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Quando sarà il vero

Si bello, che si possa a ti preporre ?

Je commence par là, monsieur, afin de vous faire connoître que je serois ravi que le différend que j'ai eu autrefois sur ce sujet avec M. Descartes se terminât à son avantage ; j'y trouverois mon compte en toutes façons: la gloire d'un ami que j'ai infiniment estimé, et qui a passé avec raison pour un des grands hommes de son temps, l'établissement d'une vérité physique des plus importantes, et l'exécution aisée des effets merveilleux qui s'en pourroient infailliblement déduire; tout cela me vaudroit incomparablement mieux qu'un gain de cause, quand même je ne devrois compter pour rien le

Mecum certasse feretur,

dont les amis de M. Descartes peuvent toujours raisonnablement consoler ses adversaires. Je me mets donc, monsieur, en la posture d'un homme qui veut être vaincu ; je le déclare hautement :

Jamjam efficaci do manus scientiæ.

Mais parceque les démonstrations sont des raisons forcées, et qu'à moins d'être convaincu par elles on n'en sauroit être persuadé, voyons, sieur, si le consentement des lecteurs peut échapper à notre auteur, et si nous pourrons nous dé

faire aisément des objections qui semblent lui pouvoir être opposées. Il faut pour cela suivre sa démonstration mot pour mot, et il suffira d'enfermer par des parenthèses ce qui ne sera point à lui, et que j'ajouterai du mien. Voici donc comme il parle sur la fin de la page 19 de sa Dioptrique française.

Et premièrement, supposons qu'une balle poussée d'A vers B rencontre au point B non plus la superficie de la terre, mais une toile CBE, qui soit si foible et si déliée que cette balle ait la force de la rompre et dé passer tout au travers, en perdant seulement une partie de sa vitesse, à savoir, par exemple, la moitié. Or cela posé, afin de savoir quel chemin elle doit suivre, considérons derechef que son mouvement diffère entièrement de sa détermination à se mouvoir plutôt vers un côté que vers un autre, d'où il suit que leur quantité doit être examinée séparément; et considérons aussi que des deux parties, dont on peut imaginer que cette détermination est composée, il n'y que celle qui faisoit tendre la balle de haut en bas qui puisse être changée en quelque façon par la rencontre de la toile, et que pour celle qui la faisoit tendre vers la main droite, elle doit toujours demeurer la même qu'elle a été, à cause que cette toile ne lui est aucunement opposée en ce sens-là. (Mais ce raisonnement n'est-il pas un peu

opposé au sens commun? L'extension qu'il en fait de la réflexion à la réfraction n'est-elle pas aussi un peu forcée? Dans la page 13, il suppose que la balle va toujours d'égale vitesse, tant en descendant qu'en remontant, qu'elle continue son mouvement dans un même milieu; il en déduit dans la la rencontre de la terre peut 15, que bien page 15 empêcher la détermination qui faisoit descendre la balle d'AF vers CE, à cause qu'elle occupe tout l'espace qui est au-dessous de CE, mais qu'elle ne peut point empêcher l'autre qui la faisoit avancer vers la main droite, vu qu'elle ne lui est aucunement opposée en ce sens-là, d'où il infère l'égalité des angles de réflexion et d'incidence. Mais quand bien ce raisonnement seroit véritable en la réflexion, quelque sceptique scrupuleux ne manquera point d'alléguer qu'il y a trois circonstances en la réfraction qui doivent changer la conséquence, ou du moins servir d'empêchement à la recevoir sans nouvelle preuve. Premièrement en la figure de la page 17, ou en celle de la page 18, la balle ne continue pas son mouvement d'une égale vitesse puisque, par la supposition elle perd, par exemple, la moitié de sa vitesse dès le point B. Secondement elle ne passe pas toujours par un même milieu, comme il paroît en la figure de la page 18. Et enfin la détermination qui la faisoit aller de haut en bas n'est

pas tout-à-fait empêchée par la rencontre de la toile ou de l'eau, mais changée seulement ou diminuée. Or que la conséquence soit la même, nonobstant la diversité de ces trois circonstances, il sera malaisé qu'un médiocre logicien le puisse accorder. I alléguera pour excuse de sa logique scrupuleuse, qu'il n'a pas cru se faire grande violence lorsqu'en la figure de la page 15 il a donné les mains, que la détermination de la gauche à la droite restoit la même, puisque la balle allant toujours de même vitesse pouvoit conserver l'une de ses visées ou déterminations lorsque l'autre seule étoit empêchée; que d'ailleurs le mouvement se faisoit dans un même milieu; et qu'enfin la détermination de haut en bas étant entièrement empêchée, il n'y avoit pas grand mal de consentir que celle de la gauche à la droite restât tout entière; comme quand on perd un œil on dit que la vertu visive se conserve entière en celui qui reste. Mais en la réfraction tout y est différent. Veut-on y obtenir le consentement de notre sceptique sans preuve? La détermination de la gauche à la droite demeurera-t-elle la même, lorsque toutes les raisons qui le lui avoient persuadé en la réflexion se sont évanouies? Mais ce n'est pas tout, il a sujet d'appréhender l'équivoque ; et lorsqu'il aura accordé que cette détermination de gauche à droite demeure la même, il a occasion de soupçon

ner que l'auteur le chicanera sur l'explication de ce terme; car quoiqu'il ait protesté que la détermination est différente de la puissance qui meut, et que leur quantité doit être examinée séparément, si notre sceptique lui accorde en cet endroit que cette détermination de gauche à droite demeure la même en la réfraction, c'est-à-dire qu'elle conserve la même visée ou direction, il y a apparence que l'auteur voudra l'obliger ensuite à lui accorder que la balle dont la détermination vers la droite n'est point changée, s'avance autant et aussi vite vers la droite qu'elle faisoit auparavant, quoique sa vitesse et le milieu par où elle passe soient changés. Mais parcequ'il ne paroît pas sitôt qu'on veuille lui faire une si grande violence, il ne croit pas être encore temps de se départir du respect qu'il doit au nom de M. Descartes, et il veut bien lui avouer sur sa seule parole que cette détermination vers la droite demeurera la même, pourvu qu'il ne se parle point du temps que la balle doit employer à s'avancer de ce côté-là; parceque M. Descartes même a avoué que la force qui meut et la détermination sont deux quantités qui n'ont rien de commun, et qu'elles doivent être séparément examinées.) Puis ayant décrit du centre B le cercle AFD, et tiré à angles droits sur CBE les trois lignes droites AC, HB, FE, en telle sorte qu'il y ait deux fois autant de distance entre FE et HB,

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