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Positivisme. La morale estime les vertus qui nous aident à exercer les droits et les devoirs concernant tous les états civils de la société et réprouve les vices qui paralysent notre bon vouloir.

RÉFLEXIONS

SUR

LA MÉTHODE CATHOLIQUE, LA MÉTHODE DE DESCARTES ET
L'ANALYSE DE CONDILLAC.

Les réflexions qui suivent ont principalement en vue d'indiquer en particulier, aux Français, la différence qui existe entre la méthode positive et la méthode catholique ou ses modifications par Descartes et Condillac.

CHAPITRE Ier.

MÉTHODE CATHOLIQUE.

La méthode catholique présente un double caractère suivant l'interprétation qui a été donnée par les peuples à ces paroles exprimées dans l'Evangile : Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Mon royaume n'est pas de ce monde; ce que l'Eglise liera ou déliera sur la terre, sera lié ou délié dans le ciel.

Il n'est pas besoin, je suppose, de démontrer que les papes en général ont attribué à la citation dont il s'agit un sens plus étendu pour les prérogatives de l'Eglise que les souverains temporels; cela est évident pour tous ceux qui ont quelques notions de l'histoire.

Nous laisserons de côté les empereurs chrétiens d'Orient et les zars de Russie qui n'ont voulu accorder aux fonctions religieuses qu'une indépendance relative aux fonctions civiles autres que celle de la souveraineté qui est restée l'autorité suprême par elle-même. Le clergé chrétien d'Orient s'est contenté de la part qui lui avait été faite par les auto

crates. Quant à celui d'Occident, après s'être donné la suprême puissance dans l'état épiscopal, il est parvenu dans les autres nations catholiques à faire établir l'égalité entre les souverains civils et l'Eglise sous les noms de société temporelle et de société spirituelle et à s'attribuer l'administration exclusive de ses biens.

C'est de la méthode catholique interprétée soit par le pape exclusivement, soit simultanément par le pape et les souverains temporels, que nous entendons parler en premier lieu dans cet opuscule.

I. Méthode papale.

La méthode catholique suivant le pape a cet avantage, c'est qu'elle est simple et ne laisse rien en dehors de son action; cosmogonie, nature, physiologie, médecine, société lui appartiennent, mais elle n'est pas nouvelle puisqu'elle est une imitation de la méthode des théocraties absolues de l'antiquité.

On peut résumer ainsi la méthode et la science papale. Toute vérité vient de Dieu et est révélée par ses prophètes, notamment par son fils Jésus-Christ son Verbe. La Bible, l'Evangile et les autres Ecritures interprétées par l'Eglise, expriment les connaissances véritables. Or, l'Eglise professe qu'il n'y a qu'un seul Dieu, l'esprit universel, qui soit de toute éternité; l'espace, les substances, la composition et la décomposition de la matière des corps célestes sont l'œuvre de Dieu. Il a créé la nature de rien par sa seule parole. Tout se fait dans le monde universel par la volonté du Créateur; toute naissance, toute croissance, toute mort provient de lui; nul ne possède une faculté ou n'éprouve un besoin que par lui. Tout mal vient de Satan et ne peut être guéri que par Dieu ou par la grâce de Dieu, représentée par

Jésus-Christ uni à son Père par le Saint-Esprit. Le pape ou chef de l'Eglise est le mandataire suprême de la Trinité ou de Dieu sur la terre, il est infaillible. La société doit être organisée de manière à donner la plus grande puissance aut clergé chrétien romain. Les souverains temporels constituent la force armée de l'Eglise. Toute science et tout enseignement émaneront du clergé ou de ses délégués. A lui seul il appartient de donner une interprétation rationnelle à l'univers. Les récalcitrants seront punis plus ou moins rigoureusement, le clergé aura son tribunal suprême devant lequel tous seront justiciables.

Voilà en peu de mots la méthode catholique papale et la science qu'elle consacre. Tout le monde sait que si l'état épiscopal leur a donné une réalisation complète, il n'en a pas été tout à fait de même des autres nations catholiques. Ainsi, les luttes nombreuses qui ont existé entre l'empire et l'Eglise ne provenaient en général que des restrictions que le premier faisait à la méthode papale. Les rois de France, de leur côté, ont eu avec Romé des dissentiments qui n'avaient pas d'autre cause au fond que le désir d'opposer une limite aux prétentions du clergé ultramontain.

II. Méthode gallicane.

La méthode gallicane n'est pas aussi précise, nous devons l'avouer, que la méthode papale. Reconnaissons toutefois que les Français sont ceux qui ont le mieux posé la démarcation entre le pouvoir du clergé chrétien romain et le souverain civil, suivant les doctrines de l'Evangile. Rien cependant n'était plus difficile, grâce à la manière dont la question des deux pouvoirs avait été établie. Nous ne trouvons pas de problème plus obscur que la séparation de la société spiri – tuelle d'avec la société temporelle. En effet, est-ce que

l'Eglise ne s'occupait pas sans cesse de choses temporelles ; ses biens, son casuel, ses prérogatives concernant le culte, son tribunal redoutable, toutes ces institutions n'avaientelles pas un but essentiellement terrestre? Les souverains civils, à leur tour, en constituant la science et l'enseignement nationaux, ne devaient-ils pas porter leur attention en même temps, et sur les études qui concernent l'esprit, les facultés de l'âme, les abstractions de la logique, les mathématiques, et sur les études physiques et administratives. Nous le répétons, la question était tellement compliquée, que nous la considérons encore aujourd'hui insoluble, après une pratique de plusieurs siècles.

Il aurait été bien plus simple d'établir dans une société à la fois spirituelle et temporelle, comme le sont les vraies sociétés, une séparation bien nette par la science et la législation, entre les fonctions religieuses et les autres fonctions, tout en leur accordant leur spontanéité ou souveraineté propre, sauf recours devant les tribunaux ordinaires, en cas de contestation, que de se jeter dans une division d'attributs abstraits et insaisissables. Mais alors peut-être le clergé chrétien romain n'aurait pas cru avoir sa part suffisante, car effectivement le domaine des fonctions religieuses ne comprend pas la moitié de la société, ainsi qu'elle prétendait lui appartenir, non compris une immense influence sur l'autre moitié. Aussi, qu'est-ce qui est arrivé, ou qu'est-ce qui arrive tous les jours, c'est qu'on dépouille l'Eglise des priviléges excessifs qu'elle avait exigés dans une époque où elle était toute-puissante, et que souvent même on lui enlève une partie de son indépendance qui lui appartient légitimement.

Si l'ordre des fonctions religieuses se fût renfermé dans ses droits et qu'il eût tendu la main aux autres ordres fonctionnels pour les aider à obtenir ceux qui leur appartenaient,

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