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PRÉFACE.

Ce petit Traité,

e petit Traité, dont je donne la Traduction au Public, eft une Pièce échappée du naufrage de plufieurs autres Livres, que LONGIN avoit compofés. Encore n'eft-elle pas venue à nous toute entiere. Car, bien que le volume ne foit pas fort gros, il y a plusieurs endroits défectueux, & nous avons perdu le Traité des Paffions, dont l'Auteur avoit fait un Livre à part, qui étoit comme une fuite naturelle de celui-ci. Néanmoins, tout défiguré qu'il eft, il nous en refte encore affez pour nous faire concevoir une fort grande idée de fon Auteur, & pour nous donner un véritable regret de la perte de fes autres Ouvrages. Le nombre n'en étoit pas médiocre. SUIDAS en compte jufqu'à neuf, dont il ne nous refte plus que des titres affez confus. C'étoient tous Ouvrages de critique. Et certainement on ne fauroit affez plaindre la perte de ces excellens originaux, qui, à en juger par celui-ci, devoient être autant de chef-d'œuvres de bon-fens, d'érudition, & d'éloquence. Je dis d'éloquence; parce que Longin ne s'eft pas contenté, comme ARISTOTE & HERMOGENE, de nous donner des préceptes tout fecs & dépouillés d'ornemens. Il n'a pas voulu tomber dans le déA ij

1.

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Dont je donne la Traduction.) étant dans fa trente-huitieme

L'Auteur la donna en 1674. année.

faut qu'il reproche à CECILIUS, qui avoit, dit-il, écrit du Sublime en ftyle bas. En traitant des beautés de l'Elocution, il a employé toutes les fineffes de l'Elocution. Souvent il fait la figure qu'il enfeigne; & en parlant du Sublime, il eft lui-même très-fublime. Cependant il fait cela fi à propos, & avec tant d'art, qu'on ne fauroit l'accufer en pas un endroit de fortir du ftyle didactique. C'est ce qui a donné à fon Livre cette haute réputation, qu'il s'eft acquife parmi les Savans, qui l'ont tous regardé comme un des plus précieux reftes de l'Antiquité fur les matieres de Rhétorique. 2 ČASAUBON l'appelle un Livre d'or, voulant marquer par-là le poids de ce petit Ouvrage, qui, malgré fa petiteffe, peut être mis en balance avec les plus gros volumes.

Auffi jamais homme, de fon temps même, n'a été plus eftimé que Longin. Le Philofophe PORPHYRE, qui avoit été fon Difciple, parle de lui comme d'un prodige. Si on l'en croit, fon jugement étoit la regle du bon fens ; fes décifions, en matiere d'Ouvrages, paffoient pour des Arrêts fouverains; & rien n'étoit bon ou mauvais, qu'autant que Longin l'avoit approuvé ou blámé. EU NA PIUS, dans la Vie des Sophiftes, paffe encore plus avant. Pour exprimer l'estime qu'il fait de Longin, il fe laiffe emporter à des hyperboles extravagantes, & ne ne fauroit fe réfoudre à parler en ftyle raifonnable d'un mérite auffi extraordinaire que celui de cet Auteur. Mais Longin ne fut pas fimplement un Critique habile: ce fut un Miniftre d'État confidérable; & il fuffit, pour faire fon éloge, de dire qu'il fut confidéré de ZENOBIE, cette fameuse Reine des Palmyreniens, qui ofa bien fe déclarer Reine de l'Orient après la mort de fon mari ODENAT. Elle avoit appellé d'abord Longin auprès d'elle, pour s'inftruire dans la Langue

2. Cafaubon.) Exercit. 1. adv. ne ailleurs à ce même Ouvrage Baronium. DIONYSIUS LON- de Longin, les épithètes de trèsGINUS, cujus exftat aureolus docte, & de très-élégant. Tegi "Yous libellus. Cafaubon don

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Grecque. Mais de fon Maître en Grec, elle en fit à la fin un de fes principaux Miniftres. Ce fut lui qui encouragea cette Reine à foutenir la qualité de Reine de l'Orient, qui lui réhauffa le cœur dans l'adverfité, & qui lui fournit les paroles altieres qu'elle écrivit à AURÉ LIAN, quand cet Empereur la fomma de fe rendre. Il en couta la vie à notre Auteur; mais fa mort fut également glorieuse pour lui, & honteuse pour Aurélian, dont on peut dire qu'elle a pour jamais flétri la mémoire. Comme cette mort eft un des plus fameux incidens de l'hiftoire de ce temps-là, le Lecteur ne fera peut-être pas fâché, que je lui rapporte ici ce que FLAVIUS VoPISCUS en a écrit. Cet Auteur raconte, que l'armée de Zénobie & de fes Alliés ayant été mise en fuite près de la Ville d'Emeffe, Aurélian alla mettre le fiege devant Palmyre, où cette Princeffe s'étoit retirée. Il trouva plus de réfiftance, qu'il ne s'étoit imaginé, & qu'il n'en devoit attendre vraisemblablement de la réfolution d'une femme. Ennuyé de la longueur du fiege, il effaya de l'avoir par compofition. Il écrivit donc une Lettre à Zénobie, dans laquelle il lui offroit la vie & un lieu de retraite, pourvu qu'elle fe rendit dans un certain temps. Zénobie, ajoute Vopifcus, répondit à cette Lettre avec une fierté plus grande que l'état de fes affaires ne le lui permettoit. Elle croyoit par-là donner de la terreur à Aurélian. Voici fa réponse:

ZÉNOBIE REINE DE L'ORIENT,

A L'EMPEREUR AURÉLIAN. Perfonne jufques ici n'a fait une demande pareille à la tienne. C'eft la Vertu, Aurélian, qui doit tout faire dans la guerre. Tu me commandes de me remettre entre tes mains; comme fi tu ne favois pas, que Cléopatre aima mieux mourir avec le titre de Reine, que de vivre dans toute autre dignité. Nous attendons le fecours des Perfes. Les Sarrazins arment pour nous. Les Arméniens fe font déclarés en notre faveur. Une troupe de voleurs dans la Syrie a défait ton armée. Juge ce que tu dois atten

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