$ 62. LA HARPE, 1739-1803. JEAN-FRANÇOIS DE LA HARPE, poète dramatique, littérateur et critique célèbre, a laissé plusieurs tragédies, parmi lesquelles on remarque Warwick, Coriolan, Philoctète et Virginie; il a composé aussi les Eloges de Fénelon, de Racine et de Catinat; mais son principal titre de gloire est son Cours de littérature, résumé des leçons faites par lui au Lycée (aujourd'hui l'Athénée) de 1786 à 1792. LE PAYSAGE. Que d'objets rassemblés dans ce frais paysage! Réfléchit de ses bords la fertile beauté, Et baigne de ses eaux lentement fugitives Tous ces monts de verdure élevés sur ses rives. Qui tombe d'une grotte et fuit dans la prairie, Qui suit les erreurs de son eau. Le soleil, plus brillant au bout de sa carrière, Rappelant les troupeaux à cette ferme antique. De suspendre un travail qu'il reprendra demain. LE GÉNIE DES TEMPÊTES. Ce hardi Portugais Gama, dont le courage D'un prodige sinistre effraya les nochers. Il étendait son bras sur l'élément terrible; Et sa voix sur les ondes Fit retentir au loin ces funestes accents: "Arrête (disait-il), arrête, peuple impie ; Ait sillonné ces mers qu'ignoraient tes vaisseaux? Tremble, tu vas porter ton audace profane N'est qu'un tombeau de plus creusé pour les humains. J'entends des cris de guerre au milieu des naufrages, Et les foudres de l'homme au tonnerre des cieux. Leurs coupables trésors descendront avec eux." Il dit, et se courbant sur les eaux écumantes, Éclatèrent trois fois sur l'écueil enflammé. § 63. GILBERT, 1751-1780. NICOLAS-JOSEPH-LAURENT GILBERT, poète satirique, naquit à Fontenoi-le-Château (Lorraine), de pauvres cultivateurs. Il vint à Paris, fit d'abord des odes; pauvre, il demanda protection aux puissants, mais son indigence lui ferma toutes les portes. Cette première épreuve du monde, cet outrage lui tournèrent le cœur et l'aigrirent; il se livra à la satire. Pendant qu'il luttait contre la mauvaise fortune, une chute de cheval qu'il fit l'ayant rendu fou, il fut conduit à l'Hôtel-Dieu, où il s'étrangla en avalant une petite clé.' DERNIERS MOMENTS D'UN JEUNE POÈTE. J'ai révélé mon cœur au Dieu de l'innocence2; Il guérit mes remords, il m'arme de constance: Mes ennemis riant ont dit dans leur colère: Mais à mon cœur calmé le Seigneur dit en père: A tes plus chers amis ils ont prêté leur rage; Celui que tu nourris court vendre ton image, Mais Dieu t'entend gémir, Dieu vers qui te ramène Dieu qui pardonne enfin à la nature humaine3 J'éveillerai pour toi la pitié, la justice Eux même épureront, par leur long artifice, Soyez béni, mon Dieu! vous qui daignez me rendre Vous qui, pour protéger le repos de ma cendre, Au banquet de la vie, infortuné convive, Je meurs, et sur ma tombe, où lentement j'arrive, Salut, champs que j'aimais, et vous, douce verdure, Ciel, pavillon de l'homme, admirable nature, Ah! puissent voir longtemps votre beauté sacrée Qu'ils meurent pleins de jours, que leur mort soit pleurée, Qu'un ami leur ferme les yeux! § 64. BERTIN, 1752-1790. Antoine BertIN, poète érotique, ami de Parny, se fit une réputation littéraire par un recueil de poésies intitulé les Amours. La tendresse et la légèreté de ses œuvres l'ont fait comparer à Properce. LES SOUVENIRS DE L'ANCIENNE ROME. Le zéphyr règne dans les airs1; Et, mollement porté sur la mer de Tyrrhène, Rome, en guerriers fameux autrefois si féconde, Et des fiers descendants du demi-dieu du Tibre! Où semble encore errer l'ombre d'un peuple libre ! Et ces grands monuments dont mon âme est frappée ? Avec quel doux saisissement, Ton livre en main, charmant Horace, Je parcourrai ces bois et ce coteau charmant J'irai dans les champs de Sabine, Sous l'abri frais de ces longs peupliers, De tes modestes bains, de tes humbles celliers; De leurs débris sacrés un reste enseveli, Par l'Anio grondant dans sa chute rapide, Des cascades de Tivoli. |