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grand caractère. Quoiqu'il n'ait presque point fait d'études, qu'il ait peu vécu (32 ans, dont 9 au service), et qu'il ait toujours été souffrant, on voit qu'il avoit contracté une longue habitude de méditer, et il écrivoit fort bien. Son goût et ses principes étoient purs. Les ouvrages qu'il a composés sont : une Introduction à la connoissance de l'esprit humain, en trois livres; des Réflexions sur divers sujets ; des Réflexions critiques sur quelques poëtes et sur quelques orateurs ; des Caractères; des Réflexions et Maximes; une Imitation de Pascal ; des Lettres à Voltaire, etc. Parmi ces différens ouvrages on a distingué les Maximes, dont une surtout (la 127.): « Les grandes pensées viennent du cœur », a été beaucoup citée. Il y en a cependant dans le grand nombre (867) quelques-unes qui présentent un sens louche. Le chapitre sur le bien et le mal moral, qui commence le troisième livre de l'Introduction à la connoissance de l'esprit humain, est très bon. La Méditation sur la foi, et la Prière qui la termine, sont fort belles. Ses Réflexions sur quelques poëtes et quelques orateurs offrent de très beaux morceaux, dont nous avons quelquefois profité dans le cours de notre ouvrage.

Nous devons ici réparer l'omission d'un article sur les livres que préféroit Vauvenargues; il devoit se trouver dans notre premier volume, pag. 215, entre SAINT-HYACINTHE et D'AGUESSEAU. VAUVENARGUES, comme toutes les personnes habituées aux profondes méditations, ne lisoit qu'un très petit

nombre de livres, mais les meilleurs et les plus exquis. Les auteurs dont il faisoit ses délices étoient RACINE et FÉNÉLON. On sent à la manière dont il les a peints, combien ils lui étoient analogues; c'est avec leur plume qu'il a tracé leur caractère. D'après la nature de ses ouvrages, on peut croire que PASCAL et La BRUYÈRE, ou plutôt THEOPHRASTE dont il se rapproche davantage, lui étoient encore très familiers.

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VELLEIUS PATERCULUS (n. 735 de R., 19 av. J.-C. m.784 de R., 31 de J.-C.) Cet historien, l'année de la mort de Virgile, et proscrit en même temps que Sejan dont il étoit l'ami, a laissé un abrégé intitulé Historia romana, qui mériteroit peut-être plutôt le titre d'Histoire universelle s'il nous étoit parvenu en entier; car le premier fragment qui nous reste parle de la Grèce, de l'empire d'Assyrie et du royaume de Macédoine. Ensuite, il y a une lacune qui s'étend sur les 582 premières années de Rome. Le reste du premier livre et le second que nous possédons en entier, peut-être à quelques lignes près, donnent l'histoire de Rome jusqu'à l'an 30 de J.-C. C'est un précis rapide qui ne s'arrête qu'aux masses, sans entrer dans les détails. C'est un tableau des temps et des circonstances, plutôt qu'une narration des événemens. L'auteur s'en tientaux résultats; mais il excelle dans les portraits; il les trace en cinq ou six lignes avec une force et une fierté de pinceau qui le rendent, en ce genre, supérieur à tous les anciens, peut-être même à Salluste si admirable en

cette partie. Nous en citerons pour exemple le portrait de Mithridate, de Caton, de César, de Pompée, etc. Il a aussi fait le plus grand éloge de Cicé ron, en racontant sa mort, liv. 1. Mais on lui reproche d'avoir été le vil adulateur de Tibère et de Sejan; malgré cela le président Hénault l'appelle le modèle des abréviateurs.

P. VIRGILE M. (n. 684 de Rome, 70 av. J.-C. ―m, 735 de Rome, 19 av. J.-C.) Quoique nous ayons consacré à cet illustre poëte, dans notre 1.er tome, pages 59-70, un article où nous parlons en détail de ses ouvrages, nous ne pouvons nous dispenser ici d'en signaler les morceaux que l'on a toujours considéré comme les plus parfaits. C'est avoirà choisir dans un superbe écrin où tous les diamans 'sont précieux, ceux qui, par une heureuse taille jettent un peu plus de feu que les autres. Virgile, comme nous l'avons dit, est connu par trois ouvrages de genres différens, mais qui, tous trois, l'ont immortalisé; car dans tous on reconnoît cette perfection continue de style qui forme en général le caractère de ce poëte, et qui est telle chez lui qu'il ne semble pas donné à l'homme d'aller plus loin, Ces trois ouvrages sont : l'un, dans le genre pastoral, les Églogues; l'autre, dans le genre didactique, les Géorgiques, et le troisième, dans le genre héroïque, l'Enéide.

Parmi les Églogues, dont plusieurs offrent des passages imités de Théocrite, la dixième, intitulée

Gallus, passe pour la plus belle. Ce Gallus est représenté sous l'image d'un berger d'Arcadie, que l'infidélité de Lycoris a plongé dans le désespoir. Virgile le fait parler avec une vivacité et une sensibilité inexprimable. Quelle précision! quelle élégance! quels sentimens! quels tours de pensées! quelle poésie ! La sixième Eglogue, Silène, est aussi l'une des meilleures de notre auteur, quoi qu'en dise Fontenelle. Quelle force et quelle verve dans l'expression! quelle vivacité dans les images! quelle rapidité, quelle variété dans les tournures! quelle flexibilité dans les transitions! La quatrième, Pollion, qui jusqu'à ce jour a mis en défaut tous les commentateurs sur le nom de l'enfant dont on y célèbre la naissance, est aussi fort belle; le charme de la poésie descriptive s'y fait sentir dans beaucoup de passages. Le style en est peut-être un peu trop relevé pour une Eglogue. La première, Tityre et Mélibée, monument de reconnoissance envers César, est infiniment touchante ; il y a des passages aussi pleins d'images que de sensibilité, entre autres celui qui commence par Fortunate senex ..... et qui a fait dire à Fénélon : « Malheur à ceux qui ne sentent pas le charme de ces vers, etc. etc.»

Dans les Géorgiques, ouvrage favori de Virgile, et celui sur lequel il fondoit ses droits à l'immortalité, tout est beau; c'est le poëme le plus parfait dans ce genre. Macrobe, dans ses Saturnales, liv. v, nous en indique les passages les plus remarquables. C'est au chap. XVI, où il dit que dans un poëme les

'épisodes coupent agréablement l'uniformité du récit, amœnitas intertexta fastidio narrationum medetur; puis il ajoute : In omnibus verò Georgicorum libris, hoc idem summa cum elegantia fecit (Virgilius). Nam post præcepta, quæ natura res dura est, ut legentis animum vel auditum novaret, singulos libros acciti extrinsecus argumenti interpositione conclusit: primum de signis tempestatum, de laudatione rustico vitoe secundum, et tertius desinit in pestilentiam pecorum; quarti finis est de ·Orpheo et Aristeo non otiosa narratio. En effet, rien n'est plus beau dans le premier chant les que vers qui le terminent, à commencer aux signes qui annoncent l'orage. Dans le second, après la belle description de l'Italie, l'éloge de la vie champêtre est le morceau le plus saillant. Dans le troisième > la description de la peste peut rivaliser avec les beaux vers de Lucrèce sur le même sujet ; y admire encore la description du cheval et des courses de chevaux, rendue avec beaucoup de verve. L'hyver de la Scythie y est aussi tellement peint, qu'on frissonne en le lisant, Dans le quatrième, après le tableau enchanteur du bonheur dont jouit le vieillard sicilien près de Tarente, on admire le riche et touchant épisode d'Aristée, qui seul vaut un poëme, et que quelques-uns regardent comme supérieur à tout ce qui nous reste de la poésie an

cienne.

mais on

Arrivons à l'Énéide : le second livre, le sac de Troie; le quatrième, les amours de Didon; le si

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