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Eugénie et les Deux Amis, temps qui en effet ressemble fort peu à celui où il écrivit ses Mémoires contre la dame Goesman, son Barbier de Séville et son Mariage de Figaro. Ce qui a pu donner à cette conjecture un air de vraisemblance, c'est qu'on a trouvé dans le Dialogue des Amans Espagnols une imitation très-marquée de la manière de dialoguer de M. de Beaumarchais: quoique la pièce soit en général parfaitement détestable, on y a cependant aperçu quelques traces d'un esprit d'intrigue assez hardi, quelques scènes dont l'intention mieux développée aurait pu produire un effet assez théâtral. La sérénade où se rencontrent les deux amans qui se croient rivaux sans l'être est d'une conception vraiment dramatique. La manière dont le vieux don Ulriquez se trouve engagé à introduire lui-même dans sa maison l'un après l'autre les deux amans de ses filles a paru plus ingénieuse encore; mais ces deux situations tiennent à trop de circonstances ennuyeuses pour entreprendre de les expliquer ici; ce qu'on peut avancer sans craindre de se tromper, c'est que l'auteur des Amans Espagnols,. quel qu'il soit, a pris M. de Beaumarchais pour son modèle. Si c'était lui-même et qu'il n'eût pas mieux réussi, cela serait sans doute plus amusant, du moins pour ses bons amis les Marin, les Baculard, les Góesman et le journaliste de Bouillon.

Essai sur l'Architecture théâtrale, ou de l'Ordonnance la plus avantageuse à une Salle de spectacle relativement aux principes de l'optique et de l'acoustique; par M. Patte, architecte de monseigneur le prince des Deux-Ponts. Brochure in-8°. Après avoir fait une critique modérée des principaux Théâtres de l'Europe, l'auteur examine quelle est la forme qui convient le mieux à une salle de spectacle, et c'est la figure elliptique qu'il préfère, en observant qu'il ne faut pas la confondre avec l'ovale. Cette forme a l'avantage de concentrer la voix vers les auditeurs dans toute sa plénitude. « Supposons, dit» il, un billard de forme véritablement elliptique, et que son fer ait été fixé à un des foyers, alors une bille placée à l'autre foyer, » étant poussée vers un endroit quelconque des > bords de ce billard, retournera toujours frap» per le fer par bricole, etc. >>

L'ouvrage de M. Patte nous a paru rempli de vues utiles et d'observations ingénieuses.

QUATRAIN.

C'est la fête de notre Pierre,
Chacun lui fait son compliment;
Il est vrai, son cœur est de pierre,
Mais c'est une pierre d'aimant.

LETTRE de M. le marquis de Villette à madame la comtesse de Coaslin.

Madame, le temps que j'ai passé sans vous faire ma cour semble m'en avoir ôté le droit ; mais, dans notre commune détresse, je me serais déjà présenté chez vous si j'avais un visage comme tout le monde. Celui qui me reste est tellement décomposé par la plus horrible fluxion, qu'en me voyant vous seriez plus tentée de rire que de m'écouter. En attendant que j'aie figure humaine, qu'il me soit permis de vous dire un mot de cette illustre banqueroute (1).

Nous vivons sous un Prince ennemi de la fraude.

C'est à lui qu'il faut s'adresser directement, si l'on ne prend pas des mesures promptes et vraies, si l'on ne cherche qu'à nous leurrer par de vaines espérances pour apaiser les premiers cris d'une juste indignation, enfin si l'on se prévaut de l'autorité que nous aurions seuls le droit d'invoquer.

On murmure d'un arrêt de surséance obtenu pour trois mois ; mais il n'y avait que ce moyen d'échapper aux formes dévorantes de la justice. On nous menace d'un semblable arrêt à l'expiration de ces trois mois: voilà de ces choses qu'il n'est pas honnête de croire.

Ce qui me ferait beaucoup plus de peur, c'est ce que racontait un colleur de papier à qui il est dû

(1) La banqueroute de M. le prince de Guemené, dans laquelle M. de Villette risque de perdre trente mille livres de rente.

16,000 livres pour les colles qu'il a données à madame de Guemené. Il a ordre, ainsi que les autres ouvriers, d'achever Montreuil. A ce vers charmant du Poëme des Jardins,

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Les Grâces en riant dessinèrent Montreuil,

il faudra substituer

Les rentiers en pleurant achevèrent Montreuil.

Ce que je vois de plus clair dans cette vilaine histoire, c'est que madame la Comtesse a, pour être payée, cent moyens refusés à un honnête bourgeois de Paris tel que moi; et que si j'avais l'honneur d'être à sa place, je serais sûr de ne rien perdre.

Si l'on pouvait se consoler par les charmes de l'esprit et de la figure, par la conscience de ce que l'on vaut, c'est à cela qu'il faudrait vous renvoyer; mais vous aurez encore cela par-dessus le marché; ce sont les vœux bien sincères du plus respectueux de vos admirateurs.

Après avoir vu si bonnement le public sous le charme, MM, de Piis et Barré s'étaient persuadés sans doute que l'illusion devait durer toujours. Le triste accueil qu'on a fait à leur Gáteau des Rois ne parut pas même les avoir désabusés; ils avaient annoncé hautement qu'ils se vengeraient du peu de goût que le public avait montré pour leur Gâteau, en le régalant de leurs Foins; mais cette ingénieuse gaieté a mal réussi. La Coupe des Foins, ou l'Oiseau perdu et retrouvé,

donné, pour la première fois, sur le Théâtre de leurs succès, le mardi 5, n'a pas survécu long temps au Mariage in extremis, dont ils l'avaient fait précéder, et qui n'a pas reparu depuis la première représentation. Les deux nouveautés ne méritaient guère un meilleur sort.

Le sujet du Mariage in extremis est tiré des Lettres du chevalier d'Her....., de Fontenelle. C'est l'Histoire du jeune homme qui, pour obtenir la main de la veuve dont il est amoureux, lui déclare qu'il est résolu de se laisser mourir de faim, et qu'il ne sortira de chez elle que mort ou marié. Le valet du jeune homme fait la même déclaration à la soubrette. Un bon souper, que le jeune homme a eu soin de faire cacher dans un secrétaire de l'appartement de la Dame, rend l'épreuve moins pénible; mais l'action de cette petite comédie n'en est ni plus naturelle ni plus piquante. Dans les Lettres, le jeûne prétendu de l'amant dure au moins quatre jours; dans la comédie, il dure à peine quelques heures, et la veuve n'en est pas moins attendrie. Ces invraisemblances, quelque choquantes qu'elles soient, le sont moins que la platitude et le mauvais ton d'un dialogue rempli de pointes, de qualibets et de trivialités, défauts plus sensibles encore dans un ouvrage qui paraît avoir toutes les prétentions d'une vraie comédie.

Le sujet de la Coupe des Foins n'est pas beaucoup plus heureux. Alain est l'amant d'Hélène.

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