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thode théocratique chrétienne romaine pour embrasser la méthode autocratique ; que ces deux grands peuples représentent, en Europe principalement, les idées de liberté.

Quoi qu'il en soit, les peuples, en général, n'ont guère jusqu'ici distingué l'autorité communale de l'autorité nationale. Il est vrai, la commune a eu une sorte d'administration particulière, la province et les districts ont également joui de certaines prérogatives, mais presque partout le pouvoir central a été à peu près sans bornes dans les divers cercles de la nation, sauf de bien faibles exceptions.

Le cercle international n'a pas fait non plus l'objet d'institutions régulières; chez les Grecs, il est vrai, le conseil des amphyctions, chez les chrétiens romains le pouvoir papal ont eu une action plus ou moins internationale; mais ces pouvoirs, d'ailleurs, placés au point de vue exclusivement religieux, dépourvus d'une administration régulière, n'avaient en vue que les populations soumises à la même foi.

Nous ne distinguerons donc point, dans la société des peuples, le cercle communal ou provincial de la nationalité. Quant au cercle international, n'ayant pas véritablement existé, nous n'avons pas en parler.

CHAPITRE II.

SCIENCE SOCIALE DES PEUPLES.

Presque dans toutes les nations, la société n'offrait qu'un petit nombre de fonctions et d'autres états civils largement pourvus, ceux qui concernaient les privilégiés; quant aux fonctions et aux autres états civils des classes inférieures, ils manquaient des objets les plus nécessaires, et souvent leur existence était à peine reconnue.

Ainsi, nous pouvons dire, devançant en cela l'application de la méthode positive, que les fonctions de publiciste ou de méthodiste, de ceux qui sont chargés de faire connaître périodiquement les élaborations de la science et les faits accomplis, n'étaient rien par elles-mêmes, et qu'elles étaient exercées, suivant les institutions des peuples, par des organes de l'administration civile et de l'administration religieuse, concurremment ou exclusivement, de manière qu'il était impossible de connaître ce qui se passait, autrement que par ceux qui souvent étaient intéressés à altérer la vérité. Il n'y avait aucun moyen soit de produire les réclamations légitimes, soit de provoquer des réformes indispensables. Tout le monde sait avec quelle difficulté les peuples de nos jours obtiennent à cet égard de faibles concessions. Il est vrai, les États-Unis jouissent de la liberté de publicité périodique, mais c'est irrégulièrement que la presse se procure les nouvelles pour les livrer à l'opinion et d'ailleurs elle n'offre point à la société une garantie suffisante de leur véracité.

D'un autre côté, les fonctions de l'instruction étaient exercées, celles des savants par les délégués ou titrés du gouvernement, simultanément avec le sacerdoce, ou bien par les premiers ou les derniers exclusivement, suivant l'organisation des peuples; il en résultait que la science se traînait dans la routine et ne pouvait pas sortir du cercle de la conception sociale révélée ou consacrée autocratiquement. La législation et la morale se trouvaient dans la même condition, de façon que la première, au lieu de consacrer avec impartialité les droits et les devoirs relatifs à tous les états civils de la société, n'avait en vue, presque exclusivement, que de protéger les intérêts et les personnes des privilégiés, et la dernière, loin de préciser les vertus et

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les vices provenant de l'exécution ou de l'inexécution des droits et des devoirs sociaux, ne voyait de digne de mérite que l'observation de certaines pratiques du culte et le respect des priviléges des grands.

Telle est l'idée que nous pouvons nous faire dès l'abord des travaux des fonctions scientifiques (1).

Quant à l'enseignement, il se trouvait soumis aux mêmes influences. L'enseignement civil et militaire était donné, dans les théocraties politiques et sacerdotales, par les délégués religieux ou profanes du gouvernement, et l'enseignement religieux par les prêtres; dans les théocraties politiques, exclusivement par les professeurs du gouvernement; dans les théocraties sacerdotales, exclusivement par les prêtres. D'un autre côté, chez les peuples autocrates l'enseignement appartenait exclusivement aux délégués du gouvernement. Dans tous les cas, l'enseignement n'avait pour but que les enfants des premières classes de la société et se renfermait dans les connaissances admises par le pouvoir national.

De sorte que ni la science, ni l'enseignement ne se sont appartenus jusqu'ici, et l'un et l'autre ont été circonscrits dans une limite très-restreinte. Ce n'est que dans les sociétés les plus modernes, notamment dans les Etats-Unis, que la science et l'enseignement sont libres, mais ils n'y sontpoint organisés pour l'avantage de tous.

Si nous passons aux fonctions de la justice, nous trouverons que la proposition des lois appartenait au souverain et que l'enregistrement était fait par ses délégués, que les juges et les magistrats instructeurs étaient nommés par le souverain et dépendaient plus ou moins de lui; qu'il en était

(1) Nous reviendrons d'une manière plus spéciale sur la science, la législation et la morale dans les deux chapitres suivants.

de même des officiers de la rédaction des actes authentiques et des agents chargés de les exécuter.

Comment concevoir que les lois nécessaires pussent être formulées, si les hommes spéciaux à même de voir les lacunes qu'elles présentaient, ne pouvaient point proposer de les remplir? Comment espérer de l'équité dans les jugements concernant les procès les plus importants ? ceux qui s'élevaient entre l'administration et les particuliers, si les juges étaient des créatures de l'une des parties? Comment imaginer que l'instruction de ces mêmes procès fût impartiale, faite par des agents sans indépendance? Que pouvait être, d'un autre côté, la fidélité des officiers de la rédaction des actes authentiques, et ici nous ne parlons pas seulement des notaires, mais aussi des greffiers, des officiers de l'état civil, des avoués près les tribunaux, des secrétaires des administrations, en dehors d'un véritable contrôle et d'une liberté suffisante de leur ministère? Enfin n'est-il pas évident que l'exécution des actes authentiques devait offrir de la partialité et être, notamment dans les maisons d'arrêt et dans les maisons de justice, oppressive pour les uns et d'une indulgence coupable pour les autres, appartenant exclusivement à des agents du gouvernement.

On dira mais le souverain, le gouvernement représentaient tout le monde. C'est ce que nous nions; ils ne représentaient ou ils ne représentent presque exclusivement dans beaucoup de pays que certaines classes de la société, les classes privilégiées, mais fort peu les classes inférieures. Aux Etats-Unis, où le gouvernement s'appuie sur une base plus large, ne trouvons-nous pas les esclaves en dehors de ses prévisions?

Il est donc encore positif que les fonctions de la justice ne se sont point appartenues, et c'est au détriment du bien public..

On ne peut pas en dire de même des fonctions religieuses, du moins dans la plupart des théocraties. Là, au contraire, le prêtre, au lieu de se borner à produire le dogme, la morale et le culte du sentiment, au lieu de nous apprendre la pratique de la foi et de l'amour de Dieu et des hommes, tels qu'ils résultaient de la conception sociale, il s'est approprié le dépôt de cette conception et se posant comme le représentant de Dieu sur la terre, il en a voulu être l'interprète exclusif. Par là il a envahi le domaine de la science et a imposé à l'homme une foule de croyances mystiques qui ont fait obstacle aux vraies connaissances. D'un autre côté il s'est rendu maître à peu près de tout l'enseignement de la jeunesse. Enfin, pénétrant même dans les tribunaux, il a voulu coopérer à la juridiction civile et criminelle.

Il est inutile d'ajouter que dans les théocraties sacerdotales, telles que celles du Thibet et de l'Etat épiscopal chrétien romain, le prêtre ne s'était pas borné au rôle que nous indiquons, il avait absorbé ou subordonné toutes les fonctions, même celles de la force armée.

Nous devons reconnaître aussi que dans les théocraties exclusivement politiques et dans les autocraties, le prêtre n'a été qu'un fonctionnaire du gouvernement, quelquefois, il est vrai, redoutable, comme dans l'ancienne Grèce et à Rome, mais toujours son inférieur.

Dans les Etats-Unis, les fonctions religieuses sont libres comme la plupart des autres fonctions.

Les fonctions philosophiques, de leur côté, étaient complétement effacées dans les théocraties. Nous ferons une exception en faveur des Juifs, qui permettaient à certains d'entre eux, connus sous le nom de prophètes, de parler avec liberté sur ce qui se passait dans la société. On peut encore ajouter que les docteurs interprétaient la loi avec

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