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Ave, Maria, et autour du portrait de la Reine, gratiá plena.

Une des plus jolies miniatures que nous ayons vues depuis long-temps au Théâtre, ce sont les Jumeaux de Bergame, comédie, en un acte et en prose, du chevalier de Florian, auteur des Deux Billets, de Blanche et Vermeille, etc. Cette pièce, représentée, pour la première fois, par les Comédiens italiens, le mardi 6, est un charmant petit imbroglio, relevé de toutes les grâces du dialogue de Marivaux, avec moins d'esprit peut-être, mais aussi avec moins de recherche, plus de naturel et plus de vérité. Quelque rebattu qu'en soit le fonds (c'est celui des Ménechmes), notre jeune poëte en a su tirer quelques situations tout-à-fait neuves ou qui l'ont paru du moins, grâce à la manière piquante dont il a eu l'art de les rajeunir.

Un extrait de cette pièce ne pourrait donner qu'une faible idée du plaisir que fait au Théâtre ce joli petit drame; c'est que nous ne saurions exprimer ici la légèreté, la grâce, la vivacité avec laquelle le sieur Carlin y joue encore le rôle d'Arlequin; à soixante-dix ans passés, son talent conserve tout le charme, toute l'illusion de la jeunesse. Coraly, le frère cadet, fait tout ce qu'il peut pour ressembler à son jumeau, et quelquefois il y réussit; le son de sa voix a de la sensibilité et n'est pas sans agrément. La jolie figure de mademoiselle Carline n'ajoute pas peu

d'intérêt au rôle de Rosette; celle de madame faite assurément pour rendre

Gontier n'est pas

celui de Nérine trop aimable.

Nous ne nous étendrons point sur la Parodie de la Tragédie d'Agis, représentée, pour la première fois, sur le même Théâtre, le vendredi 2. C'est l'essai d'un très-jeune homme et qui mérite au moins l'indulgence avec laquelle il a été accueilli par plusieurs détails agréables. La marche de la Parodie est calquée exactement sur celle. de la Tragédie, et n'en est pas plus divertissante; mais une scène passablement originale est celle où Empharès, chargé par le Tyran de former un nouveau Sénat, vient lui, déclarer qu'il n'a pu trouver un seul homme qui voulût y siéger, et qu'il s'est vu forcé de le composer de femmes : Comment, dit Léonidas, pourront-elles juger, trancher, décider, condamner, sans appel? Eh! Monseigneur, répond Empharès, elles ne font, que cela toute la journée...

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PAR la Coutume de Franche-Comté, Tit. des Main-Mortes, le serf ne cultive jamais pour lui, jamais la terre qu'il laboure ne peut être son patrimoine. Tout ce qu'il acquiert, tous les immeubles qu'il possède dans la contrée ne lui appartiennent pas davantage; il n'en a que l'usufruit. A sa mort, le seigneur s'en empare, et les enfans en sont frustrés si ces enfans n'ont pas toujours habité la maison de leur père, et si la fille du serf ne prouve pas que, la première nuit de ses noces, elle a couché dans la maison de son père, et non pas dans celle de

son mari.

Tout Français, tout étranger qui a le malheur d'habiter un an et un jour dans une terre main-mortable devient serf et communique cette tache à toute sa postérité.

Le mariage d'un homme libre avec une serve rend serfs l'époux et ses enfans, s'il partage la maison de sa femme pendant un an et un jour. Il n'a qu'un seul moyen d'éviter la servitude, on arrache le serf mourant de la maison d'esclavage, on le porte sur une terre libre pour qu'il y rende le dernier soupir, et la liberté de ses enfans est le prix de ce trajet qui avance l'agonie du père de famille. De graves auteurs disputent encore cette liberté aux enfans. Traité de la Main-Morte, page 48.

Douze mille Français sont soumis à cette loi atroce dans huit paroisses main-mortables du Chapitre de Saint-Claude. En 1770, elles ont présenté à Louis XV un Mémoire imprimé à Paris, qui contient tous les détails de cette horrible

coutume.

Ces huit paroisses sont à présent les seules malheureuses du royaume de Louis XVI, dont le premier Edit a eu pour objet d'affranchir les serfs de ses domaines. La seule Franche-Comté n'a point participé à ses bienfaits; l'Edit mémorable de 1779 n'est pas encore enregistré au Parlement de Besançon, et la main-morte subsiste toujours dans les possessions du Chapitre de Saint-Claude.

Les religieux de la Mercy, dit M. de Voltaire, passent les mers pour aller délivrer nos frères lorsqu'on les a faits serfs à Maroc ou à Tunis; qu'ils viennent donc délivrer douze mille Français esclaves en Franche-Comté !

Le comte et la comtesse du Nord, Anecdote russe, mise au jour par M. le chevalier du Coudray, brochure in-12, avec cette épigraphe : Delectando pariterque monendo. M. le chevalier du Coudray est la créature du monde la plus sensible.Il est si reconnaissant de l'accueil prodigieux que le public daigna faire à la Relation qu'il mit au jour en 1777, sous le titre d'Anecdotes de l'illustre Voyageur, qu'il aurait cru manquer

ce public si juste et si éclairé s'il ne s'était pas empressé à satisfaire aujourd'hui sa curiosité sur le séjour de Leurs Altesses impériales à Paris. Voilà du moins le sentiment qu'il déploie dans la préface de son Livre avec une candeur et avec une satisfaction également touchantes. Il est seulement malheureux que tant de zèle n'ait pas été micux servi; il se plaint avec beaucoup d'humeur de ce que les personnes les plus capables de lui fournir les matériaux nécessaires à la perfection de son ouvrage se sont toujours obstinées à les lui refuser. Ce n'est donc pas sa faute s'il s'est yu réduit à se contenter de ce qu'il a pu ramasser par-ci par-là dans les Journaux, dans les Gazettes et dans les cafés. La célérité avec laquelle il a cru devoir répondre à l'empressement du public a pu occasioner des transpositions de dates, des fautes de typographie, des omissions de faits; mais l'intelligence du Lecteur, et c'est ce qui le console, y pourra suppléer aisément; en effet, quel est le Lecteur tant soit peu ingénieux qui ne puisse suppléer -aisément aux omissions de faits? Quant au style de l'ouvrage, voici ce qu'en pense l'auteur luimême : « J'aurais désiré, dit-il, avoir un style

plus correct, une diction plus élégante pour » célébrer les vertus qui décorent les personnes » de M. le comte et de madame la comtesse du Nord; mais je pense que le public impartial >> me tiendra compie de mon zèle et de ma

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