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à la première venue, exige cependant, pour être menée à bonne fin, beaucoup d'habitude et une certaine somme de connaissances pratiques tout à fait indispensables.

Avant d'entrer dans les détails de ce travail plus délicat qu'on ne le pense, et qui, fait dans des circonstances plus ou moins favorables, peut donner, avec les mêmes produits, des résultats si différents, nous croyons devoir rappeler les caractères qui doivent distinguer les différentes sortes de pain, les qualités qu'on doit y rechercher, la composition comparée des farines qui les constituent, afin de mieux faire connaître les conditions d'une bonne et utile fabrication. Dans les villes, on distingue diverses sortes de pain; deux qualités seulement sont assujetties à une taxe fixée, chaque quinzaine, par l'autorité municipale; elles sont ordinairement désignées par les noms de pain bis-blanc et de pain bis. Le boulanger ne doit, dans aucun cas, fabriquer du pain inférieur en qualité au pain bis; mais il est libre de fabriquer du pain supérieur à celui de la première qualité, et ce pain, dont la qualité ne s'établit qu'aux dépens de celle des deux autres, n'est plus soumis à la taxe ; c'est un pain de luxe ou de fantaisie, dont le prix est arbitraire. Quelquefois cependant, et dans certaines circonstances, les boulangers fabriquent un pain dit de ménage, dont la valeur tient le milieu entre le pain bisblanc et le pain bis, mais ce pain non plus ne peut être taxé; nous dirons enfin que la valeur du pain bis est les 5/8 de celle du pain bis-blanc.

Il importe que le pain réunisse les qualités suivantes: Il doit être léger, renflé, percé de trous de la plus grande dimension possible; il doit être formé de un quart de croûte, et trois quarts de mie, contenir de 35 à 40 p. 100 d'eau; avoir une saveur et une odeur agréables toutes particulières; il ne doit laisser aucun arrièregoût à la bouche; mais la condition la plus essentielle, celle sur laquelle il n'y a pas de transaction possible, c'est qu'il trempe bien dans la soupe, c'est-à-dire qu'il se gonfle bien dans le bouillon gras ou maigre, qu'il acquière le double de volume, et surtout qu'il n'y tonbe pas en bouillie.

Mais pour réunir toutes ces conditions, il est indispensable que les matières qui doivent concourir à cette fabrication aient des qualités toutes spéciales, et c'est ce qui malheureusement n'arrive pas toujours.

La chose principale du pain, c'est sa richesse nutritive.

D'après cela, examinons quelles sont les meilleures conditions d'une farine de céréale destinée à la panification.

Qu'il nous soit permis de répéter cet axiome: « Tout aliment a pour but de maintenir dans un juste équilibre l'harmonie des fonctions des organes de l'homme), » ou plus simplement : « La somme des recettes alimentaires doit couvrir les dépenses de l'activité occasionnées par le travail. »

Or, la science nous apprend que cette harmonie ne peut exister que par la production des éléments qui servent à former le sang; dès lors, il est évident qu'il n'y a que les matières contenant ces éléments sous une forme propre à la san

guification qui puissent être considérées comme la base principale de tout aliment.

D'après les observations des grands maîtres de la science, l'albumine, cette substance que nous touchons tous les jours, qui constitue en entier le blanc d'œuf, qui se retrouve dans la chair des animaux, dans la farine, sous le nom de gluten, et dans les fruits, est la base, le point de départ de toute formation de ces tissus, qui sont le siége de l'organisme; en effet, toutes les fonctions vitales dépendent de la présence de l'albumine dans le sang.

On distingue néanmoins deux sortes d'aliments: les aliments plastiques, essentiellement azotés, et les aliments respiratoires, essentiellement carbonés. Les premiers, fournis par le règne végétal et par le règne animal, peuvent seuls produire, dans la nutrition, les parties essentielles du sang et des organes des animaux; on range parmi eux, l'albumine végétale et animale, le gluten, puis la fibrine et la caséine fournies par les deux règnes.

Les aliments plastiques ne suffiraient pas seuls à l'entretien de la vie, il faut encore ceux nécessaires à la respiration. Nous avons dit que ces aliments ne contiennent pas d'azote, mais du carbone; on range parmi eux : l'amidon, la dextrine, le sucre de canne, celui de raisin, celui de luit, la graisse des animaux, le beurre et les huiles. Nous ajouterons enfin que la présence de certains sels (les phosphates), dans les deux sortes d'aliments, est indispensable, que sans ces sels ils ne seraient pas digestifs et seraient peu nutritifs.

Nous savons que les farines de céréales se composent, outre l'eau, de gluten, aliment plastique; d'amidon, de glucose, de dextrine, aliments respiratoires, et de sels (phosphates).

Nous voyons donc, d'après ce qui précède, que la farine des céréales offre à elle seule un aliment complet, c'est-à-dire qu'elle réunit les aliments plastiques et les aliments respiratoires. En effet, la vie s'entretient avec du pain et de l'eau, mais elle ne tarde pas à s'éteindre sous un régime alimentaire qui ne serait composé que de viande, de gélatine, de sucre, etc., etc. ; et comme conséquence de ce fait, on a reconnu que plus une farine de céréales (pain) contient d'aliments plastiques (gluten), plus elle est nourrissante.

Examinons maintenant la richesse des céréales sous le rapport de leurs divers produits.

Le froment ne contient pas plus de 2 à 2,50 p. 100 de ligneux; c'est ainsi que nous désignons l'enveloppe corticale du grain, privée de toute autre matière: c'est le son proprement dit. Cependant la mouture, toute perfectionnée qu'elle soit, nous donne encore, en son ou issues, 18, 19 et même 20 et 22 p. 100.

Voici, d'après des expériences qui nous sont propres, faites de 1841 à 1847, ce que la mouture nous a donné en moyenne et en farines de toutes sortes, pour 100 kilos de froment récolté dans notre rayon (Dijon).

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Le gruau est la partie la plus centrale du grain obtenue par un artifice de meunerie; il contient moins de gluten que le reste de la farine, mais il contient proportionnellement beaucoup plus d'amidon; il donne des produits plus blancs, demande beaucoup plus de travail, et est employé spécialement pour la pâtisserie et les pains de luxe.

Ces résultats de mouture sont conformes à ceux obtenus en 1628, 1692, 1772, 1832 et 1836. (Recherches aux archives de la ville de Dijon.)

Pour compléter ce qui précède, nous dirons que d'observations pratiques longuement continuées, et faites à des époques très-éloignées les unes des autres, dans plusieurs usines, il résulte que les froments tendres (du Nord et de l'Est), du poids de 75 kilos à l'hectolitre, rendent 72 à 73 p. 100 de farine et donnent 22 à 24 kilos de son ou issues.

Les froments demi-durs (du Midi), du poids de 78 à 80 kilos à l'hectolitre, rendent 77 à 78 p. 100 de farine, et 21 à 22 p. 100 de son.

Les froments durs étrangers (Taganrock), du poids de 80 à 82 kilos l'hectolitre, rendent 82 à 83 p. 100 de farine et 18 à 19 p. 100 de son. On est obligé de les humecter avant de les moudre.

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On voit, d'après ce tableau, le rapport qui existe, dans les farines de céréales, entre les aliments plastiques et les aliments respiratoires; cet examen conduit à reconnaître quelle erreur on commet quand, sous un point de vue économique, on ajoute aux farines de céréales des farines essentiellement amylacées (fécule de pommes de terre). Les vignerons de la Côte-d'Or savent si bien apprécier ce principe que, quel que soit le prix élevé du froment, ils l'achètent toujours pur, et n'y font aucun mélange.

A l'appui de ce fait, nous pouvons citer le suivant: la ration de pain accordée aux soldats des diverses nations de l'Europe est la suivante, basée évidemment sur la richesse en gluten des farines qui la composent :

Dans les régions où cette ration se compose de farine de froment pure, elle est en moyenne de 763 grammes. Dans l'Allemagne méridionale, où la ration se compose de 1/6 froment, 4/6 seigle, 1/6 orge, cette ration est de 900 grammes; dans l'Allemagne septentrionale et en Russie, où le pain est composé de seigle seulement, cette ration est d'un kilogramme.

Dans les années de disette, on a proposé, pour abaisser le prix du pain, d'ajouter à la pâte, de la fécule de pomme de terre, de la dextrine, du riz, de la pulpe de navets, des pommes de terre crues ou cuites; mais toutes ces additions en diminuent la valeur nutritive; de sorte qu'un pain additionné des aliments respiratoires que nous venons de citer, forme une substance dont la valeur nutritive est égale à celle de la pomme de terre ou tout au plus un peu supérieure.

Tous les moyens d'atténuer la misère des classes pauvres en temps de disette, ne sont que des palliatifs, sans grande valeur, ou n'en ayant qu'une locale.

Le seul, selon nous, réel, rationnel, consiste à faire le pain avec la farine non blutée, c'est-à-dire à y laisser le son, et à utiliser ainsi, toute la matière alimentaire contenue dans le froment.

En effet, avons-nous dit, le froment ne contient pas plus de 2 à 2,50 p. 100 de matière ligneuse impropre à la digestion, et le moulin le plus parfait, dans toute l'extension de ce mot, ne devrait pas nous donner plus que cette quantité de son; cependant, nos meilleurs moulins en donnent toujours de 12 à 22 p. 100, ainsi répartis : 10 parties de gros son, 7 de son fin, 3 parties de farine de son. Notons encore qu'en meunerie ordinaire, c'est-à-dire dans la meunerie pour le public, nous trouvons souvent un rendement de 25 p. 100 de son contenant de 60 à 70 p. 100 des principes les plus nutritifs de la farine; en effet, d'après plu

sieurs chimistes français et étrangers (1), le son de | levûre en ferment lactique et butyrique, cause froment se compose de :

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Il est donc évident qu'en employant à la panification, la farine non blutée, on augmente le produit d'au moins un sixième à un cinquième; le prix du pain peut ainsi être diminué de la différence du prix du son sur le prix de la farine. En temps de disette, le son acquiert donc bien plus de valeur, et cela d'autant plus, qu'il ne saurait être remplacé par aucune autre substance alimentaire. En somme, la séparation du son d'avec la farine, pour la fabrication du pain destiné aux usages ordinaires, est une affaire de luxe, et plutôt nuisible qu'utile à la nutrition.

Il manquait à l'appui de cette théorie, connue déjà depuis longtemps, la sanction de la pratique ; les travaux récents de M. Mège-Mourriès viennent, dit-on, de combler cette lacune. Nous allons tâcher de rendre compte du travail de ce chimiste, car il nous paraît trop important pour le passer sous silence. Dans tous les cas, si M. Mège n'a pas encore pour lui les hommes du métier, il a du moins les académies et les hommes les plus forts de ces académies.

Par un artifice de meunerie, sur 100 kilogrammes de froment, nettoyé du premier coup et par un seul blutage, M. Mège obtient :

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(Ces variétés de farines ne sont pas et ne peuvent pas être connues dans le commerce.)

On n'obtient ordinairement que 72 à 75 p. 100 de farines susceptibles de donner du pain blanc, tant on se préoccupe d'éliminer le son; il faut, en effet, avec les procédés de panification aujourd'hui en usage, écarter avec le plus grand soin cette dernière partie du froment, sous peine d'obtenir du pain bis ; mais en étudiant de près la panification, on arrive à voir qu'il est très-possible d'obtenir du pain blanc, en n'éliminant pas le son aussi complétement qu'on le fait habituellement.

Le grain de froment, selon M. Mège, renferme rait dans son enveloppe extérieure, dans le son, une matière spéciale azotée, la céréaline, douée de la propriété de déterminer une fermentation particulière, sous l'influence d'une température de 50o. Elle change l'amidon en dextrine et en glucose; par son contact, elle transforme, de plus, la

(1) Nous avons nous-même répété souvent ces analyses, et nous n'avons varié que de quelques millièmes.

de l'acidité du pain bis; enfin elle décompose en l'humifiant, c'est-à-dire en le transformant en matière humique, le gluten, que les acides ont déjà désagrégé. (Il est probable que M. Mège a isolé la céréaline, et qu'il en a déterminé la composition ultime, et étudié tous les caractères.)

Ainsi, le pain bis doit sa coloration noire, sa consistance un peu plastique, on aurait dû ajouter son acidité, à des altérations de gluten produites sous l'influence de la céréaline contenue dans le son.

Pour faire du pain blanc, malgré la céréaline, on fait vite d'abord les levains avec la farine exempte de céréaline (probablement celle que M. Mège désigne sous le nom de fleur de farine pour levain), puis on y délaye rapidement les gruaux mêlés de son, et l'on cuit. (M. Mège ne dit pas si le simple mélange de la farine au levain suffit, et s'il dispense de faire lever.)

On obtient, par ce moyen, de 100 kilos de froment, 135 kilos de pâte, et 115 kilos de pain; c'est en moyenne 18 kilos de plus que par l'ancien procédé.

Nous ne nous permettrons aucune réflexion sur les procédés de M. Mège, ne connaissant ni son système de meunerie, ni son système de panification. Tout en admettant leur excellence, dont rien ne nous permet de douter, nous croyons pouvoir démontrer qu'on peut arriver au même résultat par des moyens simples et faciles, sans rien changer à ce qui existe; nous n'engagerons donc aucune discussion sur ce sujet important; nous craindrions de sortir du cadre que le Livre de la ferme s'est tracé.

Nous terminerons cette première partie de notre travail par quelques considérations générales sur le pain, et sur les perfectionnements apportés, depuis plusieurs années, dans la boulangerie, perfectionnements qui tendent à la placer au rang des industries.

La pàte introduite dans le four est chauffée par rayonnement la température que subit la partie supérieure du pain atteint est de 270 à 280o. Cette partie est la croûte; l'intérieur du pain atteint un température qui ne dépasse pas 100o, c'est la mie. A Paris, 114 à 117 kilos de pâte donnent 100 kilos de pain; à Dijon, 125 kilos de farine en donnent 100 de pain.

Le pain tendre des boulangeries civiles présente 5/6 de mie, et 1/6 de croûte.

La mie contient 45 p. 100 d'eau, la croûte 15 p. 100; le tout ensemble 40 p. 100.

A Rouen, d'après M. Girardin, à l'état de pain rassis, la mie ne contient plus que 34,20 p. 100 d'eau, la croûte, 17,33 p. 100, le tout 27,45 p. 100. Mais nous ignorons ce que M. Girardin entend par pain rassis; est-ce celui qui a deux, trois ou quatre jours de fabrication?

De la panification dans les villes. — La consommation du pain dans les villes étant journalière, régulière, et en quelque sorte forcée, la fabrication est, en général, le travail de la boulangerie, et dès lors le pain se fait dans des conditions telles qu'il ne peut guère varier de qualité. N'é

tant pas fabriqué dans un but de conservation, il est ordinairement bon le premier et le second jour, mais dès le troisième, il a perdu une partie de ses qualités. Nous croyons donc devoir entrer dans quelques détails sur cette fabrication, et nous terminerons par celle du pain dans les campagnes. Tout ce qui précède, comme tout ce qui va suivre, est le résultat d'observations pratiques, faites par nous-même, continuées pendant de longues années, par suite de nos fonctions administratives et de nos diverses missions scientifiques.

La confection du pain consiste en deux opérations distinctes: le pétrissage et la cuisson de la pâte, lorsqu'elle a été pétrie et mise sous la forme qu'on veut donner au pain.

• La conversion de la farine en pâte s'obtient en l'hydratant, c'est-à-dire en ajoutant 50 à 60 p. 100 d'eau à la farine, pour en faire une pâte bien ho. mogène. (La farine contient, suivant les années plus ou moins humides, de 10 à 12 p. 100 d'eau.) Cette opération a pour but de dissoudre les parties solubles de la farine, le glucose et la dextrine, et de pénétrer d'eau les parties insolubles, le gluten, la fibrine, la caséine, et l'amidon; mais par la simple addition de l'eau et un pétrissage aussi complet que possible, le pain que donnerait la farine, ne consisterait qu'en une masse compacte, lourde et indigeste. Pour lui communiquer toutes les qualités d'un pain parfait, il est nécessaire d'avoir recours à un agent qui, en déterminant la fermentation de la pâte, développe de l'acide carbonique; ce gaz, en se dégageant, augmente le volume de la pâte, et y produit des vides nombreux. Pendant la cuisson, les vides augmentent de volume, en même temps que le dégagement de la vapeur d'eau qui s'opère augmente le gonflement du pain.

L'agent employé par les boulangers pour faire lever, est de deux sortes : le levain de la pâte fermentée, ou la levûre de bière ou ferment; les deux matières peuvent s'employer ensemble ou séparé

ment.

Le levain est une portion de pâte prélevée à la fin de chaque opération et qui est employée pour les pétrissages suivants; mais ce levain, pour remplir son but, a besoin de subir plusieurs opérations indispensables; il doit être placé dans un endroit où la température soit uniforme pendant toute l'année, et où rien ne puisse arrêter sa fermentation. On peut le remplacer pour la première fois et soutenir son énergie, dans les opérations suivantes, par la levûre de bière, qui agit plus énergiquement. Nous pensons qu'il est plus utile de mêler cette levûre avec moitié de levain de pâte; car la levûre, employée en trop grande quantité, communiquerait au pain une partie de l'amertume et de l'odeur spéciale de la bière, et surtout du houblon. Toutes les fois que nous avons été obligé d'avoir recours à l'emploi de la levûre de bière, nous nous sommes très-bien trouvé de la laver à grande eau avant de nous en servir.

Placé comme nous venons de le dire dans un endroit dont la température soit uniforme et douce, le levain, après sept ou huit heures de repos, augmente graduellement de volume et laisse dégager une odeur alcoolique agréable et très-prononcée,

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On a le levain chef, on le pétrit alors avec quantité d'eau et de farine suffisante pour doubler son volume, tout en conservant le mélange à l'état de pâte modérément ferme; dans cet état, il constitue le levain de première; six heures après, on renouvelle ce travail par une addition semblable, et l'on obtient le levain de seconde; seulement on a dû ajouter plus d'eau que de farine pour avoir une pâte plus molle; enfin une dernière manutention, faite avec les mêmes soins que les précédentes, donne le levain de tous points, dont le volume, en hiver, doit être égal à peu près à la moitié de la pâte nécessaire pour une fournée, et en été au tiers seulement.

Le levain, ainsi établi, on procède au pétrissage qui se fait en quatre temps: 1° délayage, 2° frase, 3° contre-frase, et 4° enfournage.

On commence par verser sur le levain toute l'eau nécessaire à la fabrication de la pâte, et à l'aide des mains ouvertes, on presse la masse de manière à la bien diviser, en la rendant aussi liquide que possible, afin qu'il n'y reste aucun grumeau; quand la masse est bien délayée, on y introduit, portion par portion, la quantité nécessaire de farine pour former la pâte. On opère aussi rapidement que possible; c'est cette opération qui constitue la frase, de laquelle dépend le bon pétrissage.

On réunit toutes les portions de la pâte en une seule masse, puis on contre-frase, c'est-à-dire qu'on relève la pâte de droite à gauche à la tête du pétrin, pour la reporter de gauche à droite. On soulève la pâte, on la replie sur elle-même, pour l'étirer et la laisser retomber avec effort sur les parties déjà travaillées, ce qui facilite son développement en y permettant l'introduction de l'air.

On râtisse le pétrin, et on prend la moitié de la pâte, pour l'employer comme levain à la fournée suivante.

On procède au bassinage, opération qui consiste à faire absorber à la pâte la plus grande quantité d'eau possible; cette opération très-fatigante s'emploie souvent pour arrêter la fermentation.

On introduit généralement du sel dans le pain; tout en lui donnant du goût, il retarde la fermentation; de toutes les manières d'introduire le sel dans le pain, la meilleure est de le jeter par poignées sur le levain avant d'y mettre l'eau. A Paris on emploie 500 grammes de sel pour 159 kil. de farine; en Angleterre, 2 kil. pour 125 kil.; ajoutons que chaque boulangerie a sa dose particulière. Nous pensons que la dose de Paris est trop faible et celle d'Angleterre beaucoup trop forte.

Nous n'entrerons dans aucun détail sur les trois variétés ou plutôt qualités de pâte qu'on fait à Paris; nous dirons seulement que la pâte ferme contient moins d'eau que les deux autres et contient dès lors plus de principes nutritifs;

Que la pâte douce, moins riche en farine, est d'un travail très-difficile et demande beaucoup de soins;

Que la pâte bâtarde, tenant le milieu entre les deux, est la plus employée.

La pâte une fois pétrie, on opère sa division et sa pesée; mais comme par l'évaporation qui se produit, il y a perte de poids, on est obligé d'en

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La pâte pesée, on lui donne la forme que pains doivent avoir; on la saupoudre de farine pour qu'elle ne s'attache ni aux mains, ni au pétrin; après avoir été ainsi pesée et façonnée, la pâte est mmise dans des pannetons où elle fermente et prend son apprêt avant d'être enfournée; l'apprêt doit se faire dans un lieu où la température soit assez élevée pour favoriser la fermentation. La pâte arrivée à un degré convenable est prête à être enfournée.

Nous ne dirons rien de la construction des fours, ni des nombreuses variétés de pains 'de luxe qui se fabriquent à Paris ou dans les grands centres de population; nous dirons seulement que les pains de 2 kilos demandent 35 minutes de cuisson; ceux de 4 kilos, 50 à 60 minutes.

On reconnaît qu'un pain a acquis une cuisson aussi parfaite que possible, aux caractères suivants : 1° En ouvrant le four, on en voit sortir une vapeur humide qui se dissipe progressivement.

2o La surface du pain doit avoir contracté une couleur jaune grisâtre, et au-dessus brunâtre, dont l'intensité augmente jusqu'au fond du four.

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nomme la baisure, elle est devenue élastique et résiste à la compression en reprenant rapidement son premier état.

Il nous reste à parler des perfectionnements apportés, dans ces dernières années, à la boulangerie des villes, perfectionnements qui tendent, comme nous l'avons déjà dit, à élever la boulangerie à l'état d'industrie; nous citerons :

Les fours circulaires aérothermes, à sole mobile et chauffés à l'air chaud, comme l'indique leur nom; les pétrins mécaniques de divers systèmes et qui sont des améliorations importantes apportées à la fabrication du pain; une chaleur constante, régulière, réglée à volonté, assure une cuis

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Fig. 230. Four aérotherme.

son parfaite et régulière; la sole toujours nette, et sans résidu des combustibles, donne à la croûte du dessous une propreté, une couleur, que l'on ne peut obtenir par la sole fixe des fours ordinaires; une économie de 33 p. 100 sur le combustible est le premier résultat que l'on obtient par l'emploi du four aérotherme.

Le pétrin mécanique fait disparaître un travail pénible pour l'homme, et les causes d'insalubrité, pour ne rien dire de plus, inhérentes au pétrissage à la main. L'ouvrier n'est plus obligé de faire, en pétrissant, des efforts dont il semble se soulager par des cris, des gémissements, toujours pénibles pour celui qui n'y est pas habitué; sa sueur ne se mêle plus à la pâte, etc., etc.

Nous n'entrerons dans aucun détail sur la construction du four aérotherme, et sur celle des pétrins mécaniques; nous dirons seulement que, malgré les avantages incontestables que présentent ces perfectionnements, il est à regretter qu'ils ne soient pas plus répandus qu'ils ne le sont, et de les voir même abandonner dans plusieurs localités où ils étaient établis. Quelles sont les causes de cette répulsion du progrès ? La cuisson est-elle moins parfaite? Le pain est-il de moins bonne qualité? le pétrissage moins complet? Le frasage de la pâte fait par la main de l'homme, ne peut-il être remplacé par l'action des palettes du pétrin mécanique? Toutes ces

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