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et, par la même occasion, il en prend pour lui-même. Ce jour-là, il est plus heureux que de coutume, car c'est ce soir, à huit heures, chez Sylvestre, qu'on vend l'exemplaire en question, qu'il poursuit depuis tant d'années. Le soir venu, il s'y rend des premiers. Celui qui fait la vente, Merlin ou Crozet, lui a gardé une place à ses côtés; il prend sa place; il a tous les beaux livres sous ses regards; il les voit, il les touche, mais dans le nombre il n'en voit qu'un seul. Enfin son livre est annoncé, le cœur lui manque. — A vingt francs, -à vingt-cinq, - à trente francs, - trente-cinq,- quarante, - cinquante, soixante et dix, soixante et quinze, quatre-vingt-cinq. Et, pendant tout ce temps, il se trouble, il pâlit, il frissonne. Quatre-vingt-cinq dix - quinze — cent francs! Cent francs, répète lentement le commissairepriseur. Cent francs! qui pourrait dire l'émotion du bibliophile?... Mais enfin, le ciel est juste: notre homme l'emporte, le livre est à lui, il triomphe, il est heureux. Ses rivaux le regardent d'un œil d'envie; lui, triomphant, il emporte son livre; vous le feriez officier de la Légion d'honneur, et cela dans les bons temps, qu'il ne serait pas plus superbe. Heureuse passion! Elle ne laisse même pas voir à cet homme qu'à présent qu'il a ce bouquin, sublime entre tous ses bouquins, c'est à lui, à présent, à mourir !

§ 47. SUE, 1804-1859.

MARIE-JOSEPH-EUGÈNE SUE, un des romanciers célèbres de notre siècle, naquit à Paris le 10 décembre 1804. Il eut pour parrain le prince Eugène et pour marraine l'impératrice Joséphine.

La littérature lui doit la création d'un genre nouveau, le roman maritime. Il a senti tout ce qu'il pouvait y avoir d'intérêt et de poésie dans les scènes variées de l'Océan, dans l'existence forte et aventureuse du marin, dans cette perpétuelle agitation des choses et des hommes livrés à la merci des vents et du sort, et surtout dans ces âmes revêtues d'une écorce si rude et qui cachent tant d'émotions puissantes et inconnues sous un air d'insouciante froideur. M. Eugène Sue a dignement réalisé sa pensée sous le rapport de l'art. Malheureusement les mœurs sont trop souvent méconnues dans ses écrits. Plick et Plock, la Salamandre, l'Histoire de la marine française, et les Mystères de Paris auraient mérité à l'auteur une place remarquable parmi les écrivains de nos jours, si ces livres ne contenaient trop de pages inspirés par cette triste pensée qui fait partout triompher le crime. Le principal but du roman intitulé le Juif errant, qui a fait beaucoup de bruit, est d'attaquer le jésuitisme.

En 1850, Eugène Sue fut élu député de la Seine à l'assemblée législative, et siégea sur les bancs de l'extrême gauche. Exilé à la suite du coup d'État du 2 décembre, il se retira en Savoie, où il mourut, de la rupture d'un anévrisme. Il écrivit jusqu'à la fin des romans, publiés dans le journal le Siècle, qui s'était assuré exclusivement sa collaboration. Il faut rendre cette justice à Eugène Sue, qu'il a toujours supporté la critique sans aigreur.

L'ASPIRANT DE MARINE.

Elevé à bord, à l'école de cette vie dure et sauvage, la sublimité et les harmonies de cette nature toujours primitive se reflétèrent dans cette jeune âme si ardente et si vive, et y firent germer les plus nobles sentiments.

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Tout enfant, son père se plaisait à lui faire admirer les tableaux variés et grandioses qui se déroulaient sans cesse à sa vue. Tantôt bercé dans les hunes au bruit de la tempête, Paul souriait à sa voix mugissante. Tantôt le vieux maître La Joie, le prenant sur son dos, le portait à la cime du mât le plus élevé; et là, façonnant ses petites mains au rude toucher

des manœuvres, il lui apprenait, en jouant, la pratique de cette pénible profession : et c'était plaisir de voir souvent Paul, dans sa folle joie, se lançant au bout d'un cordage, se suspendre au-dessus de l'abîme et s'y balancer insouciant.

De tels jeux, une telle existence développent fortement le physique et le moral; le cœur se trempe à ces dangers continus; aussi, l'exemple se joignant à la théorie, le jeune homme fit de rapides progrès, fut nommé aspirant, et reçut sa première blessure dans un des glorieux combats de la Salamandre.3

Son père le vit tomber, saignant, brisé, détourna les yeux, et continua froidement le commandement qu'il avait commencé.

Mais après le combat, quand il eut déposé, avec le portevoix, le caractère dur et impassible du marin, cet homme de fer, inébranlable au milieu du feu, pleura, sanglota comme une jeune mère auprès du berceau de son fils. Des nuits entières, il les passa près de lui, le veillant seul, le soignant seul, épiant ses moindres désirs, empressé, attentif, soumis aux plus poignants caprices de sa souffrance, dévorant ses larmes quand, dans son délire, Paul, ne le reconnaissant pas, l'appelait à grands cris.

Oh! qu'il y avait alors de douleur, de profonde et atroce douleur dans la voix de ce pauvre père, disant tout bas: "Mais je suis là, mon enfant, mon Paul... mon Dieu! mon Dieu, je suis là !... C'est moi, c'est ma main... c'est la main de ton père que tu serres dans tes mains brûlantes et sèches... Paul, mon Paul, mon enfant !... il ne me connaît plus... oh! je suis bien malheureux!" Paul, hélas! ne l'entendait pas, et disait toujours: "Mon père!"

Instinctive et sublime invocation, cri d'espérance et d'amour, admirable illusion qui, colorant les ténèbres d'une cruelle agonie, faisait croire à cet enfant qu'un père pouvait, comme Dieu, prolonger nos jours.

Paul se

Mais la mort n'atteignit pas cette âme si belle. rétablit, et son père devint presque fou de joie. Dans sa longue convalescence, il ne le quitta pas d'un moment; pour

l'amuser, il lui contait ses merveilleux et lointains voyages, ses hardis combats. Puis, quand un sommeil réparateur fermait les paupières de Paul, il se taisait, et, respirant à peine, penché sur son hamac, il le contemplait avec amour, et ne retenait pas de grosses larmes de joie; car c'était alors de joie qu'il pleurait, le pauvre père, en entendant son enfant l'appeler au milieu d'un rêve riant et paisible !

PART II.

SELECTIONS IN POETRY.

FOR a treatise upon the system of French versification, the student is referred to Part III. of this work. The subject can be studied to the best advantage in connection with the poetical selections in this portion of the volume, and this practical application of the principles upon which French verses are constructed, will be found to be a study both interesting and profitable. To facilitate the labors of both teacher and pupil in this direction, full references to the rules of versification will be given in the notes. Care must, however, be taken, in reading the poetry, not to acquire the habit of measuring it off in a monotonous, scanning style. As a means of obviating this, careful attention should be given to the principles of the tonic accent and the cesura (10-12), and especially to the feeling and sentiment which the verses are intended to inspire. This, indeed, is the true key to the proper reading of French poetry; without attention to it, the most perfect knowledge of the principles of versification could produce only a monotonous and artificial style, destitute of either sense or harmony. A knowledge of the rules and a due appreciation of the sentiment must go hand in hand.

The following lines by FRANÇOIS DE NEUFCHATEAU upon the true mode of reading French poetry may properly be inserted here. The measure is the hexameter, or twelve-syllabled verse, upon which the student should consult Part III., §§ 3; 4; 8; 9, R. 1; 30, R. 2; and upon the rhyme, §§ 13–27; 32, 1.

MANIÈRE DE LIRE LES VERS.

Arrête, sot lecteur, dont la triste manie

Détruit de nos accords la savante harmonie ;
Arrête, par pitié! Quel funeste travers,

En dépit d'Apollon, te fait lire des vers!

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