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tave; sur quoi je vous dirai néanmoins qu'il me semble que ce qui rend le passage d'une consonnance à l'autre agréable n'est pas seulement que les relations soient aussi consonnantes, car cela ne se peut; même quand il se pourroit, il ne seroit pas agréable, d'autant que cela ôteroit toute la diversité de la musique; et d'ailleurs, touchant les mauvaises relations, il ne faut presque considérer que la fausse quinte et le triton, car les 7 et 9 se rencontrent presque toujours lorsqu'une partie va par degrés conjoints. Mais ce qui empêche qu'on ne peut aller de la tierce à l'octave est à cause que l'octave est une des consonnances parfaites, lesquelles sont attendues de l'oreille lorsqu'elle entend les imparfaites; mais lorsqu'elle entend les tierces, elle attend la consonnance qui leur est la plus proche, à savoir, la quinte ou l'unisson; de sorte que si l'octave survient au lieu, cela la trompe et ne la satisfait pas. Mais il est bien permis de passer des tierces à une autre imparfaite; car, encore que l'oreille n'y trouve pas ce qu'elle attend pour y arrêter son attention, elle y trouve cependant quelque autre variété qui la récrée, ce qu'elle ne trouveroit pas en une consonnance parfaite, comme est l'oc

tave.

J'ai appris de M. Ferrier' combien vous m'aviez

Il y avoit à la marge : « C'est peut-être une autre lettre antérieure à » la précédente, » Effacé.

obligé en sa personne; et encore qu'il y ait beaucoup plus de choses en lui qui vous peuvent convier

à

procurer son avancement que je n'en reconnois en moi pour mériter l'honneur de vos bonnes grâces, je n'eusse pas laissé de reconnoître que c'est moi qui vous suis redevable des faveurs qu'il a reçues, non seulement à cause que je l'aime assez pour prendre part au bien qui lui arrive, mais aussi pourceque mon inclination me porte si fort à vous honorer et servir, que je ne crains pas de devoir à votre courtoisie ce que j'avois voué à vos mérites; et de plus, je suis bien aise de me flatter, en me persuadant que j'ai l'honneur d'être en votre souvenir, et que vous daignez faire quelque chose en ma considération, ce qui me fait avoir meilleure opinion de moi et me donne tant de vanité, que j'ose entreprendre de vous recommander plus particulièrement le même sieur Ferrier, en vous assurant qu'outre qu'il est très honnête homme et extrêmement reconnoissant, je ne sache personne au monde qui soit si capable que lui de ce à quoi il s'emploie. Il y a une partie dans les mathématiques que je nomme la science des miracles, pourcequ'elle enseigne à se servir si à propos de l'air et de la lumière, qu'on peut faire voir par son moyen toutes les mêmes illusions qu'on dit les magique ciens font paroître par l'aide des démons. Cette sciencen'a jamais encore été pratiquée, que je sache,

que

et je ne connois personne que lui qui en soit capable; mais je tiens qu'il y pourroit faire de telles choses, qu'encore que je méprise fort de semblables niaiseries, je ne vous célerai pas toutefois si je l'avois pu tirer de Paris, je l'aurois tenu ici exprès pour l'y faire travailler, et employer avec lui les heures que je perdrois dans le jeu ou dans les conversations inutiles'.

J'ai été ravi de voir par la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, que vous me conseilliez de voir le commencement du septième chapitre du premier livre des Météores d'Aristote, pour servir à ma défense; car c'est un lieu que j'ai cité à la fin de ma Philosophie, et le seul d'Aristote que j'aie cité: ainsi ce ne m'est pas une petite preuve de votre affection de voir que vous me conseilliez justement la même chose dont j'ai cru me devoir servir. Pour la censure de Rome, touchant le mouvement de la terre, je n'y vois aucune apparence, car je nie très expressément ce mouvement. Je crois bien que d'abord on pourra juger que c'est de parole seulement que je le nie, afin d'éviter la censure, à cause que je retiens le système de Copernic; mais lorsqu'on examinera mes raisons, je me fais fort qu'on trouvera qu'elles sont sérieuses et solides, et qu'elles montrent clairement qu'il faut

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C'est peut-être une troisième lettre cousue aux deux autres. »

plutôtdire que la terre se meut, en suivant le système de Tycho, qu'en suivant celui de Copernic, expliqué en la façon que je l'explique. Or, si on ne peut suivre aucun de ces deux, il faut revenir à celui de Ptolomée, à quoi je ne crois pas que l'église nous oblige jamais, vu qu'il est manifestement contraire à l'expérience; et tous les passages de l'Écriture qui sont contre le mouvement de la terre ne regardent point le système du monde, mais seulement la façon de parler, en sorte que prouvant, comme je fais, que pour parler proprement il faut dire que la terre ne se meut point, en suivant le système que j'expose je satisfais entièrement à ces passages. Mais je ne laisse pas de vous avoir beaucoup d'obligation de m'avoir averti de ce qui peut

être contre moi.

La raison pour laquelle je crois qu'une corde tendue, ou un arc, ou un ressort, retourne en sa direction, est que la matière subtile qui coule continuellement, ainsi qu'un torrent, par les pores des corps terrestres, ne trouvant pas si libre passage dans ces pores que de coutume, fait effort pour les remettre en leur état ordinaire; par exemple, si les pores d'un morceau d'acier trempé sont tout ronds lorsqu'il est droit et justement de la grandeur qu'il faut pour donner passage aux parties de la matière subtile, que j'imagine aussi être rondes, ils deviendront ovales lorsqu'il sera plié, et ces

parties de la matière subtile, pressant les bords de ces ovales en l'endroit où elles sont le plus étroites, feront effort pour leur rendre leur première figure, etc. Vous avez fort bien pris mon sens en ce que j'avois écrit de l'étendue des superficies, à savoir que l'air résiste plus à la même quantité de matière, selon qu'elle est plus ou moins étendue en ses superficies; car je ne considère aucune inertie absolute loquendo, ou selon la nature de la chose, mais seulement ayant égard aux corps circonjacents. Ainsi lorsque je dis que plus un corps est grand, mieux il peut transférer son mouvement aux autres corps et peut moins être mû par eux, ma raison est qu'il les pousse tout entiers vers un même côté, au lieu que les petits corps qui l'environnent ne peuvent jamais si bien s'accorder tous ensemble à le pousser tout au même instant en même sens; et le poussant l'un une de ses parties d'une façon, l'autre une autre partie d'une autre. façon, ils ne le font pas tant mouvoir. Je vous prie de me continuer l'honneur de vos bonnes grâces, et de me croire, etc.

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