu'elle produit par exsudation. Toutefois, nous n'avons pas vu pratiquer en Alsace cette opération qui nous paraît très-rationnelle et qui est extrêmement facile, car un enfant, armé d'une faucille, pourrait, en un jour, accomplir ce travail sur un demi-hectare.

Nous ajouterons, avec M. Joigneaux, qui en a fait l'expérience en Belgique, dans la ferme de M. Jules Bourlard, de Mons, que les sommités des féveroles constituent, aussi bien que les sommités de la fève commune, un légume précoce, trèsrecherché de nos voisins. On prépare les feuilles tendres de ces fèves des champs à la manière des feuilles de choux, au gras ou au maigre, avec accompagnement de sarriette.

Les travaux d'entretien s'exécutent ordinairement avec le hoyau dans le Bas-Rhin. Toutefois, les instruments perfectionnés commencent à s'y introduire, et nous les avons vus parfaitement fonctionner dans les champs de fèves pour remplacer le sarclage à la main, chez nos cultivateurs avancés. Où que l'on aille, les travaux d'entretien des fèves sont les mêmes et consistent en sarcla

Dans la petite culture, où l'on ne perd pas un décimètre de terrain, on sème quelquefois des navets dans les interstices des lignes. Sans dé-ges, binages et écimage. fendre cette méthode, nous ne la conseillons

point.

Maladies des fèves.

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Les cultivateurs du Nord sèment en mars ou en aucune qui offre des caractères graves. Nous ne

craignons pour cette légumineuse que des gelées trop fortes au moment de la levée, les pucerons noirs ou aphis, au moment de la floraison et après la floraison, et les bruches dont les larves se nourrissent de l'intérieur des graines, comme elles se nourrissent de nos pois. Nous allions oublier les campagnols qui butinent parfois au milieu du semis et emportent une partie des graines dans leurs magasins de réserve.

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Récolte. Dans le nord-est, nous récoltons les fèves en octobre. Nous les coupons à la faucille ou à la faux; nous en mettons les tiges en bottes, dressées l'une contre l'autre, par groupes d'une demi-douzaine, et nous les laissons là jusqu'à ce que la dessiccation des grosses tiges soit tout à fait accomplie. On les rentre alors et on les bat au fléau, mais en prenant la précaution de ne point les soumettre à un battage trop énergique, dans la crainte d'écraser les graines.

Entre la récolte de la féverole, en Lorraine, et celle de la fève, en Alsace, il y a un écart d'environ trois semaines en faveur de cette dernière, mais ce n'est pas un privilége; le même fait s'observe pour toutes les autres récoltes, la Lorraine se trouvant sur un plateau plus élevé qui reçoit au printemps le souffle glacé des cimes neigeuses des Vosges. Toutefois cette récolte, même en Alsace, n'a ordinairement lieu que vers le milieu de septembre. L'époque de la maturité s'annonce à la nuance noire que prennent les tiges. M. de Dombasle prétend que pour les couper il ne faut pas attendre la maturité complète de la plante. Par un temps trop sec ou trop humide, les gousses s'entrouvrent et le grain s'en échappe. C'est là une considération qui mérite qu'on en tienne compte.

En évaluant le produit de cette légumineuse, de 18 à 24 hectolitres par hectare, nous croyons déterminer sans exagération les deux limites extrêmes entre lesquelles elle se promène.

Le prix de la fève n'a rien de fixe, parce qu'il tient, d'un côté, au plus ou moins d'abondance de la denrée; de l'autre, à celui des céréales dont elle devient l'auxiliaire.

Dans la Flandre, dès que les féveroles commencent à noircir, on les arrache à la main, ou bien on les coupe à la sape; puis on les laisse en javelles huit ou dix jours, avec soin de former des bottes que l'on dresse sur le sol. Du côté de Dunkerque, le rendement varie entre 12 et 15 hectolitres par mesure de 44 ares 4 centiares. Dans les environs de Lille, la récolte s'élève parfois jusqu'à 48 hectolitres par hectare et demi environ. En Lorraine, la fève est fort capricieuse de son naturel. Aussi est il assez difficile d'en déterminer le rendement moyen. Les fèves, convenablement desséchées, se conservent très-bien en meule.

La tige de la variété cultivée en Alsace est plus forte encore que celle de la fèverole. Son séjour sur

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les champs doit donc être prolongé; mais comme il importe de rendre le sol à la culture, surtout s'il est destiné à l'emblavement, on peut transporter la récolte sur un autre terrain.

Emploi des fèves. Nous avons vu tout à l'heure que les sommités de fèves ou de féveroles, provenant de l'écimage, peuvent servir à la consommation de l'homme; plus tard, il sera parlé de la place qu'occupent les féveroles parmi les fourrages verts, de même qu'il a été parlé d'elles déjà au chapitre des engrais, pour ce qui concerne les fumures en vert. Nous cultivons surtout les fèves pour leurs graines sèches, qui servent à plusieurs fins. Réduites en farine, le commerce de la meunerie les associe à la farine de froment dans certaines limites, ce qui n'est pas absolument une mauvaise action quand on l'avoue et qu'on ne trompe point l'acheteur sur la qualité de la marchandise vendue. On peut s'en convaincre d'ailleurs à la lecture des pages intéressantes consacrées dans ce livre à l'emploi des farines de céréales, par notre estimable collaborateur, M. E. Delarue. Nous croyons savoir aussi que, dans certains cas, les distillateurs de seigle trouvent quelque intérêt à associer la féverole à ce grain; elle sert à l'engraissement des boeufs et des porcs, soit cuite, soit réduite à l'état de farine grossière. Les moutons, la volaille s'en accommodent parfaitement.

Mais, dans le Bas-Rhin, elle est surtout employée à l'alimentation des chevaux et remplace, sous ce rapport, l'avoine. L'analyse chimique prouve qu'un hectolitre de fèves équivaut, en richesse nutritive, à deux hectolitres d'avoine.

Dans l'opinion de M. de Dombasle, la paille de la fèverole, récoltée dans des conditions normales, forme un excellent fourrage pour le bétail, chevaux, vaches, moutons. « Quand la récolte est « épaisse, dit-il, le bétail mange presque toutes les « tiges; si elle était plus claire, il laisse les plus « fortes, et n'y trouve pas moins une nourriture << abondante et pas inférieure en qualité au foin « des prairies naturelles. » La propriété nutritive de la tige de féverole est généralement ignorée du paysan alsacien, qui l'emploie à chauffer son four ou à faire de la litière; et pourtant quelle ressource précieuse elle pourrait offrir à une contrée qui remplace la culture de l'avoine par celle de la fève, et qui, pour nourrir son bétail, est obligée de demander à la Lorraine ce qui trop souvent lui fait défaut ! Le cultivateur belge, au rapport de M. Joigneaux, est plus avancé que nous sur ce point: non-seulement il fane les féveroles dans les contrées où il ne saurait toujours compter sur la maturité des graines, mais encore il se sert des pailles, à titre de fourrage, partout où la maturité a lieu. Il les considère comme un fourrage de choix, plus digne des chevaux que des vaches. P. E. PERROT.

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