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Jean Chodani, professeurs à l'université de
Wilna.
L. CH.

Documents particuliers.

* DEMBOWSKI ( Édouard ), écrivain, né dans ie palatinat de Plock, vers 1810, mort en 1846. En 1844 il publia un Abrégé de l'Histoire de la Littérature polonaise, et prit part à la rédaction de plusieurs journaux politiques et littéraires. En 1846 il fut l'un des plus actifs dans la conspiration polonaise, et se montra le plus énergique lors de l'insurrection de Cracovie de 1846. Il faisait partie de la procession que les habitants de Cracovie organisèrent, dans l'intention d'aller au-devant des Autrichiens, pour prouver à ces derniers leur innocence et pour arrêter s'il était possible les massacres de Gallicie; mais les soldats autrichiens tirèrent sur cette procession dé. sarmée, et Dembowski y fut tué l'un des premiers, le 24 février 1846. L. CHODZKO.

Documents particuliers.

* DEMEAS. Deux statuaires grecs ont porté ce nom: l'un était de Crotone; il fit en bronze la statue de son compatriote le célèbre Milon; l'autre était de Clitore en Arcadie. Les Lacédémoniens, après une victoire, eurent recours à lui pour les offrandes qu'ils voulaient faire au temple de Delphes; il exécuta en airain les statues de Minerve, de Neptune et de Lysandre.

Sillig, Catalogus Artificum, p. 179.

DEMELMAYER (Conrad), théologien allemand, mort le 27 janvier 1740. Il était de l'ordre des Bénédictins. On a de lui: Chronicon philosophicum; Ingolstadt, 1737, in-4°.

Ziegelbauer, Hist. liter. ord. S. Bened.

* DEMENYI (Ladislas), théologien hongrois, natif de la province de Trente. Il professa les belles-lettres, et laissa: Orationes sexdecim; Tyrnau, 1742, in-8°; Meditationes ex sacris litteris et SS. PP. sententiis in omnes Domini totius anni dies concinnata; Presbourg, 1760, in-8°.

Horanyi, Mem. Hung.

DEMERVILLE (Dominique), conspirateur français, né dans le Bigorre, en 1767, guillotiné le 31 janvier 1801. Il fut employé, en 1794, dans les bureaux du comité de salut public. Il devint, en 1800, l'un des chefs de la conspiration de Ceracchi et d'Arena. Il mourut avec sang-froid ainsi que ses coaccusés, après avoir inutilement tenté de s'empoisonner.

Le Bas, Dict. encyc. de la France. Thiers, Histoire du Consulat et de l'Empire.

★ DEMERY (Antoine), médecin, né à Abbeville en Picardie, vers le commencement du seizième siècle. Il est auteur d'un opuscule intitulé: Antidote contre la Peste; Paris, 1545, in-8°. M. G.

Du Verdier et La Croix du Maine, Bibl. franç. DEMESTE (Jean), chirurgien liégeois, né en 1743, mort en 1783. Il était chirurgien dans les troupes du prince de Liége. La chimie était son occupation favorite; mais elle ne lui suggéra que des hypothèses frivoles et des opinions bizarres,

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DÉMÉTRIUS Poliorcète (Δημήτριος Πολιορ xnτns), c'est-à-dire Assiégeur de villes, fils d'Antigone, né en 338 avant J.-C., mort en 283. Il fut appelé de bonne heure à jouer un rôle important dans les guerres qui suivirent la mort prématurée d'alexandre le Grand. Associé à la politique de son père, il le servit avec un dévouement qui ne se démentit jamais : fidélité remarquable dans ces temps de haines et de crimes domestiques. Il n'avait pas seize ans lorsqu'il l'accompagna dans sa fuite secrète en Macédoine, et la ligue formée contre Perdiccas l'initia aux intrigues que son ambition devait un jour tourner contre lui-même. Il fit ses premières armes, à la tête des hétaires, dans deux combats contre Eumène, en Médie, et contribua, par son ardeur, à la victoire. Aussi, quand Antigone reprit les projets de domination qu'il avait combattus chez Perdiccas, ne craignit-il pas de l'opposer au plus redouté de ses ennemis, pour surveiller ses mouvements. Assuré du concours de Séleucus et de Lysimaque, que les prétentions d'Antigone menaçaient encore plus que lui, Ptolémée était descendu dans l'île de Chypre, et se portant résolument sur la Cilicie, il en avait pris la capitale et ravagé le territoire. A cette nouvelle, Démétrius s'élance du fond de la Célé-Syrie; mais déjà Ptolémée était rentré en Égypte : il reparut bientôt, appelé par Séleucus, chassé de ses États, et vint placer son camp dans les plaines de Gaza. Malgré les conseils de ses amis, qui craignaient de le voir se mesurer seul contre « un athlète sorti du gymnase d'Alexandre (1) », Démétrius résolut de le combattre. « Il réunit tous les soldats en une << assemblée générale : tout troublé et ému, il «< monta à la tribune. L'assemblée s'en étant <<< aperçue lui cria d'une seule voix de prendre « courage, et aussitôt le plus grand silence s'é«<tablit avant même que le sénateur ne l'eût «< ordonné. La fierté et la vivacité de son regard, << sa haute taille, sa riche armure, tout son aspect

(1) Plutarque.

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<< avait quelque chose d'imposant, et qui gagnait « la foule en sa faveur (1). » Il eut d'abord l'avantage à l'aile droite, qu'il commandait; mais enveloppé par Séleucus et Ptolémée, privé du secours de ses éléphants, abandonné par son infanterie, il fut lui-même forcé de quitter le champ de bataille. Il courut s'enfermer dans les murs d'Azoth, où Ptolémée lui renvoya ses prisonniers et ses bagages : « Ce n'est pas, disait-il, pour de telles dépouilles que nous sommes en guerre avec Antigone, mais pour les provinces qu'il veut nous enlever contre toute justice.» Démétrius avait à cœur de reconnaître une telle générosité. Il rassembla une nouvelle armée en Cilicie, et tombant à l'improviste sur Cillès, que Ptolémée avait détaché contre lui, il le fit prisonnier avec sept mille de ses meilleurs soldats, auxquels il rendit la liberté sans rançon; puis, secondé par son père, qui avait voulu lui laisser tout l'honneur de ces représailles, il recouvra sans coup férir les villes de la Syrie et de la Phénicie (en 312). Ptolémée, battant en retraite, était rentré dans son royaume : Démétrius n'osa l'y poursuivre ; mais il fit une incursion dans le pays des Arabes Nabathéens, dont Antigone redoutait le voisinage pour ses nouvelles provinces. Une première tentative avait échoué, par l'incapacité d'Athénée; repoussé lui-même de Pétra, Démétrius ne rapporta du désert que des promesses de paix et un riche butin. Son expédition dans la Babylonie, qui s'était révoltée en faveur de Séleucus, ne fut pas plus heureuse : il n'eut que le temps de s'emparer d'un des forts de Babylone la guerre le rappela sur les bords de la

mer.

La paix qu'Antigone, Lysimaque et Ptolémée avaient signée en 311 n'était qu'une trêve : tous refusaient d'en exécuter les conditions, et chacun d'eux prétendait les imposer aux autres. Le crime de Cassandre (2) et l'invasion de Léonidas, lieutenant de Ptolémée, en Cilicie, rouvrirent les hostilités. Déjà les villes du littoral étaient soumises; Halicarnasse allait succomber. Démétrius joignit Léonidas, et, poussant la guerre avec vigueur, l'eut bientôt forcé à évacuer le pays. Les succès de son fils enflant ses espérances, ce fut alors qu'Antigone, sous le prétexte d'enlever la Grèce à la domination de Cassandre et de Ptolémée, entreprit d'y établir la sienne. Démétrius partit à la tête d'une flotte de cent cinquante vaisseaux, et tout à coup, avant inême qu'on se doutât de son départ, parut devant le Pirée il se présentait en libérateur. « On le voyait, dit Plutarque, debout sur le tillac de « son navire, d'où il faisait signe qu'on se tînt « tranquille et qu'on l'écoutât. Lorsqu'il eut ob« tenu du silence, il fit publier par un héraut, « placé à ses côtés, qu'Antigone l'avait envoyé sous les auspices les plus favorables pour chas

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:

(1) Diodore de Sicile, XIX, 81 (traduction de M. Ferd. Hoefer, tome III, p. 83 ).

(2) Voy. CASSANDRE.

:

« ser la garnison macédonienne et leur rendre « leurs lois (en 307). » Démétrius de Phalère fut reconduit avec honneur à Thèbes; le gouverneur macédonien s'était retranché dans le port de Munychie Démétrius l'assiégea, s'en rendit maître, et alla chasser la garnison de Mégare. Trompés par ces apparences de liberté et par les présents d'Antigone, les Athéniens prodiguèrent à leurs sauveurs intéressés les témoignages de la plus déplorable adulation on leur dressa des autels, des jeux furent institués en leur honneur, deux tribus nouvelles créées sous leurs auspices; les députés qu'on leur envoyait prirent le nom de théores, comme ceux qu'on envoyait à Delphes; les fêtes de Bacchus furent célébrées sous le nom de Démétrius; on en vint à consulter Démétrius comme un oracle. Démétrius répondit à ces ovations en épousant Eurydice, de la famille de Miltiade, quoiqu'il fût déjà marié avec Phila, fille d'Antipater. Il aurait facilement oublié dans les honneurs et les plaisirs les desseins de son père : il était né pour régner sur cette Athènes dégénérée, où ses qualités et ses vices, son penchant à la débauche et son goût pour les arts trouvaient une égale satisfaction; mais Ptolémée ne lui laissa pas le temps d'y faire un long séjour. Il avait jeté dans l'île de Chypre une armée considérable, et menaçait de nouveau la Cilicie. Invité par son père à revenir en toute hate, Démétrius aborda en Carie, tenta inutilement de soulever les Rhodiens contre le roi d'Égypte, prit en Cilicie le commandement de l'armée et de la flotte, et vint établir son camp devant Carpasie. En quelques jours il eut pris d'assaut toutes les villes de la côte; il se porta sur Salamine, rencontra au pied des murs Ménélas, qu'il battit, et mit le siége devant la place. Ptolémée vint à son secours; mais Démétrius l'empêcha de joindre ses forces à celles de Ménélas, dispersa sa flotte dans une grande bataille, où se heurtèrent plus de trois cents vaisseaux (voir Diodore, traduction de M. Hoefer, t. IV, p. 159 et 199), le vainquit une deuxième fois sur terre; et Salamine lui ayant ouvert ses portes, il demeura maître de la ville entière et d'un immense butin (en 306). Cet éclatant succès lui valut le titre de roi,que son père lui donna en le prenant lui-même il fallait le justifier. Antigone avait résolu d'envahir l'Égypte; tandis qu'il s'avançait à travers les déserts, Démétrius, à la tête de la flotte, suivit les côtes. Mais à la hauteur de Raphia il fut assailli par une violente tempête, et, pour comble de malheur, l'équipage manquait d'eau, à tel point que si le mauvais temps eût duré un seul jour de plus, tous les hommes auraient péri de soif. Il eut voulu débarquer à la première embouchure du Nil (la bouche Phatnitique); mais l'entrée était gardée par des barques chargées de machines de guerre et par une armée rangée en bataille sur le rivage. Forcé de se replier sur le camp de son père, il y trouva le désordre et

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le découragement : les soldats désertaient, les officiers voulaient se retirer. Antigone se décida à revenir sur ses pas, laissant à Ptolémée la tranquille possession de l'Égypte. Cependant, Démétrius ne se tenait pas pour battu: il se rejeta sur l'île de Rhodes, dont la conquête eût enlevé à Ptolémée la plus utile de ses alliances; Inais ses promesses et ses menaces échouèrent également devant la fidélité des Rhodiens. Ce fut alors qu'il fit construire la machine appelée Hélépole, dont Diodore nous a laissé la description, et qui se trouve exactement représentée sur l'un des monuments faussement attribués à l'ancienne Ninive (1). « La base, dit Diodore, « était carrée; chaque côté formé de poutres équarries, jointes ensemble par des crampons de « fer. L'espace intérieur était étagé par des planches, laissant entre elles environ une coudée << d'intervalle, et destinées à porter ceux qui de<«< vaient faire jouer la machine. Toute la masse << était supportée par des roues, au nombre de huit, grandes et solides; et afin de pouvoir imprimer à la machine toutes sortes de directions, << on y avait adapté des pivots mobiles. Les << quatre angles étaient formés par quatre piliers légèrement inclinés en haut, et de manière que << toute la bâtisse était partagée en neuf étages. << Le plus bas se composait de quarante-trois planches, et le plus élevé de neuf. Trois côtés « de cette bâtisse étaient recouverts extérieure«ment par des lames de fer, pour les garantir «< contre les torches allumées. Sur le quatrième côté, faisant face à l'ennemi, étaient pratiquées, à la hauteur de l'étage, des fenêtres propor«<tionnées aux projectiles qui étaient lancés sur «<l'ennemi. Ces fenêtres étaient garnies d'au

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vents, fixés par des ressorts, et derrière lesquels se trouvaient à l'abri les hommes qui lançaient les projectiles. Ces auvents étaient formés de peaux cousues ensemble et bourrées « de laine pour amortir le choc des pierres lan«< cées par les lithoboles. Enfin, à chaque étage « étaient deux larges échelles l'une servait << pour monter et apporter les munitions néces<< saires, et l'autre pour descendre, afin de ne << pas troubler la régularité du service. Les << hommes les plus vigoureux, au nombre de 3,400, furent choisis pour mettre en mouvement, du dedans et du dehors, cet immense appareil de guerre (2). » Mais il ne put entamer les murs des Rhodiens, héroïquement défendus (en 304). Une députation des Athéniens vint à temps, pour l'honneur de Démétrius, implorer son secours contre Cassandre, qui tenait

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(1) Voir les deux mémoires adressés à l'Académie par M. Hoefer, où il prouve d'une manière péremptoire, par le texte des anciens et à l'aide des peintures et inscriptions trouvées sur les monuments, notamment à l'aide de l'héJépole, dont l'invention date de l'an 304 deuxième mémoire, p. 40), que les ruines découvertes aux environs de Moussoul n'appartiennent pas et ne sauraient appartenir à la capitale de l'Empire Assyrien, détruite en 625. (2) Diodore, XX, 91, tome IV, p. 194, de la traduction de M. Hocfer.

leur ville assiégée. Démétrius n'avait quitté la Grèce qu'à regret : il s'empressa de conclure avec les Rhodiens un traité par lequel ils s'engageaient à servir Antigone contre tous ses ennemis, excepté contre le roi d'Égypte, et fit voile vers Athènes. Avec sa célérité ordinaire, il chassa Cassandre de l'Attique, le poursuivit jusqu'aux Thermopyles, le vainquit, et s'empara d'Héraclée, où 6,000 Macédoniens passèrent dans son camp. L'Attique et la Béotie affranchie, il entra dans le Péloponnèse : Sicyone était occupée par les troupes de Ptolémée : il acheta leur retraite; et pour la fortifier contre l'usurpation étrangère, il la fit transporter sur une esplanade voisine, où elle prit le nom de Démétriade; Mégare, Corinthe lui ouvrirent leurs portes; l'Argolide et l'Arcadie, excepté Argos et Mantinée, se rangèrent sous sa protection. Il revint jouir de son triomphe à Athènes, où l'attendaient de nouveaux honneurs. L'opisthodome (le derrière du Parthenon) lui fut donné pour palais; et, non content de livrer à ses débauches le temple de la déesse vierge, Stratoclès fit élever des autels à ses courtisanes. Les lois les plus saintes furent violées en sa faveur; on changea l'ordre des mois pour qu'il pût subir de suite toutes les cérémonies de l'initiation aux grands et aux petits mystères. Il épuisa la servilité des Athéniens, jusqu'à s'en moquer amèrement un jour, il leur fit demander sans délai une somme de 250 talents (12,050,000 fr.), et quand ils l'eurent recueillie à grand'peine, il ordonna de la porter à Lamia et à ses autres courtisanes, afin qu'elles s'en achetassent des poudres pour leur toilette. Tel était l'homme que la Grèce, dont la reconnaissance s'égarait, venait de proclamer généralissime à Corinthe, comme autrefois Philippe et Alexandre. Ce titre cependant était de nature a inquiéter ses rivaux; il affectait d'ailleurs pour eux le plus grand mépris. « Il se raillait ouvertement, dit Athénée (1), de ceux qui don<< naient à tout autre qu'à son père ou à lui le << titre de roi; et il aimait à voir des flatteurs « faire à sa table des libations à Démétrius roi, « à Séleucus capitaine des éléphants, à Ptolé«<mée amiral, à Lysimaque garde du trésor, à « Agathocle, son fils, gouverneur des îles. Quant à Cassandre, qui lui demandait la paix, il lui avait répondu qu'il eût à se livrer sans condition, et il semble qu'il ne le comptait même plus. Ce fut pourtant Cassandre qui rapprocha encore une fois contre lui et son père tous les héritiers d'Alexandre. Lysimaque et Sé lencus ayant opéré en Asie la jonction de leurs troupes, se trouvèrent en face d'Antigone, à Ipsus en Phrygie. Le vieux roi partageait les dédaigneuses illusions de son fils, « et il se flat<< tait de dissiper cette nouvelle ligue avec autant << de facilité qu'une pierre ou le moindre bruit disperse une volée de moineaux » (Plu

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(1) VI, 17.

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tarque). Le succès démentit ses espérances. Démétrius, un moment vainqueur, se laissa follement emporter la poursuite de Lysimaque; lorsqu'il revint sur le champ de bataille, il trouva son père entouré par l'infanterie de Séleucus, et abandonné par ses meilleures troupes. Ses efforts ne purent rétablir le combat ni sauver de la mort Antigone, qui, les armes à la main et défendant sa vie, le cherchait partout des yeux, et attendait son secours (en 301). La perte de l'Asie Mineure, que les vainqueurs se partagèrent, était moins grave pour Démétrius que la mort de son père, qui le livrait à lui-même. Instrument docile sous la main d'Antigone, il avait heureusement exécuté ses desseins; mais cette direction lui était nécessaire : il n'avait de l'ambition que l'élan; l'esprit de suite, qui en prépare le succès et l'achève, lui manquait. Aussi à partir de 301, abandonné à son humeur aventureuse, ne fit-il plus que de passer de l'exil au trône, pour retomber du trône dans l'exil : il était incapable de s'y maintenir, surtout en face de ses rivaux, plus persévérants et plus habiles que lui.

La Grèce lui échappa d'abord en même temps que l'Asie. Il comptait sur la fidélité des Athéniens; il leur avait confié ses vaisseaux, son trésor, et sa nouvelle femme Déidamie, sœur de Pyrrhus. Mais à la hauteur des Cyclades il rencontra des ambassadeurs envoyés d'Athènes pour le prévenir qu'elle était décidée à ne recevoir aucun roi dans ses murs.

Trop faible pour songer à y rentrer de force, Démétrius débarqua à Corinthe, y reprit son argent et sa flotte', et cingla vers la Thrace. Il n'avait pas d'autre ressource que le pillage pour entretenir son armée, et les Etats de Lysimaque étaient sans défense. Séleucus et Ptolémée craignaient que, plus voisin qu'eux de l'Asie Mineure, il ne se fit une trop large part dans l'héritage d'Antigone: aussi laissèrent-ils Démétrius reparaître en Asie, à la tête de sés mercenaires; et il l'eût reconquise sans le jeune Agathocle, fils de Lysimaque, qui, s'attachant à ses pas, le força à se renfermer en Cilicie. De là il menaçait également Séleucus et Ptolémée : ils se réconcilièrent avec lui : l'un lui demanda sa fille, l'autre lui donna la sienne; et tous deux le proclamèrent roi d'Asie, sans doute pour éloigner ses armes de leurs États, et aussi peut-être pour les tourner contre Lysimaque. Cet accord ne dura pas: Séleucus convoitait la Cilicie; il prétendit la racheter. Démétrius refusant de la vendre, il fit valoir ses droits sur Tyr et Sidon: Démétrius y mit garnison; et tout à coup, comme s'il eût été sûr de l'Asie, il repartit pour la Grèce. Il espérait se rétablir à Athènes, où la tyrannie de Lacharès avait excité une sédition. Une tempête qui détruisit une partie de sa flotte ralentit son ardeur n'osant aborder en Attique, il alla prendre Messène, où il faillit périr d'un trait de batterie qui lui perça la joue. Ses forces rétablies il revint assiéger

:

Athènes la famine la réduisit bientôt à la dernière extrémité, et elle lui livra, toute tremblante, Munychie obstinée. Il s'amusa de. sa terreur : il fit assembler tous les citoyens dans le théâtre, environna la scène de gens armés, plaça ses gardes aux deux côtés de l'avant-scène, et descendit lui-même, comme les acteurs, par les degrés d'en haut, le regard menaçant; mais ses paroles calmèrent les craintes, et une distribution de 100,000 médimnes de blé acheva de lui ramener tous les cœurs (en 296). Sparte sembla s'inquiéter de cette restauration, et Démétrius ne pouvait souffrir qu'elle lui eût toujours échappé. Il marcha contre le roi Archidamus, le battit près de Mantinée, le poursuivit jusque sous les murs de sa capitale; et il allait s'en emparer quand il reçut coup sur coup la nouvelle que Lysimaque lui avait enlevé ses villes d'Asie, et Ptolémée l'île de Chypre, sauf Salamine, où il assiégeait sa mère et ses enfants. Mais c'est au moment même où la fortune semblait l'abandonner, qu'elle lui rendit une couronne. Après la mort de Cassandre, Antipater ayant tué sa mère Thessalonique, Alexandre appela à son secours Pyrrhus et Démétrius. Pyrrhus (1), arrivé le premier, s'appropria comme prix de ses services une partie de la Macédoine. Quand Démétrius se présenta, Alexandre, réconcilié avec son frère, lui fit entendre qu'il n'avait plus besoin de son intervention; et dans la crainte qu'il ne voulût aussi s'indemniser lui-même de son voyage, il tenta, selon Plutarque, de l'assassiner. Démétrius le prévint, et le trône de Macédoine demeurant vacant, il y fut porté par la nation, qui détestait la famille de Cassandre et aimait de prédilection celle d'Antipater, dont il était le gendre par sa première femme, Phila. La Grèce reconnaissait aussi la domination de Démétrius : il fallut que Thèbes, poussée par cet esprit de résistance provocatrice qui l'avait fait prendre et détruire déjà tant de fois, essayât de s'y soustraire il n'eut pas plus tôt fait approcher les machines de ses murailles qu'elle se rendit à discrétion. Peu après, tandis qu'il marchait contre Lysimaque, qui menaçait ses États, elle se révolta de nouveau: il la prit, la traita encore avec humanité, mais il y mit garnison. Ces guerres en Béotie et diverses campagnes en Épire et en Étolie remplirent le commencement de son règne. Ce fut au retour d'une de ces expéditions que les Athéniens, dont l'enthousiasme ne connaissait plus de bornes, vinrent à sa rencontre couronnés de fleurs, brûlant de l'encens, et chantant un hymne qu'Athénée nous a conservé: « Les autres dieux demeurent trop loin <«< de nous, ou ils n'ont pas d'oreilles, ou ils << n'existent même pas, ou ils ne s'occupent pas « de nous. Pour toi, nous te voyons ici présent, >> non pas fait de bois, non pas fait de pierre, « mais réel et vivant; et nous t'adorons. » Mais

(1) Voy. PYRRHUS.

Démétrius se trouvait à l'étroit en Grèce; il n'aspirait à rien de moins qu'à reconquérir tout l'empire de son père. Une armée de 110,000 hommes, une flotte de cinq cents vaisseaux, la plus belle et la mieux équipée qu'on eût jamais vue, semblaient justifier ses espérances. Informés de ces préparatifs, Séleucus, Ptolémée, Lysimaque, organisèrent une nouvelle ligue, et sollicitèrent Pyrrhus de faire irruption en Macédoine par l'Épire, tandis qu'ils y entreraient de leur côté. Démétrius n'ignorait pas qu'il s'était aliéné les Macédoniens par son faste et sa hauteur; il se plaisait à les mortifier. Un jour, en sortant de son palais, il avait reçu un grand nombre de placets qu'il avait serrés dans un pli de son manteau: arrivé sur le pont de l'Axius, il les jeta dans le fleuve. Les robes de pourpre, les manteaux brodés d'or, le double diadème dont il se parait, blessaient leurs habitudes de simplicité barbare; et, ce qui les indisposait encore davantage, il les surchargeait d'impôts. Aussi, dans la crainte d'être trahi par leurs sympathies pour Lysimaque, qu'ils aimaient comme un des plus vaillants soldats d'Alexandre, il les mena contre Pyrrhus. Mais à peine eut-il placé son camp devant celui du roi d'Épire, que la défection commença une révolte éclata; il s'enfuit en hâte à Cassandre (Potidée), d'où il repassa en Grèce. Il y eut bientôt réuni une autre armée. Athènes, qui était retombée de l'enthousiasme dans la peur, l'avait encore une fois abandonné. Désarmé par les prières du philosophe Cratès, il renonça à s'en emparer, et préféra tenter de nouveau la conquête de l'Asie. Il obtint d'abord quelques succès : les villes de la Lydie et de la Carie se rendirent volontairement; Sardes fut prise, et quelques officiers de Lysimaque passèrent avec leurs soldats dans son camp. Mais il n'eut pas le temps de s'affermir. Poursuivi par Agathocle, il remonta en Phyrgie, dans l'espoir de faire révolter l'Arménie et les provinces de la haute Asie. La famine, la peste, qui décimèrent son armée, le forcèrent à renoneer à ce dessein, et le réduisirent à demander asile à Séleucus. Après bien des hésitations, le roi de Syrie lui permit de se retirer dans la Cataonie. Emprisonné dans ce pays sauvage comme une bête féroce, Démétrius s'en échappa, pénétra dans la Syrie, battit Séleucus dans plusieurs rencontres; et ces succès relevant son courage, il résolut de lui livrer un combat décisif. Mais sur le champ de bataille ses soldats passèrent à Séleucus, et bientôt il ne resta plus autour de lui qu'un petit nombre d'amis et d'officiers, avec lesquels il s'échappa. Il voulait se percer de son épée; on le détermina à se rendre. Séleucus le traita avec honneur, lui assigna une pension considérable pour subvenir à ses besoins, et le leurra quelque temps de l'espoir d'une prochaine liberté. Mais trop heureux de le tenir en sa puissance, s'il ferma l'oreille aux offres de Lysimaque, qui voulait le faire assassiner, il ne

fut pas moins sourd aux sollicitations de ceux qui demandaient son rétablissement sur le trône (en 285). Démétrius finit lui-même par prendre plaisir à sa vie de débauches orientales : enfermé dans un vaste parc, rempli de bêtes fauves, il se livra d'abord à la chasse avec ardeur; puis il s'abandonna à des habitudes de mollesse, à des excès de table, qui abrégèrent sa vie. Il mourut à l'âge de cinquante-cinq ans (en 283). — Ainsi devait se terminer la carrière aventureuse d'un homme dont l'inquiète et stérile ambition avait fatigué ses propres partisans, las de vaincre inutilement avec lui. Doué d'un génie militaire remarquable dans un temps où une victoire pouvait donner un trône, il joignait aux avantages extérieurs, qui attirent les sympathies des peuples, toutes les brillantes qualités qui les conservent; mais son impatience de tout repos, son agitation désordonnée, et surtout son amour effréné du luxe et des plaisirs, compromirent ou gâtèrent toujours le succès de ses plus belles entreprises; si bien qu'après quarante ans d'une activité et d'une audace incomparables, il s'éteignit en roi fainéant : triste et frappant exemple de la démoralisation du monde à cette époque, et du mauvais emploi qu'on y faisait des plus vastes ressources et des plus grands talents. A la suite de plusieurs révolutions, Antigone Gonatas, son fils, monta sur le trône de Macédoine, que sa postérité conserva jusqu'à la défaite de Persée par les Romains.

GRÉARD.

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Plutarque, Vie de Demetrius et de Pyrrhus. Diodore, XIX, XX, XXI. — Appien, Passim. - Justin, XV, XVI. Athénée, VI, 17. - - Polybe, II, 41; IX, 29. — Pausanias, Attiques, 1, 6, 10, 25, 36; VI, 16. - Applen (Syriaca), 17, 54. - Rollin (Hist. Anc.), VII. - Annales des Lagides, par Champollion-Figeac.

* DÉMÉTRIUS le Beau ( Anuńtecos ó Kaλós ), un des deux fils de Démétrius Poliorcète, qui portèrent le même nom que leur père, vivait vers 280 avant J.-C. Par sa mère Ptolemaïs, fille de Ptolémée Soter, il était frère d'Antigone Gonatas. Il épousa d'abord Olympias de Larisse, dont il eut Antigone surnommé Doson, qui occupa plus tard le trône de Macédoine. Après la mort de Magas, roi de Cyrène, sa veuve, Arsinoé, désirant obtenir du secours contre Ptolémée, envoya en Macédoine offrir la main de sa fille Bérénice et le royaume de Cyrène à Démétrius. Celui-ci, acceptant avec empressement cette proposition, se rendit à Cyrène, et y fit reconnaître son autorité sans opposition. On ignore combien de temps il garda le pouvoir; mais on sait qu'il se fit haïr par ses manières arrogantes et impopulaires et par son commerce criminel avec sa belle-mère. Irritée d'une pareille conduite, la jeune reine Bérénice le fit assassiner, dans les bras d'Arsinoé. D'après une conjecture probable de Droysen, ce fut ce Démétrius, et non, comme le prétend Justin, le fils d'Antigone Gonatas, qui repoussa l'invasion d'Alexandre d'Épire en Macédoine.

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