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» les autres le mélange des germes dont tout ce qui existe a » pris naissance.

» On vit alors quelques êtres dénués de sentiment qui dans » la suite s'aimèrent et acquirent de l'intelligence; ces » êtres, semblables à leur modèle, eurent le nom de Sopha»semin ou de contemplateurs du ciel.

» A cette époque Moth parut lumineux, ainsi que le soleil, » la lune, les planètes et les astres du firmament (1). »

Les cosmogonies, métaphysiques, ou théogonies des peuples ont eu jusqu'ici ce caractère; elles peuvent, plus nous nous rapprochons de nos jours, être moins originales, mais ce sont toujours des hypothèses ou des suppositions en dehors de l'observation.

De là, à ne reconnaître pour toute cause universelle que l'union réciproque de la substantiabilité et de la vitalité dans le sein de l'immensité et de l'éternité, c'est-à-dire à reconnaître que tout émane éternellement de la composition et de la décomposition des corps célestes par la chaleur matérielle et le froid de l'espace, et de la composition et de la décomposition des corps organisés par le principe vital ou Dieu, ce qui résulte de l'analyse, il y a une grande distance.

Par une conséquence toute logique, le monde naturel de cosmogonies, métaphysiques ou théogonies, si éloignées de la réalité, ne pouvait être qu'un tissu d'inventions puériles, au lieu de résulter du concours simultané des minéraux, des eaux, de l'air, du calorique et des corps organisés. C'était le produit d'influences mystiques d'un ordre subalterne; les diverses manifestations de la nature véritable obéissaient passivement au caprice d'un certain nombre de génies luttant les uns pour le bien, les autres pour le mal. De façon

(1) Delisle de Salles, Monde primitif.

que si l'on trouvait des mines, ou si les mines étaient fécondes, on le devait aux bons génies; dans le cas contraire, la cause en était due aux mauvais génies. Les eaux étaient-elles trop abondantes, souffrait-on des ravages des inondations, c'était l'effet des mauvais génies; si elles vivifiaient la nature, cela était dû aux bons génies. Les vents se montraient-ils destructeurs, c'était un effet des mauvais génies; étaient-ils bienfaisants, on le devait aux bons génies. Les chaleurs excessives.comme les froids rigoureux, la naissance, la croissance, la mort des végétaux, des animaux et des hommes, la fortune ou l'infortune de ces derniers, tout provenait de la volonté d'une foule de petites divinités, les unes bonnes, les autres méchantes, en sorte que le roi de la nature n'était qu'un jouet des êtres invisibles, l'objet perpétuel de leur mystification.

Quelquefois, il est vrai, l'homme croyait trouver ses protecteurs ou ses ennemis dans la nature même, et alors il invoquait à son secours les plantes, les animaux et les hommes.

Si, à côté de cette science naturelle, toute imaginaire, quelques-uns osaient poser des règles plus certaines, se permettaient d'attribuer aux, modes de manifestation même de la nature une action, des propriétés, les savants officiels les persécutaient, et assez souvent leurs travaux périssaient avec eux. C'est à peine si l'on peut citer un petit nombre de vrais naturalistes dans l'histoire ancienne.

On ne faisait pas autrement l'étude du monde physiologique chez les peuples théocrates et autocrates, en général, et au lieu de préciser les facultés et les besoins des végétaux, des animaux et des hommes, pour leur donner une satisfaction plus ou moins complète, au lieu d'attendre du travail et de la capacité la fécondation des minéraux, des végétaux et des animaux, on demandait à la Divinité d'abondantes

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récoltes pour subvenir aux besoins de la société. Faut-il s'étonner que la production fût si faible, que les hommes même des classes privilégiées fussent si dépourvus de facultés et d'activité, que le dénûment fut si profond? N'est-ce pas le cas de dire ici : Aide-toi, le ciel t'aidera.

La science médicale avait encore un caractère mystique; ce n'était point par des moyens hygiéniques fournis par l'expérience qu'on protégeait la santé des hommes, ce n'était point par l'observation qu'on constatait leur état patholo gique, ce n'était point par des remèdes indiqués par la science qu'on guérissait les malades; sauf quelques légères exceptions, c'était au moyen d'amulettes bénies, par des exorcismes, des prières et des empiriques qu'on prévenait les maladies et qu'on les combattait.

Le monde humain, à son tour, n'était point constitué par l'organisation des fonctions et des autres états civils qui émanent dela nature de l'homme; on trouva plus facile d'attribuer dans les théocraties toute la propriété, la puissance et les avantages de la société à deux ordres de fonctions par droit de naissance, aux nobles ou aux militaires et aux prêtres, simultanément ou exclusivement les uns des autres; dans les autocraties, aux patriciens et à un petit nombre de plébéiens, et de faire peser tout le travail et les charges publiques sur les autres castes ou classes de la société ; et, comme si cela n'était pas assez pour les privilégiés, ils s'octroyèrent le droit de se faire des esclaves, c'est-à-dire des serviteurs sans nom ni famille, pour satisfaire à toutes les fantaisies de leurs maisons.

C'est cet ordre social que nous cherchons à faire connaître d'une manière rapide et que la méthode positive a la puissance de préciser avec certitude.

CHAPITRE IV.

BUT DE LA FONCTION SCIENTIFIQUE D'HISTORIEN DES
LÉGISLATIONS DES PEUPLES.

Que pouvait être la législation chez les peuples où la plupart des fonctions et des autres états civils de la société étaient confondus et opprimés par le pouvoir public et privé; là où la science, soit théocratique, soit autocratique, était confuse et oppressive, elle devait être confuse et oppressive. Voyons ce que c'était qu'un droit, ce que c'était qu'un devoir dans le passé.

Le droit dérivait principalement de la propriété par la foi divine ou la force.

Aussi, le pouvoir monarchique ou républicain, par le droit divin ou par la force, était censé le propriétaire du territoire national et transmettait aux castes, classes ou maisons, aussi bien les fonctions publiques que le privilége de posséder des propriétés. Les chefs de famille, à leur tour, disposaient des fonctions et de leurs propriétés suivant les prérogatives qui leur avaient été octroyées par le pouvoir public.

Droit public voulait donc dire la même chose que pouvoir ou propriétaire du territoire national; droit privé, pouvoir ou propriétaire d'une parcelle du sol national. En général, la propriété ou le droit était concentré dans un petit nombre de privilégiés chez les peuples théocratiques comme chez les peuples autocratiques, et n'appartenait qu'exceptionnellement aux classes inférieures de la société.

Du reste, la même autorité qui faisait ou interprétait la science nationale, faisait ou interprétait la législaiion et la

mettait à exécution. N'était-ce pas vouloir qu'elle fût toute favorable au pouvoir d'où elle émanait et aux classes sur lesquelles ce pouvoir s'appuyait, c'est-à-dire à l'avantage des classes supérieures et au détriment des classes inférieures ou des travailleurs les plus indispensables. Elle faisait plus, elle laissait une portion des hommes, les esclaves, en dehors de ses prévisions.

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La législation, dans les Etats-Unis, sans esclaves, consacre, il est vrai, la liberté de tous ; c'est là, sans doute, le droit le plus important qu'un peuple ait reconnu, mais le prolétariat reste toujours dans ces Etats au milieu de la liberté ; c'est la condition du plus grand nombre. Or, le prolétariat ne peut pas être le dernier terme de l'humanité, et la législation qui produira une organisation libérale basée sur les avantages de tous, qui s'appuiera sur la solidarité du travail et du revenu de tous, sera autrement précieuse aux yeux des hommes consciencieux.

Les devoirs publics, dans les sociétés qui nous ont précédé, étaient arbitraires et imposés par le pouvoir ou le propriétaire national, suivant son bon plaisir, aux sujets ou nonpropriétaires. Il en était de même des devoirs ou plutôt des charges privées, le chef de famille ou propriétaire particulier les distribuait suivant sa volonté.

Les législations des peuples, loin de spécialiser les fonctions et les autres états civils de la société, afin de préciser les droits et les devoirs de chacun, ne s'occupaient d'ordinaire que des droits, et encore des droits les plus essentiels de ceux qui jouissaient des grandes fortunes et des autres priviléges de la société. De plus, elles contenaient des peines extrêmement rigoureuses pour faire respecter leurs personnes et leurs biens. Ainsi, Manou, le législateur hindou par excellence, condamnait un soudra (sujet de la quatrième

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