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bien grandes difficultés pour leur mise en valeur. Quand ce sous-sol est de nature quartzeuse, comme l'alios des Landes, les terrains sont marécageux et de la plus extrême pauvreté. On ne peut les amener à la culture qu'en les assainissant et en les faisant passer par la période forestière et pas torale; mais en les traitant convenablement, suivant leur situation, on peut en tirer, avec le temps et des engrais qui leur donnent de la cohésion, comme ceux de l'espèce bovine, de très-grands produits en prairies naturelles, surtout avec l'aide de l'irrigation et d'un climat chaud; en pâturages, dans des climats humides et tempérés ; en plantesracines et tuberculeuses, comme les navets et les pommes de terre; en orge, en seigle et même en avoine.

Dans le voisinage des grands centres de consommation, quand on a de l'eau à sa disposition, les terrains sableux sont les plus convenables pour la culture jardinière, et ils sont, dans ces conditions, susceptibles d'un produit très-élevé.

Dans la grande culture, les terres sableuses ne demandent pas à être fréquemment remuées par la charrue; il faut bien se garder d'y trop multiplier les façons, et l'instrument qui doit les visiter le plus fréquemment est le rouleau compresseur. La compression est favorable à ces terrains en ce qu'elle assure un point d'appui aux graines, et surtout parce qu'elle rétablit les conduits capillaires, par lesquels l'eau des couches profondes s'élève vers la surface, et parce qu'elle s'oppose à la dessiccation trop rapide de la couche arable, en temps de germination. C'est ce qui a fait dire que le roulage équivalait à un arrosage.

Lorsque, et cela se rencontre par malheur bien rarement, les sols sableux reposent sur un soussol argileux ou argilo-calcaire, c'est-à-dire marneux, on peut par des labours profonds, exécutés dans le but de mélanger les deux couches, arriver à les transformer complétement et à leur donner, toujours avec le secours des engrais d'étable, une très-grande fertilité, et créer le meilleur et le plus commode de tous les sols arables. Enfin, si l'on peut aisément se procurer de la marne à peu de distance des champs que l'on veut améliorer, ou dans ces champs eux-mêmes et à peu de profondeur, il faut en user largement. Mais il ne faut jan ais oublier que ces travaux d'amélioration ne dispensent pas de l'engrais et ne valent au contraire que par lui, et bien tout calculer avant de les exécuter, car il est des situations où les terrains ainsi améliorés, ou pour mieux dire transformés, reviennent plus cher que l'acquisition des meilleures terres et ne paient jamais l'intérêt de la somme qu'ils ont absorbée; ce qui constitue, en dernière analyse, une déplorable opération. Quand ils ont été marnés et bien fumés, les terrains sableux produisent d'abondantes récoltes de luzerne et de racines et peuvent, avec un climat convenable, devenir la base d'une culture progressive trèsriche.

Lorsque les terres sableuses sont abondamment mélangées de cailloux d'au moins 3 centimètres de diamètre, elles prennent la dénomination de caillouteuses. — Ces cailloux sont souvent un grand obstacle aux cultures ordinaires, surtout à celle

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des racines; suivant les conditions climatériques, on doit les planter en vignes, ou en bois, ou en faire des pâturages ou des prairies. Dans le voisinage des grandes villes, si on veut les consacrer à la culture légumière, il faut commencer par les défoncer et les passer à la claie.

Les terres sableuses prennent le nom de graveleuses, quand elles sont surtout formées par de petits cailloux, siliceux, calcaires ou schisteux, de la grosseur d'un haricot ou d'une noisette. Ces sortes de terres sont généralement tout à fait infertiles. Cependant, dans le Midi, on y fait quelquefois d'excellents vignobles, et dans les parties plus fraiches, comme sur les bords du Rhin, on en tire quelquefois parti, par l'irrigation, en les convertissant en prairies.

Lorsque les terres sableuses proviennent de la désagrégation du granit, elles sont appelées granitiques. Quand elles sont pauvres en feldspath, et que l'argile qui s'y trouve mélangée au sable est surtout alumineuse et ferrugineuse, elles sont d'une très-grande infertilité et ne conviennent qu'à quelques essences forestières, parmi lesquelles on doit se trouver très-heureux de voir le châtaignier réussir tant bien que mal. Mais lorsque l'élément feldspathique est abondant dans le sable argileux qui les forme, elles donnent dans les vallées de riches prairies, et sur les pentes d'assez bonnes récoltes de pommes de terre, de maïs, de sarrasin et de seigle. Le froment y vient mal ordinairement ainsi que l'avoine. Les espèces forestières, telles que les essences résineuses, le chêne et le châtaignier, y prospèrent parfaitement, et l'on y rencontre souvent de très-beaux vignobles donnant un vin très-généreux tels sont l'Ermitage et plusieurs autres crus.

Parmi les terres sableuses, figurent encore les terres volcaniques, formées, comme leur nom l'indique, par les éruptions de volcans, la plupart éteints aujourd'hui. Ces terres n'occupent que des espaces très-restreints à la surface du globe. Leurs caractères physiques varient beaucoup. Tantôt ce sont des poussières noirâtres, d'autres fois de grossiers débris de pierre ponce, rougeâtres ou gris, mélangés de beaucoup de silice et d'un peu d'argile. Lorsque les débris volcaniques sont trèsabondants, la vigne, dans le Midi et ailleurs, les pommes de terre et les pâturages sont les cultures les plus convenables. Les vins provenant de ces terrains sont d'une très-grande supériorité, témoin celui de Lachryma Christi, et les pommes de terre y fournissent de fort belles récoltes et y sont d'une luxuriante végétation qui tient sans doute à la richesse importante de ces sols. Enfin, les plaines si fertiles de la Limagne d'Auvergne donnent une idée du degré de richesse que peuvent atteindre les terres silico-argileuses, mélangées de débris volcaniques, lorsqu'elles joignent à une bonne proportion de matières organiques en décomposition une fraîcheur suffisante sous un climat doux et tempéré.

Lorsque les terres sableuses sont très-fortement mélangées de débris végétaux, d'une décomposition extrêmement lente et difficile, comme ceux qui proviennent de la bruyère, des genêts, des fougères, des lichens, des feuilles de certains

arbustes de la famille des rhododendrums, etc... elles forment ce qu'on appelle la terre de bruyère. Lorsque ces terres sont humides et manquent de profondeur, elles sont d'une culture très-difficile. On peut cependant, en les assainissant, et avec du fumier, y faire des prairies à base de graminées. Lorsqu'elles sont saines et même sèches, le mieux est de les semer en pins, et surtout en pins sylvestres, dans les climats froids, et quand la couche végétale est peu épaisse. Nous avons vu sur ces terres des récoltes passables de sarrasin, de seigle, de rutabagas, de topinambours, de haricots, de trèfle incarnat, et de spergule dans les parties fraîches. Mais nous croyons que les semis de pins, les prairies et les pâturages sont, suivant les conditions de fraîcheur et de climat, les cultures qui leur conviennent le mieux. Dans certaines circonstances, toutefois, la culture des légumes, des fleurs et des arbustes, dits de terre de bruyère, permet d'en tirer un grand parti; mais ce sont là des exceptions auxquelles nous n'avons pas à nous arrêter.

Quant aux sables quartzeux, amoncelés sous forme de montagnes par les vagues de l'Océan, et qui forment les dunes, l'expérience a démontré que le seul parti à prendre était d'y faire des semis de pins, en suivant la route tracée, pour ce travail, par Brémontier, en 1787.

Nous dirons, en résumé, que, dans les sols sableux, plus le sable siliceux se mélange d'argile feldspathique, surtout si l'on peut y introduire l'élément calcaire ou s'il s'y trouve naturellement, plus s'accroissent sa valeur agricole et sa fertilité, et que, dans cet état de constitution, ces terrains, que les agronomes anglais désignent sous le nom de loams, forment dans les climats tempérés et un peu humides, ou dans les climats chauds et à forte insolation avec une humidité suffisante, les meilleures terres arables et les plus faciles à travailler, c'est-à-dire celles qui nécessitent la moindre force mécanique, ce qui, en raison du haut prix de celle-ci dans à peu près toutes les situations, est d'une importance économique de premier ordre.

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composés, qui par une désagrégation très-lente leur cèdent peu à peu de l'élément alcalin. C'est là une des grandes causes de la richesse des terres argileuses. Elles sont plus ou moins colorées en brun, en jaune ou en rouge, suivant la proportion et le degré d'oxydation du fer qu'elles renferment. Les terres argileuses ont une propriété d'une grande importance dans leur culture, celle de condenser dans leurs pores une forte proportion d'ammoniaque et de ne le céder que très-difficilement à la végétation. Aussi ont-elles besoin d'être en quelque sorte saturées d'engrais pour être fertiles; elles en font un véritable fonds de réserve dont elles ne se dessaisissent que très-lentement, et ce n'est que lorsqu'il est constitué qu'elles laissent à la disposition des végétaux les vivres que le cultivateur leur confie. Elles sont de bonnes ménagères des principes fertilisants, gazeux ou solubles, qui dans toute autre terre se perdraient facilement par évaporation dans l'atmosphère ou seraient entraînés par les pluies. Aussi nulle terre n'est plus difficile, plus coûteuse à engraisser, comme l'on dit, à fertiliser que la terre argileuse, mais nulle aussi ne garde plus économiquement sa fertilité acquise, nulle n'est plus lente à l'épuisement complet. Les terres argileuses sont fort difficiles à travailler lorsqu'elles renferment très-peu de sable siliceux mélangé et qu'elles sont privées de calcaire. Leurs molécules ont entre elles une force de cohésion qui oppose aux instruments de labour une très-grande résistance; leur propriété de retenir l'eau et de faire avec elle un epâte ductile les rend tout à fait inabordables à la charrue par les temps de pluie, et si on a le malheur de les laisser se durcir sous l'influence des hâles et de la sécheresse, le soc ne peut plus les entamer. Le travail mécanique de ces terrains offre donc les plus sérieuses difficultés, et cependant nul n'a plus besoin qu'eux des labours. Sans ceux-ci, l'air ne les pénètre point, et sans l'intervention des agents atmosphériques, ils restent inertes.

Les labours qui leur conviennent le mieux sont ceux qui s'exécutent avant l'hiver. Il faut les remuer profondément et laisser leurs grosses mottes exposées à l'action alternative de la gelée et du dégel, action qui scule peut les diviser et les aérer convenablement. Mais souvent l'hiver n'a pas été convenablement entremêlé de fortes gelées et de dégels, et l'on est obligé d'avoir recours aux moyens mécaniques les plus énergiques pour diviser les grosses mottes, dures comme des pierres, que le premier labour a laissées sur les champs. C'est dans ce cas que les herses les plus puissantes et surtout les rouleaux à disques dentelés les plus énergiques, construits pour la première fois pour les argiles plastiques de l'Angleterre, rendent au cultivateur de ces terres les plus grands services, car, sans eux, il serait souvent obligé de briser à la main, avec des maillets, les mottes de ses terres argileuses, ainsi que nous l'avons vu faire plus d'une fois par de pauvres métayers. Il faut bien se garder d'ensemencer des terres argileuses détrempées, car les graines seraient enveloppées Ces terres renferment, à peu près toujours, des dans une pâte au sein de laquelle l'air ne pénédébris de feldspath non encore complétement dé-trerait pas; il n'y aurait pas de germination, et

Terres argileuses. On appelle argileuses les terres dans lesquelles prédomine l'argile. Ces terres proviennent, nous l'avons dit, de la désagrégation des roches feldspathiques. « C'est une espèce minérale dérivée qui ne date pas des premiers âges du monde, dit M. Malagutti, car elle peut se former, pour ainsi dire, sous nos yeux. » Supposez une roche alcaline, de la pegmatite, du granit, du porphyre, un feldspath quelconque sous l'influence de certains agents (surtout sous celle de l'eau et de l'acide carbonique): cette roche se désagrégera, se décomposera; les éléments alcalins, comme la potasse, seront dissous et entraînés par les eaux avec une portion de silice, et le reste des éléments, avec un peu de potasse et de silice libres et combinées, resteront sous forme d'argile ou seront entraînés par les eaux pour aller former des dépôts, sous le nom de terres argileuses d'alluvion.

puis la terre se durcirait comme une brique et la racine ne pourrait la pénétrer de sa radicule et la percer de sa genmule. Nulle terre n'est donc plus difficile à conserver en état, comme on dit en pratique, que les terres très-argileuses, nulle n'exige plus de force, de dépenses, et par conséquent de capital de la part du cultivateur, nulle aussi ne demande plus de vigilance et d'activité. Quand le moment de les labourer ou de les emblaver est favorable, il ne faut pas hésiter une minute, il faut tout quitter et s'y mettre, car avec ces terribles sols on n'est jamais sûr du lendemain.

Une petite pluie fine et tiède, au commencement du printemps et de l'automne, dispose particulièrement à fondre sous la dent de la herse les mottes des terres argileuses; il ne faut | pas laisser passer, sans en profiter, cette bonne occasion lorsqu'elle se présente, car rien n'est moins assuré que son retour, Enfin, il ne faut pas négliger sur ces terres les rigoles et les fossés d'écoulement. Souvent même il est tout à fait impossible d'en tirer parti sans avoir recours au drainage qui exerce sur ces sols une influence qui tient du merveilleux par la manière heureuse dont il modifie leurs mauvaises propriétés.

On corrige encore très-efficacement les défauts des terres argileuses en les mélangeant avec des sables grossiers, des marnes, de la chaux, des cendres, des plâtras de démolition. Ces sortes de terres réclament des engrais abondants, avons nous dit; nous ajouterons que ceux qui leur conviennent le mieux sont des fumiers pailleux, c'est-à-dire d'une décomposition peu avancée, qui les tiennent un peu soulevées et les rendent accessibles à l'action de l'atmosphère.

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dont nous avons déjà parlé, qui ne sont pas encore entièrement décomposées et qui jouent physiquement le rôle de gravier. Quoi qu'il en soit, nous mentionnons l'existence de ces argiles particulières parce qu'elle est d'observation assez fréquente en pratique.

Une faible proportion de fer est loin d'être défavorable dans les terres arables; mais lorsque les argiles en sont très-fortement chargées, quand elles présentent une couleur jaunâtre foncée, elles sont tout à fait impropres à la culture.

Lorsque les argiles renferment une assez forte proportion de silice ou de sable libre, elles forment une variété de terres argileuses qu'on désigne en pratique sous les noms de terre argilo-sableuse, boulbène, etc., et qui, lorsqu'elles contiennent un peu de calcaire, sont propres à toutes les cultures de fourrages et de céréales. Elles sont encore difficiles à travailler, et présentent beaucoup de résistance aux instruments aratoires dont la marche nécessite l'application d'une grande force. Mais elles se tassent moins que les terres presque exclusivement argileuses sous l'action des fortes pluies, font moins pâte avec l'eau et présentent moins de fentes et des crevasses moins larges et moins profondes lorsqu'à une période d'humidité succède une période de grandes sécheresses.

Enfin, si la proportion de sable augmente encore, il en résulte des terres que, dans quelques localités, on appelle terres franches, qui par leur résistance aux instruments se rapprochent des terres sableuses contenant une assez notable quantité d'argile et que nous avons désignées sous le nom de loam. Ces terres donnent de bonnes récoltes de céréales, de fourrages légumineux, de racines, et admettent les plantes industrielles telles que le colza, la garance, le houblon, le tabac, etc. Ces terres renferment de 15 à 20 p. 100 de calcaire.

Les végétaux cultivés dans les terres argileuses arrivent plus tard à maturité et sont généralement d'un goût moins fin que ceux des terres meubles et siliceuses. Ces sortes de terrains sont particulièrement propres à la culture du froment et du Lorsque l'argile diminue au profit du calcaire, trèfle ordinaire, mais à la condition toutefois on a des terres qui présentent au point de vue de renfermer du calcaire. Lorsqu'ils n'en contien- pratique beaucoup de ressemblance avec les nent point du tout et qu'on ne peut pas facilement argiles sableuses et avec les terres franches, au leur en donner, il convient de les boiser. Les pâ- moins pour la facilité de la culture. Mais elles sc turages que l'on y fait donnent des herbes peu prêtent mieux à la production des prairies artisucculentes; il en est de même des prairies arti- ficielles légumineuses et principalement du sainficielles les légumes et les racines y manquent foin. I importe de remarquer que, dans son de saveur, les tubercules, et, en particulier, la mélange avec l'argile, l'élément calcaire se prépomme de terre, y sont aqueux, peu agréables ausente sous deux formes différentes, d'abord à l'état goût et manquent de fécule. de sable, — c'est le cas des terres que nous venons de comparer aux argiles sableuses et aux terres franches, suivant la proportion de sable calcaire qu'elles renferment, - puis à l'état de poussière impalpable parfaitement unie et comme combinée à l'argile, de manière à former avec elle une masse homogène. Dans le premier cas, la terre est dite argilo-calcaire; dans le second cas, elle porte le nom de terre marneuse, qui entraîne avec lui l'idée d'un état particulièrement intime du mélange d'argile et de calcaire.

Tout ce que nous venons de dire s'applique aux terres argileuses en général, et spécialement à celles qui contiennent une excessive proportion d'argile, telles que les terres fortes, dans la véritable acception du mot, terres qui sont encore désignées sous les noms d'eaux-bues et d'herbues. Mais toutes n'ont pas les mêmes défauts au même degré. Ainsi, même à composition chimique semblable, toutes les terres argileuses ne se comportent pas de la même façon sous les grandes pluies. Il en est qui se tassent, qui font plancher beaucoup moins que d'autres, et cela sans qu'on puisse en donner une raison certaine. Nous pensons que ces terres dérivent d'un schiste qui se trouvait dans un état particulier et qu'elles renferment beaucoup de ces petites particules feldspathiques

Les terres marneuses retiennent l'eau autant que l'argile pure; leur couleur blanche les rend trèsfroides et elles sont détestables à cultiver. La vigne y réussit assez bien dans le Midi. Le froment, les navets, les vesces y donnent quelquefois aussi d'assez bonnes récoltes; mais dans les années froi

des et humides, leur produit est des plus médiocres. Les bois et les pâturages sont en général ce qui leur convient le mieux. Mais si les terres marneuses sont peu productives par elles-mêmes, elles sont très-propres à l'amélioration des terres argileuses et des terres sableuses, suivant les proportions de chaux et d'argile qu'elles renferment.

Terres calcaires. Dans ces terres, l'élément calcaire prédomine sur chacun des autres éléments terreux. Elles ont le plus souvent une couleur blanchâtre qui s'oppose à l'absorption du calorique émis par les rayons solaires aussi sont-elles lentes à se réchauffer au printemps et la végétation y est-elle tardive. Elles deviennent boueuses sous les pluies, mais elles se sèchent rapidement à cause de la facilité avec laquelle l'eau les traverse et se perd dans les fissures nombreuses du sous-sol calcaire qui les supporte habituellement.

Ces terres n'offrent pas de ténacité. Si on les laboure par des temps humides, elles forment des mottes qui se désagrégent rapidement à l'air et tombent en petits fragments que la plus légère pression écrase par les temps secs. La gelée les soulève, et quand le dégel arrive, la terre abandonne les racines en s'émiettant, et celles-ci restent à nu. Aussi les plantes souffrent-elles cruellement, sur ces terres, des alternatives de gelée et de dégel. Enfin, la propriété qu'elles ont, à cause de leur couleur blanche, de réfléchir les rayons et la chaleur solaires fait que durant l'été les parties aériennes des plantes y sont réellement brûlées. Pour toutes ces causes, les terres calcaires très-abondantes en carbonate de chaux sont peu productives. Les engrais s'y consument très-rapidement, et ce n'est qu'en les employant en de grandes quantités qu'on peut leur faire donner des produits satisfaisants en céréales et en fourrages. Heureusement pour les cultivateurs de ces terrains qu'une des meilleures légumineuses fourragères, le sainfoin, y donne avec des engrais d'excellents produits. Les parties les plus difficiles à cultiver, comme les versants des coteaux, doivent être semées en arbres verts, ou plantées en vernis du Japon, en merisier, en frêne, en noisetier, ou former des pâturages à moutons. Le noyer, le cerisier et la vigne y donnent aussi quelquefois de très-bons produits quand le climat

s'y prête.

Enfin, lorsque le calcaire prédomine au point que la terre devienne crayeuse, comme celle de la Champagne-Pouilleuse, de la Touraine, de la haute Normandie, c'est le sous-sol qui décide de l'aptitude productive de ces terres. S'il est perméable, elles deviennent d'une terrible aridité : la vigne, les bois, les pâturages à moutons sont ce qui leur convient le mieux. Si, au contraire, le sous-sol est argileux et difficilement perméable et si le climat est un peu humide, elles peuvent, par les pâturages et les cultures fourragères, qui permettent d'y faire aisément du fumier, devenir très-fertiles. Ce qu'il importe de ne pas oublier, dans ces terrains, c'est le parti qu'on peut en tirer avec le sainfoin, et la lupuline ou minette, et les

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Terres humifères. Ces terres se distinguent par la prodigieuse quantité de matières organiques qu'elles renferment et qui en sont l'élément le plus abondant. L'ensemble des terrains humifères est surtout constitué par les tourbes.

Les tourbes sont un terreau produit par la décomposition des plantes sous l'eau. Cette décomposition est loin toutefois d'avoir été complète, parce que le ferment qui l'avait commencée s'est épuisé en agissant; et, pour tirer parti de ces terrains par la culture, il est nécessaire de leur donner de nouvelles matières fermentescibles par les engrais. Mais avant d'en entreprendre la culture, il faut la plupart du temps commencer par les assainir. Quand ce travail préliminaire a été bien fait, on peut, avec l'intervention des engrais d'étable très-divisés, et surtout avec l'aide de la chaux et des cendres, car les tourbes manquent absolument de principes alcalins, en tirer de bonnes récoltes de chanvre, d'orge, d'avoine, de houblon et même de garance. Mais ce sont là des cas exceptionnels. Ordinairement, le meilleur parti à en tirer est de les utiliser comme combustibles et de les convertir en prairies.

Dans le voisinage des grands centres de consommation, où l'on peut aisément se procurer de l'engrais, on y crée souvent de très-bonnes cultures maraîchères. Enfin, lorsque dans une propriété on n'a qu'une très-faible étendue de tourbe, on peut parfaitement la mélanger aux litières ou en former la base d'excellents composts.

Quant aux terrains marécageux, on comprend qu'il faut les assainir d'abord quand on veut les livrer à la culture; et lorsque leur assainissement a été bien fait, on se guide, pour les cultiver, sur la nature du sol qui les forme, le climat et les relations commerciales de la localité. Souvent le mieux est d'y faire des oseraies et d'y planter des

aulnes, mais quelquefois aussi ces terrains bien égouttés sont d'une très-grande fertilité.

Du sous-sol. Dans l'appréciation d'une terre arable, il ne suffit pas d'étudier la couche superficielle; l'examen de la couche sous-jacente ou du sous-sol est aussi d'une importance capitale. On comprend, en effet, que ce sous-sol, suivant qu'il est de même nature ou d'une nature différente du sol proprement dit, qu'il est perméable ou imperméable, peut augmenter ou corriger les qualités et les défauts de la couche arable qu'il supporte. Ainsi une terre sableuse à sous-sol argileux ou argileux-calcaire, est placée dans une bonne condition d'amélioration; une terre argileuse reposant sur un banc calcaire est aussi dans une situation des plus favorables. Nous n'avons pas besoin d'insister là-dessus. Nous dirons seulement

que l'état du sous-sol doit être pris en très-sérieuse considération dans le fermage ou l'acquisition d'une propriété rurale.

Be l'analyse des sols. Lorsqu'un agriculteur désire connaître la composition chimique exacte d'un sol ou d'un engrais, ou d'une plante, il doit naturellement s'adresser à un chimiste de profession; mais il peut parfaitement déterminer lui-même ce qu'il lui importe le plus de savoir au sujet de la constitution de ses terres, c'est-à-dire les proportions relatives de sable, d'argile et de calcaire, qui les forment, et cela avec une approximation très-suffisante en pratique. Nous allons faire connaître la méthode très-simple indiquée par M. Mazure pour atteindre ce but. On place sur une table un support A, sur lequel

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on met un flacon B, dit flacon laveur, muni d'un robinet à sa base et bouché avec un bouchon de liége traversé par un tube en verre. Au-dessous du robinet on met un tube à entonnoir de 50 centimètres de longueur, relié par sa partie inférieure, à l'aide d'un tube en caoutchouc, à une allonge de cornue en verre C; la partie supérieure de cette allonge est bouchée par un bouchon de liége que traverse un tube coudé D, placé au-dessus d'un bocal E, appuyé sur la table.

Pour faire l'analyse d'une terre avec cet appareil, que l'on peut acheter chez tous les verriers et fabricants d'ustensiles de laboratoire, on commence par dessécher de la terre dans un four dont on vient de retirer le pain; on en pèse 100 grammes, puis on les broie, et on les introduit dans l'allonge. On remplit ensuite d'eau filtrée ou d'eau de pluie le flacon laveur B, et on ouvre le robinet. L'eau coulant dans le siphon formé par le tube à entonnoir et l'allonge, délaie et agite sans cesse la terre qui se trouve dans le renflement de l'allonge. Voici alors ce qui se passe la silice insoluble et lourde reste au fond de l'allonge; l'argile et le calcaire sont entraînés en suspension dans l'eau dans le bocal E. Au bout de quelque temps, l'eau qui sort de l'allonge

cesse d'être trouble et devient claire. Alors, on défait le siphon et on verse le contenu de l'allonge sur un double filtre en papier, qui retient la silice. On sèche le filtre et son contenu, et on pèse en dédoublant le filtre et en mettant celui qui ne contient pas la silice sur le plateau de la balance où se trouvent les poids, pour faire la tare de celui qui contient la silice.

On sait alors combien il entre de sable pour 100 dans la terre examinée.

L'argile et les sels de chaux ont été entraînés par l'eau et sont dans le bocal E. On y verse quelques gouttes d'acide chlorhydrique en agitant: un gaz se dégage, et l'eau mousse comme le champagne, s'il y a du calcaire dans le terrain. On verse de l'acide tant qu'il se forme de la mousse : l'argile seule reste en suspension dans le liquide. Quand il ne se produit plus de mousse, on versc sur un double filtre, on sèche et on pèse comme pour la silice. On a alors le poids de l'argile. Enfin, on ajoute ce poids à celui de la silice et on retranche la somme du poids total de 100 grammes; la différence indique les sels de chaux contenus dans la terre examinée.

On peut sécher les filtres contenant l'argile et le sable, comme on a séché la terre, ou bien encore dans le four d'un poêle ou sur un fourneau au bain-marie.

Il est évident que cette analyse n'est pas absolument rigoureuse, mais elle est facile et suffit parfaitement à faire connaître au cultivateur les proportions de sable, d'argile et de calcaire qui composent son terrain; et cela, de l'aveu de M. Boussingault lui-même, est parfaitement suffisant en pratique pour la connaissance d'une terre. TH. DELBETZ.

De la connaissance des terrains par quelques végétaux.-Les plantes sauvages nous fournissent des indications précieuses sur la nature des terrains. En admettant même que ces indications ne soient pas toujours d'une exactitude absolue, il n'en est pas moins vrai qu'elles sont exactes le plus souvent, et, qu'à la rigueur, elles pourraient, la plupart du temps, servir de guide aux cultivateurs qui posséderaient quelques notions élémentaires de botanique.

Une supposition : - Vous arrivez de nous ne savons où; vous tombez dans un pays que vous ne connaissez pas, que vous n'avez jamais vu. Vous tenez à connaître la nature du sol où vous êtes, sur un rayon de plusieurs kilomètres; vous voudriez pouvoir vous dire : C'est le calcaire, ou le granit, ou le schiste, ou une alluvion argileuse, ou le sable, etc. Vous n'avez ni le temps de faire l'analyse chimique, ni les moyens de la faire; vous questionnez les plantes, et en quelques minutes vous êtes aussi bien renseigné que les plus anciens du pays.

Si vous trouvez dans les champs l'adonide d'automne, autrement dit goutte de sang, le vélar odorant, qui ressemble assez à la giroflée des vieux murs; le mélampyre des champs, que nous appelons herbe rouge (fig. 5), rougeotte et queue de vache; la dauphinelle consoude, ou pied-d'alouette sauvage, si jolie avec ses fleurs d'un beau bleu, pendues

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