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DEVONSHIRE (Georgina SPENCER, duchesse DE), fille de John comte Spencer, née le 9 juin 1757, morte le 30 mars 1806. Elle épousa en 1774 William Cavendish, duc de Devonshire. Belle, spirituelle et naturellement jetée dans les dissipations du monde aristocratique auquel elle appartenait, elle sut trouver des loisirs pour la culture de son esprit. La poésie, comme cela convenait d'ailleurs à son sexe, eut ses préférences. Parmi les œuvres de sa composition on cite un poëme intitulé Le Passage du Saint-Gothard, traduit en français ( Paris, 1802, in-8°), par un autre poëte, Delille, qui avait fait connaissance à Londres avec la duchesse. Le poëte français adressa à l'auteur de l'œuvre originale une Épitre, placée en tête de la traduction, qui se fait remarquer par les qualités habituelles à l'interprète de Virgile, l'élégance et l'harmonie. Courtisée pour sa grâce, sa beauté, son esprit, par les hommes les plus remarquables de l'Angleterre, la duchesse de Devonshire sut cependant conserver intactes ses mœurs et sa réputation. Une circonstance assez singulière de sa vie eût pu porter quelque atteinte à son caractère, si la publicité même du fait n'impliquait pas sa justification. Amie de Fox, la duchesse sollicita, dit-on, un jour, ainsi que d'autres femmes, des suffrages pour le triomphe de la candidature de cet homme d'État au parlement. Un boucher électeur mit pour condition à l'octroi d'un vote favorable que la duchesse lui laisserait prendre un baiser; elle s'exécuta, et Fox eut le suffrage du boucher. On dit qu'elle fut belle encore à un âge avancé; mais elle perdit un œil quelque temps avant sa mort.

Rose, New biographical Dictionary.

DEVONSHIRE (Elisabeth FOSTER), fille de Frédéric-Auguste Hervey, comte de Bristol et évêque de Derry, née en 1759, morte à Rome, le 30 mars 1824, devint duchesse de Devonshire par son mariage en secondes noces avec lord William Cavendish. Elle alla s'établir à Rome, en 1815, et y mourut, en 1824. Douée de toutes les grâces imaginables, et possédant l'art de gagner les esprits, elle avait su obtenir en Angleterre la confiance d'hommes d'État influents, et avait rendu de grands services à sa patrie. Lorsque des malheurs domestiques l'eurent décidée à se rendre en Italie, elle y vécut entourée d'hommes distingués, surtout d'artistes; elle fut en rapport avec le cardinal Consalvi, avec Canova, Camuccini, Thorwaldsen (voy. ces noms). Ce fut elle qui fit découvrir la colonne de Phocas au Forum, et qui publia une édition de l'Énéide de Virgile, dans la traduction d'Annibal Caro, ornée de gravures d'après les dessins des premiers artistes de Rome (Rome, 1818, 12 vol. in-fol.). Cette édition, tirée seulement à 150 exemplaires, n'entra point dans le commerce de la librairie; la duchesse en fit don à divers souverains et aux principales bibliothèques, ainsi qu'à des amis particuliers. Elle fit paraître une édition semblable de la cinquième

satire d'Horace, et elle s'occupait d'illustrer Dante de la même manière lorsqu'une mort subite vint la frapper. Sa maison à Rome était le rendez-vous de la société la plus choisie sous le rapport des lumières et du bon ton. [Enc. des G. du M.]

Rose, New biog. Dict.

DEVONSHIRE (William SPENCER CAVENDISH), sixième duc de Devonshire et représentant actuel de cette maison, marquis de Hartingdon, comte de Devonshire, baron Clifford de Lanesborough et baron Cavendish de Hardwick, est né le 21 mai 1790, de William Cavendish et de Georgina Spencer. Son père épousa en deuxièmes noces Élisabeth Foster, seconde fille du comte de Bristol, qui a laissé à Rome la réputation d'une protectrice éclairée des beaux-arts (voy. l'article précédent). Ce fut en 1812 que le jeune duc, parvenu à la pairie l'année précédente, par la mort de son père, débuta dans la carrière parlementaire, en appuyant la motion de lord Granville tendant à prendre en considération l'état de l'Irlande et à examiner s'il ne serait pas convenable de faire jouir les catholiques de la plénitude des droits civils et religieux. Depuis, et notamment en 1823, il s'est prononcé hautement en faveur de l'émancipation. Il fit partie du ministère Grey en qualité de lord chambellan, et fut du nombre des membres de l'aristocratic anglaise qui ne crurent point leurs intérêts sainement entendus par la réforme. Le duc de Devonshire a fait plusieurs voyages en France, en Italie, en Allemagne, en Russie, où il assista au couronnement de l'empereur Nicolas comme ambassadeur extraordinaire (1826), et où l'on garde encore le souvenir de sa magnificence. Les plus précieux trésors et tous les talents du continent ont été mis à contribution pour orner son superbe musée du comté de Derby, si riche en peintures, en sculptures et en objets d'art. La vaste exploitation des mines de Speedwell, dans la même province, est aussi due à ses soins. [Enc. des G. du M., avec additions.] Ersch et Gruber, Allg. Encycl.

DEVOS. Voyez Vos (DE).

DEVOS (Martin), peintre néerlandais, né à Anvers, vers 1534, mort en 1604. Il eut pour maîtres son père Pierre Devos et Frank Floris. Il fit à Rome, un voyage qui commença sa réputation. De Rome il alla à Venise, où il seconda Tintoret dans ses peintures de paysage. Revenu à Anvers, il fut agrégé au nombre des peintres de cette ville. Il fit de bons portraits et excella comme peintre d'histoire. On cite parmi ses meilleurs tableaux celui qui représente les grands fleuves de l'Asie et de l'Afrique et celui qui montre Pan adossé à un arbre au moment où il va s'élancer à la chasse du tigre.

Nagler, Neues allg. Künstl. Lexic.

DEVOSGES (François), dessinateur français, né à Gray, le 15 janvier 1732, mort à Dijon, le 22 décembre 1811. Fils d'un sculpteur qui lui donna les premiers principes de son art, il an

noncait d'excellentes dispositions, lorsqu'à dixhuit ans il perdit la vue, qu'il ne recouvra que six ans après. Il se livra alors exclusivement au dessin; l'ambassadeur de Russie voulut l'attacher à la cour de Saint-Pétersbourg. Devosges s'y refusa, et alla fonder à Dijon une école de dessin. Les succès qu'il obtint dans son enseignement lui valurent la protection du prince de Condé et des états de Bourgogne, qui allouèrent des fonds annuels pour soutenir cette école, et envoyer à Rome les sujets les plus distingués. Pendant la révolution, Devosges, dénué de tout secours, n'en continua pas moins à soutenir l'école dont il était le fondateur. Cet artiste, qui consacrait presque tout son temps à l'enseignement, n'a laissé qu'un petit nombre de productions; elles sont remarquables par la pureté du dessin et la simplicité de la composition. Voltaire, qui faisait grand cas de ses talents, aurait voulu lui confier les dessins de son édition de Corneille; mais les libraires préférèrent ceux de Gravelot. Fremiet-Monnier, Éloge de Desvosges, Dijon, 1813, in-8°. DEVOTI (Jean), théologien italien, né à Rome, le 11 juillet 1744, mort dans la même ville, le 18 septembre 1820. Nommé à l'âge de vingt ans professeur de droit canonique à la Sapience, il justifia cette faveur en faisant paraître l'année suivante un traité De notissimis in jure legibus. Le succès avec lequel Devoti s'acquitta de sa tâche de professeur et ses vastes connaissances en droit canonique lui valurent l'évêché d'Anagni en 1789, celui de Carthage, in partibus infidelium, la charge de secrétaire des brefs aux princes, de camérier secret et consulteur de la congrégation de l'immunité. Il accompagna Pie VII en France pour le sacre de l'empereur Napoléon, et fut adjoint en 1816 aux prélats de la congrégation de l'Index. Le principal ouvrage de ce savant canoniste est intitulé Institutionum canonicarum Libri quatuor; Rome, 1785-1789, 4 vol. in-8°. Ce livre, souvent réimprimé, peut être considéré comme le manuel des écoles théologiques de notre temps, puisqu'il a été adopté par l'université d'Alcala, par celle de Louvain et par le séminaire de Saint-Sulpice de Paris. Devoti avait entrepris un Jus canonicum universum; mais le temps lui manqua pour achever cet immense travail, dont trois volumes seulement ont paru; Rome, 1803, 1804, 1817.

Tipaldo, Biografia degli Italiani illustri, t. V.

DEVRIENT (Louis), célèbre acteur allemand, issu, comme les poëtes Chamisso, LamotteFouqué, d'une de ces familles de réfugiés français qui étaient venus s'établir en Allemagne après la révocation de l'édit de Nantes, naquit à Berlin, le 13 décembre 1784, et mourut le 30 décembre 1832. Destiné au commerce, il abandonna promptement cette carrière pour suivre celle du théâtre. A l'âge de dix-neuf ans, et sous le nom de Hersberg, il débuta à Géra, en 1803, dans une comédie de Beck intitulée Le Caméléon. Encou

ragé dans ses premiers essais, il parut bientôt après sous son véritable nom sur la scène de Dessau. Accueilli depuis d'une manière brillante à Breslau, il joua successivement dans les principales villes d'Allemagne, toutes jalouses de le posséder. Enfin, appelé en 1814 à Berlin par Iffland, qui le premier lui avait inspiré le goût du théâtre, il n'eut plus de rival, et, de même que Talma à Paris, Devrient, surnommé le Garrick allemand, fut idolâtré du public de Berlin. Se vouant alors de préférence aux rôles tragiques, il eut la gloire de faire connaître aux Allemands les caractères grandioses de Shakspeare. Cependant il ne dédaigna pas de créer des rôles de comédie, auxquels son génie dramatique seul savait donner du relief. Mais par la joyeuse vie qu'il mena, en société de Hoffmann et des hommes les plus spirituels, il hâta la fin de ses jours. Marié trois fois, à trois actrices de talent, Devrient laissa une fille, qui suivit, non sans quelque succès, la même carrière.

Trois neveux (Émile, Charles et Édouard) illustrent encore aujourd'hui le nom de Devrient à Berlin et à Dresde. Mme Devrient-Schröder (séparée de son mari, Charles Devrient), qui s'est fait entendre à Paris, a acquis une réputation méritée comme cantatrice.

Conversat.-Lex.

DEVUEZ. Voyez Vuez ( DE ). DEWAAL. Voyez WAEL ( DE ).

S.

* DEWEZ (Gilles), grammairien français, qui s'était établi en Angleterre dans la première moitié du seizième siècle, et qui fut chargé de donner des leçons de français à Marie, fille d'Henri VIII. Ce fut pour cette princesse qu'il écrivit un volume curieux, devenu aujourd'hui extrêmement rare: An Introduction for to lerne to rede, to pronounce and to speake frenche trewly; c'est un in-4o de 102 feuillets, imprimé à Londres, sans date (vers 1532); l'auteur ne se nomme point sur le titre, mais un acrostiche fait connaître son nom tel que nous l'écrivons; c'est, sous une forme étrangère, le nom de De Guez. Il existe une ou deux autres éditions sans date de cet écrit, dont on ne connaît en Angleterre qu'un très-petit nombre d'exemplaires. Une copie faite d'après celui que possède à Oxford la bibliothèque Bodleyenne a permis à, M. Génin de le faire réimprimer en 1852, à la suite d'une autre production du même genre: L'Éclaircissement de la Langue Francoyse, composé par maistre John Palsgrave. Cette impression fait partie de la Collection des Documents inédits publiée sous les auspices du ministre de l'instruction publique.

Documents, inédits.

G. BRUNET.

DEWES (Sir Symonds), antiquaire et homme d'État anglais, né à Coxden, dans le comté de Dorset, en 1602, mort en 1650. Il fit son éducation à Cambridge au collège SaintJean. Créé chevalier en 1639, par Charles Ter, il

obtint la place de haut sheriff du comté de Suffolk. Il fut élu membre du parlement par le bourg de Sudburgh en 1640, et créé baron l'année suivante. Lorsque éclata la guerre civile, Dewes se déclara pour le parlement et adhéra à la ligue du Covenant. Ayant été expulsé du parlement en 1648, ainsi que plusieurs autres membres de cette assemblée, il abandonna la politique pour se consacrer à des recherches archéologiques. On a de lui: Parliamentary Harangue touching the antiquity of Cambridge; Londres, 1642, in-4°; The Journals of the Parliaments under Elisabeth, ouvrage posthume, publié par son neveu Paul Bowes; Londres, 1682, in-fol.

Aikin, General Biography.

Sapha-Ghéraï, qui, s'abandonnant aux conseils d'un transfuge russe nommé Belski, avait mécontenté le sultan. Ivan Vasilovitch venait de remporter de grandes victoires sur les Tartares: il s'était rendu maître de Kazan, d'Astrakhan et du reste du Kaptchak. Les succès de ce prince n'intimidèrent pas Dewlet, qui pénétra dans les provinces de la Russie avec une armée de 60,000 hommes. Les mirzas ou nobles murmuraient hautement contre lui; ses soldats étaient peu disposés à se mesurer contre les Russes. Il livra néanmoins à ces derniers une bataille, dans laquelle il fut complétement vaincu. Cette défaite lui inspira des goûts plus pacifiques; mais les Tartares, toujours enclins au pillage, murmurèrent bientôt de cette inaction, et Dewlet les contint à grande peine. Sigismond, roi de Pologne, voulant opposer des ennemis puissants à la Russie, dont l'ambition allait toujours croissant, fit à ce sujet des ouvertures au khan de Crimée. Dewlet refusa de s'engager dans une guerre nouvelle; mais Sigismond parvint à se liguer avec le sultan Sélim II contre le czar. Les troupes turques se réunirent à Azof, et le khan reçut ordre de diriger 60,000 hommes sur Astrakhan, qu'on se proposait d'enlever aux Russes. Dewlet obéit, et confia le commandement de cette expédition à Andi-Ghéraï, qui fut vaincu et éprouva des pertes

DEWEZ (Louis-Dieudonné-Joseph), historien belge, né à Namur, le 4 janvier 1760, mort le 28 octobre 1834. Il occupa pendant dix ans la chaire de rhétorique au collège de Nivelles. Pendant la révolution française et l'empire, il fut successivement commissaire du Directoire près le tribunal correctionnel de Nivelles, substitut du commissaire du Directoire près les tribunaux civil fet criminel du département de Sambre-etMeuse, et sous-préfet de Saint-Hubert. Il garda cette place jusqu'en 1814. Lorsque la Belgique fut réunie au royaume des Pays-Bas, Dewez fut nommé inspecteur général des athénées et col-immenses ainsi que l'armée turque. Cet événeléges. Il consacra les loisirs que lui laissait son inspection à la composition de nombreux ouvrages historiques. En voici la liste Histoire générale de la Belgique; Bruxelles, 1805-1807; 1826-1828, 7 vol. in-8°; — Géographie ancienne du département de Sambre-et-Meuse; Namur, 1812, in-8°; Histoire particulière des provinces belgiques; Bruxelles, 1816, 3 vol. in-8°;

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Abrégé de l'Histoire de la province de Namur; Bruxelles, 1822, in-12; · Abrégé de l'Histoire du duché de Brabant, du marquisat d'Anvers et de la seigneurie de Malines; Bruxelles, 1824, in-12; Abrégé de l'Histoire de la province du Hainaut et du Tournaisis; Bruxelles, 1823, in-12; Cours d'Histoire belgique, contenant les leçons publiques données au Musée des Lettres et des Sciences de Bruxelles; Bruxelles, 1832, 2 vol. in-8°. Dewez, qui était secrétaire perpétuel de l'Académie de Bruxelles, a inséré plusieurs mémoires dans le recueil de cette académie. Biographie générale des Belges.

* DEWLET ( GHÉRAÏ Ier), khan de Crimée, mort en 1574.Il était petit-fils de Menyhily-Ghéraï, qui se reconnut vassal de la Porte Ottomane. Il parvint au trône en 1551, après la déposition de

ment eut lieu en 1569. Deux ans après, Dewlet,
à la prière de Sigismond, tomba à l'improviste
sur la Russie. A la tête d'une foule innombrable
de Tartares et de Nogaïs, il se dirige sur Moscou,
pillant et brûlant tout sur son passage. Les
Russes perdirent plusieurs batailles, et déjà l'ef-
froi régnait dans la capitale de la Russie, lorsque
Michel Vorotynski, prenant l'offensive, remporta
plusieurs victoires sur le fils du khan et força
les Tartares à la retraite. Dewlet mourut peu
après (1574), et eut pour successeur Mohammed-
Ghéraï II.
Al. BONNEAU.

Histoire de la Tauride, par l'archevêque de Mohilow.
Le marquis de Castelnau, Histoire de la Nouvelle-
Russie. Famin, la Crimée, dans l'Univers pittoresque.

* DEWLET (GHÉRAÏ II), khan de Crimée, mort en 1724, était fils de Sélim-Ghéraï, l'un des plus grands hommes du dix-septième siècle. Sélim, après les triomphes éclatants qu'il venait de remporter sur les Russes à la tête des armées ottomanes, obtint du sultan l'autorisation de faire le pèlerinage de La Mecque. Pendant son absence, Dewlet marcha contre les Moscovites (1693), leur fit éprouver des pertes considérables, et revint chargé de butin. Il eut bientôt après à repousser une attaque des Cosaques Zaporogues, qui pénétrèrent jusqu'à Pérékop. En 1699 son père abdiqua en sa faveur; mais une révolte des Tartares amena sa déposition en 1702, et Sélim dut remonter sur le trône. Dewlet, qui regrettait le souverain pouvoir, prit les armes; il fut vaincu en Circassie par Ghazy-Ghéraï, son frère, qui le ramena prisonnier. La loi le condamnait à perdre la tête; mais

Sélim le reçut dans ses bras, larrosa de ses larmes, et lui pardonna. Dewlet remonta sur le trône en 1709, après la déposition de son frère, Kaplan-Ghéraï. A peine réinstallé, il attaqua les Russes, par une violation flagrante des traités; son armée fut battue et dispersée. Charles XII, vaincu à Pultawa, se trouvait alors à Bender, dans la Bessarabie, et s'efforçait d'entraîner le sultan dans une guerre contre la Russie. Dewlet, qui redoutait l'ambition de Pierre le Grand, agissait en ce sens auprès de la Porte. Cette politique triompha, et les hostilités commencèrent en 1710. Le czar s'avança rapidement sur le Pruth. Dewlet fit déposer Mavro-Cordato, hospodar de la Moldavie, qui paraissait favorable aux Russes, et à la suite de ses intrigues Constantin Brankovan, hospodar de Valachie, abandonna la cause de Pierre Ier, qui avait compté sur son alliance pour l'approvisionnement de son armée et qui même avait combiné avec lui le plan de la campagne. Le czar fut vaincu dans la plaine d'Horsiesti, près de Husch, sur le Pruth. Dewlet voulait absolument continuer la guerre; mais l'influence du grand-vizir triompha, et la paix fut signée. Dewlet reçut ordre de compter 900 bourses à Charles XII et de l'escorter avec une armée jusque dans ses États, en passant par l'Ukraine et la Pologne. Le khan se présenta au roi de Suède pour lui faire part de la mission dont il était chargé. Charles refusa de partir : « Je te ferai jeter dans le Dniester, lui répondit Dewlet, irrité, car tu m'exposes au plus grand danger que je puisse jamais courir. » L'illustre vaincu ne persista pas moins dans sa résolution, et Dewlet, avec 14,000 Tartares ou Turcs, fit le siége de la maison occupée par le roi. Charles se défendit comme un lion, et tomba enfin entre les mains de Dewlet; mais le sultan avait changé d'avis. Il craignait que cet acte de violence ne soulevât contre lui l'indignation de l'Europe, et, comme pour décliner à ce sujet toute responsabilité, il déposa Dewlet, le grand-vizir et le muphti (1713). Il est certain pourtant que Dewlet n'avait agi que sur les ordres formels de la Porte, car à l'époque où M. de Peyssonel était consul de France en Crimée (1753), Nouradin-Kérim-Ghéraï, fils cadet de Dewlet, avait encore entre ses mains l'ordre du grand-seigneur, qu'il montrait à tous ceux qui voulaient le voir, afin de justifier la conduite de son père. Kaplan-Ghéraï reçut aussi le titre de khan, mais Dewlet fut rétabli en 1716. Les rairzas ou nobles, qu'il avait mécontentés, se sou levèrent bientôt contre lui, et se rangèrent sous l'autorité de Blé-Ghéraï; la Porte, de son côté, donna l'investiture à Menghély, fils de Kaplan, qui triompha de son compétiteur. Les Tartares recoururent alors à Dewlet, qui allait se

mettre à leur tête lorsqu'il fut surpris par la mort. AL. BONNEAU.

Peyssonel, Mémoire sur la petite Tartarie, à la suite du Traite sur le Commerce de la mer Noire, tome il -Histoire de la Tauride, par l'archevêque de Mobilov - De Casteinau, Hist. de la Nouvelle-Russie. — C. Fămin, la Crimée, dans l'Univers pittoresque.

* DEWLET (GHÉRAÏ HI), khan de Crimée, mort vers 1780, était neveu de Kérim-Ghéraï, auquel il succéda, en 1769. Il apporta sur le trône des goûts d'étiquette qui l'absorbaient exclusivement. Catherine II occupait alors le trône de Pierre le Grand, et l'Empire Ottoman pouvait craindre jonctures, il fallait à la tête des Tartares un pour son existence même. Dans de telles conautre homme que Dewlet. Il fut donc déposé en 1770. Les événements marchaient vite : en 1771 les Russes avaient conquis toute la Crimée, et avaient fait proclamer par les Tartares un nouveau khan, qui, sous leur protection, avait été déclaré indépendant de la Porte. C'était Saheb ou Sahim-Ghéraï. La Porte donna l'investiture à Dewlet; mais des revers successifs amenèrent le traité de Koutchouk-Kaïnardji, qui força le sultan à reconnaître Saheb. Cette reconnaissance toutefois cachait une volonté bien arrêtée de renverser la puissance russe dans la Crimée. Le parti de Dewlet, soutenu secrètement par le divan, intrigua parmi les Tartares. Dewlet luimême passa dans la péninsule. Le sultan le rappela, sur les plaintes énergiques du gouvernement russe; ses agents y restèrent, et bientôt ils parvinrent à soulever les Tartares, indignés contre Saheb, qui, conformément au traité de Koutchouk-Kaïnardji, dut livrer aux Russes les villes de Kertch et d’Yénikalé, qui les rendaient maîtres du détroit. La révolte éclata avec énergie en 1775 à Baktchi-Saraï, capitale de la Crimée; Saheb prend la fuite, et Dewlet est choisi pour occuper le trône à sa place. Un nouvel orage gronde bientôt sur la tête de Dewlet. Chahyn ou Sahim, frère et lieutenant de Saheb, soulève les Nogaïs du Kouban, et s'avance à la tête de 40,000 hommes. Dewlet court à sa rencontre ; les Turcs lui font porter secrètement du secours, et les Russes en usent de même à l'égard de Chahyn. Les deux rivaux se rencontrent bientôt dans la presqu'île de Taman. Dewlet, complétement battu, en novembre 1776, rentre en Crimée avec les débris de son armée; Chahyn passe le détroit après lui; les Russes, levant tout à fait le masque, pénètrent dans la péninsule par l'isthme de Pérékop; les mirzas abandonnent Dewlet, qui, hors d'état de résister à tant d'ennemis, va chercher un refuge à Constantinople (1777), laissant à Chahyn un trône sur lequel on eût pu dès lors placer l'aigle à deux têtes de l'empire de Russie. Alex. B. De Tott, Memoires sur les Turcs et les Tartares.

FIN DU TREIZIÈME VOLUME.

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