Dieu ! la voix sépulcrale Des Djinns!... Quel bruit ils font! C'est l'essaim des Djinns qui passe, Cris de l'enfer! voix qui hurle et qui pleure! Prophète! si ta main me sauve J'irai prosterner mon front chauve Ils sont passés! - leur cohorte L'air est plein d'un bruit de chaînes, De leurs ailes lointaines Crier d'une voix grêle, Ou pétiller la grêle Sur le plomb d'un vieux toit. D'étrange syllabes Nous viennent encor5; Ainsi des Arabes Quand sonne le cor, Un chant sur la grève Des Djinns funèbres, Fils du trépas, Dans les ténèbres Pressent leurs pas; Leur essaim gronde: Ainsi profonde Murmure une onde Qu'on ne voit pas. Ce bruit vague Qui s'endort, C'est la vague Sur le bord; C'est la plainte Presque éteinte D'une sainte Pour un mort. On doute La nuit... J'écoute: Tout fuit, Tout passe; Efface § 78. SAINTE-BEUVE, 1804-1869. CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, poète et critique français, naquit à Boulogne-sur-Mer, le 23 décembre 1804. Poète délicat, pénétrant, original, M. Sainte-Beuve a trop de nuances, de mystère et d'intimité pour déployer ces grands coups d'aile qui ravissent les foules. Aussi a-t-il pu dire justement avec une tristesse contenue: "Le poète en moi, l'avouerai-je ? a quelquefois souffert de toutes les indulgences mêmes qu'on avait pour le prosateur." Le prosateur, le critique, voilà en effet le titre de gloire le plus généralement reconnu de M. Sainte-Beuve. Son originalité consiste principalement dans la manière éminemment habile et intéressante dont il a mêlé la biographie anecdotique à la critique, et surtout dans le procédé de dissection anatomique inventé et pratiqué par lui avec une merveilleuse délicatesse. Son style est en général piquant, imprévu, quelquefois bizarre et tourmenté. Les tours si originaux de la langue du XVI siècle s'y rencontrent avec la phraséologie vague du nôtre. C'est ce que Balzac appelait une langue nouvelle "le Sainte-Beuve." STANCES. IMITÉ DE KIRKE WHITE. Puisque, sourde à mon vœu, la fortune jalouse O nobles facultés, ô puissances de l'âme, Lorsque la nuit est froide, et que seul, dans ma chambre, Bien souvent je soupire, et je pleure, et j'écoute. Vite, emportez-moi haut sous la céleste voûte, Que je perde à mes pieds ces plaines nébuleuses, Que je voie à genoux les anges sans paroles; Ces mots du doigt divin, ces mystiques symboles, Que lisaient les vieillards des premières années, A M. AUGUSTE LE PRÉVOST. Quis memorabitur tui post mortem, et quis orabit pro te? Dans l'île Saint-Louis, le long d'un quai désert, Et l'église aux doux chants, et les jeux dans les prés; |